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Dans le domaine de la criminologie, comprendre comment le comportement criminel se transmet d’une génération à l’autre est essentiel pour développer des stratégies de prévention efficaces. Une revue systématique et méta-analyse publiée en novembre 2017 dans Aggression and Violent Behavior examine cette question en synthétisant des données de 25 publications couvrant 23 échantillons et plus de 3,4 millions d’enfants. Cette étude met en évidence que, bien que des liens familiaux existent, ils ne sont pas inévitables et pourraient être influencés par des interventions ciblées.

Points Clés

  • Les enfants de parents ayant un comportement délinquant (CD) présentent un risque accru de développer un CD eux-mêmes, avec un odds ratio moyen de 2,4 selon une méta-analyse de 23 échantillons.
  • Après ajustement pour des covariables, ce risque reste significatif avec un odds ratio de 1,8.
  • La transmission est plus forte de la mère à la fille, suivie de la mère au fils, du père à la fille, et la plus faible du père au fils.
  • Le phénomène semble s’intensifier pour les cohortes nées après 1981, suggérant une évolution possible liée à des facteurs sociétaux.
  • Des mécanismes comme l’apprentissage social, les environnements criminogènes, une prédisposition biologique et des biais dans la justice pénale pourraient expliquer cette transmission, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour clarifier les effets causaux.

Résultats Principaux

Les résultats montrent une association claire entre le CD parental et celui des enfants, mais avec des variations selon le genre et l’époque. Par exemple, dans l’étude Cambridge Study in Delinquent Development (CSDD), 62 % des garçons avec un parent condamné ont eux-mêmes été condamnés jusqu’à l’âge de 50 ans, contre 34 % pour les autres. Cependant, des modérateurs méthodologiques, comme l’utilisation d’échantillons de convenance ou la confirmation que le CD parental précède celui de l’enfant, renforcent ces associations.

Transmission Intergénérationnelle du Comportement Délinquant

Les premières études sur la transmission familiale du CD remontent à la fin du XIXe siècle, avec des travaux comme ceux de Dugdale (1877) sur la famille Juke ou Goddard (1912) sur les Kallikak, qui identifiaient déjà des patterns familiaux, bien que marqués par des faiblesses méthodologiques. Au XXe siècle, les recherches ont été freinées par des réticences liées aux théories biologiques associées à l’eugénisme et par la nécessité de données longitudinales prospectives couvrant plusieurs générations. Des études modernes, comme la Cambridge Study in Delinquent Development (CSDD), ont révélé que un parent condamné avant les 10 ans de l’enfant est un prédicteur fort de condamnations jusqu’à 50 ans, avec 62 % des garçons concernés contre 34 % pour les autres.

La transmission intergénérationnelle n’implique pas une « transmission physique » mais une continuité de caractéristiques ou comportements observés entre parents et enfants. Le CD est défini comme un acte prohibé par le code pénal, mesuré par des condamnations officielles, arrestations, ou auto-rapports, excluant les infractions mineures comme les excès de vitesse ou l’usage de marijuana dans les contextes où il est légalisé. L’étude exclut les recherches se focalisant uniquement sur l’incarcération parentale ou la violence domestique, car celles-ci méritent des méta-analyses dédiées et ne capturent pas l’ensemble du CD.

Plusieurs théories expliquent ce phénomène :

  • l’apprentissage social (où les enfants imitent les comportements parentaux),
  • les environnements criminogènes (pauvreté, quartiers défavorisés),
  • une proneness biologique (facteurs génétiques ou biosociaux),
  • et des biais dans le système de justice pénale (surveillance accrue des familles connues).

Des auteurs comme Farrington (2011), Thornberry (2009) et Giordano (2011) intègrent ces processus dans des modèles combinés.

Méthodologie de l’Étude

La revue systématique a couvert les études de 1950 à décembre 2016, en utilisant 18 bases de données. Les critères d’inclusion exigeaient des mesures quantitatives du CD parental et enfantin, avec des designs permettant de calculer des OR ou des corrélations. Au total, 21 études ont fourni 23 échantillons, avec des données sur plusieurs générations.

Les modérateurs analysés incluent le genre parent-enfant, l’âge au moment du CD parental, la cohorte de naissance, le pays, et des aspects méthodologiques comme la taille d’échantillon, les taux de réponse, et le type de mesure (officielle vs. auto-rapportée).

Résultats Détaillés et Modérateurs

Les résultats confirment une association significative, avec un OR de 2,4 pour le risque brut et 1,8 ajusté. Les patterns de genre montrent une transmission plus forte des mères aux filles, potentiellement due à des interactions plus intenses ou des facteurs biosociaux. Pour les cohortes, l’effet est plus prononcé après 1981, possiblement lié à l’augmentation des populations carcérales et des convictions dans de nombreux pays.

Modérateur Description Effet sur la Transmission
Genre Parent-Enfant Mère-Fille Plus forte (OR le plus élevé)
Mère-Fils Forte
Père-Fille Modérée
Père-Fils Plus faible
Cohorte de Naissance Avant 1981 Moins forte
Après 1981 Plus forte
Âge de l’Enfant Adolescence Risque accru
Méthodologie Précédence temporelle (parent avant enfant) Effet plus fort
Taille d’échantillon, taux de réponse, type de mesure Pas de modération significative

Limites

La méta-analyse soutient l’idée que le CD parental prédit un risque accru pour les enfants, mais peu est connu sur les effets causaux. Les mécanismes potentiels incluent:

  • l’apprentissage social (imitation),
  • les environnements criminogènes (exposition à la pauvreté ou à la violence),
  • une prévalence biologique (gènes ou interactions biosociales),
  • et des biais judiciaires (surveillance policière accrue).

Des recherches futures devraient se concentrer sur des études à grande échelle pour mieux comprendre ces dynamiques et informer les programmes de prévention.

En conclusion, les enfants de parents criminels sont à risque accru, mais ce cycle peut être brisé par des interventions ciblées.

La parentalité joue un rôle central dans le développement de l’individu, et en criminologie, elle est souvent examinée comme un facteur clé influençant le risque de délinquance et de criminalité. À travers diverses théories comme la théorie de l’apprentissage social, la théorie de l’attachement ou la théorie du contrôle social, la criminologie a explorét comment les pratiques parentales peuvent soit protéger les enfants contre les comportements déviants, soit les y prédisposer.

Les Dimensions Parentales et Leur Lien avec la Délinquance Juvénile

Les études en criminologie montrent que les pratiques parentales expliquent une part significative de la variance dans les comportements délinquants, jusqu’à 11 % selon certaines méta-analyses. Parmi les facteurs les plus influents, le monitoring parental (surveillance des activités et des fréquentations de l’enfant) se distingue comme un élément protecteur majeur.

  • Une méta-analyse portant sur 161 études et plus de 46 000 participants révèle que un faible monitoring est associé à un risque accru de délinquance, avec un effet de taille modéré (r = 0,23). De même, le contrôle psychologique (intrusion manipulative) et les aspects négatifs du soutien, comme le rejet ou l’hostilité, augmentent le risque de comportements criminels, avec des effets allant jusqu’à r = 0,28 pour l’hostilité.
  • En revanche, un soutien positif – affection, communication ouverte et engagement – agit comme un bouclier. Les enfants bénéficiant d’un parenting cadrant (ferme mais chaleureux) présentent des taux de délinquance plus bas, contrairement à un style autoritaire (punitions physiques) qui élève le risque (r = 0,12 en moyenne). Ces liens sont modérés par des facteurs comme l’âge de l’enfant (plus forts chez les plus jeunes) et le genre : par exemple, le soutien paternel a un impact plus marqué que le maternel, et les liens sont renforcés dans les dyades parent-enfant du même sexe.

Une autre recherche, utilisant des données longitudinales sur des adolescents, confirme que dans des échantillons non adoptifs, un détachement maternel prédit des arrestations et incarcérations à l’âge adulte, tandis que l’attachement paternel réduit ces risques. Cependant, en contrôlant les facteurs génétiques via des échantillons adoptifs, ces effets parentaux disparaissent, suggérant que des corrélations génétiques-environnementales pourraient expliquer une partie des associations observées dans les études traditionnelles. Cela met en lumière la complexité des influences : la parentalité n’agit pas isolément, mais interagit avec des prédispositions biologiques.

La Transmission Intergénérationnelle de la Criminalité

Une méta-analyse systématique de 25 études, couvrant plus de 3 millions d’enfants, indique que les enfants de parents délinquants ont un risque 2,4 fois plus élevé de développer des comportements criminels eux-mêmes. Ce risque persiste même après ajustement pour des facteurs socio-économiques (OR = 1,8). Les modérateurs incluent le genre : la transmission est plus forte de mère à fille, et plus faible de père à fils. De plus, elle semble s’intensifier pour les cohortes nées après 1981, peut-être en raison de changements sociétaux.

Les mécanismes sous-jacents impliquent non seulement l’apprentissage social (imitation des comportements parentaux), mais aussi des environnements criminogènes, des biais judiciaires et des facteurs biologiques. Par exemple, les parents délinquants offrent souvent une supervision inadéquate, favorisant l’exposition à des pairs déviants.

Une étude sur les résultats des enfants de parents condamnés pénalement montre des associations avec des problèmes de santé, comportementaux et sociaux dès l’âge de 18 ans, incluant des troubles externalisés et une plus grande probabilité de délinquance.

Les Facteurs Familiaux Négatifs : Rejet, Conflit et Abus

Le rejet parental émerge comme le prédicteur le plus puissant de délinquance, surpassant même l’abus dans certaines études. Les enfants rejetés – par critique excessive ou négligence – développent une faible estime de soi et une impulsivité accrue, menant à des actes déviants. Les conflits familiaux, y compris la violence conjugale, modélisent l’agressivité et augmentent le risque, bien que l’effet soit modeste (10-15 % plus élevé dans les familles monoparentales ou conflictuelles) (source OJJDP).

L’abus et la négligence créent un « cycle de violence », où les victimes apprennent à résoudre les problèmes par l’agression, avec 14-20 % des enfants abusés devenant délinquants. Cependant, la majorité ne suit pas ce chemin, soulignant l’importance des facteurs de résilience comme un parent soutenant ou un environnement scolaire positif (source OJJDP).

Implications pour la Prévention et les Politiques Publiques

Ces résultats soulignent que des interventions précoces sur la parentalité pourraient réduire la délinquance. Des programmes promouvant un monitoring efficace, un soutien affectif et une discipline cohérente – comme ceux basés sur le parenting autoritatif – ont prouvé leur efficacité. En ciblant les familles à risque, notamment celles avec un historique criminel, on pourrait briser les cycles intergénérationnels. Les politiques devraient aussi aborder les facteurs structurels, comme le soutien aux familles monoparentales pour améliorer la supervision.

La parentalité n’est pas déterministe, mais son impact en criminologie est indéniable : un environnement familial positif favorise la résilience, tandis que des dysfonctionnements augmentent les vulnérabilités.

L’idée que devenir parent puisse constituer un « tournant positif » dans une trajectoire criminelle est largement répandue dans la criminologie de la trajectoire de vie (life-course criminology). Cependant, qu’en est-il dans des contextes marqués par la pauvreté, l’économie informelle et des opportunités légales limitées ? L’article de Di Marco et al. (2025) Parenthood, gender, and turning points to crime for young people in Latin America , explore précisément cette question en Amérique latine, en étudiant comment la parentalité influence les itinéraires criminels de jeunes détenus.

Principaux résultats

Méthodologie

  • Étude qualitative auprès de 40 jeunes femmes et 40 jeunes hommes incarcérés dans différents pays d’Amérique latine.
  • Entretiens répétés qui permettent de capter les perceptions des participants quant à l’effet de la parentalité sur leur vie criminelle.
  • L’auteure et ses collègues identifient deux grands types d’impact : positif (réduction ou arrêt du comportement criminel) et négatif (augmentation ou maintien du crime) selon les conditions.

Effets « positifs » de la parentalité

  • Pour certains, devenir parent provoque un sentiment de responsabilité accrue, une envie de « ralentir », de « faire autrement ».
  • Chez les jeunes femmes, la parentalité peut parfois stabiliser une relation intime saine, ce qui contribue à sortir d’un environnement défavorable.
  • Le désir de légitimité, d’un revenu stable, de ne plus “être dans la rue” sont identifiés comme moteurs d’un changement.

Effets « négatifs » ou ambivalents

  • Dans des contextes de forte précarité, devenir parent peut aussi exacerber les tensions : besoin d’argent accru, peu d’opportunités légales, réseaux informels dominants. La parentalité peut alors solidifier une trajectoire criminelle plutôt que la rompre.
  • Les mécanismes diffèrent selon le genre :
    • Pour les hommes : frustration liée à l’obligation de passer plus de temps à la maison ou de “prendre soin”, être empêtré dans les attentes sociales de la paternité, tout en ayant peu de moyens.
    • Pour les femmes : la parentalité peut coincer dans une relation abusive, isoler en tant que mère célibataire, réduire le support social disponible, ce qui peut maintenir ou aggraver l’implication criminelle.

Que nous apprend cet article?

  • Il nuance l’hypothèse souvent implicite : « la parentalité = certes tournant positif ». Il montre que cela dépend fortement du contexte structurel (emploi, soutien social, économie informelle).
  • Il donne une dimension de genre essentielle aux trajectoires de criminalité : hommes et femmes ne vivent pas de la même façon la parentalité, et les “tournants” sont genrés.
  • Il déplace le regard vers des contextes d’Amérique latine, souvent sous-représentés dans les études de trajectoire de vie qui privilégient les pays occidentaux. Cela enrichit la compréhension globale de la désistance et du crime.
  • Il pose une alerte pour les politiques : ce n’est pas seulement “devenir parent” qui compte, mais les conditions dans lesquelles cela se produit.

Implications pour les professionnels

  • Les programmes de désistance ou de réinsertion devraient prendre en compte la parentalité comme opportunité, mais aussi comme facteur de risque selon les conditions : soutien social, possibilités de travail, services aux parents.
  • Il faut proposer un accompagnement spécifique pour les jeunes parents en contexte carcéral ou post-libération : soutien psychologique, soutien à la parentalité, accès au travail légal.
  • Pour les femmes en particulier, repérer les risques de basculement dans l’isolement ou l’abus en tant que mère seule et envisager des mesures de soutien renforcé.
  • Les politiques sociales doivent renforcer les contextes structurels : meilleure insertion professionnelle, accès à des revenus légaux, réduction de la précarité économique, afin que la parentalité ne devienne pas un « piège ».

En conclusion, devenir parent peut être un virage vers moins de criminalité… ou au contraire un renforcement de la trajectoire criminelle, selon les circonstances et selon le genre: le tournant n’est pas dans l’événement lui-même, mais dans le contexte dans lequel il s’inscrit.

La littérature scientifique récente met en évidence l’importance des programmes de parentalité en prison pour atténuer les effets délétères de l’incarcération sur la relation parent-enfant. Ces interventions varient selon le public visé (mères, pères, jeunes parents), le format pédagogique et les objectifs psychosociaux poursuivis. La revue de littérature de Martina Gavelli (2015) fait l’état des lieux des programmes éxistants aux US.

1. New Beginnings (Royaume-Uni)

  • Public : mères incarcérées vivant en unités mère-bébé.
  • Contenu : 8 sessions sur 4 semaines, animées par des psychothérapeutes, combinant discussions de groupe, exercices individuels, observations filmées des interactions mère-bébé.
  • Objectifs : renforcer l’attachement, développer la capacité réflexive des mères, identifier les comportements relationnels inconscients.
  • Résultats : amélioration de la qualité des interactions et de la fonction réflexive maternelle, contrairement aux groupes témoins, mais pas d’impact significatif sur la dépression maternelle

2. Parent-Child Interaction Therapy (États-Unis)

  • Public : mères de jeunes enfants (2–12 ans).
  • Contenu : adaptation d’un programme validé pour prévenir la maltraitance. Travail par jeux de rôle, codage des interactions et coaching direct. Comparaison avec un cours standard basé sur « Partnerships in Parenting ».
  • Objectifs : réduire le stress parental, améliorer les compétences relationnelles, prévenir l’usage de discipline coercitive.
  • Résultats : hausse des comportements positifs (éloges, descriptions, écoute), diminution des critiques et demandes. Les deux groupes ont réduit le stress parental, mais la satisfaction était plus élevée dans le programme PCIT

3. Mother-Child Visitation Program (MCVP, États-Unis)

  • Public : mères détenues et leurs enfants.
  • Contenu : visites organisées dans un cadre aménagé, accompagnées d’un cours parental. Basé sur une approche féministe, visant à redonner la parole aux mères.
  • Objectifs : améliorer la communication et la relation mère-enfant malgré l’incarcération.
  • Résultats : les participantes ont rapporté davantage de contacts avec leurs enfants et une perception plus positive du lien parental, mais pas d’effet sur les projets post-libération

4. Rebonding and Rebuilding (États-Unis)

  • Public : mères détenues au Kentucky.
  • Contenu : 12 semaines, inspirées de la criminologie développementale. Thèmes : communication, développement de l’enfant, discipline non violente, gestion des crises.
  • Objectifs : rompre le cycle intergénérationnel de la violence, réduire les attitudes favorables à la punition corporelle.
  • Résultats : diminution significative de l’approbation de la violence éducative, amélioration de l’empathie et des connaissances sur le développement de l’enfant

5. Baby Elmo Program (États-Unis)

  • Public : jeunes pères incarcérés dans des centres de détention pour mineurs.
  • Contenu : 10 sessions individuelles avec vidéos issues de Sesame Beginnings, centrées sur l’attachement, l’encouragement, la communication et le jeu.
  • Objectifs : renforcer la qualité des interactions père-enfant, promouvoir l’attachement sécurisant.
  • Résultats : augmentation notable des comportements positifs (praise, labelling, soutien). Limite : absence de groupe contrôle.

6. Parenting Inside Out (PIO, États-Unis)

  • Public : mères et pères incarcérés dans l’Oregon.
  • Contenu : 36 sessions (90 heures) sur 12 semaines, fondées sur le Parent Management Training. Inclut les compétences parentales de base, mais aussi communication avec l’enfant depuis la prison (lettres, appels, visites).
  • Objectifs : réduire le stress et la dépression, améliorer la relation avec les aidants et les enfants, prévenir les conduites antisociales.
  • Résultats : effets significatifs sur la baisse du stress et de la dépression, amélioration des interactions positives et des relations avec les aidants

7. Emotions Program (États-Unis)

  • Public : mères incarcérées en transition vers la sortie.
  • Contenu : 15 leçons en 8 semaines, centrées sur la régulation émotionnelle et le coaching émotionnel pour les enfants. Prolonge le modèle PIO.
  • Objectifs : préparer la sortie en renforçant les compétences émotionnelles des mères et leur capacité à accompagner leurs enfants.
  • Résultats : amélioration de la régulation émotionnelle et de la capacité de coaching parental, surtout pour celles ayant bénéficié d’un suivi post-libération

8. Parenting from Prison (États-Unis, Colorado & Arkansas)

  • Public : version mixte (hommes et femmes) et version féminine uniquement.
  • Contenu : modules sur l’estime de soi, communication, discipline, facteurs de risque et de résilience, problèmes liés à la drogue et à l’alcool.
  • Objectifs : accroître les connaissances parentales, renforcer l’estime et la confiance parentale.
  • Résultats : amélioration de l’estime de soi, de la confiance parentale et des attitudes positives. Réduction de l’adhésion aux châtiments corporels

9. Parenting from Inside (États-Unis)

  • Public : mères détenues.
  • Contenu : 8 sessions basées sur la technique cognitive MOM-OK (Mellow Out, Mind, Other thoughts, Kid). Couvre la gestion des émotions, la communication avec enfants et aidants, et la discussion sur l’infraction.
  • Résultats : réduction du stress parental, amélioration de l’ajustement émotionnel et de la communication écrite avec les enfants

10. Parenting While Incarcerated (États-Unis)

  • Public : mères en détention provisoire.
  • Contenu : adaptation du programme Strengthening Families. Thèmes ajoutés : estime de soi, deuil, addiction, gestion des émotions.
  • Résultats : baisse de l’approbation des châtiments corporels, ajustements du programme en fonction des besoins spécifiques exprimés par les participantes.

11. Intensive Parenting Class for Young Fathers (Royaume-Uni)

  • Public : jeunes hommes incarcérés (18–21 ans).
  • Contenu : 1 semaine de formation intensive couvrant développement de l’enfant, santé, nutrition, discipline, sexualité, droits légaux, violences domestiques.
  • Résultats : forte appréciation des aspects pratiques (soins de base, développement de l’enfant). Les jeunes pères réclament surtout un meilleur soutien pour maintenir le lien avec leurs enfants pendant l’incarcération.

Ces programmes, bien que très divers dans leurs approches et populations cibles, visent tous à réduire l’impact intergénérationnel de l’incarcération. Ils produisent des effets positifs sur la confiance parentale, la gestion émotionnelle et les attitudes éducatives, mais souffrent encore de limites méthodologiques (manque de suivis post-libération, échantillons restreints).

Un enjeu majeur reste la nécessité de mesurer la qualité des interactions parent-enfant plutôt que leur simple fréquence, et d’adapter les interventions aux besoins différenciés selon l’âge des enfants et le genre des parents.

Dans The Prison Journal (2020), Abigail Henson analyse l’importance de la pertinence contextuelle dans les programmes de parentalité en milieu carcéral (Henson 2020, Meet Them Where They Are: The Importance of
Contextual Relevance in Prison-Based Parenting (PBPPs). Elle y dresse un contexte à enjeux:

  • « Le rôle parental est l’un des facteurs les plus influents sur l’ajustement psychosocial d’un enfant (Newman et al., 2011)
  • La manière dont les parents interagissent avec leurs enfants peut constituer soit un facteur de risque, soit un facteur de protection pour les résultats développementaux des enfants (Gilbert et al., 2009 ; Hildyard & Wolfe, 2002 ; Luby et al., 2013 ; McLeod & Shanahan, 1993 ; Morris et al., 2017 ; Norman et al., 2012 ; Odgers et al., 2012)
  • Par exemple, la littérature existante constate que des pratiques parentales alliant un haut niveau de stabilité et de bienveillance peuvent réduire les comportements antisociaux, la dépression, l’anxiété et le stress chez les enfants (Luby et al., 2013 ; McLeod & Shanahan, 1993 ; Odgers et al., 2012).
  • À l’inverse, des pratiques parentales avec de faibles niveaux de stabilité et de bienveillance augmentent les risques suicidaires, la dépression, la consommation de drogues et la criminalité chez les enfants (Gilbert et al., 2009 ; Hildyard & Wolfe, 2002 ; Norman et al., 2012).
  • Les enfants qui subissent l’incarcération d’un parent présentent un risque plus élevé de connaître des difficultés sociales et scolaires, de souffrir de toxicomanie, de problèmes de santé mentale, de délinquance, de commettre des infractions à l’âge adulte et d’être incarcérés à leur tour (The Annie E. Casey Foundation, 2012 ; Makariev & Shaver, 2010 ; Murray & Farrington, 2005, 2006 ; Poehlmann et al., 2010 ; Travis et al., 2005 ; Wakefield & Wildeman, 2014).
  • Ces résultats plaident en faveur de la mise en œuvre d’interventions parentales en milieu carcéral qui tentent d’améliorer les connaissances, la sensibilité et la réactivité parentales ; de réduire le stress des parents ; d’améliorer les pratiques parentales ; et, globalement, d’améliorer les résultats émotionnels et comportementaux des enfants (Troy et al., 2018). » Henson 2020

Henson y developpe l’idée qu’on ne peut enseigner la parentalité « comme si de rien n’était » derrière les barreaux. La prison impose des contraintes structurelles et identitaires qui modifient en profondeur l’expérience parentale. L’isolement, la perte d’autonomie et la redéfinition de soi comme « détenu » plutôt que « parent » génèrent frustration et impuissance (Arditti, 2016 ; Dyer, 2005). Ignorer ce contexte conduit à des programmes inadaptés, et finalement peu efficaces.

Contexte

Les recherches démontrent que la qualité de la relation parent-enfant constitue un facteur déterminant du développement psychosocial de l’enfant. À l’inverse, l’incarcération d’un parent est associée à un ensemble de risques : troubles émotionnels, difficultés scolaires, comportements délinquants, transmission intergénérationnelle de l’incarcération.

Les PBPPs visent donc à :

  • améliorer les compétences parentales,
  • réduire le stress parental,
  • favoriser les liens affectifs,
  • et in fine limiter la récidive et les effets délétères pour les enfants.

Cependant, comme le montrent Henson et ses collègues, la plupart des PBPPs reproduisent des modèles standardisés, souvent dérivés de populations blanches et de classe moyenne. Ils abordent peu ou pas les réalités spécifiques de la vie en détention : pauvreté structurelle, distance géographique, surveillance constante, conflits avec l’autre parent, etc.

Le programme FACT 

Le cas étudié par Henson est le programme Fathers and Children Together (FACT), mis en place dans une prison de Pennsylvanie. Sa particularité est d’avoir été créé par des détenus eux-mêmes, en particulier des condamnés à perpétuité. Il repose sur un financement autonome (par des ventes de gâteaux organisées à l’intérieur) et sur un engagement bénévole.

Le programme dure 12 semaines au total, divisé en deux phases principales, suivies d’une cérémonie de remise de diplômes. Les sessions se déroulent dans une salle de classe lumineuse avec fenêtres et plantes, disposées en cercle pour favoriser l’égalité et la connexion (pas de structure hiérarchique). L’approche pédagogique met l’accent sur la facilitation et la discussion interactive plutôt que sur des conférences, encourageant les participants à apprendre les uns des autres.

Phase 1 : 6 Semaines de Sessions Parentales (2-3 heures par session, une fois par semaine)

Ces sessions théoriques et interactives enseignent des compétences parentales tout en intégrant le contexte carcéral. Les thèmes sont :

    • Semaine 1 : The Impact of a Fatherless Household (L’Impact d’un Foyer sans Père) : Discussion sur les effets émotionnels et sociaux de l’absence paternelle, en lien avec l’isolement carcéral.
    • Semaine 2 : Accountability and Responsibility (Responsabilité et Reddition de Comptes) : Enseignement de la prise de responsabilité pour ses actions passées, y compris les impacts sur la famille et la communauté.
    • Semaine 3 : Attachment and Bonding (Attachement et Lien Affectif) : Stratégies pour cultiver des liens émotionnels malgré la séparation physique.
    • Semaine 4 : The Importance of Education (L’Importance de l’Éducation) : Promotion de l’éducation comme outil de guidance parentale et de modélisation positive.
    • Semaine 5 : Self-Love and Self-Worth (Amour de Soi et Estime de Soi) : Développement de l’estime personnelle pour mieux soutenir les enfants.
    • Semaine 6 : Positive and Negative Reinforcement (Renforcement Positif et Négatif) : Techniques de gestion du comportement enfantin adaptées aux interactions limitées (appels, lettres, visites).

Éléments Transversaux :

    • Confidentialité stricte pour créer un espace sûr et encourager la vulnérabilité.
    • Redéfinition de la paternité : Au-delà du rôle de « fournisseur financier » (impossible en prison, avec un salaire moyen de 0,30 USD/heure), vers un rôle émotionnel, éducatif et de soutien (guide, enseignant, soignant).
    • Invitations occasionnelles de diplômés réinsérés pour partager des expériences post-libération.

Phase 2 : 6 Semaines de Visites Père-Enfant (une fois par semaine)

Ces six semaines de visites père-enfant, organisées dans un cadre favorisant le contact physique, le partage d’un repas et des activités communes, constituent un levier central de mise en pratique des apprentissages. Des activités parallèles sont proposées aux mères et aux aidants afin de réduire la conflictualité co-parentale et de créer un réseau de soutien.

Ces visites appliquent les leçons apprises, dans une salle de classe pour favoriser l’intimité. Elles incluent :

    • Repas partagé avec l’enfant.
    • Contacts physiques autorisés : Embrassades, tenue de mains (rares en visites standard).
    • Activités artistiques (en partenariat avec une organisation communautaire locale) pour briser la glace (premières semaines).
    • Session « Air It Out » (Déballer Tout) : Les enfants expriment ouvertement leurs sentiments sur l’incarcération de leur père, favorisant la catharsis et l’empathie.

Focus sur l’utilisation des outils disponibles : Appels téléphoniques, lettres, et visites pour maintenir le lien.

Cérémonie de Remise de Diplômes (Semaine 13)

    • Réunit pères, enfants et autres aidants familiaiux .
    • Inclut des promesses publiques des pères envers leurs enfants (ex. : engagement à être présent émotionnellement).
    • Photos et interactions (embrassades, rires), marquant la fin du programme avec une note émotive (joie et tristesse).

Soutien aux aidants familliaux (Parallèle aux Visites)

  • Événements communautaires pour les mères/tuteurs : Dîners, activités de soutien pour bâtir un réseau de femmes dans des situations similaires.
  • Thèmes similaires aux sessions paternelles : Amour de soi, impact d’un foyer sans père, compassion, empathie et confiance pour réduire le « gatekeeping maternel » (refus d’accès à l’enfant).

Impact et Approche Contextuelle

Le programme aborde explicitement les barrières carcérales pour renforcer la légitimité et l’engagement :

  • Isolement : Création d’une « famille d’hommes » via discussions et soutien mutuel, étendu au-delà des sessions.
  • Restrictions Financières : Redéfinition de la masculinité pour valoriser le rôle émotionnel.
  • Engagement Limité : Outils pour maximiser les interactions restreintes.
  • Relations Coparentales : Promotion de la communication empathique et de la responsabilité.

Les participants rapportent anecdotiquement des impacts positifs : Soutien communautaire, redéfinition de la paternité, et engagement familial accru.

Résultats

Les données collectées (observations participantes, entretiens, focus groups, analyses documentaires) mettent en évidence plusieurs effets majeurs :

  • Réduction de l’isolement : les participants développent un sentiment d’appartenance et de soutien mutuel.
  • Redéfinition de la paternité : passage d’une conception centrée sur la fonction de « pourvoyeur financier » à une paternité fondée sur la présence affective, l’écoute et l’accompagnement.
  • Renforcement du lien familial : amélioration de la communication avec les enfants, augmentation des gestes d’affection, reconnaissance par les enfants de la transformation de leurs pères.
  • Amélioration des relations co-parentales : apprentissage de l’empathie envers les mères et mise en place de dialogues plus constructifs.

Implications opérationnelles

Henson conclut que l’efficacité des PBPPs ne peut être évaluée uniquement à l’aune de la transmission de compétences parentales génériques. Leur pertinence contextuelle est déterminante :

  • Conception participative : les programmes doivent être construits avec les détenus, et non seulement pour eux, afin d’intégrer les besoins réels.
  • Ancrage dans le quotidien carcéral : traiter directement les obstacles spécifiques (isolement, manque de ressources, restrictions de contact, conflits familiaux).
  • Approche holistique : inclure non seulement le parent incarcéré, mais aussi les enfants et les autres figures parentales.
  • Effets systémiques attendus : au-delà du bénéfice immédiat pour les familles, de tels dispositifs contribuent à la réduction de la récidive et à une meilleure réinsertion post-carcérale.

L’étude de FACT illustre une thèse plus générale : un programme parental ne peut être efficace que s’il « rencontre les pères là où ils sont », c’est-à-dire dans leur réalité de vie derrière les murs. Pour la criminologie, cela rappelle l’importance d’une approche contextualisée et participative des interventions, afin de dépasser les modèles normatifs et de soutenir réellement les familles touchées par l’incarcération.

En bref

Le soutien à la parentalité en contexte probationnaire est de plus en plus reconnu comme un axe stratégique pour réduire la récidive. Les recherches soulignent que le maintien des liens familiaux durant l’incarcération ou sous probation contribue à la fois à l’adaptation psychosociale des personnes détenues et à leur réinsertion future.

  • La rupture des liens parentaux-enfant consécutive à l’incarcération ou à la probation peut compromettre le développement affectif, cognitif et social de l’enfant, ainsi que l’adaptation du parent incarcéré au milieu carcéral et ses chances de réinsertion (Hardy-Massard 2024).

  • Inversement, le maintien de ces liens, par des parloirs médiatisés, des appels téléphoniques supervisés et des entretiens en présence de médiateurs, permet de réduire les sentiments d’isolement, de culpabilité et d’impuissance chez le parent détenu, favorisant ainsi sa stabilité émotionnelle et sa motivation à se réinsérer
  • La recherche indique que les programmes de soutien à la parentalité pour les personnes en probation ou en milieu carcéral peuvent contribuer à réduire la récidive, bien que les preuves soient limitées et souvent centrées sur les contextes d’incarcération.
  • Les études suggèrent que le maintien des liens familiaux et l’amélioration des compétences parentales favorisent une réinsertion réussie, avec des réductions potentielles de la récidive allant jusqu’à 40 % dans certains programmes.
  • Cependant, les résultats varient selon les contextes, et des soutiens post-libération semblent essentiels pour maximiser les effets, sans consensus absolu sur l’efficacité universelle.

Aperçu des programmes pertinents

Des programmes comme Parenting Inside Out (PIO) et Functional Family Therapy (FFT) ont été évalués dans des contextes de probation ou de réinsertion. PIO, conçu pour les parents impliqués dans le système judiciaire, met l’accent sur les compétences parentales cognitivo-comportementales et a montré des améliorations en matière de relations familiales et de réduction de la pensée criminelle. FFT, souvent appliqué aux jeunes en probation, implique les familles pour renforcer les dynamiques positives et réduire les comportements délinquants.

Évidences issues de la recherche

Les revues systématiques soulignent des améliorations dans les attitudes parentales, la connaissance et les comportements, avec des effets indirects sur la récidive via un meilleur soutien familial. Par exemple, des visites familiales et un soutien instrumental (logement, transport) sont associés à une baisse des taux de réincarcération. Des programmes en prison, comme les nurseries carcérales, ont démontré une réduction de la récidive post-libération.

Limites et considérations

Bien que prometteurs, ces axes nécessitent plus d’études rigoureuses, surtout en probation communautaire. Les approches doivent être adaptées culturellement et inclure des soutiens post-libération pour une efficacité durable.


Résultats principaux des études

Une revue systématique de 29 études sur des programmes parentaux en milieu judiciaire (principalement carcéral, une en communauté/probation) a révélé des améliorations significatives dans les attitudes parentales (réduction des punitions physiques), la connaissance parentale et les comportements (meilleure communication, discipline cohérente). Sur la récidive, les preuves sont limitées : une étude a montré que le soutien post-libération réduit significativement la récidive et la dysrégulation émotionnelle. Des gains en santé parentale (réduction de la dépression, augmentation de l’estime de soi) ont été observés dans 13 études.

Le programme Parenting Inside Out (PIO), évalué dans un essai contrôlé randomisé, a démontré une réduction de près de 40 % de la pensée antisociale et des comportements délinquants, avec des effets positifs sur les relations parent-enfant et la résilience familiale. PIO, adapté aux parents en prison ou probation, inclut un soutien post-libération et est listé comme evidence-based dans plusieurs registres.

Functional Family Therapy (FFT), appliqué aux jeunes en probation, montre une réduction de la récidive de 25-60%, avec un ratio bénéfice-coût de 8,94 grâce à la diminution des placements hors domicile. Bien que centré sur les familles avec adolescents délinquants, il soutient les parents probationnaires en renforçant les dynamiques familiales.

D’autres programmes, comme InsideOut Dad pour les pères incarcérés, améliorent les attitudes parentales et réduisent potentiellement la récidive via un meilleur contact familial. Les nurseries carcérales ont montré une réduction de la récidive post-libération chez les mères.

Tableau récapitulatif des études clés

Programme/Étude Contexte Résultats sur la récidive Autres impacts Limites
Parenting Inside Out (PIO) – Eddy et al. (2013) Prison et réinsertion/probation Réduction de 40 % de la pensée criminelle ; effets positifs sur la récidive post-libération Amélioration des compétences parentales, relations familiales, bien-être psychologique Échantillons majoritairement américains ; besoin de suivi à long terme
Functional Family Therapy (FFT) – Sexton & Alexander (2003) Probation juvénile Réduction de 25-60 % de la récidive ; ratio bénéfice-coût élevé Renforcement des compétences familiales, réduction des troubles comportementaux Centré sur les jeunes ; moins d’études sur les parents adultes probationnaires
Revue systématique (Troy et al., 2018) Principalement prison, une probation Réduction significative avec soutien post-libération (une étude) Améliorations dans attitudes, connaissances et comportements parentaux Preuves limitées sur la récidive ; focus carcéral
Family Matters (Mowen et al., 2019) Réinsertion post-prison Soutien instrumental réduit la réincarcération et l’usage de substances Pas d’effet direct du soutien émotionnel sur la récidive Données auto-rapportées ; variations genrées
Hidden Consequences (Poehlmann-Tynan & Turney, 2021) Incarcération Visites familiales réduisent la récidive ; soutien fort clé pour réinsertion Maintien des liens parent-enfant atténue les traumas Effets mixtes selon qualité pré-incarcération des relations

Perspectives en France et Europe

En France, des guides sur la prévention de la récidive mentionnent le soutien à la parentalité comme mesure pour transformer les services de probation. Des revues de littérature soulignent l’importance des liens familiaux pour empêcher la récidive, avec des interventions comme la thérapie familiale. Bien que moins d’études spécifiques à la probation existent, des programmes comme PSFP (Programme de Soutien aux Familles et à la Parentalité) visent à développer les compétences parentales, avec des effets indirects sur la stabilité familiale potentiellement réducteurs de récidive.

Limites et recommandations futures

Les preuves sont souvent limitées par des échantillons petits, un focus carcéral plutôt que probationnaire, et un manque de suivis longitudinaux. Des facteurs comme le genre, la culture et la durée du soutien influencent les résultats. Pour maximiser l’utilité, les programmes devraient inclure des composants post-libération et être évalués via des essais randomisés. Des recherches supplémentaires en contextes européens, y compris français, sont nécessaires pour adapter ces axes à des systèmes judiciaires locaux.

En conclusion, les résultats de recherche convergent pour souligner que le soutien à la parentalité en probation n’est pas seulement un impératif éthique ou humanitaire, mais aussi un levier efficace pour réduire la récidive, même si les résultats de la recherche ont besoin d’être consolidés. En restaurant le sentiment de compétence parentale et en maintenant des liens stables avec les enfants, ces programmes contribuent à reconstruire des identités positives et prosociales, essentielles pour une réinsertion durable.

Le Visit Coaching (ou coaching des visites) est une approche innovante en protection de l’enfance, développée par Marty Beyer, Ph.D., pour remplacer les visites supervisées traditionnelles. Contrairement à la simple surveillance, cette méthode vise à renforcer les compétences parentales et à favoriser l’attachement entre les parents et leurs enfants placés en famille d’accueil. Son objectif principal est de préparer la réunification familiale en s’appuyant sur les forces des parents et les besoins spécifiques des enfants
Le manuel Visit Coaching s’adresse aux professionnels du bien-être infantile, aux éducateurs parentaux et aux coaches de visites, en promouvant des interactions centrées sur les besoins de l’enfant pour accélérer les retours à domicile et réduire la durée des placements. Il aborde concrètement et avec renfort de supports et exercices les défis des familles touchées par l’incarcération, comme la séparation prolongée, en favorisant l’attachement pour atténuer les risques de troubles comportementaux et d’engagement futur dans le système judiciaire. (Voir aussi cet article de Marty Beyer visitcoaching-incpar)

Le coaching repose sur quatre principes : l’empowerment (renforcement des forces familiales), l’empathie (adaptation aux besoins uniques de l’enfant), la réactivité (gestion des conflits entre besoins adultes et infantiles) et la parentalité active (influence des actions parentales sur le comportement enfantin). Ces principes guident une approche personnalisée, où les visites deviennent un « laboratoire » pour appliquer les compétences parentales.

  • Focus sur les Besoins de l’Enfant : Identifier des besoins concrets (ex. : admiration pour de nouvelles chaussures) plutôt que vagues, en les reliant aux raisons du placement (risques de sécurité).
  • Gestion des Émotions Parentales : Créer des « zones sans colère » pour que les parents, souvent accablés par la perte de logement ou l’incarcération d’un proche, se concentrent sur l’enfant.
  • Adaptation aux Contextes Spécifiques : Pour les parents incarcérés, préparer des visites en prison en abordant les limitations logistiques et émotionnelles.

Exemple de planification des objectifs de la rencontre

Le processus est structuré en phases pratiques pour une application immédiate :

  1. Évaluation des Besoins Développementaux : Utiliser des tableaux de développement pour lister les compétences de l’enfant (ex. : nommer des images pour un enfant de 2 ans) et planifier des activités adaptées.
  2. Planification des Visites : Co-construire un plan avec le parent, incluant jeux (Jaques à dit…), chansons, loisirs créatifs et moments « juste toi, juste moi ». Relier aux risques de retrait pour démontrer les progrès.
  3. Coaching Avant/Après Visite : Séances de 15-30 minutes pour préparer (répétition de compétences) et débriefer (gestion des réactions émotionnelles).
  4. Coaching Pendant la Visite : Techniques comme le modelage (démonstration d’une lecture interactive), l’instruction (expliquer les comportements) et la répétition. Pour les ados, améliorer la communication ; pour les familles élargies, organiser des réunions médiées.
  5. Gestion des Réactions et Discipline : Interpréter les comportements post-visite (régression, agressivité) comme réponses au trauma, et enseigner la redirection non abusive.
    • « Certains parents aboient constamment des ordres à leurs enfants, pensant bien faire. Ils ont besoin d’aide pour comprendre qu’il est bien plus efficace de répondre aux besoins de leur enfant en élevant la voix uniquement en cas de danger et en évitant autrement de chercher à le contrôler.

      Pour de nombreux parents, c’est une idée nouvelle qu’ils peuvent éviter la plupart des rapports de force avec leurs enfants – sans pour autant renoncer à leur rôle de fixer des limites – et que cela est bénéfique pour la relation parent-enfant. Les parents qui ont étiqueté leur enfant comme « têtu » doivent être accompagnés pour comprendre que ces comportements existent pour une raison : soit en raison de l’âge de l’enfant, soit parce qu’il a été traumatisé et craint de perdre le contrôle.

      Pour que les parents puissent mettre en pratique ce qu’ils ont appris en cours sur une discipline efficace et non abusive, il ne suffit pas de croire en l’efficacité de la redirection et de la prévention de l’escalade. Si le parent a un style parental passif ou contrôlant, il peut ne pas reconnaître que la plupart des comportements de l’enfant sont le résultat de ce que le parent dit ou fait ».

  6. Transition et Suivi : Adapter pour les visites en communauté ou en prison, en utilisant des modules d’enseignement des compétences parentales pour la continuité.

Les bénéfices incluent :

  • un renforcement de l’attachement,
  • une réduction des traumatismes (ex. : réactions anxieuses aux visites),
  • et une accélération de la réunification.
Pour les enfants de parents incarcérés, cela atténue l’isolement, favorise la résilience et diminue les risques de délinquance future en soutenant la réinsertion parentale.

Désistance

Dans les théories de la Désistance, les liens familiaux forts restent cruciaux et participent à réduire la récidive. Les études soulignent que l’investissement dans un rôle parental positif peut constituer un « point tournant » favorisant ce processus. L’exercice de la parentalité permet de se construire une identité positive (« parent » vs «délinquant»), contrecarrant l’auto-stigmatisation. Le maintien des liens familiaux constitue enfin un capital social licite, essentiel pour la réinsertion . À l’inverse, la rupture des liens accroît le risque d’isolement et de récidive .
La recherche démontre ainsi que le soutien à la parentalité en milieu carcéral est un levier puissant de désistance, agissant sur l’identité, le capital social et les compétences psychosociales des personnes détenues. Pour optimiser son impact, il doit s’inscrire dans une approche holistique, combinant maintien des liens, formation des professionnels et lutte contre les stéréotypes. Les politiques publiques gagneraient à prioriser ces dispositifs, tant pour le bien-être des enfants que pour la réduction de la récidive.

Exemples de support du manuel

Organiser des Visites Heureuses pour Vos Enfants

Imaginez votre enfant franchissant la porte pour une visite avec vous.
Votre enfant est heureux de vous voir.
Votre enfant a envie de faire les choses que vous faisiez ensemble à la maison — les câlins, discuter, manger, raconter des histoires et des blagues, jouer avec des jouets, jouer à des jeux, chanter, lire, se coiffer. Vous n’aimez pas voir votre enfant dans une salle de visite étrange, mais en faisant les choses que vous auriez faites ensemble à la maison, votre enfant se sentira plus à l’aise.

Votre enfant peut sembler différent, plus silencieux ou plus actif. Ce sont des réactions normales, et vous pouvez aider votre enfant en le rassurant. Si votre enfant a des choses à dire, pleines de colère, l’écouter sans le juger l’aidera. Ce que votre enfant veut par-dessus tout, c’est votre attention totale pendant la visite.
Si vous avez plus d’un enfant, ils peuvent rivaliser pour attirer votre attention pendant les visites. Accordez un peu de temps spécial à chaque enfant. Ne vous inquiétez pas si vous ne pouvez pas apporter de cadeaux. Apportez une collation que vos enfants pourront partager.

Il y a beaucoup de choses concernant la visite et le fait que votre enfant vous ait été retiré qui peuvent vous mettre en colère. Mais vous ne voulez pas montrer votre visage ou vos mots de colère à votre enfant. Laissez ces sentiments à la porte pour que la visite soit un espace sans colère.

Cela peut être stressant d’être observé pendant votre visite, mais souvenez-vous que votre travailleur social veut voir à quel point vous êtes un parent aimant. Retrouvez votre travailleur social après la visite pour parler entre adultes — comme cela, vous pourrez passer tout votre temps de visite à jouer avec votre enfant.

Votre enfant peut être confus sur les raisons de votre séparation. C’est difficile pour vous lorsque vos enfants demandent : « Est-ce que je peux rentrer à la maison avec toi aujourd’hui ? » Rassurez vos enfants en leur disant que cette séparation n’est pas de leur faute. Vous pouvez aussi aider en montrant votre amour et en disant que vous faites tout votre possible pour qu’ils rentrent à la maison bientôt. Évitez d’entrer dans les détails ou de faire des promesses — c’est trop difficile à comprendre pour les enfants. Parlez plutôt des centres d’intérêt de votre enfant.

Il peut être difficile de voir votre enfant dans des vêtements que vous ne reconnaissez pas ou avec une coiffure que vous n’aimez pas, mais vous ne voulez pas que votre enfant se sente mal de vivre avec quelqu’un d’autre. Votre enfant sera plus heureux de vous voir bien vous entendre avec la famille d’accueil. Interrogez la famille d’accueil ou votre travailleur social lorsque votre enfant ne peut pas vous entendre.

Imaginez votre enfant qui part après la visite. Il est difficile pour vous deux de vous dire au revoir, mais cela facilite les choses pour votre enfant si vous évoquez une activité que vous avez hâte de faire ensemble à la prochaine visite. Vous pouvez être fier de vous si vous vous assurez que votre enfant repart en se sentant heureux du temps passé ensemble et en ayant hâte à la prochaine visite.

Rendre les « Au Revoir » un Peu Plus Facile

Dire au revoir à la fin d’une visite est difficile pour votre enfant et pour vous. Les enfants de tous âges seront perturbés par la fin de la visite et ne comprendront pas pourquoi vous ne rentrez pas ensemble à la maison. S’ils ont l’air triste, vous aurez peut-être envie de pleurer – c’est comme s’ils vous étaient à nouveau arrachés.

La manière dont vous les aidez à dire au revoir peut faire une grande différence.

  • Vous pouvez leur faire sentir qu’ils sont aimés.
  • Vous pouvez les rassurer en montrant que vous êtes heureux de les revoir bientôt.
  • Vous pouvez leur donner des souvenirs de votre complicité qui renforceront votre attachement.
  • Vous pouvez garder la même routine pour dire bonjour et au revoir afin de rester présent dans leur esprit.

Pour vous assurer que le au revoir à la fin de la visite les aide au maximum, mettez-vous à leur place.
À leur âge, que comprendront-ils le mieux ?

Quelques suggestions :
Pour les enfants de moins de 2 ans qui utilisent peu de mots, il est plus difficile de trouver ce qui leur donnera envie d’attendre la prochaine visite avec impatience. Quand ils ne sont pas avec vous, ils sont trop jeunes pour se souvenir de beaucoup de choses d’une semaine à l’autre. Leur donner un doudou à rapporter à chaque visite peut les aider.

La plupart des enfants de 2 à 5 ans ne font pas la différence entre demain et la semaine prochaine, alors mettez l’accent sur une activité que vous ferez ensemble lors de la prochaine visite, et non sur le moment. Leur donner une photo de vous ensemble peut être rassurant. Plus ils grandissent, plus il leur sera facile d’utiliser l’idée de parler à votre photo entre les visites.

Quelque chose que vous répétez à chaque au revoir peut aider, comme chanter la même chanson, des poignées de main spéciales, des comptines ou inventer votre propre rituel d’au revoir, comme une cheerleader enthousiaste (« Qui est-ce que Maman aime ? Naya et CeeCee ! Qui est-ce que Maman a hâte de revoir la semaine prochaine ? Naya et CeeCee ! Qui va manger du pop-corn avec Maman la semaine prochaine ? Naya et CeeCee ! », etc.)

Les enfants d’âge scolaire sont capables d’attendre une visite un jour spécifique et de vous parler au téléphone.
Plus ils vieillissent, plus il est possible qu’ils soient responsables d’apporter quelque chose à la visite, comme un projet scolaire qu’ils veulent vous montrer. Créer un album de photos anciennes ou de dessins qu’ils font, avec des histoires qu’ils racontent sur leurs souvenirs, peut être quelque chose qu’ils attendront avec impatience pendant les visites.

Dessinez-vous mutuellement un dessin pendant la visite pour que chacun l’emporte avec soi, ou apportez une petite note d’amour à leur donner quand ils partiront.

Le meilleur conseil pour dire au revoir est probablement d’écouter plus et de parler moins. Vos enfants ne peuvent pas comprendre vos sentiments complexes ou vos projets pour l’avenir. Vous serez submergé de sentiments à la fin de la visite, mais ceux-ci sont à partager avec un autre adulte. Écoutez vos enfants. Reconnaissez que c’est difficile de se dire au revoir. Nommez leurs sentiments avec des mots comme : « Nous sommes tous les deux tristes de nous quitter. Nous sommes tous les deux heureux de nous revoir bientôt. » Votre propre rituel d’au revoir avec vos enfants rendra ce moment difficile un peu plus facile.