Dans le domaine de la criminologie, comprendre comment le comportement criminel se transmet d’une génération à l’autre est essentiel pour développer des stratégies de prévention efficaces. Une revue systématique et méta-analyse publiée en novembre 2017 dans Aggression and Violent Behavior examine cette question en synthétisant des données de 25 publications couvrant 23 échantillons et plus de 3,4 millions d’enfants. Cette étude met en évidence que, bien que des liens familiaux existent, ils ne sont pas inévitables et pourraient être influencés par des interventions ciblées.
Points Clés
- Les enfants de parents ayant un comportement délinquant (CD) présentent un risque accru de développer un CD eux-mêmes, avec un odds ratio moyen de 2,4 selon une méta-analyse de 23 échantillons.
- Après ajustement pour des covariables, ce risque reste significatif avec un odds ratio de 1,8.
- La transmission est plus forte de la mère à la fille, suivie de la mère au fils, du père à la fille, et la plus faible du père au fils.
- Le phénomène semble s’intensifier pour les cohortes nées après 1981, suggérant une évolution possible liée à des facteurs sociétaux.
- Des mécanismes comme l’apprentissage social, les environnements criminogènes, une prédisposition biologique et des biais dans la justice pénale pourraient expliquer cette transmission, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour clarifier les effets causaux.
Résultats Principaux
Les résultats montrent une association claire entre le CD parental et celui des enfants, mais avec des variations selon le genre et l’époque. Par exemple, dans l’étude Cambridge Study in Delinquent Development (CSDD), 62 % des garçons avec un parent condamné ont eux-mêmes été condamnés jusqu’à l’âge de 50 ans, contre 34 % pour les autres. Cependant, des modérateurs méthodologiques, comme l’utilisation d’échantillons de convenance ou la confirmation que le CD parental précède celui de l’enfant, renforcent ces associations.
Transmission Intergénérationnelle du Comportement Délinquant
Les premières études sur la transmission familiale du CD remontent à la fin du XIXe siècle, avec des travaux comme ceux de Dugdale (1877) sur la famille Juke ou Goddard (1912) sur les Kallikak, qui identifiaient déjà des patterns familiaux, bien que marqués par des faiblesses méthodologiques. Au XXe siècle, les recherches ont été freinées par des réticences liées aux théories biologiques associées à l’eugénisme et par la nécessité de données longitudinales prospectives couvrant plusieurs générations. Des études modernes, comme la Cambridge Study in Delinquent Development (CSDD), ont révélé que un parent condamné avant les 10 ans de l’enfant est un prédicteur fort de condamnations jusqu’à 50 ans, avec 62 % des garçons concernés contre 34 % pour les autres.
La transmission intergénérationnelle n’implique pas une « transmission physique » mais une continuité de caractéristiques ou comportements observés entre parents et enfants. Le CD est défini comme un acte prohibé par le code pénal, mesuré par des condamnations officielles, arrestations, ou auto-rapports, excluant les infractions mineures comme les excès de vitesse ou l’usage de marijuana dans les contextes où il est légalisé. L’étude exclut les recherches se focalisant uniquement sur l’incarcération parentale ou la violence domestique, car celles-ci méritent des méta-analyses dédiées et ne capturent pas l’ensemble du CD.
Plusieurs théories expliquent ce phénomène :
- l’apprentissage social (où les enfants imitent les comportements parentaux),
- les environnements criminogènes (pauvreté, quartiers défavorisés),
- une proneness biologique (facteurs génétiques ou biosociaux),
- et des biais dans le système de justice pénale (surveillance accrue des familles connues).
Des auteurs comme Farrington (2011), Thornberry (2009) et Giordano (2011) intègrent ces processus dans des modèles combinés.
Méthodologie de l’Étude
La revue systématique a couvert les études de 1950 à décembre 2016, en utilisant 18 bases de données. Les critères d’inclusion exigeaient des mesures quantitatives du CD parental et enfantin, avec des designs permettant de calculer des OR ou des corrélations. Au total, 21 études ont fourni 23 échantillons, avec des données sur plusieurs générations.
Les modérateurs analysés incluent le genre parent-enfant, l’âge au moment du CD parental, la cohorte de naissance, le pays, et des aspects méthodologiques comme la taille d’échantillon, les taux de réponse, et le type de mesure (officielle vs. auto-rapportée).
Résultats Détaillés et Modérateurs
Les résultats confirment une association significative, avec un OR de 2,4 pour le risque brut et 1,8 ajusté. Les patterns de genre montrent une transmission plus forte des mères aux filles, potentiellement due à des interactions plus intenses ou des facteurs biosociaux. Pour les cohortes, l’effet est plus prononcé après 1981, possiblement lié à l’augmentation des populations carcérales et des convictions dans de nombreux pays.
| Modérateur | Description | Effet sur la Transmission |
|---|---|---|
| Genre Parent-Enfant | Mère-Fille | Plus forte (OR le plus élevé) |
| Mère-Fils | Forte | |
| Père-Fille | Modérée | |
| Père-Fils | Plus faible | |
| Cohorte de Naissance | Avant 1981 | Moins forte |
| Après 1981 | Plus forte | |
| Âge de l’Enfant | Adolescence | Risque accru |
| Méthodologie | Précédence temporelle (parent avant enfant) | Effet plus fort |
| Taille d’échantillon, taux de réponse, type de mesure | Pas de modération significative | |
Limites
La méta-analyse soutient l’idée que le CD parental prédit un risque accru pour les enfants, mais peu est connu sur les effets causaux. Les mécanismes potentiels incluent:
- l’apprentissage social (imitation),
- les environnements criminogènes (exposition à la pauvreté ou à la violence),
- une prévalence biologique (gènes ou interactions biosociales),
- et des biais judiciaires (surveillance policière accrue).
Des recherches futures devraient se concentrer sur des études à grande échelle pour mieux comprendre ces dynamiques et informer les programmes de prévention.
En conclusion, les enfants de parents criminels sont à risque accru, mais ce cycle peut être brisé par des interventions ciblées.

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