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Conseil de l’europe (2021) Projet de recommandation pour l’évaluation et la prise en charge des AICS

avril 2nd, 2021 | Publié par crisostome dans AICS

PROJET DE RECOMMANDATION CONCERNANT L’ÉVALUATION, LA GESTION ET LA RÉINSERTION DES PERSONNES ACCUSÉES OU RECONNUES COUPABLES D’UNE INFRACTION SEXUELLE ET SON PROJET D’EXPOSÉ DES MOTIFS

La présente Recommandation a été élaborée sur la base des travaux du Conseil de l’Europe et d’autres organisations compétentes, dont l’Union européenne, l’Organisation des Nations Unies, la Confédération européenne de la probation (CEP), EuroPris, l’Association internationale pour le traitement des délinquants sexuels (IATSO), l’Organisation nationale pour le traitement des délinquants sexuels (NOTA), les Centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (CRIAVS), l’antenne néerlandaise de l’Association pour le traitement des délinquants sexuels (NL-ATSA) et l’Association pour le traitement des délinquants sexuels (ATSA).

PRINCIPES FONDAMENTAUX

1. Il importe que les services pénitentiaires et de probation gèrent et s’efforcent d’assurer la réinsertion des personnes accusées ou reconnues coupables d’une infraction sexuelle en fonction du risque qu’elles représentent et conformément aux normes et principes qu’ils appliquent aux autres personnes dont ils ont la charge.

2. Des mesures concrètes devraient être prises pour répondre aux besoins particuliers des personnes accusées ou reconnues coupables d’une infraction sexuelle, notamment leur détention séparée pendant leur séjour en prison, si ceci est considéré comme nécessaire, et une gestion spéciale de leur cas pendant leur détention et sous probation.

3. La prévention de la délinquance sexuelle et la réponse qui lui est apportée sont plus efficaces dans un cadre interinstitutionnel, qui passe par des institutions partenaires et facilite le partage des informations, de l’expertise et des ressources, afin d’établir un projet commun de gestion des risques et de réinsertion sociale efficace.

4. Le comportement pénalement répréhensible doit être examiné dans sa globalité, en tenant compte des facteurs comportementaux, sociaux, psychologiques et sanitaires.

5. Les interventions et les traitements doivent être fondés sur des données probantes, être proportionnés et s’inscrire dans une méthode globale qui aide les individus à remédier à leurs comportements délictueux.

6. Le fait de faciliter la coopération des personnes accusées ou reconnues coupables d’une infraction sexuelle est essentiel dans tous les aspects d’une réinsertion efficace, notamment l’évaluation et la gestion des risques, ainsi que les traitements et les interventions.

7. Des projets individualisés d’exécution de la peine doivent être convenus au début de la peine, se poursuivre jusqu’au terme et devraient être régulièrement mis à jour. Lors de la rédaction et de la mise en œuvre du projet d’exécution de la peine, l’opinion et la collaboration de la personne concernée devraient être recherchées, dans la mesure du possible, afin de créer une vision commune de sa réinsertion sociale.

8. Les organismes qui gèrent les personnes accusées ou reconnues coupables d’une infraction sexuelle devraient collaborer, le cas échéant, avec les collectivités locales pour faciliter les méthodes de gestion des risques et la réinsertion sociale des individus.

9. Dans la mesure du possible, des dispositions doivent être prises pour éviter les interruptions de traitement ou d’interventions, particulièrement lors du passage d’une personne entre une prison et un service de probation.

10. La coopération internationale devrait être facilitée, le cas échéant, conformément aux règles de protection des données et aux accords internationaux, dans le but d’assurer la protection des citoyens et en même temps de garantir un niveau de protection approprié des données personnelles.

III. ÉVALUATION DES RISQUES ET DES BESOINS

11. L’évaluation des risques devrait avoir lieu le plus tôt possible dans le processus de justice pénale, en appliquant une procédure officielle définie et en utilisant des outils d’évaluation des risques validés, afin de permettre la définition éclairée des projets d’exécution de la peine, de gestion et ainsi que des rapports pré-sentenciels lorsque les tribunaux l’exigent.

12. Une évaluation des risques approfondie et régulièrement actualisée devrait être la condition préalable de toute prise de décision éclairée au sujet de la gestion, des interventions et du traitement des personnes accusées ou reconnues coupables d’une infraction sexuelle.

13. En cas de craintes de troubles psychiatriques, il convient d’effectuer une évaluation des risques en tenant compte des expertises, diagnostics et traitements psychiatriques éventuels.

14. Les professionnels de l’évaluation des risques doivent être impartiaux et objectifs dans leur évaluation.

IV. GESTION, INTERVENTIONS ET TRAITEMENT EN PRISON

15. L’évaluation des risques devrait être effectuée ou actualisée lors de l’admission en prison. Les détenus accusés ou reconnus coupables d’une infraction sexuelle devraient, si possible et si besoin, être placés dans un quartier d’évaluation et d’orientation distinct afin de faciliter ce processus.

16. Si l’évaluation des risques indique que les sanctions ou mesures appliquées en milieu ouvert peuvent favoriser la réadaptation et la réinsertion, il convient d’envisager, en conformité avec le droit national, la condamnation assortie de sursis ou la libération conditionnelle anticipée du détenu, qui peut s’accompagner d’un suivi et d’une obligation de se soumettre à des interventions ou de suivre un traitement.

17. Il importe que des mesures de protection soient mises à la disposition des personnes détenues accusées ou reconnues coupables d’une infraction sexuelle lorsque leur application s’avère nécessaire pour éviter qu’elles ne deviennent des victimes et pour accélérer leur motivation à changer.

18. Les personnes reconnues coupables d’une infraction sexuelle devraient, dans le cadre de leur projet d’exécution de la peine, avoir accès à des interventions et/ou à un traitement visant à remédier à leur comportement délictueux, dont l’engagement positif et la réussite devrait être prise en compte dans les décisions de libération anticipée. Dans la mesure du possible, les personnes accusées d’une infraction sexuelle peuvent également accepter de bénéficier de traitements et/ou interventions appropriés pendant leur détention.

V. GESTION, INTERVENTIONS ET TRAITEMENT EN PÉRIODE DE PROBATION

19. Tout projet d’exécution de la peine doit être adapté individuellement. Il importe que les projets d’exécution de la peine tiennent systématiquement compte des restrictions qui pourraient être imposées à la personne et des services disponibles localement et qu’ils privilégient la coopération interinstitutionnelle, afin de faciliter autant que possible le respect du projet par l’intéressé.

20. Le personnel de probation qui élabore un projet individualisé d’exécution de la peine est chargé d’assurer la mise en œuvre dans son domaine de compétence et a l’obligation de rendre des comptes. Le personnel de probation devrait rencontrer les personnes sous leur assistance et/ou supervision à intervalles réguliers, conformément à leur risque et à leurs besoins.

21. Les personnes sous suivi probatoire, reconnues coupables d’une infraction sexuelle devraient avoir accès à des interventions et/ou à un traitement visant à remédier à leur comportement délictueux et à répondre à leurs besoins.

22. La personne sous suivi probatoire doit être informée des exigences et obligations qui la concernent pendant sa période de probation, des restrictions auxquelles elle peut être soumise, ainsi que de leur éventuelle modification ultérieure.

23. A l’issue du suivi probatoire, le projet d’exécution de la peine devrait être réexaminé, si nécessaire, concernant toute restriction en cours ou même achevé, et les dossiers conservés ou détruits de manière appropriée, conformément au droit interne.

VI. COLLECTE DES DONNÉES, PARTAGE D’INFORMATIONS ET TRAVAIL EN PARTENARIAT

24. Seules les données pertinentes devraient être traitées au sujet d’une personne accusée ou reconnue coupable d’une infraction sexuelle et tout traitement de données doit être conforme aux règles internationales et nationales pertinentes en matière de protection des données.

25. Une attention particulière devrait être accordée à la réglementation rigoureuse du traitement et du partage des données dans le cadre des enquêtes et des procédures pénales, y compris des règles spécifiques concernant la responsabilité des organisations y participant.

26. Des lignes directrices internes et un système de sanctions efficaces devrait être mis en place pour lutter contre la manipulation négligente ou l’utilisation abusive intentionnelle de ces données.

27. Les procédures de conservation et de destruction des données doivent être rigoureusement réglementées et périodiquement révisées.

28. Dans les pays où il existe des registres ou des systèmes de signalement public des personnes reconnues coupables d’une infraction sexuelle, l’intéressé devrait être informé intégralement de cette politique. Lorsque des informations ont été divulguées à son sujet à autrui, l’intéressé et les institutions concernées doivent en être informés.

29. Il convient de conclure des accords bilatéraux et multilatéraux d’échange d’informations à des fins de protection du public, conformément à la réglementation nationale et internationale en vigueur en matière de protection des données.

VII. VICTIMES ET SOUTIEN DE LA COLLECTIVITÉ

30. Le droit des victimes de recevoir des informations concernant la libération des personnes reconnues coupables d’une infraction sexuelle devrait être établi et clarifié par le droit national.

31. Le cas échéant, les services pénitentiaires et les services de probation devraient se concerter avec d’autres organismes de justice pénale ainsi qu’avec les services d’aide aux victimes et d’autres organismes, selon le cas, pour veiller à ce que les besoins des victimes soient satisfaits et pour éviter que la victimisation ne se poursuive.

32. Les interventions visant le soutien et la mobilisation de la collectivité peuvent être utilisées au besoin, mais elles doivent être approuvées par l’organisme de probation et ne remplacent pas la supervision de la probation elle-même.

33. La participation aux interventions de justice restaurative, si appropriée, devrait être facilitée en fournissant des renseignements sur la nature, la pertinence et l’accès à ces interventions.

VIII. SÉLECTION ET FORMATION DU PERSONNEL

34. Les critères de recrutement et de sélection du personnel travaillant avec des personnes accusées ou reconnues coupables d’une infraction sexuelle devraient tenir compte des capacités personnelles et des qualifications professionnelles des candidats, afin de garantir la compétence de prise en charge de telles personnes.

35. Le personnel pénitentiaire et de probation devraient être formé afin de faciliter la réadaptation et la réinsertion sociale des personnes accusées ou reconnues coupables d’une infraction sexuelle, grâce à un programme d’activités de traitement et/ou d’intervention basé sur des données probantes, des échanges professionnels et une assistance.

36. Les programmes de traitement et d’intervention mis en œuvre par le personnel pénitentiaire et de
probation spécialement formé devraient être étroitement encadrés par des professionnels qualifiés.

37. Le personnel devrait recevoir une formation appropriée et continue pour s’assurer qu’il est à jour et capable de remplir sa mission à un niveau de qualité élevé.

38. Un soutien continu et une assistance permanente devraient être fournis au personnel qui exerce ses activités auprès de personnes accusées ou reconnues coupables d’une infraction sexuelle, car il peut souffrir de traumatismes indirects et de symptômes aggravés par le stress et faire l’objet d’une stigmatisation.

IX. STRATÉGIE DE COMMUNICATION ET DE RELATIONS AVEC LES MÉDIAS

39. Les politiques et pratiques liées à l’évaluation, à la gestion et à la réinsertion des personnes accusées ou reconnues coupables d’une infraction sexuelle devraient être rendues publiques et accessibles.

40. Les services pénitentiaires et les services de probation devraient disposer d’une stratégie de communication claire et désigner un membre du personnel comme porte-parole du service.

41. Aucun membre du personnel ne devrait s’entretenir avec les médias au sujet de l’évaluation, du traitement ou de la gestion d’une personne accusée ou reconnue coupable d’une infraction sexuelle sans autorisation du supérieur hiérarchique.

42. Tous les communiqués de presse à fort impact médiatique doivent faire l’objet d’une stratégie d’information médiatique claire et bien définie, élaborée au préalable et conforme aux règles de protection des données.

X. RECHERCHE, ÉVALUATION ET DÉVELOPPEMENT

43. Il importe que la recherche et l’évaluation relatives à la détermination de la peine et à la gestion des personnes accusées ou reconnues coupables d’une infraction sexuelle, ainsi qu’aux traitements et/ou interventions, soient soutenues et financées en vue d’évaluer régulièrement les bonnes pratiques établies.

44. La collecte de données statistiques et la réalisation d’études et d’évaluations devraient être effectuées par les services pénitentiaires et de probation, mais lorsque cela s’avère possible et approprié, cette démarche devrait se faire en partenariat avec des chercheurs externes, y compris des institutions académiques et d’autres organes qui possèdent une expertise et une expérience dans le domaine de ces recherches.

Projet de recommandation européenne AICS Février 2021

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