L’analyse psychologique des phénomènes terroristes constitue un domaine de recherche complexe qui soulève de nombreuses questions méthodologiques et théoriques. L’article de Wagdy Loza (2007) « The psychology of extremism and terrorism: A Middle-Eastern perspective » offre une synthèse des connaissances sur les facteurs psychologiques associés au terrorisme, tout en adoptant une approche spécifiquement orientée vers le contexte moyen-oriental.
Wagdy Loza structure son analyse autour de plusieurs dimensions : les fondements idéologiques, les justifications politiques et sociales, et les caractéristiques psychologiques des acteurs terroristes:
Les traits de personnalité (rigidité cognitive, pensée dichotomique)
Les systèmes de croyances (supériorité morale, justification religieuse)
Les processus émotionnels (frustration, colère, sentiment d’humiliation)
Les mécanismes attributionnels (externalisation de la responsabilité)
Personnalité et psychopathologie: des résultats nuancés
L’article présente des résultats contradictoires concernant l’existence de traits de personnalité spécifiques chez les terroristes. Certaines études suggèrent des profils psychopathologiques particuliers (complexe d’infériorité, narcissisme blessé, tendances paranoïdes), tandis que d’autres recherches concluent à l’absence de différences significatives avec la population générale.
Cette divergence soulève une question méthodologique fondamentale : l’hétérogénéité des populations étudiées et la variabilité des contextes rendent difficile l’identification de caractéristiques psychologiques universelles. Les professionnels de la justice doivent donc se méfier des généralisations abusives et privilégier une approche individualisée dans l’évaluation des profils.
Processus cognitifs et émotionnels
L’analyse de Loza met en évidence plusieurs biais cognitifs récurrents :
La simplification excessive des enjeux complexes
La pensée binaire (bien/mal, croyants/infidèles)
L’absence de flexibilité analytique
Ces patterns cognitifs, associés à des émotions négatives intenses (frustration, colère, sentiment d’injustice), créent un terrain propice à la radicalisation. Cependant, l’article ne précise pas suffisamment les mécanismes causaux : ces caractéristiques constituent-elles des facteurs prédisposants ou résultent-elles du processus de radicalisation lui-même ?
Implications pour la prévention et l’intervention
Limites de l’approche purement psychologique
L’article reconnaît implicitement les limites d’une approche exclusivement psychologique en intégrant des dimensions sociologiques, politiques et religieuses. Cette reconnaissance est importante pour les professionnels de la justice, car elle suggère que les interventions ne peuvent se limiter aux seuls aspects psychologiques individuels.
Recommandations pratiques
Loza propose plusieurs pistes d’intervention :
Séparation entre religion et politique
Lutte contre les messages de haine
Promotion de l’intégration et de l’assimilation
Éducation sur les idéologies extrémistes
Implications pour la pratique judiciaire
Évaluation des profils de risque
Les éléments présentés suggèrent l’importance d’une évaluation multidimensionnelle prenant en compte :
Les facteurs psychologiques individuels
Le contexte social et familial
L’exposition aux idéologies radicales
Les événements déclencheurs
Stratégies d’intervention
L’article plaide pour une approche combinant mesures sécuritaires et interventions psychosociales. Cette perspective multifactorielle est cohérente avec les approches contemporaines de la désistance criminelle, qui privilégient l’intervention sur plusieurs niveaux simultanément.
L’analyse de Loza apporte des éléments utiles à la compréhension des mécanismes psychologiques impliqués dans les phénomènes terroristes, tout en soulignant la complexité et la multifactorialité de ces processus. Pour les professionnels de la justice, cet article rappelle l’importance d’éviter les explications monocausales et de privilégier des approches intégratives tenant compte des dimensions individuelles, sociales et contextuelles.
Référence : Loza, W. (2007). The psychology of extremism and terrorism: A Middle-Eastern perspective. Aggression and Violent Behavior, 12(2), 141-155.
L’évaluation de la radicalisation violente est un domaine complexe et sensible, qui nécessite des outils rigoureux et validés pour être efficace. Voici quelques-uns des outils d’évaluation les plus utilisés dans ce domaine :
Le SQAT est un auto-questionnaire conçu pour mesurer le degré de radicalisation des détenus ou leur adhésion à l’extrémisme violent.
Le questionnaire comprend 66 questions réparties sur trois échelles : « besoins », « récit » et « réseau » (l’approche 3N).
Les personnes évaluées doivent répondre à ces questions en cochant une échelle de Likert qui indique dans quelle mesure elles sont d’accord avec une affirmation, ou leur degré d’approbation de l’affirmation (echelle qui va de rarement ou jamais (1) à très souvent (7))
Les scores obtenus pour les questions sont ensuite traduits en un niveau de risque global pour un individu et donnent une idée du niveau de risque posé par l’individu en question.
Un outil developpé par les australiens Barrelle & HarrisHogan
Évalue les risques et les besoins du client dans plusieurs domaines et contribue à l’élaboration des objectifs de l’intervention.
Ces outils sont utilisés par divers professionnels, y compris des psychologues, des criminologues, des travailleurs sociaux, et des agents de la sécurité publique. Ils sont souvent intégrés dans des programmes plus larges de prévention et d’intervention visant à lutter contre la radicalisation violente. Il est important de noter que l’efficacité de ces outils dépend de leur application correcte et de la formation des utilisateurs.
« La menace de radicalisation vers l’extrémisme violent, à l’intérieur et à l’extérieur des prisons, s’est accrue en Europe ces dernières années dans le contexte du phénomène des combatants terroristes etrangers et de l’augmentation de la criminalisation des délits préparatoires. Dans le même ordre d’idées, l’intérêt et la demande d’évaluation des risques liés au degré de radicalisation des extrémistes violents présumés ou condamnés se sont accrus, dans les milieux universitaires, mais plus encore de la part des décideurs politiques. En réponse, de nombreux outils d’évaluation des risques ont été développés dans le monde entier ces dernières années par différents experts (psychologues, universitaires, criminologues, praticiens), dans différents contextes institutionnels (prison, police, niveau local, secteur des soins de santé mentale), adaptés à différents publics cibles (djihadistes, gauche, droite) et avec différents objectifs (déterminer le risque de récidive, le risque de radicalisation d’autres personnes, le degré de radicalisation ou la probabilité d’utilisation de la violence). Toutefois, comme le terrorisme reste une menace dont les taux de prévalence sont faibles, la base de données existante est trop restreinte pour valider scientifiquement l’un ou l’autre de ces outils. En raison du manque d’évaluations de ces outils, une critique souvent formulée est que tous ces outils restent au niveau de la structuration et de la catégorisation des informations, fournissant une justification pour les plans d’action et les interventions, mais qu’aucun d’entre eux n’a de capacité prédictive. Le terme « outil » peut donc être trompeur car, s’ils ne sont pas correctement informés, les utilisateurs risquent d’attendre une solution miracle qui leur permettra d’évaluer le comportement futur ou la récidive, ce qui n’est pas le cas de tous ces outils. Néanmoins, il est essentiel que les professionnels de terrain, qui travaillent au quotidien avec ces personnes, puissent structurer la collecte d’informations afin d’identifier des indicateurs pertinents pour leur objectif spécifique. Il est donc important de démystifier certains termes utilisés dans ce domaine et d’adopter une approche pragmatique, en reconnaissant par exemple qu’une approche telle que le jugement professionnel structuré (JPS) ne signifie pas grand-chose de plus que la structuration du bon sens et de l’intuition des professionnels pour étayer leurs jugements. Alors que le Saint-Graal de l’évaluation des risques – l’outil prédictif – est encore loin à l’horizon car il est tout simplement trop tôt pour pouvoir le développer, les méthodes et outils actuellement disponibles sont souvent très clairs dans leur champ d’application et ne prétendent pas nécessairement être plus qu’une aide ou une base pour la prise de décision. Et c’est précisément là que réside leur principale valeur dans le domaine du terrorisme. Dans un domaine où les termes les plus souvent utilisés, tels que radicalisation et terrorisme, non seulement ne font pas l’objet d’un consensus, mais plus encore, ont une nature intrinsèquement politique avec des conséquences graves et profondes pour les individus étiquetés comme tels, l’importance d’expliquer ce que l’on veut dire et ce sur quoi on est d’accord dans les pratiques quotidiennes ne peut pas être sous-estimée. Il est essentiel de clarifier autant que possible les raisons pour lesquelles les individus sont étiquetés comme radicalisés, extrémistes ou terroristes et la relation avec les indicateurs sous-jacents qui fournissent les preuves de ces étiquettes. Ainsi, malgré le manque d’évaluations116 et la capacité à prédire un comportement futur, la série d’outils actuellement disponibles constitue un point de départ très utile pour permettre aux professionnels de déterminer si l’individu est apte à bénéficier d’interventions et de traitements, y compris de programmes de prévention ou de réadaptation. Cet article vise à fournir une vue d’ensemble complète et comparative des principaux outils, protocoles, lignes directrices ou approches utilisés dans ce domaine selon trois dimensions : (1) l’objectif des outils ; (2) la méthodologie et la structure sous-jacentes des outils ; et (3) les implications pratiques de l’utilisation de ces outils. Les auteurs espèrent ainsi permettre aux praticiens et aux décideurs politiques de mieux naviguer dans les eaux souvent boueuses, protégées par des droits d’auteur et souvent coûteuses du monde de l’évaluation des risques de l’extrémisme violent, et faciliter leur processus de prise de décision lorsqu’il s’agit de déterminer l’approche la mieux adaptée à leurs besoins. Enfin, nous présentons ci-dessous quelques considérations – sans ordre de priorité – que les auteurs jugent essentielles à prendre en compte lorsqu’ils commencent à réfléchir à l’utilisation de l’évaluation des risques dans leurs propres cercles professionnels.
Compte tenu des différentes méthodologies utilisées, la plus grande valeur réside dans la combinaison de l’utilisation d’outils quantitatifs et qualitatifs afin de compenser les avantages et les inconvénients des deux approches. En d’autres termes, si les outils quantitatifs tels que le SQAT ont l’avantage d’être faciles à utiliser et de ne pas nécessiter beaucoup de ressources, ils ont l’inconvénient d’être vulnérables au biais de désirabilité sociale en raison de la personne qui remplit les questionnaires. Cependant, ils peuvent être utilisés comme une source d’information précieuse pour des outils plus qualitatifs (tous les outils JPS (jugement professionnel structuré), qui nécessitent généralement plus de ressources, tant en termes d’informations que de temps. La combinaison des deux permet aux professionnels de commencer à mesurer le changement tout en lui donnant un sens qualitatif.
Utilisation pratique > nécessité d’une normalisation à des fins pratiques (échange d’informations, etc.) ; nécessité de différencier les différentes typologies ; principale conclusion : c’est à la fois très important et nécessite des connaissances approfondies, tout en exigeant beaucoup de temps et de ressources ; il n’est donc pas utile de former tout le monde, il est préférable d’avoir de petites équipes d’experts alimentées par des informations provenant de groupes professionnels plus importants.
Commencez toujours par un objectif clair : Lorsque l’on envisage de mettre en œuvre une évaluation des risques liés à l’extrémisme violent, la considération la plus importante à faire au départ est de déterminer l’objectif de l’évaluation des risques. Il convient de faire une distinction claire, par exemple, entre l’évaluation du risque de recrutement d’autres détenus dans un réseau radical et le risque de récidive après la prison.
Étant donné le niveau de connaissances et d’expertise (et souvent de formation et de certification) requis pour mener une évaluation des risques d’extrémisme violent de manière appropriée, il est plus louable de centraliser l’expertise : former une petite équipe d’experts au sein d’une organisation donnée de manière extensive et fournir un type de formation plus générique et plus large axé sur la sensibilisation et l’identification des risques potentiels.
L’évaluation des risques des l’extremisme violent est une entreprise complexe. Elle nécessite le traitement d’un grand nombre d’informations. La plupart des professionnels qui établissent ces évaluations sont relativement nouveaux dans ce domaine d’expertise spécifique. Des outils fondés sur des données probantes peuvent les aider dans leurs évaluations ; de nombreux instruments de JPS peuvent être mis en œuvre pour divers objectifs. Cela aide les pays et les organisations dans leur recherche d’un outil approprié. Toutefois, les décideurs doivent être conscients que tous les outils ne peuvent pas être appliqués à tous les objectifs de l’extremisme violent.
Outre l’information et la facilitation des utilisateurs, il est essentiel que la direction générale soit également impliquée dans la mise en œuvre d’un outil. L’encadrement supérieur ne doit pas seulement décider des objectifs de la mise en œuvre, mais aussi de la disponibilité des informations nécessaires à la réalisation d’une évaluation.
Emission « Signes des temps » de Marc Weitzman diffusée sur France culture: les problématiques discutées sur la nature et les enjeux des différentes formes de terrorisme et donc sur les manière de les traiter judiciairement et d’en rendre compte dans les médias.
Comment la société s’empare-t-elle du terrorisme pour le raconter ? Quel est l’enjeu judiciaire mais aussi narratif du procès qui s’est ouvert le 8 septembre dernier pour juger les auteurs des attentats du 13 novembre 2015, le troisième du genre ?
Planche de la bande dessinée « La cellule : enquête sur les attentats du 13 novembre 2015 »• Crédits : scénario Soren Seelow et Kévin Jackson – dessin Nicolas Otéro – éditions Les Arènes
Cela fait un peu plus d’une semaine maintenant, le 8 septembre dernier que s’est ouvert devant la cour d’assises de Paris le procès des attentats du 13 Novembre. Cela a déjà été dit, il s’agit d’un procès hors norme, dans les annales de la justice, d’abord, évidemment, étant donné la magnitude des attaques perpétrées par l’organisation Etat islamique (EI), ce jour-là, qui ont fait 130 morts et plusieurs centaines de blessés pour beaucoup à vie, mais hors norme aussi comme évènement judiciaire : Neuf mois d’audience, soit 140 jours, une salle construite à l’intérieur du Palais, un procès filmé pour l’histoire, près de 1 800 parties civiles, 330 avocats, des centaines de journalistes, qui vont examiner le résultat d’une instruction menée par 5 juges enquêteurs qui aura duré 4 ans, et dont le volume de documents atteint 542 tomes soit un peu plus de 47 000 procès-verbaux, lesquels empilés l’un sur l’autre, atteindraient 53 mètres de hauteur : on est chez Kafka.
Comment faire entrer cet hors-norme dans la norme du récit journalistique ou judiciaire ? Qu’y a-t-il de si spécifique dans le fait terroriste qui rend son appréhension par la société si difficile ?
L’acte terroriste
Il y a un hiatus entre le parcours des auteurs de l’acte terroriste et la sidération produite par l’acte lui-même.
C’est un procès hors norme, mais le principe même d’un procès d’assises est de rentrer dans la norme judiciaire, dans la norme de l’Etat de droit. (…) Le terrorisme, cela a été théorisé, est en fait une ‘prise de judo’ aux sociétés occidentales en retournant contre ces sociétés leurs outils de communication. (…) L’onde de choc d’un attentat, est lié au fait qu’il est médiatisé. Soren Seelow
Le terrorisme est défini par l’illisibilité de l’acte, la gratuité de la violence, qui ne peut pas être inscrit dans un récit (…) Donc, plus on le raconte, plus on banalise. (…) C’est un concept contradictoire. Uri Eisenzweig
La loi Badinter ré-autorise trente ans après la présence des caméras dans le prétoire, mais véritablement dans une visée anti spectacle, pour constituer des archives pour l’histoire et pour l’histoire de la justice. Sylvie Lindeperg
FRANCE CULTURE, Emission « La conversation scientifique » (28/09/19) Qu’est-ce que l’esprit critique ?
Le « fou de livres » (Bëchernarr) dans une édition strasbourgeoise de 1510
Penser, n’est-ce pas être capable de dire à sa propre pensée, dans une sorte d’étonnement, sinon qu’elle se trompe, du moins qu’elle mérite d’être reprise, modifiée, réadaptée en certains points trop bien fixés ?
Penser, n’est-ce pas être capable de dire à sa propre pensée, dans une sorte d’étonnement, sinon qu’elle se trompe, du moins qu’elle mérite d’être reprise, modifiée, réadaptée en certains points trop bien fixés ? C’est en tout cas ce qu’expliquait le philosophe Alain :
Penser, c’est dire non. Le signe du oui est d’un homme qui s’endort ; au contraire, le réveil secoue la tête et dit « non ». Non à quoi ? Au monde, au tyran, au prêcheur ? Ce n’est que l’apparence. En tous ces cas-là, c’est à elle-même que la pensée dit non. Elle rompt l’heureux acquiescement. Elle se sépare d’elle-même. Elle combat contre elle-même. Il n’y a pas au monde d’autre combat. Ce qui fait que le monde me trompe par ses perspectives, ses brouillards, ses chocs détournés, c’est que je consens, c’est que je ne cherche pas autre chose. Et ce qui fait que le tyran est maître de moi, c’est que je respecte au lieu d’examiner. Même une doctrine vraie, elle tombe au faux par cette somnolence. C’est par croire que les hommes sont esclaves. Réfléchir, c’est nier ce que l’on croit. Qui croit ne sait même plus ce qu’il croit. Qui se contente de sa pensée ne pense plus rien[1].
L’esprit critique serait donc le moteur de la pensée même. Mais comment le définir ? Par quoi le caractériser ? Et surtout, comment l’enseigner, le faire vivre, voire le critiquer en vertu de lui-même ?
Invité : Gérald Bronner, professeur de sociologie à l’université Paris-Diderot, auteur de « Déchéance de rationalité ».
[1]Alain, Propos sur les pouvoirs, « L’homme devant l’apparence », 19 janvier 1924, n° 139 ou Propos sur la religion, LXI.
Conférence AFC du 7 décembre 2018 sur le thème : « Radicalités et radicalisation : recherches, politiques et pratiques de terrain » tenue sous la présidence de Madame le docteur Sophie BARON-LAFORET, présidente de l’AFC au centre médico-psychologique du Nord.
Laurent BONELLI (maître de conférence à l’université Paris-Nanterre) est intervenu sur le thème de « la fabrique de la radicalité ».
Discutant : Alain BLANC (magistrat honoraire, président d’une commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté et vice-président de l’AFC).
La Fabrique de la radicalité
Une sociologie des jeunes djihadistes français
L’inquiétude produite par les attentats récents et par le départ de centaines de jeunes vers la Syrie a suscité un déferlement d’analyses, dont le caractère foisonnant masque l’absence quasi complète de données à grande échelle sur ceux qui épousent la cause djihadiste.
C’est cette lacune que vient combler cette enquête, la plus fouillée à ce jour sur le sujet. Fondée sur l’étude systématique de 133 dossiers judiciaires de mineurs poursuivis pour des affaires de terrorisme ou signalés pour « radicalisation », elle permet d’appréhender la manière dont les situations familiales, les relations avec les institutions, les cursus scolaires ou la socialisation entre pairs façonnent les appropriations de l’idéologie djihadiste.
L’enquête révèle ainsi des types de radicalité différents, de la rébellion contre les familles ou les institutions à un engagement pour faire advenir une nouvelle utopie politique et religieuse. À rebours des clichés sur les « délinquants terroristes », cet engagement peut aussi concerner des jeunes issus de familles stables, doués à l’école et sans passé judiciaire. De façon troublante, c’est aussi le rôle que les réponses institutionnelles peuvent parfois jouer dans les passages à l’acte que ce travail capital met au jour.
Un entretien avec Philippe Gutton, psychiatre, psychanalyste. (04:21)
Deux élements éclairent cette question de l’adolescence et des conflits.
Tout d’abord, « l’adolescent se veut un acteur social, un acteur de son environnement ». Cela ne peut se faire sans conflit, l’adolescent se heurtant aux adultes qui continuent à le traiter comme un mineur, « un moins que quelque chose ».