La littérature scientifique récente met en évidence l’importance des programmes de parentalité en prison pour atténuer les effets délétères de l’incarcération sur la relation parent-enfant. Ces interventions varient selon le public visé (mères, pères, jeunes parents), le format pédagogique et les objectifs psychosociaux poursuivis. La revue de littérature de Martina Gavelli (2015) fait l’état des lieux des programmes éxistants aux US.
1. New Beginnings (Royaume-Uni)
- Public : mères incarcérées vivant en unités mère-bébé.
- Contenu : 8 sessions sur 4 semaines, animées par des psychothérapeutes, combinant discussions de groupe, exercices individuels, observations filmées des interactions mère-bébé.
- Objectifs : renforcer l’attachement, développer la capacité réflexive des mères, identifier les comportements relationnels inconscients.
- Résultats : amélioration de la qualité des interactions et de la fonction réflexive maternelle, contrairement aux groupes témoins, mais pas d’impact significatif sur la dépression maternelle
2. Parent-Child Interaction Therapy (États-Unis)
- Public : mères de jeunes enfants (2–12 ans).
- Contenu : adaptation d’un programme validé pour prévenir la maltraitance. Travail par jeux de rôle, codage des interactions et coaching direct. Comparaison avec un cours standard basé sur « Partnerships in Parenting ».
- Objectifs : réduire le stress parental, améliorer les compétences relationnelles, prévenir l’usage de discipline coercitive.
- Résultats : hausse des comportements positifs (éloges, descriptions, écoute), diminution des critiques et demandes. Les deux groupes ont réduit le stress parental, mais la satisfaction était plus élevée dans le programme PCIT
3. Mother-Child Visitation Program (MCVP, États-Unis)
- Public : mères détenues et leurs enfants.
- Contenu : visites organisées dans un cadre aménagé, accompagnées d’un cours parental. Basé sur une approche féministe, visant à redonner la parole aux mères.
- Objectifs : améliorer la communication et la relation mère-enfant malgré l’incarcération.
- Résultats : les participantes ont rapporté davantage de contacts avec leurs enfants et une perception plus positive du lien parental, mais pas d’effet sur les projets post-libération
4. Rebonding and Rebuilding (États-Unis)
- Public : mères détenues au Kentucky.
- Contenu : 12 semaines, inspirées de la criminologie développementale. Thèmes : communication, développement de l’enfant, discipline non violente, gestion des crises.
- Objectifs : rompre le cycle intergénérationnel de la violence, réduire les attitudes favorables à la punition corporelle.
- Résultats : diminution significative de l’approbation de la violence éducative, amélioration de l’empathie et des connaissances sur le développement de l’enfant
5. Baby Elmo Program (États-Unis)
- Public : jeunes pères incarcérés dans des centres de détention pour mineurs.
- Contenu : 10 sessions individuelles avec vidéos issues de Sesame Beginnings, centrées sur l’attachement, l’encouragement, la communication et le jeu.
- Objectifs : renforcer la qualité des interactions père-enfant, promouvoir l’attachement sécurisant.
- Résultats : augmentation notable des comportements positifs (praise, labelling, soutien). Limite : absence de groupe contrôle.
6. Parenting Inside Out (PIO, États-Unis)
- Public : mères et pères incarcérés dans l’Oregon.
- Contenu : 36 sessions (90 heures) sur 12 semaines, fondées sur le Parent Management Training. Inclut les compétences parentales de base, mais aussi communication avec l’enfant depuis la prison (lettres, appels, visites).
- Objectifs : réduire le stress et la dépression, améliorer la relation avec les aidants et les enfants, prévenir les conduites antisociales.
- Résultats : effets significatifs sur la baisse du stress et de la dépression, amélioration des interactions positives et des relations avec les aidants
7. Emotions Program (États-Unis)
- Public : mères incarcérées en transition vers la sortie.
- Contenu : 15 leçons en 8 semaines, centrées sur la régulation émotionnelle et le coaching émotionnel pour les enfants. Prolonge le modèle PIO.
- Objectifs : préparer la sortie en renforçant les compétences émotionnelles des mères et leur capacité à accompagner leurs enfants.
- Résultats : amélioration de la régulation émotionnelle et de la capacité de coaching parental, surtout pour celles ayant bénéficié d’un suivi post-libération
8. Parenting from Prison (États-Unis, Colorado & Arkansas)
- Public : version mixte (hommes et femmes) et version féminine uniquement.
- Contenu : modules sur l’estime de soi, communication, discipline, facteurs de risque et de résilience, problèmes liés à la drogue et à l’alcool.
- Objectifs : accroître les connaissances parentales, renforcer l’estime et la confiance parentale.
- Résultats : amélioration de l’estime de soi, de la confiance parentale et des attitudes positives. Réduction de l’adhésion aux châtiments corporels
9. Parenting from Inside (États-Unis)
- Public : mères détenues.
- Contenu : 8 sessions basées sur la technique cognitive MOM-OK (Mellow Out, Mind, Other thoughts, Kid). Couvre la gestion des émotions, la communication avec enfants et aidants, et la discussion sur l’infraction.
- Résultats : réduction du stress parental, amélioration de l’ajustement émotionnel et de la communication écrite avec les enfants
10. Parenting While Incarcerated (États-Unis)
- Public : mères en détention provisoire.
- Contenu : adaptation du programme Strengthening Families. Thèmes ajoutés : estime de soi, deuil, addiction, gestion des émotions.
- Résultats : baisse de l’approbation des châtiments corporels, ajustements du programme en fonction des besoins spécifiques exprimés par les participantes.
11. Intensive Parenting Class for Young Fathers (Royaume-Uni)
- Public : jeunes hommes incarcérés (18–21 ans).
- Contenu : 1 semaine de formation intensive couvrant développement de l’enfant, santé, nutrition, discipline, sexualité, droits légaux, violences domestiques.
- Résultats : forte appréciation des aspects pratiques (soins de base, développement de l’enfant). Les jeunes pères réclament surtout un meilleur soutien pour maintenir le lien avec leurs enfants pendant l’incarcération.
Ces programmes, bien que très divers dans leurs approches et populations cibles, visent tous à réduire l’impact intergénérationnel de l’incarcération. Ils produisent des effets positifs sur la confiance parentale, la gestion émotionnelle et les attitudes éducatives, mais souffrent encore de limites méthodologiques (manque de suivis post-libération, échantillons restreints).
Un enjeu majeur reste la nécessité de mesurer la qualité des interactions parent-enfant plutôt que leur simple fréquence, et d’adapter les interventions aux besoins différenciés selon l’âge des enfants et le genre des parents.

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