Le champ pénal intégre désormais de plus en plus la dimension psychotraumatiques dans ses prises en charge, compte tenu de la base traumatique considérable de la population sous main de justice.
les « Trauma-Informed Practices » (Pratiques tenant compte des traumatismes) plaide en faveur d’une pratique et d’une réflexion tenant compte des traumatismes au cœur des services médico-légaux.
Il fournit un cadre théorique compatissant pour comprendre les liens entre les traumatismes et la délinquance. Il donne également des conseils pratiques sur la manière de travailler avec les problèmes qui sont particulièrement associés à des antécédents de traumatismes en milieu pénal et médico-légal, tels que l’automutilation et la toxicomanie, ainsi que sur la manière de travailler avec des groupes qui sont particulièrement vulnérables aux traumatismes.
Ce cadre théorique balaye également les aspects organisationnels de la fourniture de soins tenant compte des traumatismes, non seulement pour les usagers, mais aussi pour le personnel qui travaille dans des environnements médico-légaux difficiles et dangereux.
Trauma-informed-Care-et-Alliance-Therapeutique – AICS
Pratique prenant en compte les psychotraumatismes
Le traumatisme fait référence à l’expérience d’une menace réelle ou perçue sur la vie ou l’intégrité corporelle d’une personne ou d’un proche. Le traumatisme provoque un sentiment écrasant de terreur, d’horreur, d’impuissance et de peur. Le traumatisme « ponctuel » implique l’expérience d’un événement unique au cours duquel une personne a été menacée, tandis que le « traumatisme complexe » fait référence à un stress cumulatif, répétitif et généré par la personne elle-même (par exemple, des abus continus dans le contexte de relations familiales ou intimes).
Compte tenu de la nature de la population pénale, une grande partie d’entre eux auront probablement subi des traumatismes importants au cours de leur vie.
Les enfants issus de milieux négligents ou abusifs, ce qui est relativement courant parmi les populations délinquantes, éprouvent généralement des sentiments de dévalorisation, d’appréhension, de colère, de peur, d’isolement et de solitude. Ces sentiments peuvent entraîner des difficultés à établir et à maintenir des relations, à faire confiance aux autres ou à s’engager dans une affection significative et saine avec les autres.
Impacts du traumatisme :
- Symptômes émotionnels (anxiété, peur, cauchemars, tristesse, isolement, dévalorisation, impuissance, culpabilité, honte, colère, troubles du sommeil)
- Symptômes comportementaux et cognitifs (confusion, difficultés de concentration, retrait des autres, méfiance à l’égard des autres, perte d’intérêt pour les activités, évitement).
Les pratiques tenant compte des traumatismes font référence aux services qui sont conscients et sensibles à la dynamique des traumatismes. Malgré la prévalence des traumatismes dans notre société, de nombreuses personnes et organisations qui fournissent un soutien professionnel ne prennent pas en compte ou ne reconnaissent pas l’impact des traumatismes, et ne réagissent donc pas de manière sensible à l’expérience d’un individu.
Dans les établissements pénitentiaires en particulier, les individus peuvent souffrir de troubles de l’identité, de dysrégulation des affects, de difficultés relationnelles et ont souvent fait l’objet de plusieurs diagnostics antérieurs (par exemple, trouble de la personnalité limite, trouble intellectuel). L’intégration d’une approche des soins et de la facilitation tenant compte des traumatismes est donc très importante dans le contexte pénitentiaire. Une pratique tenant compte des traumatismes reconnaît l’importance des traumatismes pour l’individu et leur impact sur son bien-être émotionnel, psychologique et social. Si le traumatisme est négligé ou n’est pas traité avec sensibilité, il y a un risque de préjudice ou de retraumatisation pour l’individu et l’efficacité du traitement en cours s’en trouve réduite.
Objectifs d’une pratique tenant compte des traumatismes :
- Créer un sentiment de contrôle et de responsabilisation, permettant aux individus de commencer à guérir et à aller de l’avant par rapport à leur victimisation passée.
- Créer un environnement physiquement, émotionnellement et culturellement sûr pour toutes les personnes impliquées, en minimisant le potentiel de préjudice supplémentaire ou de retraumatisation.
- Aider les individus à développer des méthodes prosociales et saines pour gérer les émotions fortes.
Cinq principes clés de la pratique éclairée par les traumatismes :
- Sécurité – Les professionnels et les bénéficiaires se sentent physiquement et psychologiquement en sécurité.
- Confiance (et transparence)- Les sentiments de méfiance, en particulier à l’égard des figures d’autorité, sont fréquents. Le traitement doit donc être fondé sur la transparence et l’ouverture, dans le but d’instaurer la confiance et la sécurité.
- Choix – Le choix dans le traitement permet aux clients de reprendre le contrôle de leur vie. Bien que le choix soit limité pour les clients sous mandat judiciaire, les professionnels doivent être attentifs aux possibilités d’offrir un choix aux bénéficiaires, par exemple en ce qui concerne l’heure et le lieu des rendez-vous, les objectifs du traitement, les stratégies de traitement préférées, etc.
- Collaboration – Développer un partenariat avec les bénéficiaires pour comprendre leurs besoins, favoriser le respect, l’efficacité et la dignité. La collaboration fait également référence au service au niveau de l’organisation, où toutes les politiques et interactions avec les personnes doivent se faire dans un cadre tenant compte des traumatismes.
- Pouvoir d’agir-Autonomisation – Les personnes ayant subi un traumatisme peuvent se sentir impuissantes et désespérées dans leur situation actuelle. Permettre à la personne de jouer un rôle actif dans le traitement en s’appuyant sur ses propres forces peut favoriser la résilience, le rétablissement et la guérison.
Et ajoutons un 6e critère: (Enjeux culturels, historiques et liés au genre) : Ce sixième aspect est noté intelligemment par Janssen (2018), mais absent, quoique discuté, dans d’autres articles, dont celui de Levenson (2017). Il est indispensable de penser aussi aux traumas ou EME vécus par l’individu sur le plan culturel (p. ex.,
autochtones), historique (p. ex., violence intergénérationnelle) ou « genral » (p. ex., être intimidé et mégenré
pendant plusieurs années).
Aborder les traumatismes révélés au cours du traitement :
- Prendre en compte et valider les sentiments et les expériences des personnes
- Reconnaître directement le traumatisme de la personne et y répondre avec empathie.
- Éviter de demander trop de détails sur le traumatisme (évoquer des sentiments forts dans un contexte inapproprié peut conduire à une nouvelle traumatisation).
- Respecter les révélations des persones (éviter de minimiser l’importance des expériences des individus)
- Encourager l’auto-efficacité et donner aux personnes les moyens de contrôler leur vie actuelle.
- Encourager une vision optimiste et pleine d’espoir de l’avenir.
- Être conscient que les expériences antérieures d’une personne peuvent influencer sa volonté de s’engager dans un traitement ou une alliance thérapeutique.
- Aider la personne à replacer ses problèmes dans le contexte de sa victimisation passée.
Comment développer une relation thérapeutique bénéfique :
- Aborder toutes les relations thérapeutiques en tenant compte des traumatismes (que la personne se présente ou non comme ayant vécu un traumatisme).
- Donner la priorité à l’engagement et à l’établissement de rapports dès le début du traitement (les personnes peuvent essayer de recréer une dynamique relationnelle problématique à laquelle ils sont habitués).
- Créez un environnement thérapeutique sûr pour la personne et pour vous-même.
- Faire preuve de transparence, d’authenticité, de cohérence et de fiabilité
- Veillez à rester dans votre rôle et à maintenir des limites (le sentiment d’urgence d’un individu peut conduire les cliniciens à agir d’une manière qui dépasse leur rôle).
- Travaillez sur les ruptures de la relation (par exemple, lorsque les personnes tentent de saboter la relation d’aide).
- Favoriser un environnement calme dans lequel la personne peut éviter le stress et accéder à un fonctionnement d’ordre supérieur (par exemple, utiliser des techniques d’ancrage et de pleine conscience, encourager l’exercice physique).
- Essayez de prévoir les périodes de déstabilisation et planifiez en conséquence (cela peut aider les personnes à se sentir contenus).
- Soyez conscient de la manière dont l’environnement de prise en charge peut affecter les personnes (par exemple,elles peuvent être sensibles aux aspects sensoriels de la pièce tels que le niveau de bruit, la capacité à voir les autres ou à ce que les autres les voient).
- Prendre soin de soi régulièrement (si vous ne pouvez pas vous contrôler, vous ne pouvez pas aider les personnes à se contrôler).
- Accéder régulièrement à la supervision
- Veiller à ce que le traitement soit sûr sur le plan culturel (comprendre tous les facteurs susceptibles d’influencer les besoins/la présentation de la personne).
Le site autralien « blue knot » oeuvre à diffuser les « trauma informed principles » de façon simple et synthétique
La fiche d’information « Appliquer les principes de l’information sur les traumatismes aux conversations sur les traumatismes » a été conçue pour aider les amis et les membres de la famille à mieux soutenir les survivants dans leur vie. Elle présente les principes de l’information sur les traumatismes : la sécurité, la fiabilité, le choix, la collaboration et l’autonomisation. Ces principes constituent un bon cadre pour soutenir des relations de guérison saines. Elle montre l’importance de l’espoir et de l’optimisme dans la guérison, ainsi que l’importance de prendre soin de soi pour tous. Cette fiche d’information fait partie d’une série de ressources destinées à soutenir les personnes qui soutiennent les survivants.
Communauté professionnelle
En construisant une communauté professionnelle informée des traumatismes, qui comprend la nature des traumatismes, leurs impacts et les possibilités de rétablissement, non seulement nous soutenons et responsabilisons ceux qui travaillent avec des personnes ayant vécu des traumatismes, mais nous apprenons également à rester en bonne santé et à créer de la sécurité dans nos organisations.Fiches d’information
La Blue Knot Foundation a élaboré plusieurs séries de fiches d’information. Celles-ci répondent aux besoins des différents groupes touchés par les traumatismes complexes, y compris les traumatismes et les abus subis pendant l’enfance. Il s’agit notamment des personnes qui en ont fait l’expérience et de celles qui les soutiennent sur le plan personnel et professionnel.
Leur plaquette traduite reprenant l’essentiel des grands principes à aplliquer dans la conversation avec une personne ayant des sequelles post-traumatiques:
principes d’intervention prenant en compte les traumatismes__