Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
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Le modèle de relapse prevention (prévention de la rechute), originellement développé dans le champ des conduites addictives (Marlatt & Gordon), a été adapté dès les années 1980 pour comprendre et traiter la récidive chez les agresseurs sexuels.

Dans les années 1980, la prise en charge des délinquants sexuels était encore largement dominée par des approches psychanalytiques ou purement punitives. L’arrivée du Relapse Prevention Model (RPM) adapté par William D. Pithers (et Janice Marques) a constitué une révolution cognitivo-comportementale. Inspiré du modèle de rechute addictologique, le RPM postule que l’offense sexuelle suit un processus séquentiel relativement stéréotypé :

  1. Situation à haut risque → 2 Désir déviant → 3 Décisions apparemment sans importance → 4 Situation à haut risque → 5 Absence ou échec de coping → 6 Ecart→ 7 Effet de violation de l’abstinence + Problem of Immediate Gratification → 8 Rechute complète.

L’intervention consiste à cartographier le cycle personnel de chaque délinquant, à enseigner des compétences d’adaptation (assertivité, gestion émotionnelle, résolution de problèmes), à anticiper les situations à haut risque et à mettre en place un contrat de maintien des comportements exempts de crimes, avec supervision externe (agents de probation formés). Les programmes pionniers du Vermont (Pithers) et de la Californie (Marques et al.) ont démontré des réductions de récidive prometteuses, quoique modestes (Marques et al., 2005).

Le cœur du modèle de Pithers : mécanismes et objectifs

Pithers (et collaborateurs) conçoivent la récidive sexuelle comme un processus dynamique — comparable, sur certains points, au « cheminement » de la rechute dans les addictions — où se combinent facteurs cognitifs, affectifs, situationnels et comportementaux. Les éléments centraux sont, schématiquement :

  • l’identification des situations à haut risque (p. ex. isolement, accès à des victimes, intoxication) ;
  • la mise en évidence des déclencheurs internes (fantasmes déviants, émotions négatives, impulsivité) ;
  • l’analyse de l’« Abstinence Violation Effect » (AVE) — rupture perçue comme temporaire ou définitive pouvant mener à une désinhibition complète ;
  • le développement de stratégies de coping et d’auto-contrôle : plans d’évitement, techniques de dispersion cognitive, renforcement des compétences sociales et d’empathie, et élaboration de contrats de surveillance et de supervision externe.

L’objectif clinique est double : (1) réduire la probabilité d’exposition aux situations à risque, (2) accroître les ressources internes et externes permettant de gérer les situations critiques sans passage à l’acte (plans écrits, surveillance, ressources sociales). Pithers insiste par ailleurs sur la nécessité d’une supervision externe (contrats, surveillance professionnelle) pour maintenir le gain thérapeutique.

Prolongements contemporains

Des études empiriques (notamment Hanson & Morton-Bourgon, 2005) ont révélé une efficacité modérée du RPM seul ; le modèle sous-estimait la diversité motivationnelle des agresseurs (certains désirent activement agresser) et reposait trop sur une analogie addictionnelle contestée.

Modèle d’auto-régulation (Self-Regulation Model of the Offense Process, SRM) de Ward et Hudson

Ward et Hudson (1998, 2000) ont proposé neuf phases offensantes et quatre voies distinctes :

Voie But principal Stratégie de régulation État émotionnel typique Exemple de population
Avoidant-Passive Éviter l’agression Sous-régulation (passivité) Affect négatif Nombreux pédophiles extra-familiaux
Avoidant-Active Éviter l’agression Sur-régulation (stratégies inadéquates) Anxiété élevée Certains agresseurs avec TOCS
Approach-Automatic Atteindre l’agression Sous-régulation (impulsivité) Affect positif ou neutre Agresseurs opportunistes
Approach-Explicit Atteindre l’agression Régulation adéquate mais buts déviants Affect positif marqué Agresseurs sadiques ou calculateurs

Ce modèle est aujourd’hui la référence théorique dominante dans la majorité des programmes modernes.

Jean Proulx et son équipe (Université de Montréal – Institut Philippe-Pinel) ont fourni une validation empirique massive du SRM à travers des études comparatives sur des centaines d’agresseurs incarcérés. Parmi les résultats clés :

  • Les violeurs de femmes suivent plus souvent la voie Approach-Explicit (planification, affect positif) ;
  • Les pédophiles extra-familiaux privilégient la voie Avoidant-Passive (passivité, affect négatif chronique) ;
  • Les agresseurs incestueux présentent un mélange Avoidant-Passive et Approach-Automatic ;
  • Les homicideurs sexuels sadiques sont majoritairement Approach-Explicit avec régulation efficace mais déviants.

Ces travaux (Proulx et al., 2008, 2014 ; Beauregard & Proulx) ont montré que la correspondance entre voie et intervention réduit significativement la récidive.

Jean Proulx: vers une intégration plus dynamique

Les travaux contemporains ont cherché à relier le cadre de prévention de la rechute à des modèles plus dynamiques et criminologiques du passage à l’acte. Jean Proulx a largement contribué à cette mise en perspective : il a notamment réexaminé le modèle de Pithers, proposé des articulations avec l’étude des modus operandi et des trajectoires d’agression, et travaillé sur la manière dont l’évaluation du risque  peut guider des interventions de prévention de la récidive. Proulx a aussi co-édité et participé à des ouvrages synthétiques qui mettent en regard evidence-based practices, modèles de l’offense chain et implications thérapeutiques.

Concrètement, les prolongements proulxiens (et plus largement nord-américains/québécois) vont dans plusieurs directions :

  • Combiner RP et modèles de pathways / offense chains : description fine des enchaînements cognitifs, affectifs et situationnels conduisant au passage à l’acte (permettre des interventions ciblées à chaque maillon).
  • Adapter la prévention de la rechute à la typologie de l’auteur : stratégies différentes selon qu’il s’agit d’un voyeur, d’un agresseur opportuniste, ou d’un auteur à composante sadique.
  • Intégrer l’évaluation du risque dynamique (surveillance en temps réel, indicateurs de tension/activation) pour orienter les mesures de gestion (ex. supervision, limitations d’accès).
  • Prendre en compte les effets sur les thérapeutes et les équipes (burnout, réactions face à la récidive en cours de traitement) — un thème récemment étudié par Proulx et collègues.

Où en est la recherche aujourd’hui ?

La littérature récente conserve la place centrale des interventions CBT intégrant des éléments de prévention de la rechute, mais elle met l’accent sur : (a) l’importance d’une méthode multimodale (évaluation structurée du risque + prise en charge cognitive/behaviorale + supervision externe), (b) la nécessité d’adapter les techniques aux profils criminologiques, et (c) l’évaluation rigoureuse (essais contrôlés, méta-analyses) des effets sur la récidive à long terme. Des revues et méta-analyses récentes insistent sur des gains modestes mais significatifs pour certains programmes structurés de CBT / RP, tout en rappelant la variabilité selon contexte et qualité de mise en œuvre.

Modèles

Critère Modèle de Pithers (RPM classique) Modèle d’auto-régulation (Ward & Hudson SRM) Good Lives Model (GLM) intégré
But principal Abstinence totale Auto-régulation (éviter ou acquérir l’offense) Construction d’une vie prosociale satisfaisante
Nombre de voies Une voie principale (évitement) Quatre voies distinctes Compatible avec les 4 voies du SRM
Rôle de l’affect Toujours négatif Positif ou négatif selon la voie Utilisation positive des émotions pour atteindre les biens primaires
Stratégie thérapeutique Identification des risques + coping + supervision Adaptation du traitement à la voie identifiée Plan de bonne vie + gestion des risques
Efficacité empirique Modérée (méta-analyses Hanson) Supérieure lorsqu’individualisée (Olver et al., 2020) Prometteuse (net gains en motivation et rétention)

Utilité et limites pour la pratique clinique et pénale

Le modèle de Pithers a eu un rôle heuristique important : il a permis de transférer une logique de prévention de la rechute vers le traitement des agresseurs sexuels et d’outiller cliniquement la gestion des situations à risque. Les apports contemporains (notamment ceux de Jean Proulx) enrichissent cette approche en la reliant à des analyses de pathways, à des typologies opérationnelles et à l’évaluation dynamique du risque. En pratique, l’efficacité réelle dépend fortement : (i) d’une évaluation fine du patient ; (ii) d’une intégration cohérente avec des dispositifs de surveillance et de réinsertion ; (iii) d’une adaptation aux différences typologiques et contextuelles

L’ADN, “un phare qui éclaire tous les membres de votre famille”

C’est vers le début des années 2000 que naissent les entreprises de généalogie génétique, MyHeritage, 23&Me ou encore GEDMatch. Elles promettent dans leurs publicités “d’explorer votre arbre généalogique”“d’en savoir plus sur vos ancêtres” ou “d’identifier votre origine ethnique”. Pour cela, il faut envoyer leur envoyer votre ADN.

Ces tests ADN dits “récréatifs” indiquent par exemple, de manière plus ou moins fiable, si vous êtes à 10% Chinois ou à 20% Espagnol. Par comparaison avec les autres ADN présents dans leurs bases, ces entreprises peuvent aussi vous mettre en lien avec de la famille proche ou très éloignée. “À ce stade, près de 50 millions de personnes, surtout aux États-Unis, ont réalisé ce type de tests”, analyse le généticien Yaniv Erlich, ancien directeur scientifique de MyHeritage. Dans une étude publiée dès 2018 dans la revue Science, il a montré comment les bases de données collectées par ces entreprises pouvaient permettre d’identifier une grande partie de la population américaine. “Si vous êtes dans ma base de données, vous êtes un peu comme un phare qui éclaire tous les membres de votre famille”, explique l’ancien professeur associé de l’université de Columbia, à New-York. Puisque nous partageons une partie de notre ADN avec nos frères, nos sœurs et même nos cousins très éloignés, nous pouvons permettre, en faisant un test, de les identifier. “Est-ce que vous connaissez vos cousins au quatrième degré ? Moi je n’en connais aucun ! Mais ils sont toujours là, dans mon ADN. Je peux encore les détecter”. Selon le professeur Erlich, il suffit en fait de posséder l’ADN de 1% d’une population totale d’un pays pour pouvoir tracer tout le monde. “Aux États-Unis, il y a eu suffisamment de tests désormais pour pouvoir retrouver presque toute la population”.

Des résultats spectaculaires aux États-Unis

La police américaine identifie rapidement le potentiel de la généalogie génétique pour résoudre des enquêtes et en 2018, pour la première fois, un “cold case” est résolu. “Pendant plus de 40 ans, d’innombrables victimes ont attendu que justice soit faite, déclare solennellement Anne-Marie Schubert, procureure de Sacramento, lors d’une conférence de presse en Californie, en avril 2018. “À Sacramento, en 1976, c’était le temps de l’innocence. Personne ne fermait sa porte à clef. Les parents laissaient leurs enfants jouer dehors. Tout a changé”. Pendant près de 10 ans dit-elle, “12 meurtres et 50 viols” sont commis en Californie par un homme surnommé le “Golden State Killer”, le tueur de l’Etat d’or [le surnom de la Californie]. Ce jour-là, Anne-Marie Schubert pose un nom sur ces crimes : Joseph James DeAngelo. Il a été confondu par son ADN ou plutôt… par l’ADN de membres de sa famille. “Nous avons utilisé un échantillon d’ADN prélevé sur une scène de crime en toute légalité, raconte le policier Paul Holes qui travaillait depuis longtemps sur ce dossier. “Je l’ai téléchargé sur le site de l’entreprise GEDmatch. Il n’y avait rien qui indiquait que c’était une pratique qui pouvait leur poser problème”. À aucun moment, Paul Holes ne prévient GEDmatch de ce qu’il est en train de tenter. Il se fait passer pour un utilisateur classique. « GEDmatch n’avait pas imaginé que les forces de l’ordre pourraient utiliser leur site. J’ai fait finalement ce que le grand public peut faire… et ça a marché”, constate le policier.

Des “témoins génétiques”

En partant des membres de sa famille, les enquêteurs finissent, après de longues investigations, par remonter jusqu’à Joseph James DeAngelo. Passé l’effet de surprise, et devant l’inquiétude de ses utilisateurs, GEDmatch propose dès 2019 à ses utilisateurs de choisir clairement. Êtes-vous d’accord, oui ou non, pour que la police se serve de vos données dans le cadre d’enquêtes sur des crimes violents ? “Nous avons constaté que nos utilisateurs sont très favorables à cette idée, assure Tom Osypian, directeur associé chez GEDmatch. L’année dernière, près de 80 % des nouvelles personnes qui ont téléchargé leur ADN ont choisi d’être ce que nous appelons des “témoins génétiques ».

Certaines plateformes collaborent ouvertement avec la police. D’autres se montrent plus réticentes. Mais la machine est lancée et cette technique d’enquête se répand largement aux États-Unis. “C’est un outil extraordinaire. On a eu depuis des tonnes de succès, s’enthousiasme l’ancienne procureure de Sacramento, Anne-Marie Schubert interrogée par la cellule investigation de Radio France. Presque tous les cas qu’on avait sur notre liste ont été résolus, parfois à une vitesse incroyable. Si on arrive à convaincre les gens de mettre leur ADN sur ces sites, la généalogie génétique a la capacité de résoudre 90% des crimes violents, quand vous avez de l’ADN !”Une étude canadienne, menée entre 2018 et 2024, a listé plus de 650 affaires résolues avec cette technique en seulement six ans.

Quand la criminologie rencontre la psychiatrie légale

Dans le domaine de la psychiatrie judiciaire, l’une des décisions les plus complexes et éthiquement chargées concerne la libération de patients détenus en hôpital de sécurité. Comment déterminer objectivement si un patient trouvé non-coupable pour raison de démence ou inapte à subir son procès est prêt à rejoindre la communauté ? C’est précisément dans ce contexte que l’outil DUNDRUM-3  (DANGEROUSNESS UNDERSTANDING, RECOVERY and URGENCY MANUAL (THE DUNDRUM QUARTET) (2013) Four Structured Professional Judgement Instruments for Admission Triage, Urgency, Treatment Completion and Recovery Assessments) a été développé à l’Hôpital Central Mental de Dundrum en Irlande

Le DUNDRUM-3 ne mesure pas directement le risque de violence comme le fait l’HCR-20, mais évalue quelque chose de tout aussi crucial : la complétion des programmes thérapeutiques et la réadaptation du patient. Cette approche structure le jugement professionnel pour rendre les décisions de libération plus transparentes, reproductibles et justes.

L’esprit du DUNDRUM Toolkit

DUNDRUM est une suite d’outils complémentaires développés à Dundrum:

  • DUNDRUM-1 & 2 : Évaluent le besoin de sécurité thérapeutique à l’admission
  • DUNDRUM-3 : Programme Completion – évalue l’achèvement des traitements
  • DUNDRUM-4 : Recovery – mesure la récupération globale
  • DUNDRUM-5 : Auto-évaluation par le patient (en développement)
Cette suite reflète une philosophie : les décisions en psychiatrie judiciaire ne reposent pas uniquement sur le risque, mais sur un équilibre complexe entre sécurité, droits du patient, et progrès thérapeutique.
Population cible : Patients en milieu médicolégal, détenus sous autorité légale, patients spéciaux, patients en réadaptation psychiatrique sécurisée.

FORMATION REQUISE

  • Durée : 2,5 heures initiales
  • Contenu : Manuel, études de cas, cotation conjointe de vignettes
  • Rafraîchissement : Tous les 6 mois recommandé
  • Professionnels concernés : Psychiatres, infirmiers, psychologues, travailleurs sociaux, ergothérapeutes

dangerousness-understanding-recovery-and-urgency-manual (ENG)

Boîte à outils Dundrum (FR)

Description des Items :

ÉCHELLE 1: DUNDRUM-1 –TRIAGE SECURITY

Code Item Description
TS1 Violence grave (Serious violence) Histoire de violence grave ou potentiel de violence sévère nécessitant environnement sécurisé
TS2 Automutilation grave (Serious self-harm) Risque élevé d’automutilation ou de suicide nécessitant surveillance intensive
TS3 Imminence de la violence (Immediacy of violence) Proximité temporelle du risque de violence
TS4 Imminence de l’automutilation (Immediacy of self-harm) Proximité temporelle du risque d’automutilation
TS5 Besoins spécifiques médicolégaux (Special forensic need) Besoins particuliers liés au contexte médicolégal (expertise, évaluation)
TS6 Risque de fugue/évasion (Absconding) Potentiel de quitter l’établissement sans autorisation
TS7 Prévention de l’accès (Preventing access) Nécessité de contrôler l’accès au patient pour sa sécurité et celle des autres
TS8 Enjeux liés aux victimes (Victim issues) Sensibilité des victimes, enjeux de confiance publique
TS9 Risque de violence général (Risk of violence) Évaluation globale du risque de violence
TS10 Comportement institutionnel (Institutional behaviour) Comportement dans l’environnement institutionnel
Score total : 0-44
Interprétation : Plus le score est élevé, plus le besoin de sécurité thérapeutique est important.

ÉCHELLE 2 : DUNDRUM-2 – TRIAGE URGENCY ITEMS

6 items – Évaluation de l’urgence d’admission
Échelle dynamique sensible aux changements, utilisée pour prioriser les patients sur liste d’attente. Chaque item est coté de 0 à 4 :
  • 4 : Admission immédiate requise
  • 0 : Aucun besoin actuel d’admission
Code Item Description
TU1 Situation actuelle (Location) Évalue l’urgence selon le lieu actuel :
– Prison (détenus en attente de jugement)
– Prison (condamnés)
– Hôpital moins sécurisé
– Communauté
– Autre
TU2 Santé mentale (Mental health) Détresse psychiatrique actuelle, symptômes, besoin de traitement intensif
TU3 Prévention du suicide/automutilation (Suicide prevention) Risque immédiat de suicide ou d’automutilation nécessitant intervention urgente
TU4 Considérations humanitaires/droits humains (Humanitarian) Respect de la dignité, conditions de détention, obligations humanitaires
TU5 Facteurs systémiques (Systemic issues) Pressions du système, disponibilité de lits, attentes organisationnelles
TU6 Urgence légale (Legal urgency) Délais légaux, obligations judiciaires, statut légal
Score total : 0-24
Interprétation : Score ≥ 15 indique urgence élevée. Score moyen chez les patients admis : 15,9 (SD 4,7).

ÉCHELLE 3 : DUNDRUM-3 – PROGRAMME COMPLETION ITEMS

7 items principaux (+ 1 item culturel non coté) – Évaluation de la progression thérapeutique
Les « 7 piliers des soins et du traitement » (7 Pillars of Care and Treatment). Chaque item est coté de 0 à 4 :
  • 4 : Pas prêt pour un transfert vers un niveau de sécurité inférieure
  • 3 : Peut-être prêt pour un transfert
  • 2 : Prêt pour un niveau de sécurité faible
  • 1 : Prêt pour un placement communautaire
  • 0 : Prêt pour une sortie absolue
Code Item Description
P1 Santé physique (Physical Health) État de santé général, soins médicaux, suivi physique
P2 Santé mentale (Mental Health) Maîtrise des symptômes psychiatriques, stabilité émotionnelle
P3 Toxicomanie et alcool (Drugs and Alcohol Recovery) Abstinence, gestion des addictions, programme de désintoxication
P4 Comportements problématiques (Problem Behaviours) Comportements liés aux infractions, gestion de la colère, contrôle des impulsions
P5 Autonomie et activités de la vie quotidienne (Self Care and ADL) Capacités d’auto-soins, hygiène, gestion du budget, cuisine, etc.
P6 Éducation, occupation et créativité (Education, Occupation, Creativity) Engagement dans l’éducation, activités professionnelles, occupations structurées
P7 Famille et relations intimes (Family and Intimate Relationships) Relations familiales, compétences sociales, soutien social
P8 Culture (Cultural) Item non coté mais considéré comme intégral au rétablissement de nombreux patients
Score total : 0-28 (pour les 7 items cotés)
Objectif : Plan de rétablissement complet (Health Care Recovery Plan – HCRP) développé dans les 6 semaines suivant l’admission, puis mis à jour tous les 6 mois.

ÉCHELLE 4 : DUNDRUM-4 – RECOVERY ITEMS

7 items – Évaluation du rétablissement
Mesure les progrès vers le rétablissement clinique et personnel. Chaque item est coté de 0 à 4 avec la même échelle de référence que DUNDRUM-3.
Code Item Description
R1 Stabilité (Stability) Stabilité symptomatologique, adhésion au traitement, gestion des crises
R2 Insight (Insight) Conscience de la maladie, compréhension des problèmes, acceptation
R3 Alliance thérapeutique (Therapeutic rapport) Relation avec l’équipe soignante, capacité à travailler en collaboration
R4 Permissions de sortie (Leave) Niveau de permissions accordées (non accompagné, accompagné, aucune)
R5 Risques dynamiques (Dynamic Risk Items) Facteurs de risque dynamiques évalués via HCR-20 (hostilité, gestion des problèmes, etc.)
R6 Sensibilité aux victimes (Victim Sensitivity Items) Prise de conscience de l’impact sur les victimes, responsabilisation
R7 Espoir (Hope) Sentiment d’espoir pour l’avenir, motivation pour le changement
Score total : 0-28
Validation : Excellentes propriétés psychométriques. Prédit les transferts entre niveaux de sécurité et les sorties conditionnelles (AUC = 0,844-0,961).

UTILISATION CLINIQUE

Gradation des scores : Une échelle de progression

L’interprétation des scores est pragmatique et liée à l’action :
  • Principalement des 4 : Le patient n’est pas prêt pour un transfert vers moins de sécurité
  • Principalement des 3 : Prêt pour un transfert de haute à moyenne sécurité
  • Principalement des 2 : Prêt pour un transfert de moyenne à basse sécurité
  • Principalement des 1 : Prêt pour un placement en milieu ouvert
  • Principalement des 0 : Prêt pour une libération absolue
Cette échelle permet aux cliniciens de visualiser la trajectoire de réadaptation et de communiquer clairement où se situe le patient dans son parcours.

Validation scientifique : Des propriétés psychométriques solides

DUNDRUM-1 Triage Security Items

Une étude prospective de 56 patients éligibles à la libération a démontré les performances du DUNDRUM-3:

  • Aire sous la courbe (AUC) de 0,902 pour prédire les libérations (p < 0,001)
  • Cohérence interne élevée (alpha de Cronbach de 0,87 dans une autre étude)
  • Fiabilité inter-juges satisfaisante quand utilisé par des psychiatres formés
HCR-20 vs Dundrum: L’achèvement du programme thérapeutique est un meilleur prédicteur de la décision de libération que le risque de violence lui-même.

Au-delà du risque : Une approche holistique

Le DUNDRUM-3 capture des dimensions absentes des outils d’évaluation du risque traditionnels:
  • Théorie de la motivation : L’engagement du patient dans son traitement
  • Cycle du changement : Où se situe-t-il dans les stades de précontemplation à l’action ?
  • Alliance thérapeutique : La qualité de la relation patient-soignant
  • Rétablissement : La progression vers l’autonomie
Ces éléments sont essentiels car les il ne s’agit pas d’évaluer uniquement le risque – mais d’apprécier également la capacité du patient à gérer ce risque en milieu communautaire.

Application pratique : De la théorie à la décision

Le DUNDRUM-3 se distingue des outils actuariels par son fonctionnement :
  1. Jugement professionnel structuré : Ce n’est pas un simple score qui décide, mais un cadre guidant la réflexion clinique
  2. Transparence : Chaque item est défini opérationnellement, rendant les décisions explicables
  3. Communication : Fournit un langage commun entre cliniciens, avocats et juges
  4. Reproductibilité : Des cliniciens différents arrivent à des évaluations similaires quand formés
Dans l’étude irlandaise, les patients libérés avaient des scores significativement meilleurs sur TOUS les items du DUNDRUM-3, démontrant que chaque domaine contribue à la décision finale.

Implications pour la pratique criminologique

Pour les criminologues et praticiens, le DUNDRUM-3 offre plusieurs leçons :
  1.  La libération n’est pas juste l’absence de risque: C’est la présence de capacités de gestion du risque. Un patient peut présenter un risque modéré mais des capacités de réadaptation élevées, rendant la libération justifiée.
  2.  La transparence judiciaire: Les décisions basées sur un jugement clinique non structuré sont difficiles à reviewer. Le DUNDRUM-3 crée une trail documentaire expliquant pourquoi une libération est ou non recommandée.
  3.  L’équité procédurale: En standardisant l’évaluation, l’outil réduit les biais implicites et assure que tous les patients sont évalués sur les mêmes critères pertinents.
  4.  La recherche évaluative: L’outil permet de mesurer les résultats non seulement en termes de récidive, mais de parité avec les décisions de libération, ouvrant la voie à l’audit clinique.
Le DUNDRUM-3 représente une avancée majeure en psychiatrie judiciaire : il structure l’intuition clinique sans la remplacer, il quantifie le progrès sans ignorer la complexité humaine, et il guide la justice sans déshumaniser le patient.
Pour les criminologues, il illustre un principe fondamental : l’évaluation de la dangerosité ne suffit pas. La justice pénale moderne exige des outils qui capturent la capacité de réinsertion, la motivation pour le changement, et la maturation thérapeutique. Le DUNDRUM-3 offre précisément ce cadre manquant.
Dans un monde où la transparence et la responsabilité sont de plus en plus exigées des tribunaux et des cliniciens, ce type d’outil n’est pas seulement utile – il est essentiel pour concilier sécurité publique, droits des victimes, et dignité du patient dans les décisions les plus difficiles du système de santé mentale judiciaire.
Références:
Le plan de sécurité proposé par le site Déclic Violence traduit les connaissances sur les comportements violents en mesures concrètes de protection.

Le Plan de Sécurité : Une Réponse Psychocriminologique Structurée

1. La Capacité d’Anticipation : Premier Bouclier Cognitif

Mémoriser les numéros d’urgence et identifier des lieux sûrs ne relève pas d’une simple précaution. Cela active un processus crucial : le passage de la victimisation passive à l’agentivité. Lorsqu’une personne en danger internalise ces informations, elle développe une capacité de réponse conditionnée qui peut faire la différence en situation de crise.

2. Le Réseau de Secours : Contourner l’isolement Facteur de Risque

L’isolement social est un facteur aggravant majeur dans les situations de violence conjugale. Le plan insiste sur l’importance d’identifier des proches et d’établir un code secret. Cette stratégie fait écho aux travaux sur les réseaux de contrôle social : maintenir des liens externes constitue un frein au pouvoir de coercition du conjoint violent.

3. La Protection des Enfants : Prévenir la Violence Générationnelle

En apprenant aux enfants les numéros d’urgence et les lieux de rendez-vous, on ne les protège pas seulement du danger immédiat. On agit sur un mécanisme psychocriminologique fondamental : la transmission intergénérationnelle des comportements violents. Les enfants exposés à la violence ont un risque plus élevé de reproduire ces schémas à l’âge adulte. Les outils de sécurité leur offrent une modélisation alternative.

4. L’Autonomie Économique : Briser les Chaînes Invisibles

La dépendance financière est l’un des principaux facteurs de maintien dans la violence. Le plan préconise d’ouvrir un compte séparé et de vérifier les fonds communs. Cette dimension reconnaît une réalité psychocriminologique : le contrôle économique est un outil de coercition aussi puissant que la violence physique.

5. Les Documents Clés : Anticiper la Fuite et la Preuve

Rassembler papiers d’identité, preuves de violence et documents administratifs relève d’une logique évidente pour une fuite, mais aussi d’une démarche psychocriminologique. La justice pénale repose sur la preuve matérielle. Certificats médicaux, attestations de dépôt de plainte, photos constituent les éléments de preuve essentiels pour briser le cycle d’impunité.

Les Profils de Conjoints Violents : Ce que la Psychocriminologie Nous Apprend

Le plan de sécurité s’inscrit dans une compréhension de profils spécifiques :
  • Le contrôlant-impulsif : Recourt à la violence pour maintenir un pouvoir total. Le code secret avec les voisins est particulièrement efficace contre ce profil.
  • Le persecuteur obsessionnel : Peut poursuivre l’ex-conjointe après la séparation. La documentation et la préparation juridique sont essentielles.
  • Le manipulateur dépendant : Utilise la menace suicidaire ou les enfants comme levier. L’autonomie économique et le réseau de soutien constituent des remparts.

Pourquoi la Prévention Primaire Est Essentielle

D’un point de vue psychocriminologique, la violence conjugale n’est pas une crise ponctuelle mais un processus évolutif. Les statistiques sont éloquentes : le moment de la rupture représente le pic de dangerosité. Le plan de sécurité n’est donc pas une mesure d’urgence, mais une stratégie de désescalade continue.

De la Théorie à la Pratique, Sauver des Vies

Le plan de sécurité de Déclic Violence démontre que la criminologie n’a rien d’abstrait. Elle se traduit par des gestes concrets, répétés, anticipés. Chaque point de ce plan correspond à une faille identifiée dans les mécanismes de contrôle des conjoints violents.
Pour aller plus loin : Si vous vous reconnaissez dans cette situation, n’attendez pas. Contactez le 3919 (Violences Femmes Info) ou le 17 en urgence. La prévention commence par la reconnaissance du danger.
En criminologie, le phénomène connu sous le nom de « cycle victime-auteur » ou « victim-offender cycle » suscite un intérêt particulier, surtout dans le contexte des abus sexuels sur enfants (CSA pour Childhood Sexual Abuse). Ce concept suggère que certaines personnes victimisées sexuellement pendant l’enfance pourraient, plus tard, devenir elles-mêmes auteurs d’infractions sexuelles. Cependant, il est crucial de noter que ce cycle n’est pas inévitable et que la majorité des victimes ne deviennent pas auteurs. Les recherches soulignent l‘importance de facteurs protecteurs et d’interventions précoces pour briser ce lien.

Prévalence de l’Abus Sexuel Infantile chez les Auteurs d’Infractions Sexuelles

Les études rétrospectives basées sur des auto-déclarations montrent que jusqu’à 75 % des auteurs d’infractions sexuelles sur enfants rapportent un historique d’abus sexuel pendant leur enfance. Une revue de 18 études a révélé que 33 % des auteurs rapportaient un tel historique, un taux plus élevé que les 10-20 % observés dans la population générale masculine. Chez les femmes auteurs, une petite étude australienne sur 12 cas indiquait que 75 % avaient subi un CSA.

Cependant, une méta-analyse de Jespersen, Lalumière et Seto (2009) a examiné les historiques d’abus sexuels auto-déclarés et conclu que la plupart des études ne montraient pas de différence significative entre les auteurs sexuels et les non-sexuels en termes d’historique d’abus. Cela suggère que bien que le CSA soit plus fréquent chez les auteurs, il n’est pas un prédicteur unique.

« L’hypothèse de la relation « victime d’abus sexuel – auteur d’abus sexuel » postule qu’il existe un lien spécifique entre les antécédents d’abus sexuel et la délinquance sexuelle, de sorte que les personnes ayant subi des abus sexuels sont significativement plus susceptibles de commettre ultérieurement des infractions sexuelles. Par conséquent, les échantillons de délinquants sexuels adultes devraient contenir un nombre disproportionné de personnes ayant subi des abus sexuels, mais pas nécessairement d’autres types de maltraitance, par rapport aux échantillons d’autres types de délinquants. Nous avons comparé les taux d’abus sexuels et d’autres formes de maltraitance rapportés dans 17 études, portant sur 1 037 délinquants sexuels et 1 762 délinquants non sexuels. Nous avons également examiné la prévalence des différentes formes de maltraitance dans 15 études comparant les délinquants sexuels adultes ayant agressé des adultes (n=962) et des enfants (n=1 334), afin de déterminer si l’association « victime d’abus sexuel – auteur d’abus sexuel » est encore plus spécifique aux individus qui agressent sexuellement des enfants.

Nous avons observé une prévalence plus élevée d’antécédents d’abus sexuels chez les délinquants sexuels adultes que chez les délinquants non sexuels (Rapport de cotes=3,36, intervalles de confiance à 95 % de 2,23-4,82). Les deux groupes ne différaient pas significativement en ce qui concerne les antécédents de violence physique (RC=1,50, IC à 95 %=0,88-2,56). Il y avait une prévalence significativement plus faible d’antécédents d’abus sexuels chez les agresseurs d’adultes comparés aux agresseurs d’enfants (RC=0,51, IC à 95 %=0,35-0,74), tandis que l’inverse était constaté pour la violence physique (RC=1,43, IC à 95 %=1,02-2,02).

Ces résultats étayent l’hypothèse de la relation « victime d’abus sexuel – auteur d’abus sexuel », en montrant que les délinquants sexuels sont plus susceptibles d’avoir été victimes d’abus sexuels que les délinquants non sexuels, mais pas plus susceptibles d’avoir été victimes de violence physique. Nous discutons des mécanismes potentiels expliquant la relation entre les antécédents d’abus sexuel et la délinquance sexuelle, y compris la possibilité qu’un troisième facteur puisse expliquer cette relation.

L’implication la plus évidente de ces résultats est que la prévention des abus sexuels sur les enfants, que ce soit par des programmes de prévention ciblant directement les enfants ou par des programmes de traitement ciblant les individus susceptibles de commettre des agressions sexuelles sur des enfants (par exemple, les délinquants sexuels connus pour avoir agressé des garçons extérieurs à la famille), pourrait finalement réduire le nombre de délinquants sexuels. Cette implication dépend cependant d’un rôle causal des abus sexuels subis dans l’enfance et de l’efficacité des pratiques de prévention et de traitement ». (Jespersen, Lalumière et Seto (2009)

Associations Statistiques et Risques Accrus

Une « revue parapluie » (umbrella review) de Fazel & al.(2020) synthétisant 19 méta-analyses a trouvé que le CSA est associé à un odds ratio (OR) de 3,4 (IC 95 % : 2,3-4,8) pour le risque de commettre une infraction sexuelle par rapport à une infraction non sexuelle, parmi les délinquants. Pour les infractions sexuelles contre des enfants versus des adultes, l’OR est de 2,0 (IC 95 % : 1,4-2,9). Ces effets sont de taille moyenne à petite, avec une hétérogénéité modérée à élevée, indiquant une variabilité.

https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/crimeandjustice/articles/peoplewhowereabusedaschildrenaremorelikelytobeabusedasanadult/2017-09-27

« Nous avons identifié 19 méta-analyses incluant 559 études primaires, couvrant 28 issues cliniques chez 4 089 547 participants. Les abus sexuels subis durant l’enfance étaient associés à 26 des 28 issues spécifiques étudiées : plus précisément, six des huit diagnostics psychiatriques à l’âge adulte (les OR allaient de 2,2 [IC à 95% 1,8–2,8] à 3,3 [2,2–4,8]), toutes les issues psychosociales négatives étudiées (les OR allaient de 1,2 [1,1–1,4] à 3,4 [2,3–4,8]) et toutes les conditions de santé physique (les OR allaient de 1,4 [1,3–1,6] à 1,9 [1,4–2,8]). Les associations psychiatriques les plus fortes avec les abus sexuels durant l’enfance ont été rapportées pour le trouble de conversion (OR 3,3 [IC à 95% 2,2–4,8]), le trouble de la personnalité limite (2,9 [2,5–3,3]), l’anxiété (2,7 [2,5–2,8]) et la dépression (2,7 [2,4–3,0]). Les revues systématiques pour deux issues psychiatriques (le trouble de stress post-traumatique et la schizophrénie) et une issue psychosociale (la consommation de substances) répondaient à des normes de qualité élevées. La qualité était faible pour les méta-analyses sur le trouble de la personnalité limite et l’anxiété, et modérée pour le trouble de conversion. En supposant une relation de causalité, les fractions du risque attribuable dans la population pour les issues cliniques allaient de 1,7 % (IC à 95 % 0,7–3,3) pour les rapports sexuels non protégés à 14,4 % (8,8–19,9) pour le trouble de conversion.

Bien que les abus sexuels durant l’enfance soient associés à un large éventail de conséquences psychosociales et sanitaires, les revues systématiques portant sur seulement deux troubles psychiatriques (le trouble de stress post-traumatique et la schizophrénie) et un résultat psychosocial (la consommation de substances) étaient de haute qualité. La question de savoir si les services devraient privilégier les interventions atténuant le développement de certains troubles psychiatriques à la suite d’abus dans l’enfance nécessite un examen plus approfondi. »  Fazel & al.(2020)

Dans une étude prospective sur 908 cas d’abus confirmés, les victimes de CSA avaient un risque accru d’arrestation pour crime sexuel (AOR 2,13 ; IC 95 % : 0,83-5,47), mais ce n’était pas statistiquement significatif, contrairement aux abus physiques et à la négligence qui l’étaient. Seulement 4,6 % des victimes de CSA ont été arrêtées pour des crimes sexuels, soulignant que le risque est élevé mais pas exclusif au CSA.

Une autre étude sur des PPSMJ  fédéraux a montré que le CSA est significativement associé à des charges pour viol ou abus sexuel (IRR 1,56 à 1,91 selon les modèles), même après contrôle pour des facteurs comme l’âge, le genre, et des troubles comme la personnalité antisociale ou la pédophilie. L’âge d’apparition du CSA est inversement corrélé au risque, avec des tailles d’effet de 2-5 z-scores.

Dans une cohorte australienne de 2 759 victimes de CSA, 23,6 % ont eu une infraction enregistrée, contre 5,9 % des contrôles, avec un OR de 4,97 pour toute infraction, et plus élevé pour les infractions sexuelles (OR 7,59) et violentes (OR 8,22). Les garçons abusés après 12 ans avaient un risque plus élevé (9,2 % de convictions pour infractions sexuelles).

Théories Explicatives

Les théories d’apprentissage social posent que l’abus sexuel est un comportement appris : les victimes internalisent l’expérience comme normale ou plaisante, menant à des distorsions cognitives favorables à l’infraction. Des facteurs comme l’âge de victimisation, la violence de l’acte, et la durée augmentent le risque.

La théorie de l’attachement suggère que des expériences négatives précoces mènent à des attachements insécures, favorisant l’isolement et la recherche d’intimité avec des enfants. La théorie intégrée de Marshall et Barbaree lie le CSA à une faible estime de soi et un mauvais contrôle des impulsions.

« Le domaine de la gestion des délinquants sexuels n’a pas encore trouvé d’explication ou de cause claire au comportement délinquant sexuel. Malgré de nombreuses questions sans réponse, la recherche a produit un certain nombre de résultats importants sur l’étiologie de la délinquance sexuelle :

Aucun facteur unique ou cause de la délinquance sexuelle n’a encore été identifié. La recherche suggère qu’une combinaison de facteurs contribue vraisemblablement au comportement délinquant sexuel.
Des conditions négatives ou adverses dans le développement précoce d’un individu conduisent à un attachement pauvre aux autres, particulièrement aux figures parentales, et ces conditions contribuent au développement de comportements délinquants sexuels. Ces conditions négatives ou adverses peuvent inclure des abus sexuels et/ou physiques, ainsi qu’une négligence émotionnelle ou une absence.
Comme d’autres comportements, l’abus sexuel apparaît comme un comportement appris. De plus, l’apprentissage du comportement abusif sexuel est influencé par le renforcement et la punition. Si la punition perçue pour la délinquance sexuelle est suffisante, le comportement est moins susceptible de se produire. Cependant, les punitions spécifiques nécessaires pour atténuer la délinquance sexuelle restent floues, particulièrement au vu des distorsions cognitives entretenues par de nombreux délinquants sexuels.
De nombreux délinquants sexuels ont des distorsions cognitives ou des erreurs de pensée, et ces schémas de pensée déformés semblent impliqués dans le maintien du comportement sexuel déviant. De nombreux enfants victimes d’agression sexuelle qui développent des erreurs de pensée liées à leur propre agression développent des comportements délinquants sexuels à l’âge adulte. Ces erreurs de pensée font souvent écho aux mythes courants sur les agressions sexuelles (par exemple, « il n’y a rien de mal à cela », « aucun mal n’est fait », « la victime le veut et en profite »).
L’exposition répétée à de la pornographie sexuellement violente peut contribuer à l’hostilité envers les femmes, à l’acceptation des mythes sur le viol, à une diminution de l’empathie et de la compassion pour les victimes et à une acceptation accrue de la violence physique envers les femmes. Un renforcement positif du comportement, couplé à des erreurs de pensée, augmente la probabilité que ces croyances mènent à des comportements abusifs sexuels.
Les délinquants sexuels semblent avoir un problème d’autorégulation des émotions et des humeurs ainsi qu’avec le contrôle des impulsions. Les problèmes d’autorégulation et de contrôle des impulsions semblent tous deux liés au comportement délinquant sexuel. Cependant, une relation causale n’a pas été clairement établie.
Les hommes qui utilisent la coercition sexuelle sont plus susceptibles de s’engager dans des relations à court terme et d’entretenir des attitudes négatives envers les femmes. Les hommes ayant des motifs égoïstes sont plus susceptibles de passer à l’acte sur des pensées agressives que ceux ayant plus de compassion ou d’empathie.
Il convient également de noter que d’autres variables étiologiques non abordées dans ce chapitre ont été liées à la délinquance sexuelle. Celles-ci incluent l’alcool et les drogues, la violence domestique et la maladie mentale. Il a été constaté que ces variables sont des facteurs dans la délinquance sexuelle dans certains cas ; cependant, il n’existe aucune preuve scientifique que l’un de ces facteurs soit la cause de la violence sexuelle. De plus, il existe des preuves que certains individus déjà prédisposés au comportement délinquant sexuel deviennent plus susceptibles de s’engager dans ce comportement lorsque certains facteurs ou variables situationnels sont présents. Ces facteurs peuvent inclure des capacités intellectuelles limitées, l’utilisation d’alcool ou de drogues, le stress familial/au foyer ou la perte d’une relation ou d’un emploi. Ces facteurs situationnels, cependant, ne causent pas le comportement délinquant sexuel mais peuvent augmenter la probabilité qu’il se produise chez un individu déjà prédisposé au problème. » (Faupel 2015)

Considérations et Prévention

Bien que les données montrent une association, une méta-analyse n’a trouvé aucun lien entre la victimisation sexuelle et la récidive sexuelle chez les auteurs. Le concept de cycle doit être traité avec prudence pour éviter de stigmatiser les victimes, car la résilience est courante (10-53 % des victimes ne développent pas de troubles).

Les interventions précoces, le soutien social, et l’éducation sont clés pour briser le cycle. Les politiques devraient cibler tous les types d’abus infantiles, particulièrement chez les garçons, sans présumer que les victimes de CSA deviendront inévitablement auteurs.

Les études en criminologie biologique indiquent que les comportements délinquants et criminels ne sont pas uniquement le produit de l’environnement social, mais impliquent aussi une composante génétique. Des méta-analyses montrent une héritabilité modérée, soulignant que les gènes influencent la susceptibilité sans causer directement les actes. Cela encourage une perspective biosociale, intégrant nature et nurture pour mieux comprendre et prévenir la criminalité.

  • Les recherches suggèrent que les facteurs génétiques contribuent à environ 40-60 % de la variance dans les comportements antisociaux, qui incluent la délinquance et la criminalité, selon des méta-analyses d’études sur des jumeaux et des adoptions. Cependant, cela n’implique pas un déterminisme génétique absolu, car les environnements jouent un rôle tout aussi crucial.
  • Des gènes spécifiques, comme la variante à faible activité du gène MAOA (souvent appelé « gène du guerrier »), sont associés à un risque accru de comportements violents, particulièrement en interaction avec des expériences négatives comme la maltraitance infantile.
  • Les interactions gène-environnement (GxE) sont essentielles : les prédispositions génétiques amplifient souvent les risques en présence de facteurs environnementaux adverses, tels que des pairs délinquants ou un milieu familial dysfonctionnel.
    • Pour autant les recherches avancent de servères limitations à ces prédispositions génétiques: « La recherche génétique commence à identifier des variants génétiques qui pourraient avoir une influence sur la prédisposition d’un individu à développer des caractéristiques comportementales antisociales. Conformément au modèle polygénique d’héritage proposé pour les comportements antisociaux, la contribution de chaque gène individuel à la prédisposition globale d’un individu est probablement faible. Ceci est évident dans le Tableau 1 qui résume les risques relatifs (RR) et les odds ratios (OR) pour les gènes candidats examinés ci-dessus. Ces mesures de risque indiquent qu’un individu porteur d’une variante de susceptibilité dans l’un de ces gènes n’aura qu’un risque environ 1,5 fois plus élevé de comportement antisocial par rapport à un individu de la population générale. Ainsi, un individu n’aura un risque significativement accru de s’engager dans un comportement antisocial que s’il porte un grand nombre de gènes variants. Ce risque relatif moyen est cohérent avec les résultats des méta-analyses des associations entre des gènes individuels et le risque de développer une série de troubles et de maladies (Ioannidis 2003) ». (Morley & Hall, 2003)

  • Bien que ces découvertes offrent des pistes pour la prévention, elles soulèvent des controverses, notamment sur le risque de stigmatisation et d’interprétations déterministes qui pourraient minimiser les facteurs sociaux.

Des études sur des jumeaux montrent que les jumeaux monozygotes (partageant 100 % de leurs gènes) présentent des taux de concordance plus élevés pour les comportements antisociaux que les dizygotes (50 % de gènes partagés), indiquant une influence génétique. Les études d’adoption confirment cela : les enfants adoptés ressemblent plus à leurs parents biologiques qu’adoptifs en termes de criminalité. Cependant, les effets génétiques sont faibles individuellement et polyogéniques, impliquant de multiples gènes.

La Composante Génétique dans les Comportements Délinquants

Dans le domaine de la criminologie, l’exploration de la part génétique dans les comportements délinquants et criminels a suscité un intérêt croissant au cours des dernières décennies. Bien que les théories traditionnelles se soient concentrées sur les facteurs sociaux et environnementaux – tels que la pauvreté, l’éducation ou les influences familiales – les avancées en génétique comportementale ont révélé que les prédispositions biologiques jouent un rôle non négligeable.

Contexte Historique et Méthodologique

Les premières tentatives pour lier la génétique à la criminalité remontent au XIXe siècle avec des théories comme celle de Cesare Lombroso sur les « criminels nés », souvent critiquées pour leur réductionnisme et leurs implications eugénistes. Aujourd’hui, les approches modernes reposent sur des méthodes rigoureuses, telles que les études sur des jumeaux (comparant les jumeaux monozygotes et dizygotes) et les adoptions (évaluant les similitudes avec les parents biologiques vs. adoptifs). Ces designs permettent de décomposer la variance phénotypique en composantes génétiques (héritabilité, h²), environnementales partagées (c²) et non partagées (e²). Une méta-analyse clé de Rhee et Waldman (2002), couvrant 51 études sur des jumeaux et adoptions, a estimé que les facteurs génétiques expliquent environ 41 % de la variance dans les comportements antisociaux, les environnements partagés 16 %, et les non partagés 43 %. Ces comportements antisociaux englobent la délinquance juvénile, les troubles de la conduite et la criminalité adulte, souvent mesurés par des auto-rapports, des dossiers officiels ou des diagnostics psychiatriques.

« Une méta-analyse de 51 études sur des jumeaux et des adoptés a été réalisée pour estimer l’ampleur des influences génétiques et environnementales sur le comportement antisocial. Le modèle le plus adéquat incluait des proportions modérées de variance dues aux influences génétiques additives (.32), aux influences génétiques non additives (.09), aux influences environnementales partagées (.16) et aux influences environnementales non partagées (.43). L’ampleur des influences familiales (c’est-à-dire à la fois les influences génétiques et environnementales partagées) était plus faible dans les études d’adoption parent-enfant que dans les études sur des jumeaux et les études d’adoption entre frères et sœurs. L’opérationnalisation, la méthode d’évaluation, la méthode de détermination de la zygotie et l’âge étaient des modérateurs significatifs de l’ampleur des influences génétiques et environnementales sur le comportement antisocial, mais il n’y avait pas de différences significatives dans l’ampleur des influences génétiques et environnementales entre les hommes et les femmes. » (Rhee & Waldman 2022)

D’autres méta-analyses confirment ces chiffres : pour l’agressivité et la violence, l’héritabilité oscille entre 40 et 60 %, avec des variations selon le type de comportement (agressif vs. non agressif) et l’âge.

« Dans cet article, nous décrivons une synthèse quantitative de 12 études sur des jumeaux (n=3795 paires de jumeaux) et de 3 études sur l’adoption (n=338 adoptés) publiées depuis 1975, qui ont fourni 21 estimations de l’héritabilité du comportement antisocial. Des tailles d’effet moyennes à importantes ont été constatées pour les influences génétiques à travers les études, avec environ 50 % de la variance dans les mesures du comportement antisocial attribuable à des effets génétiques. Bien que les tailles d’effet n’aient pas varié selon les différentes définitions du comportement antisocial (criminalité, agressivité ou personnalité antisociale), des estimations significativement plus grandes de l’effet génétique ont été trouvées pour les manifestations sévères de comportement antisocial. L’importance de la sévérité a été en outre soulignée par les effets significativement plus grands obtenus dans les études utilisant des échantillons cliniques par rapport aux effets obtenus dans les études utilisant des échantillons de volontaires. Les caractéristiques démographiques des échantillons n’ont pas influencé les tailles d’effet, bien que les études utilisant une méthodologie plus rigoureuse aient tendance à trouver des effets plus importants. Ces résultats doivent être interprétés à la lumière du nombre limité d’études convenant à la méta-analyse en raison des nombreuses limitations méthodologiques des études existantes. » (Mason & Frick 1994)

Gènes Candidats et Mécanismes Moléculaires

Les recherches moléculaires se concentrent sur des gènes impliqués dans les systèmes neurotransmetteurs, tels que la sérotonine (inhibitrice, liée à l’impulsivité) et la dopamine (excitatrice, liée à la récompense et l’agressivité). Le gène MAOA, codant pour l’enzyme monoamine oxydase A, est l’un des plus étudiés. Sa variante à faible activité (allèles courts comme 2R/3R) est associée à des niveaux élevés de neurotransmetteurs, augmentant le risque d’agressivité et de violence, particulièrement chez les hommes (gène lié à l’X). Une étude familiale néerlandaise (Brunner et al., 1993) a identifié une mutation MAOA causant des comportements impulsifs et violents, bien que rare.

« Des études génétiques et métaboliques ont été réalisées sur une large famille dans laquelle plusieurs hommes sont atteints d’un syndrome associant un retard mental limite et des troubles du comportement. Les types de comportements observés incluent l’agressivité impulsive, les incendies volontaires, les tentatives de viol et l’exhibitionnisme. L’analyse d’échantillons d’urine sur 24 heures a révélé un métabolisme des monoamines gravement perturbé. Ce syndrome était associé à une déficience complète et sélective de l’activité enzymatique de la monoamine oxydase A (MAOA). Chez chacun des cinq hommes affectés, une mutation ponctuelle a été identifiée dans le huitième exon du gène structural de la MAOA, transformant une glutamine en codon stop. Ainsi, une déficience complète et isolée en MAOA dans cette famille est associée à un phénotype comportemental reconnaissable incluant une régulation perturbée de l’agression impulsive ». (Brunner et al., 1993)

D’autres gènes incluent :

  • Système dopaminergique : DAT1 (transporteur de dopamine, risque avec allèle 9R pour l’ADHD et la délinquance), DRD2 (récepteur D2, allèle A1 lié à la dépendance et l’ASPD), DRD4 (récepteur D4, allèle 7R associé à la recherche de nouveauté et la délinquance).
  • Système sérotoninergique : 5HTT (transporteur de sérotonine, allèle court « s » lié à l’alcoolisme).

Ces associations sont modestes (risque relatif moyen ~1,5), et les effets directs des gènes isolés sont faibles (moins de 6 % de variance). Les comportements criminels suivent un modèle polyogénique, impliquant des centaines de variantes génétiques cumulatives.

Gène Système Neurotransmetteur Variante de Risque Associations Principales Taux de Risque Relatif (RR) ou Odds Ratio (OR)
MAOA Sérotoninergique/Dopaminergique Allèles courts (2R/3R) Agressivité, CD, conviction criminelle OR ~2,8 pour impulsivité/agressivité
DAT1 Dopaminergique 9R ADHD, délinquance, consommation de substances OR ~1,2-1,5 pour externalisation
DRD2 Dopaminergique A1 Alcoolisme, ASPD, délinquance OR ~1,5-2,0 pour ASPD
DRD4 Dopaminergique 7R ADHD, recherche de nouveauté, délinquance OR ~1,2-1,8 pour ADHD
5HTT Sérotoninergique Allèle court (s) Dépendance alcoolique, arrestations OR ~1,18 pour alcoolisme

Interactions Gène-Environnement (GxE)

Un consensus émerge sur le fait que les gènes n’agissent pas seuls : les interactions GxE amplifient les risques. Par exemple, la variante faible de MAOA interagit avec la maltraitance infantile pour augmenter les comportements antisociaux (OR jusqu’à 2,0), comme démontré dans l’étude Dunedin (Caspi et al., 2002). Dans l’Add Health, les gènes dopaminergiques comme DRD2 montrent des effets positifs sur la délinquance en présence de pairs délinquants ou de risques familiaux élevés (β ~0,07-0,24). Les corrélations gène-environnement (rGE) ajoutent de la complexité, où les gènes influencent les environnements choisis (e.g., pairs antisociaux). Des études épigénétiques montrent que des stress comme l’abus modifient l’expression génétique, perpétuant un « cycle de violence ».

« Nous avons étudié un large échantillon de garçons suivis de la naissance à l’âge adulte pour déterminer pourquoi certains enfants maltraités développent un comportement antisocial en grandissant, tandis que d’autres non. Un polymorphisme fonctionnel dans le gène codant pour l’enzyme de métabolisation des neurotransmetteurs, la monoamine oxydase A (MAOA), s’est avéré modérer l’effet de la maltraitance. Les enfants maltraités portant un génotype conférant des niveaux élevés d’expression de la MAOA étaient moins susceptibles de développer des problèmes antisociaux. Ces résultats peuvent expliquer en partie pourquoi toutes les victimes de maltraitance ne grandissent pas pour victimiser les autres à leur tour, et ils fournissent des preuves épidémiologiques que les génotypes peuvent modérer la sensibilité des enfants aux agressions environnementales ». (Caspi et al., 2002)

Facteurs Psychophysiologiques et Cérébraux Complémentaires

Bien que centrée sur la génétique, cette revue intègre d’autres aspects biologiques. Les individus antisociaux montrent souvent une arousal autonomique réduite (e.g., faible rythme cardiaque), liée à la recherche de sensations ou à un déficit de peur. Au niveau cérébral, des déficits dans le cortex préfrontal (contrôle impulsif), l’amygdale (régulation émotionnelle) et le striatum (récompense) sont courants, avec des volumes réduits ou une hyperactivité selon les sous-types (e.g., psychopathes « réussis » vs. « ratés »). Ces facteurs interagissent avec la génétique, renforçant les explications biosociales.

Limites

Malgré ces avancées, les explications génétiques font face à des critiques vives. Scientifiquement, les associations génétiques sont souvent non répliquées, avec de petits effets et une hétérogénéité (e.g., variations ethniques : allèles à risque plus fréquents chez certains groupes). Les méta-analyses génétiques montrent des résultats nuls pour des variants isolés, soulignant le besoin d’interactions complexes. Éthiquement, l’utilisation en justice – comme dans des cas où MAOA atténue les peines – risque la stigmatisation, la discrimination et un retour à l’eugénisme. Les critiques soulignent le déterminisme génétique, qui ignore les contextes sociaux et pourrait justifier des interventions coercitives (e.g., screening génétique). De plus, les études risquent de médicaliser la criminalité, réduisant la responsabilité personnelle.

En conclusion, les recherches indiquent une part génétique significative mais nuancée dans les comportements délinquants, favorisant une approche intégrative. Pour la criminologie, cela ouvre des voies pour des préventions ciblées, tout en appelant à la vigilance éthique.

Dans le domaine de la criminologie, comprendre comment le comportement criminel se transmet d’une génération à l’autre est essentiel pour développer des stratégies de prévention efficaces. Une revue systématique et méta-analyse publiée en novembre 2017 dans Aggression and Violent Behavior examine cette question en synthétisant des données de 25 publications couvrant 23 échantillons et plus de 3,4 millions d’enfants. Cette étude met en évidence que, bien que des liens familiaux existent, ils ne sont pas inévitables et pourraient être influencés par des interventions ciblées.

Points Clés

  • Les enfants de parents ayant un comportement délinquant (CD) présentent un risque accru de développer un CD eux-mêmes, avec un odds ratio moyen de 2,4 selon une méta-analyse de 23 échantillons.
  • Après ajustement pour des covariables, ce risque reste significatif avec un odds ratio de 1,8.
  • La transmission est plus forte de la mère à la fille, suivie de la mère au fils, du père à la fille, et la plus faible du père au fils.
  • Le phénomène semble s’intensifier pour les cohortes nées après 1981, suggérant une évolution possible liée à des facteurs sociétaux.
  • Des mécanismes comme l’apprentissage social, les environnements criminogènes, une prédisposition biologique et des biais dans la justice pénale pourraient expliquer cette transmission, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour clarifier les effets causaux.

Résultats Principaux

Les résultats montrent une association claire entre le CD parental et celui des enfants, mais avec des variations selon le genre et l’époque. Par exemple, dans l’étude Cambridge Study in Delinquent Development (CSDD), 62 % des garçons avec un parent condamné ont eux-mêmes été condamnés jusqu’à l’âge de 50 ans, contre 34 % pour les autres. Cependant, des modérateurs méthodologiques, comme l’utilisation d’échantillons de convenance ou la confirmation que le CD parental précède celui de l’enfant, renforcent ces associations.

Transmission Intergénérationnelle du Comportement Délinquant

Les premières études sur la transmission familiale du CD remontent à la fin du XIXe siècle, avec des travaux comme ceux de Dugdale (1877) sur la famille Juke ou Goddard (1912) sur les Kallikak, qui identifiaient déjà des patterns familiaux, bien que marqués par des faiblesses méthodologiques. Au XXe siècle, les recherches ont été freinées par des réticences liées aux théories biologiques associées à l’eugénisme et par la nécessité de données longitudinales prospectives couvrant plusieurs générations. Des études modernes, comme la Cambridge Study in Delinquent Development (CSDD), ont révélé que un parent condamné avant les 10 ans de l’enfant est un prédicteur fort de condamnations jusqu’à 50 ans, avec 62 % des garçons concernés contre 34 % pour les autres.

La transmission intergénérationnelle n’implique pas une « transmission physique » mais une continuité de caractéristiques ou comportements observés entre parents et enfants. Le CD est défini comme un acte prohibé par le code pénal, mesuré par des condamnations officielles, arrestations, ou auto-rapports, excluant les infractions mineures comme les excès de vitesse ou l’usage de marijuana dans les contextes où il est légalisé. L’étude exclut les recherches se focalisant uniquement sur l’incarcération parentale ou la violence domestique, car celles-ci méritent des méta-analyses dédiées et ne capturent pas l’ensemble du CD.

Plusieurs théories expliquent ce phénomène :

  • l’apprentissage social (où les enfants imitent les comportements parentaux),
  • les environnements criminogènes (pauvreté, quartiers défavorisés),
  • une proneness biologique (facteurs génétiques ou biosociaux),
  • et des biais dans le système de justice pénale (surveillance accrue des familles connues).

Des auteurs comme Farrington (2011), Thornberry (2009) et Giordano (2011) intègrent ces processus dans des modèles combinés.

Méthodologie de l’Étude

La revue systématique a couvert les études de 1950 à décembre 2016, en utilisant 18 bases de données. Les critères d’inclusion exigeaient des mesures quantitatives du CD parental et enfantin, avec des designs permettant de calculer des OR ou des corrélations. Au total, 21 études ont fourni 23 échantillons, avec des données sur plusieurs générations.

Les modérateurs analysés incluent le genre parent-enfant, l’âge au moment du CD parental, la cohorte de naissance, le pays, et des aspects méthodologiques comme la taille d’échantillon, les taux de réponse, et le type de mesure (officielle vs. auto-rapportée).

Résultats Détaillés et Modérateurs

Les résultats confirment une association significative, avec un OR de 2,4 pour le risque brut et 1,8 ajusté. Les patterns de genre montrent une transmission plus forte des mères aux filles, potentiellement due à des interactions plus intenses ou des facteurs biosociaux. Pour les cohortes, l’effet est plus prononcé après 1981, possiblement lié à l’augmentation des populations carcérales et des convictions dans de nombreux pays.

Modérateur Description Effet sur la Transmission
Genre Parent-Enfant Mère-Fille Plus forte (OR le plus élevé)
Mère-Fils Forte
Père-Fille Modérée
Père-Fils Plus faible
Cohorte de Naissance Avant 1981 Moins forte
Après 1981 Plus forte
Âge de l’Enfant Adolescence Risque accru
Méthodologie Précédence temporelle (parent avant enfant) Effet plus fort
Taille d’échantillon, taux de réponse, type de mesure Pas de modération significative

Limites

La méta-analyse soutient l’idée que le CD parental prédit un risque accru pour les enfants, mais peu est connu sur les effets causaux. Les mécanismes potentiels incluent:

  • l’apprentissage social (imitation),
  • les environnements criminogènes (exposition à la pauvreté ou à la violence),
  • une prévalence biologique (gènes ou interactions biosociales),
  • et des biais judiciaires (surveillance policière accrue).

Des recherches futures devraient se concentrer sur des études à grande échelle pour mieux comprendre ces dynamiques et informer les programmes de prévention.

En conclusion, les enfants de parents criminels sont à risque accru, mais ce cycle peut être brisé par des interventions ciblées.