Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
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1. Qui est Faye S. Taxman ?

University Professor Faye Taxman outside the Fairfax County Courthouse. Photo by Alexis Glenn/Creative Services/George Mason University

Faye Taxman est professeure à l’université George Mason et directrice du Center for Advancing Correctional Excellence (ACE!) (content.sitemasonry.gmu.edu). Experte en criminologie des services de santé, elle est reconnue pour ses travaux pionniers sur l’implémentation de pratiques fondées sur les données scientifiques dans le système correctionnel, notamment les modèles de probation innovants et l’articulation entre justice et santé publique.

2. CCP & RNR : définitions clés

Les Core Correctional Practices (CCP), développées à la fin des années 1970, regroupent cinq dimensions essentielles d’intervention en probation/parole, fondées sur les théories de l’apprentissage social et de la gestion comportementale. Elles s’inscrivent dans le cadre du modèle Risk‑Need‑Responsivity (RNR), qui préconise d’adapter les interventions selon le niveau de risque, les besoins criminogènes spécifiques et la capacité de réception du client .

3. Les composantes centrales du CCP

D’après Andrews & Kiessling (1980), les CCP incluent :

  • Renforcement positif : encourager les comportements prosociaux.
  • Modélisation prosociale : illustrer les comportements attendus.
  • Résolution de problèmes : aider à repérer et traiter les causes sous-jacentes de la délinquance.
  • Entretien motivationnel et restructuration cognitive : techniques pour favoriser l’engagement du client ( cep-probation.org).

Durant des contacts en face‑à‑face, l’agent supervision doit aller au‑delà des simples contrôles : c’est l’occasion d’évaluer les facteurs criminogènes et de soutenir la motivation du client vers le changement .

4. L’apport de Taxman : formations et impacts

Professeure Taxman a intégré ces pratiques dans des dispositifs de formation pour agents corretionnels et probation, avec évaluation par essais contrôlés :

  • Environ 16 % de réduction de la récidive chez les personnes encadrées par un agent formé aux CCP vs. intensifs sans CCP (tandfonline.com).
  • Une réduction de 13 points de pourcentage des taux de récidive lorsque les agents utilisent ces compétences .

Elle a aussi appliqué ses méthodes dans le Global Institute, en dispensant une formation axée sur les CCP et le modèle RBR, notamment dans un programme européen à Barcelone .

5. Taxman : mise en œuvre et outils

Outre ses publications, Taxman a conçu des outils pratiques comme le RNR Simulation Tool ou CJ-TRAK, permettant aux agences de :

  1. Diagnostiquer les besoins criminogènes.
  2. Cartographier leurs programmes disponibles.
  3. Repérer les lacunes et ajuster leurs interventions.

Elle s’est aussi impliquée avec le Global Community Corrections Initiative, promouvant l’implémentation des CCP à l’échelle internationale.

6. Perspectives et défis

  1. Former les agents avec rigueur et suivi continu (booster sessions, coaching).
  2. Réconcilier supervision et bien-être : Taxman insiste sur l’équilibre entre conditionnel et encouragement, afin d’éviter l’alourdissement des exigences.
  3. Déployer les outils comme le RNR tool dans divers contextes (jails, probation, traitement des addictions).

7. Pourquoi s’intéresser aux CCP aujourd’hui ?

  • Efficacité prouvée : baisse significative de la récidive à court et moyen terme.
  • Fondement scientifique : ancrage dans des théories comportementales bien établies.
  • Transférabilité : applicables globalement, avec adaptation locale.

 Conclusion

L’œuvre de Faye Taxman avec les Core Correctional Practices incarne une avancée majeure dans la transformation des pratiques correctionnelles, son approche s’appuyant sur des preuves solides, des outils d’évaluation pragmatiques et un accent fort sur la formation des intervenants. Sa méthodologie, éprouvée par la recherche et l’expérimentation, constitue aujourd’hui un modèle international pour allier sécurité publique et réinsertion efficace.

Pour aller plus loin :

  • Tools of the Trade: A Guide to Incorporating Science into Practice de Taxman (2004)
  • Implementing Evidence‑Based Community Corrections and Addiction Treatment (2012, avec Belenko)

RISK AND NEEDS ASSESSMENT IN PROBATION AND PAROLE: The Persistent Gap Between Promise and Practice, William D. Burrell

Risk and need assessment (RNA) is a common element

Éléments d’un système complet d’évaluation et de gestion des cas

1 Instruments d’évaluation actuarielle

  • Développés sur la population cible à l’aide d’une méthodologie appropriée
  • Échantillons de construction et de validation

2 Ciblés sur une population spécifique et un point de décision

  • Population : adultes, mineurs, délinquants sexuels, délinquants violents
  • Points de décision : admission (mineurs), libération avant le procès, déjudiciarisation, condamnation, surveillance, libération conditionnelle , libération, réinsertion

3 Validé sur la population locale s’il a été développé ailleurs

4 Revalidation périodique des instruments — tous les cinq ans

5 Évaluer les risques, les besoins et les points forts/facteurs de protection

6 Utiliser des facteurs statiques et dynamiques

7 Instrument de dépistage (screening) pour identifier les cas à faible risque

  • Économiser les ressources pour une évaluation complète des cas à haut risque

8 Dérogation professionnelle (quand l’avis du professionnel diverge des résultats de l’outil d’évaluation)

  • Politique écrite
  • Examen et approbation des dérogations par la hiérarchie
  • Suivi et retour d’information

9 Réévaluation périodique des risques et des besoins

  • Fréquence suggérée : six mois pour les adultes, trois mois pour les mineurs

10 « Plans de cas » (planification du traitement pénitentiaire)  dynamiques basés sur des facteurs criminogènes

  • Mises à jour régulières liées à la réévaluation

11 Assurance qualité/contrôle qualité

  • Suivi des performances et retour d’information au personnel

12 Programmes complets d’intervention

  • Théorie et justification de l’instrument, processus de développement
  • Développement des compétences et pratique
  • Formation de rappel si nécessaire
  • Formation de mise à niveau régulière

13 Intégration et alignement avec la mission, les politiques et les procédures de l’agence

14 Participation du personnel à :

  • La sélection des instruments
  • L’élaboration des politiques et des procédures
  • La mise en œuvre
  • La formation
  • Le suivi

15 Rapports réguliers sur les résultats de la supervision liés aux scores de risque et de besoin

 

La surveillance communautaire — plus connue sous les formes de probation et de libération conditionnelle — est-elle vouée à être le parent pauvre des réponses pénales ? La criminologue Faye S. Taxman , dans l’article intitulé To Be or Not To Be: Community Supervision Déjà Vu,  explore les promesses non tenues et les espoirs renouvelés autour de la supervision des personnes placées en milieu ouvert.

De la sanction à la réhabilitation : une lente transition

Depuis les années 1970, la supervision communautaire a évolué d’une logique centrée sur la réhabilitation à un modèle axé sur le contrôle, en écho à un virage plus punitif de la justice pénale. Dans cette dynamique, les agents de probation sont souvent réduits à surveiller des conditions multiples (tests urinaires, interdictions diverses, respect des horaires), avec un effet limité sur la récidive.

Taxman rappelle que cette intensification des contrôles, incarnée par les programmes de supervision intensive, n’a pas tenu ses promesses : plus de contacts n’ont pas entraîné de meilleures trajectoires pour les personnes suivies, mais davantage de violations techniques et de retours en prison.

 Une nouvelle génération de modèles hybrides

L’autrice documente l’émergence de modèles dits « principe-basés », qui intègrent à la supervision des pratiques de traitement : accompagnement des addictions, incitations positives, implication directe des agents dans le changement de comportement, etc. Des initiatives comme les tribunaux de la drogue ou le programme Break the Cycle illustrent ce tournant.

Le cœur de cette nouvelle approche ? Miser sur la relation entre l’agent et la personne suivie, et sortir de la logique punitive pure. Cela suppose une formation renforcée des agents à des outils comme l’entretien motivationnel, la fixation d’objectifs, ou encore l’utilisation de renforts positifs — autant d’éléments absents du modèle traditionnel.

Le défi de l’organisation : vers un changement systémique ?

Taxman insiste : pour que la supervision change réellement, il faut aller au-delà de la simple addition de programmes. Il s’agit de transformer la culture des agences de probation. Cela implique :

  • une redéfinition du rôle des agents,
  • des outils d’évaluation du risque et des besoins,
  • une stratégie managériale pour soutenir le changement,
  • une vision réaliste des objectifs (réduction partielle de la récidive, pas éradication totale).

Le passage à une supervision dite « evidence-based » (fondée sur les preuves) devient central : identifier les bons profils, offrir les bons services, évaluer les résultats. Le modèle Risk-Need-Responsivity (RBR) devient la boussole de cette transformation.

Réencadrer la mission : de la “sale besogne” à l’intervention valorisée

Inspirée des travaux sur les « métiers sales » (dirty work), Taxman propose trois leviers symboliques pour réhabiliter le travail des agents de probation :

  • Reframing : redonner du sens au travail, le présenter comme protecteur de la société.
  • Recalibrating : adopter des standards réalistes, comme viser une baisse de la récidive de 10 % plutôt qu’une utopie de 0 %.
  • Refocusing : mettre en avant les aspects constructifs du travail, plutôt que le contrôle et la sanction.

 Et maintenant ?

Avec plus de 6 millions de personnes sous contrôle judiciaire aux États-Unis (dont 70 % en milieu ouvert), l’enjeu est considérable. La supervision communautaire pourrait devenir un levier majeur de réduction de la récidive — à condition de repenser ses finalités et ses pratiques. La probation ne doit pas être un sous-produit de l’enfermement, mais une réponse pénale à part entière, intégrant soutien, responsabilisation et traitement. Le défi est autant organisationnel qu’éthique : sommes-nous prêts à faire confiance à ceux que la justice place sous surveillance, et à ceux qui les accompagnent ?

Professor Faye Taxman, Mason University

Faye S. Taxman est professeur à l’université George Mason. Elle est reconnue pour son travail dans le développement de modèles de systèmes de soins continus qui relient la justice pénale à d’autres systèmes de prestation de services, ainsi que pour la réorganisation des services de probation et de surveillance des libérations conditionnelles, et pour les modèles de changement organisationnel. Elle a mené une enquête organisationnelle à plusieurs niveaux sur les systèmes correctionnels et de traitement de la toxicomanie afin d’examiner l’utilisation des pratiques fondées sur des données probantes dans les établissements correctionnels et de traitement de la toxicomanie et les facteurs qui influent sur l’adoption de processus et d’interventions fondés sur des données scientifiques. Elle a réalisé plusieurs études qui examinent l’efficacité de divers modèles de transfert de technologie et de processus d’intégration du traitement et de la supervision. Dans une étude, elle explore l’utilisation de la gestion des contingences et des systèmes d’incitation pour les délinquants toxicomanes.

exemple d’illustration tiré de « tools of the trade » De F Taxman

Ses travaux couvrent l’ensemble du système correctionnel, des prisons aux services correctionnels communautaires, en passant par les délinquants adultes et mineurs. Elle a bénéficié de trois R01 du National Institute on Drug Abuse et d’un accord de coopération. Elle a également reçu des fonds du National Institute of Justice, du National Institute of Corrections et du Bureau of Justice Assistance pour ses travaux. Elle a des « laboratoires » actifs avec son accord de 18 ans avec le Maryland Department of Public Safety and Correctional Services et son accord de quatre ans avec le Virginia Department of Corrections. Faye Taxman (2011) «Comment les systèmes pénitentiaires peuvent prévenir la criminalité future». Elle est l’auteur principal de « Tools of the Trade : A Guide to Incorporating Science into Practice », une publication du National Institute on Corrections qui fournit un guide pour la mise en œuvre de concepts scientifiques dans la pratique. Elle fait partie des comités de rédaction du Journal of Experimental Criminology et du Journal of Offender Rehabilitation. Elle a publié des articles dans le Journal of Quantitative Criminology, le Journal of Research in Crime and Delinquency, le Journal of Substance Abuse Treatment, le Journal of Drug Issues, Alcohol and Drug Dependence et Evaluation and Program Planning. En 2002, elle a reçu le prix de l’Université de Cincinnati décerné par l’Association américaine de probation et de libération conditionnelle pour ses contributions dans ce domaine. Elle est membre de l’Academy of Experimental Criminology et du Correctional Services Accreditation Panel (CSAP) d’Angleterre. En 2008, la division « Sentencing and Corrections » de l’American Society of Criminology lui a décerné le titre de « Senior Scholar ». Elle est titulaire d’un doctorat de la Rutgers University-School of Criminal Justice et d’une licence de l’université de Tulsa.

Si le lien est brisé: tools of the trade

La réactance psychologique, théorisée par Jack W. Brehm en 1966, est un concept central pour comprendre les mécanismes de résistance chez les individus confrontés à des restrictions perçues de leur liberté. Dans le domaine de la criminologie, notamment lors de l’intervention auprès de populations difficiles comme les jeunes délinquants ou les membres de gangs, cette théorie offre des clés pour adapter les pratiques, comme l’entretien motivationnel, afin de réduire les comportements oppositionnels et favoriser l’engagement thérapeutique.

Selon Brehm, la réactance se manifeste lorsqu’un individu perçoit une menace contre sa liberté d’agir ou de penser. Cet état motivationnel déclenche une résistance active ou passive visant à restaurer le sentiment de contrôle. Par exemple, un adolescent confronté à une interdiction parentale stricte pourrait adopter un comportement contraire par rébellion.

Facteurs amplificateurs :

  • Importance de la liberté menacée : Plus la liberté est valorisée (ex. : autonomie chez les jeunes gangsters), plus la réactance est intense.
  • Légitimité perçue de la source : Une autorité jugée illégitime (ex. : un travailleur social perçu comme distant) exacerbe la résistance.
  • Caractère coercitif des demandes : Les ordres directs activent davantage la réactance que les suggestions empathiques.

L’entretien motivationnel : Une réponse à la réactance

L’EM, initialement développé en alcoologie, intègre des principes psychosociaux pour contourner la réactance. Il s’appuie notamment sur :

  • L’autonomie : En rappelant au sujet qu’il est « libre de refuser », on minimise la perception de contrainte.
  • L’empathie : Une posture non jugementale réduit les tensions et favorise l’alliance thérapeutique.
  • L’exploration des ambivalences : Aider le sujet à verbaliser ses propres motivations (ex. : « Quels avantages trouvez-vous à rester dans le gang ? ») évite les confrontations directes.

 Applications en criminologie : Dépasser la résistance

Jack W. BREHM

Dans les contextes criminologiques, la réactance est fréquente chez les populations cibles (détenus, jeunes délinquants), souvent méfiantes envers les institutions. l’EM et la théorie de Brehm s’articulent pour:

a) Réduire l’opposition lors des entretiens
Les travaux de Cyr et al. (2014) soulignent que le soutien émotionnel de l’intervieweur diminue la résistance des enfants lors d’entretiens d’enquête. Transposé aux adultes, cela implique :

  • Éviter les questions accusatoires.
  • Valider les émotions (« Je comprends que cette situation soit frustrante »).

b) Adapter les programmes de réinsertion
Les programmes de fidélisation ou de contraintes rigides (ex. : couvre-feux stricts) peuvent générer un rejet via la réactance. En revanche, des approches flexibles, centrées sur les objectifs personnels du sujet (ex. : retrouver sa famille), renforcent la coopération.

Stratégies pratiques
ex: Gestion de la réactance en milieu carcéral : Former les agents à des techniques de communication non coercitives (ex. : choix limités plutôt qu’ordres) pour réduire les incidents.

Experience de psychologie sociale illustrant la réactance: 

Une expérience réalisée en 1976 par M.E. Hellman est une autre illustration de la réactance. Cet auteur a demandé à des passants de signer une pétition en faveur du contrôle du prix de la viande et des légumes. Mais avant que les gens ne se décident à signer, il leur lisait la première, les deux premières ou l’ensemble des informations suivantes :
1. Un certain Raymond T, membre d’une association locale, s’est déclaré franchement hostile à toute idée de contrôle des prix car, selon lui, elle met en danger l’économie.
2. Raymond T a déclaré en plus qu’en aucun cas, on ne devait être autorisé à proposer ou à signer cette pétition.
3. Raymond T a jouté qu’il se proposait, en plus, de prendre des renseignements sur tous ceux qui signeraient.

Comme le montrent les résultats :

  • 50 signatures dans le premier cas,
  • 72 signatures dans le second,
  • 88 signatures dans le troisième,

Plus l’atteinte à leur liberté de choix est importante, plus les sujets concernés s’engagent dans le comportement menacé.

(Experience tirée de Dr Jean michel PIQUET (2019) Manuel Pratique d’entretien motivationnel, Inter-éditions)

Présentation du formulaire « ONE Interview Worksheet »

Le trés productif département des services penitentiaires de Washington a publié un « formulaire d’entretien« , a savoir une sorte de  « fiche arrivant » destinée à relever un maximum d’informations et de commencer à structurer l’évaluation (traduction FR en bas de l’article).

Outre la liste des items à explorer, il est proposé aux utlisateurs une stratégie de questionnement à travers des exemples de questions à poser.

Le formulaire « Washington ONE Interview Worksheet » est un guide structuré développé par le Washington State Department of Corrections pour mener des entretiens de gestion de cas auprès de personnes placées en détention ou sous supervision ; il s’appuie sur les principes du modèle Risk-Need-Responsivity (RNR) afin d’identifier efficacement les facteurs de risque et de besoin criminogènes, et d’adapter la prise en charge aux caractéristiques individuelles de chaque personne.

Le formulaire s’inscrit dans une logique d’évaluation actuarielle combinée à une dimension clinique : il structure l’entretien pour recueillir des informations sur le parcours de vie, l’environnement social, la santé mentale, les comportements à risque et les ressources prosociales de l’interviewé.

Structure générale

  1. Introduction de l’entretien : explication du cadre, consignes de neutralité et de clarté de langage pour instaurer un climat de confiance.

  2. Sections thématiques :

    • Historique résidentiel et familial : lieux de vie, soutien social, conditions de logement avant l’infraction

    • Éducation et emploi : parcours scolaire, qualifications, expériences professionnelles récentes

    • Influences sociales et pairs : cercles d’influence, fréquentations, soutiens prosociaux ou délinquants

    • Usage d’alcool et de drogues : fréquences, contextes, antécédents de traitement

    • Santé mentale et troubles associés : repérage de symptômes, antécédents psychiatriques, besoins de suivi

    • Aggression, attitudes et comportements : manifestations de violence, croyances délinquantes, motivation au changement

Le document recommande une posture neutre, l’utilisation d’un langage simple, et l’évitement de questions suggestives. Il souligne l’importance de pauses possibles, compte tenu du caractère émotionnellement exigeant de l’entretien doc.wa.gov.

Utilisation en pratique criminologique

Ce formulaire est conçu pour :

  • Structurer l’évaluation des besoins et mieux planifier les interventions psychosociales et réhabilitatives, conformément aux évidences issues du modèle RBR

  • Faciliter la consignation systématique des informations, favorisant la comparabilité entre dossiers et le suivi longitudinal des progrès individuels

  • Optimiser la coordination entre professionnels (probation, psychologues, travailleurs sociaux) en fournissant un référentiel commun

Le « Washington ONE Interview Worksheet » constitue un outil précieux pour les praticiens en criminologie et en justice pénale souhaitant structurer leurs évaluations de manière rigoureuse et fondée sur la recherche. En intégrant pleinement les principes RBR, il contribue à planifier des interventions personnalisées visant à réduire la récidive et à favoriser la réinsertion sociale.

Formulaire arrivant washington_case-mgmt-wa-one-interview-worksheet

En version originale: case-mgmt-wa-one-interview-worksheet 

Construire une relation collaborative : Modèle EPICS ( Effective Practices in Community Supervision)

Importance d’une APPROCHE ÉQUILIBRÉE
– Les agents de probation formés à l’EPICS qui ont une grande fidélité au modèle (EPICS & CCP) étaient beaucoup plus susceptibles d’être perçus comme fiables par les délinquants dont ils s’occupaient.
– L’étude a montré que plus la confiance entre le délinquant et l’agent augmente, plus les chances d’être arrêté à nouveau diminuent (Labrecque et al. 2013).

IMPORTANCE DE LA CLARIFICATION DES RÔLES
« La recherche suggère qu’un travail efficace avec des clients involontaires se caractérise par des discussions claires, honnêtes et fréquentes sur le rôle de l’intervenant et le rôle du client dans le processus de pratique directe ». (Trotter, 2006)
La clarification des rôles doit être considérée comme l’une des compétences clés dans le travail avec les clients involontaires et a été liée à de meilleurs résultats avec les probationnaires (Andrews et Bonta , 2010).

COMPOSANTES DE LA CLARIFICATION DES RÔLES
– Le double rôle de l’agent de probation
– Éléments flexibles ou inflexibles
– Attentes du délinquant

Exemple: 

« J’ai mentionné qu’une partie de mon travail consisterait à vous aider à travailler sur les pensées et les comportements qui ont pu jouer un rôle dans le fait que vous vous retrouviez en probation. Pendant le temps que vous passerez avec moi, nous utiliserons des outils tels que la chaîne délictuelle, le renforcement des compétences et la résolution de problèmes afin de vous aider à mieux gérer les situations à risque à l’avenir. ».

RÔLE D’AIDANT: Expliquer au PPSMJ que le rôle du personnel est également de l’aider à résoudre les problèmes qu’il rencontre pendant la période de suivi :

  • Aider à fournir des conseils, un soutien et des interventions
  • Identifier les objectifs à atteindre
  • Être ouvert sur les stratégies (interventions) qui seront utilisées au cours des entretiens
  • Aider la personne à reconnaître les situations à risque
  • Travailler avec la personne  pour développer des stratégies à utiliser dans les situations à risque identifiées

 «Une partie de mon travail consiste aussi à m’assurer que vous respectiez les conditions de vos décisions de justice. Cela va impliquer un certain contrôle de ma part. Nous nous rencontrerons régulièrement, je pourrai effectuer des visites à domicile. S’il arrive que vous ne respectiez pas les décisions de justice, je pourrais avoir à en subir les conséquences. Les conséquences possibles d’un non-respect des ordonnances du tribunal sont une révocation de la probation, des peines de prison ou de détention, une augmentation de la fréquence des entretien dans le cadre de votre probation ».

RÔLE DE RESPONSABILISATION è

  • Aider le délinquant à comprendre la nature du travail du personnel
  • Tenir le délinquant pour responsable
  • Contrôler le respect des conditions
  • Il est important d’expliquer clairement au délinquant les conséquences possibles d’un non-respect des attentes.
  • Être clair avec le délinquant sur les attentes en matière de comportement – être direct
  • Préciser les conséquences possibles

 « De même, au cours de nos rencontres il y aura certaines choses qui seront flexibles et d’autres qui ne le seront pas. Par exemple, le fait que nous nous rencontrions chaque mois n’est pas flexible. Cependant, je suis prêt à m’adapter à votre emploi du temps ou à l’horaire du bus pour m’assurer que vous êtes en mesure de vous rendre aux rendez-vous. Par conséquent, l’heure et les jours où nous nous rencontrons sont flexibles. D’autres éléments sont également flexibles, notamment ce sur quoi vous voulez travailler et vous concentrer en premier lieu, ainsi que l’endroit où effectuer votre travail d’intérêt général ».

DOMAINES FLEXIBLES (négociables) ET INFLEXIBLES (non négociables)  :

  • Le personnel doit être clair sur les domaines négociables (heure et jour des réunions de supervision) et les domaines non négociables (fréquence des réunions de supervision, obligation de se présenter).
  • Il est important de comprendre si les exigences non négociables sont basées sur :
    • un mandat légal
    • les attentes de l’organisation
    • les attentes du professionnel

Probationnaire : « Mon dernier CPIP ne semblait pas très intéressé par mes problèmes. Tout ce qui l’intéressait, c’était de savoir si je me présentais à mes rendez-vous et si je payais mes amendes. »

CPIP « Je pense également qu’il est important que vous vous présentiez à vos rendez-vous. Cependant, je me préoccupe des autres choses que vous faites également. En fait, j’espère que nous pourrons travailler sur d’autres problèmes qui semblent avoir conduit à votre sursis probatoire. Quelles sont les autres expériences que vous avez eues en matière de probation ? » (Source= Modèle EPICS : Effective Practices in Community Supervision)

ATTENTES DES PPSMJ :

  • Aider à :
    • Clarifier la nature du rôle du personnel en explorant les idées fausses
    • Clarifier la nature de l’expérience attendue pendant la période de suivi
  • Discuter avec le délinquant de ses expériences antérieures en matière de suivi SPIP
  • Discuter avec le délinquant de ce qu’il attend de son suivi probatoire
  • Discuter avec le délinquant de ce qu’il attend de son CPIP

Sources:

ccp-overview

epics_booster_-_congruent_supervision

Le rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE), intitulé « La réinsertion des personnes détenues : l’affaire de tous et toutes » (2019), offre une analyse approfondie des défis liés à la réinsertion des personnes détenues en France, avec des recommandations concrètes pour améliorer les politiques publiques.
Le rapport s’inscrit dans un contexte de préoccupations croissantes sur l’efficacité du système pénitentiaire français en matière de réinsertion. Adopté le 26 novembre 2019, il fait suite à une saisine du Premier ministre et s’appuie sur un précédent avis de 2006 qui avait déjà alerté sur les lacunes en matière de réinsertion. Malgré des avancées, comme la création du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et la loi pénitentiaire de 2009, les progrès restent insuffisants. La surpopulation carcérale est un enjeu majeur, avec près de 71 000 personnes détenues en 2019, contre 60 000 en 2006, et des établissements souvent surchargés (occupation moyenne des maisons d’arrêt à 138 %). Cette situation est exacerbée par une politique centrée sur la sécurité plutôt que sur la réinsertion, avec un ratio d’un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) pour 80 personnes sous supervision, loin des normes européennes.
Le rapport souligne que la prison peut avoir des effets désocialisants, déresponsabilisants, créant ou aggravant des ruptures sociales, familiales et professionnelles. Cela est particulièrement marqué pour les courtes peines, qui représentent 62 % des condamnations (inférieures à deux ans) et 46 % (inférieures à un an), mais qui ne permettent pas une préparation adéquate à la sortie.
Données et statistiques
Les données présentées dans le rapport offrent un éclairage précis sur la situation. Les taux de récidive varient fortement selon le type de libération :
  • 63 % pour les sorties sèches (sans accompagnement), ce qui reflète les difficultés de réinsertion sans soutien.
  • 39 % pour les libérations conditionnelles, indiquant un effet protecteur du suivi post-libération.
  • 34 % pour les peines de travail d’intérêt général (TIG), montrant l’efficacité relative des mesures communautaires.
D’autres chiffres soulignent les obstacles à la réinsertion :
  • Seulement 28 % des détenus ont un travail rémunéré en prison, contre 46,2 % en 2000, avec 1 205 postes pour 2 294 opérateurs dans des secteurs comme la confection, le bois ou la métallurgie, souvent des emplois peu qualifiés (tri, nettoyage) ne développant pas de compétences transférables.
  • 14 % des détenus bénéficient d’une formation professionnelle, malgré un coût mensuel moyen de 200 € par détenu pour des services comme la cantine, la télévision ou le téléphone.
  • En 2017, 28 % des personnes libérées n’avaient pas de logement, un facteur aggravant le risque de récidive.
  • Le profil des détenus montre que 44 % ont entre 18 et 30 ans, 76 % ont un niveau d’éducation inférieur ou égal au CAP, et 9 % sont sans domicile fixe, ce qui complique leur réinsertion.
Le budget de la justice en France (65,9 € par habitant) est également inférieur à celui de pays comparables comme l’Allemagne (121,9 €), les Pays-Bas (119,2 €) ou la Suède (118,6 €), limitant les ressources pour des programmes de réinsertion.
Recommandations et axes d’action
Le rapport propose quatre axes principaux pour transformer le système et favoriser la réinsertion, avec des mesures concrètes et des objectifs chiffrés :
  1. Développer les alternatives à l’incarcération :
    • Faire des alternatives une priorité de la politique pénale, avec des outils comme la surveillance électronique (2 376 peines en 2019), le TIG (36 614 peines) et les sursis avec mise à l’épreuve (120 572).
    • Atteindre 5 000 places en semi-liberté et en placement externe, contre 903 et 1 643 respectivement en 2019.
    • Améliorer la visibilité via des tableaux de bord et des indicateurs, et envisager de baisser le seuil d’ajustement des peines à deux ans (proposition rejetée par le ministre).
    • S’inspirer de modèles comme la Finlande, qui a réduit sa population carcérale de trois en 50 ans.
  2. Mettre en œuvre les moyens de la réinsertion :
    • Organiser les peines autour de la réinsertion, avec une individualisation des parcours.
    • Améliorer l’accès aux soins de santé, notamment avec des bilans de santé à l’entrée en détention, et garantir l’accès aux droits sociaux (identité, papiers de résidence).
    • Maintenir les liens familiaux, essentiels pour la réinsertion, et promouvoir la culture, le sport et l’expression des détenus.
    • Favoriser l’emploi et la formation, en transformant les contrats de travail en prison en outils couvrant les droits au chômage, à la retraite et à la formation. Par exemple, proposer des contrats spécifiques pour les détenus, avec des incitations pour les employeurs via la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
    • Adresser les problèmes de logement, avec des référents SIAO (Service d’Insertion et d’Accès au Logement) et des structures de transition, notamment pour les courtes peines, en facilitant l’accès au logement social.
  3. Faire de la réinsertion un objectif partagé :
    • Créer un comité interministériel pour fixer des objectifs et des indicateurs de réinsertion, avec un service national autonome pour le suivi des personnes libérées.
    • Développer des comités locaux de réinsertion pour coordonner les acteurs (associations, collectivités, services publics).
    • Augmenter le nombre de CPIP pour respecter les normes européennes, avec un objectif d’un conseiller pour 60 personnes (contre jusqu’à 130 actuellement), nécessitant le recrutement de 1 300 nouveaux postes en 2019, dont 400 pour les SPIP (Services pénitentiaires d’insertion et de probation).
    • Assurer une diversité des profils dans le recrutement et la formation des CPIP, avec actuellement 60 % de diplômés en droit et seulement 7 % en travail social.
  4. Encourager le débat public et l’analyse :
    • Demander à la Cour des Comptes de comparer les coûts de la détention et des alternatives, pour démontrer l’efficacité économique des mesures communautaires.
    • Étudier les profils pénaux et sociaux des détenus, leur santé mentale et physique, et leurs parcours de réinsertion, pour mieux adapter les politiques.
    • Fixer des objectifs de réduction de la population carcérale par juridiction, avec des indicateurs clairs pour mesurer les progrès.
Le rapport souligne que la France reste en retard par rapport aux standards européens en matière de réinsertion, avec des conditions de détention souvent critiquées pour leur indignité. La ministre de la Justice, présente lors du vote, s’est engagée à une expertise des propositions, mais des doutes subsistent sur la mise en œuvre, notamment en raison des contraintes budgétaires et des priorités sécuritaires. Le vote a été largement approuvé (153 voix pour, 0 contre, 2 abstentions), reflétant un consensus sur l’urgence d’agir.