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Martine HERZOG EVANS vient sur son blog de publier une très instructive revue (in french!) de l’article Misalignment In Supervision:Implementing Risk/Needs Assessment Instruments in Probation (Criminal Justice and Behavior, 25 September  2014) .

Abstract

Risk and needs assessment (RNA) tools are well regarded as a critical component of a community corrections organization implementing evidence-based practices (EBPs), given the potential impact of using such tools on offender-level and system outcomes. The current study examines how probation officers (POs) use a validated RNA tool in two adult probation settings. Using interview and observational data, this study explores how POs use an assessment tool during all facets of their work from preplanning, routine administrative tasks, and face-to-face case management interactions with probation clients. Findings suggest POs overwhelmingly administer the RNA tool, but rarely link the RNA scores to key case management or supervision decisions. These findings highlight some of the challenges and complexities associated with the application of RNA tools in everyday practice. Study implications emphasize the need to modify current probation practices to create a synergy between the RNA and related supervision practices. Findings from this study contribute to a better appreciation for how the new penology integrates risk management with client-centered case models to improve outcomes.

Cette recherche portait sur l’introduction en 2006 dans deux services de probation américains (un gros et un petit) d ’outils d’évaluation actuariels de quatrième génération, soient incluant l’évaluation du risque et des besoins, tout en liant cette évaluation à la planification du suivi. L’étude montre qu’en dépit d’une formation de qualité à l’utilisation de ces outils, en pratique, ceux-ci n’étaient nullement mobilisés.

Les pistes explicatives de ce décalage entre les objectifs et la formation, d’une part, et la réalité de terrain, d’autre part, étaient les suivantes – certaines de ces raisons étant particulièrement riches d’enseignement pour la France.

Certaines ne sont à mon sens pas transposables. L’une tenant à la culture du risque plutôt que de la réinsertion. Si certains auteurs ont pu considérer que l’on avait évolué dans la probation française vers une culture de ce type, l’on est en réalité très loin des représentations et pratiques américaines. Ainsi même si les pratiques et orientations institutionnelles et, sans doute, l’influence du type de recrutement ces dernières années a pu introduire la notion de risque – qui était largement absente auparavant – la culture des agents de probation est encore largement favorable à l’insertion et, à tout le moins, les agents de probation rejoignent massivement ce corps pour faire de l’insertion et interagir avec des condamnés, ce que nous confirment chaque année les petites études socio-démographiques de l’ENAP sur les CPIP (il est passionnant de retrouver exactement la même chose chez les JAP, comme l’a montré ma recherche récente : Le juge de l’application des peines. Monsieur Jourdain de la désistance, Paris, l’Harmattan, 2013).

Dans la droite ligne de ce particularisme américain, les auteurs soulignent que les agents de probation ne traitent pas de pensées pro-criminelles, etc. parce ce qu’ils ne pensent pas que les personnes peuvent réellement changer. En France, à mon sens nous pourrions nous heurter à un résultat similaire, à cette différence près que les agents de probation français croient certainement au changement. Leur résistance tiendrait plutôt à leur capacité à agir sur la cognition, faute de formation en techniques cognitives et comportementales et de connaissances en théorie des apprentissages sociaux.

Une seconde série de raisons sont totalement pertinentes pour nous.

1)      Les agents ne croient pas à la pertinence de ces instruments – en dépit des nombreuses démonstrations scientifiques auxquelles ils ont été exposés – et préfèrent passer outre et imposer leur propre « flair » et analyse subjective. Ce risque est très présent en France. Restera à voir si les grandes évolutions annoncées dans la probation infléchiront les résistances et doutes.

2)      Les agents américains ne sont pas suffisamment et correctement encadrés et supervisés sur le plan clinique, ce qui leur permet justement de faire finalement ce qu’ils veulent en dépit des orientations institutionnelles, lorsqu’ils se retrouvent en face à face avec les condamnés. Il est inutile de développer ce point, totalement transposable à la France. J’ai écrit à de multiples reprises qu’il était urgent de réfléchir au type d’encadrement dont nous avons besoin pour porter la modernisation de la probation. Il nous faut des leaders, qui connaissent sur le bout des doigt les techniques dont ils devront ensuite superviser sur le terrain et dans le concret qu’elles sont bien mises en place – pas en mode gendarme (un risque sérieux dans une institution très hiérarchisée), mais en mode tuteur méthodologique et technique. La révolution de la probation passe d’abord et avant tout par une révolution de l’encadrement.

3)      Dans le même ordre d’idée, et crucial pour la France, c’est finalement le constat que la formation ne suffit absolument pas pour changer la pratique et qu’il faut ensuite sur le terrain un service après-vente de qualité, bien réel, remettre de la formation, du suivi, comme dans le programme STICS de Bonta et al. suscité (Canada). A défaut, c’est peine perdue. Saurons-nous relever ce défi et le porter financièrement et structurellement ?

4)      Il faut aussi susciter l’envie et l’adhésion du terrain, dont nous avons vu supra qu’elle était défaillante aux Etats-Unis, et précisément les auteurs insistent aussi sur des expériences qu’ils ont eux-mêmes évaluées, en vertu desquelles des tiers extérieurs à l’institution ont assuré ce service après-vente (et le cas échéant la formation initiale) et qui ont donné en revanche d’excellents résultats. Clairement les agents de probation reçoivent avec moins de résistance des formations et un soutien logistique extérieur que lorsqu’il vient de leur institution. A méditer pour la France !

5)      Enfin, les agents américains étaient dans la confusion quant aux politiques pénales menées et à la philosophie (pénologie) sous-jacente, puisqu’ils sont passés du tout carcéral hyper répressif au retour de la réinsertion, des programmes de sortie de prison, etc. Attention chez nous aussi, du fait des alternances politiques, à ne pas courir un risque similaire…

 Retrouvez l’intégralité de l’article de MHE sur son blog

 FRANCE 5, Emission « C dans l’air » (2014) La Réforme pénale

La réforme pénale voulue par la garde des Sceaux promet d’améliorer la sécurité en luttant contre la récidive et en diminuant la surpopulation carcérale. Elle rétablit le principe de l’individualisation des peines en supprimant notamment les peines plancher et crée une peine alternative baptisée « la contrainte pénale ». Mesure phare de la loi, cette nouvelle peine de probation consiste à imposer aux auteurs de délits et non de crimes, condamnés par un tribunal à une peine n’excédant pas cinq ans, une série de contraintes et d’obligations pour une durée de six mois à cinq ans. Elle instaure un suivi renforcé du condamné et s’accompagne d’injonctions thérapeutiques, de stages de citoyenneté ou encore de travaux d’intérêt général.

Présenté comme une révolution en matière de politique pénale en France, le dispositif a porté ses fruits à l’étranger, notamment au Québec, Royaume-Uni et en Suède où les peines de probation ont déjà été introduites. Dans ces pays ou régions, elles auraient permis réduire la récidive de 50 % en moyenne, et permis de réaliser d’importantes économies. Dans le dispositif suédois par exemple, un délinquant pris en charge durant deux ans et demi « hors les murs » ne coûterait que 35 euros par jour à l’État, contre 350 euros en détention.

Plutôt bien accueillie sur le fond, la contrainte pénale inquiète toutefois les acteurs du monde judiciaire chargés de l’appliquer. Malgré les embauches annoncées- le gouvernement a promis la création d’un millier de postes dans les services de probation jusqu’en 2016 – des magistrats et policiers dénoncent un manque d’effectifs sur le terrain, et plus largement un manque de moyens pour mettre en œuvre la réforme.

La chancellerie estime qu’entre 8 000 et 20 000 contraintes pénales pourraient être prononcées, sur 600 000 condamnations annuelles pour des délits.

Fin des peines planchers et arrivée de la « contrainte pénale »

Deux mesures phares s’appliquent dès ce matin, la nouvelle peine de « contrainte pénale » et la suppression des peines plancher. La contrainte pénale, inspirée des dispositifs de probation, doit permettre notamment d’éviter une surcharge des prisons.

Le principe de cette peine, c’est un suivi renforcé du condamné, au plus près, avec un ensemble d’obligations et d’interdictions à respecter. La chancellerie estime qu’entre 8 000 et 20 000 contraintes pénales pourraient être prononcées, sur 600 000 condamnatione annuelles pour des délits.

Des chiffres impossibles à vérifier, Corinne Audouin

De nombreuses voix s’inquiètent du manque de moyens. Les circulaires détaillant les modalités d’application n’ont été envoyées que vendredi par la Chancellerie.

La réforme pénale, mode d’emploi (document ministère de la Justice)  (suite…)

Probation staff views of the Skills for Effective Engagement Development (SEED) Pilot (Ministère de la justice britannique)

Pour continuer sur le champ des bonnes pratiques pour encourager la desistance, découvrez le modèle anglais SEED…

SEEDThe SEED (Skills for Effective Engagement, and Development) pilots were conducted between Spring 2011 and Spring 2012. Their purpose was to develop and test out a practice skills model based on the best international evidence about the impact of effective engagement with offenders on reducing reoffending. The model consists of core training followed by quarterly follow up training that teams of practitioners (offender managers) attend together with their team manager Senior Probation Officer (SPO), and continuous professional development (CPD) to support learning. The aim of the model is to bring about cultural change to enable professional practice and a focus on quality outcomes. SEED has now been brought together with a piloted model for reflective supervision to produce the SEEDS model (Skills for Effective Engagement, Development and Supervision). This is an integrated organisational and practice model intended to bring about the consistent application of evidence in day to day work with offenders. SEEDS is a non-mandatory approach that has been adopted by almost all probation trusts.

Conclusions
The focus of SEED is on one-to-one supervision, enabling good practice and encouraging desistance in offenders. What is clear from this evaluation of the reactions of OMs (and SPOs) is that the cultural shift embodied in the SEED model was welcomed. Its focus on offender supervision, on work with offenders, on work by offenders within the supervisory context, and on developing practice skills in OMs were all seen as positive. The majority of participants felt SEED had improved supervision sessions. They felt they were doing more structured, better quality work. Structuring received the highest rankings in terms of its usefulness for practice, followed by relationship building, but all elements were seen as useful and different practitioners rated different elements as useful. Many felt their time was more focused but, particularly in the early stages, some felt preparation and follow-up actions were taking longer and time pressures made it difficult to adapt to a different way of working. Further training was considered to be important to keep SEED on the agenda.

probation-views-seed-pilot.pdf

Parallel-II-C-Service-User-Engagement-Copsey-Rex.pdf (Presentation de SEED au congrès mondial de la probation 2013)

Vacheret Marion, Cousineau Marie-Marthe (2005)

« L’évaluation du risque de récidive au sein du système correctionnel canadien : regards sur les limites d’un système »,

 Déviance et Société 4/2005 (Vol. 29) , p. 379-397

URL : www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2005-4-page-379.htm.
DOI : 10.3917/ds.294.0379.

 

Résumé

L’objet de cet article est d’apporter un regard critique sur le modèle canadien de gestion des sentences fédérales d’incarcération, lequel est souvent considéré comme un modèle idéal. À partir de données qualitatives et quantitatives, il ressort qu’un nombre important de détenus considérés comme porteurs des risques élevés et, par conséquent, ne bénéficiant pas d’une libération anticipée, réintègrent la collectivité sans qu’on les retrouve ensuite dans le système. Dès lors, on peut se demander jusqu’à quel point ce modèle, dont on vante la « réussite», ne peut pas être vu avant tout comme créateur d’échec. Il ressort, en effet, que sous couvert d’évaluations rationnelles et de prédictions actuarielles, non seulement le délit apparaît comme la dimension prépondérante dans la prise de décision, mais encore que les outils mis en place utilisent des critères peu variés et redondants, augmentant d’autant leur influence. Ces constats nous amènent à questionner la place de la responsabilité des acteurs dans un contexte où la gestion du risque fait face à une opinion publique en mal de sécurité.

MOTS – CLÉS: PRISON; LIBÉRATION CONDITIONNELLE; NOUVELLE PÉNOLOGIE; GESTION DU RISQUE

URL : www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2005-4-page-379.htm.

Si le lien est brisé:

VACHERET _2014_ L’évaluation du risque de récidive au sein du SCC – regards sur les limites d’un système

Intervenir efficacement sur le besoin criminogène des loisirs et des activités récréatives chez les toxicomanes judiciarisés; Essai sous la supervision de Madame Chantal Fredette, présenté dans le cadre de la Maîtrise en intervention en toxicomanie

RÉSUMÉ:

Les loisirs s’avèrent contributifs à la criminalité, s’inscrivant dans une dynamique d’oisiveté chez le délinquant. S’appuyant sur les principes du modèle Risque-BesoinsRéceptivité développé par Andrews et Bonta (2010), cet essai avait pour but de développer une intervention ciblant le besoin criminogène des loisirs et des activités récréatives, dédiée aux personnes délinquantes placées sous la responsabilité du CRC Arc-en-Soi des régions du Bas St-Laurent et de la Gaspésie. Pour ce faire, des entrevues semi-directives ont été réalisées auprès de quatre professionnels reconnus pour leur expertise dans les domaines visés. Les données recueillies dans le cadre de ces entretiens ont principalement permis d’explorer la pertinence d’une telle intervention et d’en déterminer les principales composantes. Une telle intervention est jugée essentielle dans le cadre de programmes de réadaptation et de réinsertion sociale visant la réduction des risques de récidive criminelle, et ce, tant du point de vue des répondants que des travaux recensés dans la littérature. Elle doit favoriser la pratique de loisirs chez les contrevenants, tout en leur permettant de déterminer et de surmonter les obstacles liés à cette pratique. Elle doit également viser l’enseignement des bienfaits du loisir. Cet essai se conclut par la proposition d’une intervention. MOTS CLÉS : loisirs et activités récréatives, besoin criminogène, intervention correctionnelle

Intervenir efficacement sur le besoin criminogène des loisirs et des activités récréatives chez les toxicomanes judiciarisés

ANDREWS & BONTA (2007) « Big seven » ou  Tableau des sept principaux facteurs et quelques facteurs mineurs de risque et de besoin

big seven

 

« Le tableau présente un aperçu des principaux facteurs de risque et de besoin ainsi que certaines cibles moins prometteuses pour les interventions (c.-à-d. des facteurs non criminogènes) et des suggestions pour l’évaluation et le traitement. Les sept principaux facteurs de risque et de besoin font partie des huit facteurs centraux (les antécédents criminels complètent la liste, mais il s’agit d’un facteur de risque statique). Ces sept facteurs criminogènes méritent d’être évalués et ciblés dans les interventions. Afin de mieux illustrer la distinction entre les deux types de facteurs, examinons les attitudes procriminelles qui sont qualifiées de criminogènes. La transformation des attitudes procriminelles en attitudes prosociales grâce au traitement se traduira par un comportement moins criminel et plus prosocial (ce que vous pensez influence votre façon de vous comporter). Toutefois, accroître l’estime de soi sans modifier les attitudes procriminelles risque d’engendrer des criminels confiants. La diminution de l’estime de soi peut créer des criminels misérables. La probabilité de comportement criminel peut changer ou ne pas changer en fonction de l’estime de soi. »

Accéder à l’article complet

si le lien est brisé: ANDREWS & BONTA (2007) Modèle d’évaluation et de réadaptation des délinquants fondé sur les principes du risque, des besoins et de la réceptivité