Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
Header

Les personnes sous probation sont souvent confrontées à une double peine : une surveillance judiciaire stricte et un accès limité à des traitements adaptés pour les troubles liés à l’usage de substances. Alors que la majorité d’entre elles présentent des problématiques d’addiction, peu parviennent à engager une démarche thérapeutique. Pourquoi ? Faute de motivation au changement, selon une étude ambitieuse publiée dans Contemporary Clinical Trials par Faye Taxman et son équipe. (Motivational tools to improve probationer treatment outcomes de Taxman, Walters et al. (2015).)

🚀 L’étude MAPIT : un essai contrôlé aléatoire

Le programme MAPIT (Motivational Assistance Program to Initiate Treatment) a testé trois approches auprès de 400 personnes en probation à Baltimore et Dallas :

  1. Supervision standard (SAU),
  2. Entretiens motivationnels (MI),
  3. Programme informatique motivationnel (MC).

L’objectif : améliorer l’initiation, l’engagement et la rétention en traitement pour l’usage de substances, tout en observant l’impact sur la récidive et le recours au dépistage VIH.

🧠 La clé : la motivation précoce

Les résultats préliminaires montrent que la motivation avant le traitement est l’un des meilleurs prédicteurs d’un parcours réussi. Or, de nombreux programmes imposent directement des thérapies “actives” sans prendre en compte l’étape psychologique dans laquelle se trouve la personne : pré-contemplation, ambivalence, hésitation…

Les auteurs pointent que les interventions motivationnelles, comme l’entretien motivationnel (EM), sont mieux adaptées à ces profils. Elles permettent d’engager la réflexion, de susciter le “déclic”, et d’orienter le sujet vers un engagement volontaire dans une démarche de soin.

 Face à face ou ordinateur : deux voies, un même but

L’étude compare l’efficacité de l’EM en présentiel à un programme informatique autonome, utilisant la synthèse vocale, des feedbacks personnalisés et des exercices interactifs.

Les avantages du numérique :

  • Moins coûteux,
  • Reproductible à grande échelle,
  • Pas dépendant de la disponibilité des cliniciens.

Mais l’EM humain a aussi ses forces :

  • Relation interpersonnelle,
  • Capacité d’adaptation,
  • Réactivité émotionnelle.

Premiers résultats et perspectives

Même si les résultats complets sont attendus à long terme, l’étude montre déjà que ces deux outils améliorent significativement l’entrée en traitement, surtout chez les probationnaires à haut risque de récidive. Ils agissent aussi sur d’autres leviers : réduction de la consommation, progrès en probation, prévention du VIH.

La recherche explore également le rapport coût-efficacité, un enjeu central pour des services souvent en sous-effectif et en tension budgétaire.

 Une leçon pour la criminologie appliquée

Cette étude illustre combien le facteur humain (motivation, adhésion, relation) est central dans l’intervention judiciaire. Il ne suffit pas d’imposer une thérapie : il faut d’abord préparer la personne à changer, en la rendant actrice de son parcours.

C’est un appel à transformer la probation d’un système de contrôle vers un dispositif de soutien au changement, centré sur les besoins psychologiques et les dynamiques motivationnelles.

Professor Faye Taxman, Mason University

Faye S. Taxman est professeur à l’université George Mason. Elle est reconnue pour son travail dans le développement de modèles de systèmes de soins continus qui relient la justice pénale à d’autres systèmes de prestation de services, ainsi que pour la réorganisation des services de probation et de surveillance des libérations conditionnelles, et pour les modèles de changement organisationnel. Elle a mené une enquête organisationnelle à plusieurs niveaux sur les systèmes correctionnels et de traitement de la toxicomanie afin d’examiner l’utilisation des pratiques fondées sur des données probantes dans les établissements correctionnels et de traitement de la toxicomanie et les facteurs qui influent sur l’adoption de processus et d’interventions fondés sur des données scientifiques. Elle a réalisé plusieurs études qui examinent l’efficacité de divers modèles de transfert de technologie et de processus d’intégration du traitement et de la supervision. Dans une étude, elle explore l’utilisation de la gestion des contingences et des systèmes d’incitation pour les délinquants toxicomanes.

Pourquoi utiliser l’entretien motivationnel avec les mineurs délinquants ?

1. Une réponse adaptée à l’ambivalence adolescente

Les adolescents en conflit avec la loi présentent fréquemment une ambivalence quant à leurs comportements et à la nécessité de changer. L’EM, en facilitant l’exploration de cette ambivalence, permet au jeune de prendre conscience de ses motivations profondes et de ses valeurs, favorisant ainsi un engagement plus authentique dans un processus de changement. 

2. Renforcement de l’alliance thérapeutique

L’établissement d’une relation de confiance est essentiel dans l’accompagnement des mineurs délinquants. L’EM, par son approche empathique et non jugeante, favorise la création d’une alliance thérapeutique solide, condition sine qua non pour un travail efficace.

3. Efficacité démontrée dans divers contextes

Des études ont montré que l’EM est efficace dans la réduction des comportements à risque chez les adolescents, notamment en matière de consommation de substances, de comportements violents ou de récidive. Son intégration dans les programmes de réhabilitation pour mineurs délinquants a permis d’améliorer l’engagement des jeunes et les résultats des interventions.


Comment mettre en œuvre l’entretien motivationnel auprès des mineurs délinquants ?

1. Adapter l’approche au développement adolescent

Il est crucial de tenir compte des spécificités du développement cognitif et émotionnel des adolescents. Cela implique d’utiliser un langage accessible, de respecter leur besoin d’autonomie et de valoriser leurs compétences et réussites.

2. Intégrer l’EM dans une approche multidisciplinaire

L’EM peut être combiné avec d’autres approches, telles que les thérapies cognitivo-comportementales, pour renforcer son efficacité. Cette intégration permet d’aborder les différentes dimensions des problématiques rencontrées par les mineurs délinquants.

3. Former les professionnels à l’EM

Pour une mise en œuvre efficace, il est essentiel que les intervenants soient formés aux principes et techniques de l’EM. Des formations spécifiques sont disponibles pour les professionnels travaillant avec des adolescents en difficulté

Extrait de « l’EM avec des adolescents et les jeunes adultes » (Naaar-king & Suarez 2011):

« PLUS DE 150 000 ADOLESCENTS SONT INCARCÉRÉS chaque année aux Etats-Unis d’Amérique. Les jeunes sous main de justice ont de multiples problèmes de santé mentale, en particulier l’usage de substances psycho-actives (SPA). Des prévalences élevées d’usage de substances ont été relevées chez les détenus, particulièrement pour l’alcool et le cannabis (McClelland, Elkington, Teplin & Abram, 2004). De même, les troubles psychiatriques sont fréquents chez ces adolescents (Teplin, Abram, McClelland, Dulan & Mericle, 2002), parmi lesquels les troubles anxieux, psycho-affectifs et ceux du comportement (Teplin, 2001). Enfin, ces adolescents sont engagés dans des troubles comportementaux variés qui les mettent, ainsi que leur entourage, en risque de développer divers dommages graves.
Les adolescents confrontés à la justice sont à haut risque pour deux situations, celle de la conduite sous l’emprise de l’alcool ou d’une autre substance (CEA/AS), et celle d’être le passager d’un conducteur sous l’emprise de l’alcool ou d’une autre substance (PCEA/AS) (Stein & al., 2006). Une étude portant sur 130 adolescents incarcérés indiquait que 58 % et 81 % d’entre eux avaient
respectivement connu l’une ou l’autre de ces deux situations dans les 12 derniers mois, les substances envisagées étant l’alcool et/ou le cannabis (Stein, 2004). Une autre étude montrait que 95 % des détenus adolescents avaient eu une expérience de sexe non protégé (vaginal ou anal) (Teplin, Mericle, McClelland & Abram, 2003).
On a montré que les adolescents incarcérés, lorsqu’on les compare avec des adolescents non incarcérés, utilisent les préservatifs de façon insuffisante (Nagamune & Bellis, 2002 ; Rickman, Lodico & DiClemente, 1994), échangent plus des services sexuels contre de la drogue (Wood & Shoroye, 1993), et ont plus souvent une activité sexuelle sous l’influence d’un produit (Otto-Salai, Gore-Felton, McGarvey & Canterbury II, 2002). Quoiqu’on sache le besoin de soin visant l’usage de produits (et les comportements à risque qui s’y rapportent) par les adolescents incarcérés, ceux-ci s’engagent peu dans les services qui leur sont proposés (Melnick, De Leon, Hawke, Jainchill & Kressel, 1997 ; Nissen, 2006 ; Prochaska et al. 1994).
De surcroît, il est fréquent qu’il n’y ait pas de service proposé (Nissen, 2006 ; Thornberry, Tolnay, Flanagan & Glynn, 1991 ; Young, Dembo & Henderson, 2007). De même, aucune offre de soin n’est, la plupart du temps, proposée aux familles d’adolescents sous main de justice (Young et al. 2007), et quand il en existe une, les familles ne montrent guère d’investissement dans ces programmes (Perkins-Dock, 2001). Enfin, au-delà de ces manques d’offre et d’engagement dans les traitements, il faut rappeler le tempo de l’action judiciaire : beaucoup d’adolescents ne sont détenus que pour quelques jours, et les sorties sont quelquefois inattendues.

POURQUOI L’EM ?
L’EM peut être bref, il s’applique à des adolescents à un moment où ils ont intérêt au changement, est cohérent avec la phase du développement des adolescents qui se débattent avec la question de l’autonomie, et fait jouer des mécanismes mentaux considérés comme importants pour le changement (par exemple, le sentiment d’efficacité personnelle).
Etant bref, l’EM est adapté pour les situations de travail où les ressources sont faibles. Il est aussi indiqué pour les gens qui montrent un haut niveau de colère ou d’agressivité, sentiments Le système judiciaire spécialisé que l’on retrouve fréquemment dans le système pénal (Karno & Longabaugh, 2004 ; Waldron, Slesnick, Brody, Turner & Peterson, 2001). Par exemple, pas moins de 40 % des adolescents manifestent un niveau important de colère au moment de leur incarcération (Stein, Slavet, Gingras & Gloembeske, 2004). »

La réactance psychologique, théorisée par Jack W. Brehm en 1966, est un concept central pour comprendre les mécanismes de résistance chez les individus confrontés à des restrictions perçues de leur liberté. Dans le domaine de la criminologie, notamment lors de l’intervention auprès de populations difficiles comme les jeunes délinquants ou les membres de gangs, cette théorie offre des clés pour adapter les pratiques, comme l’entretien motivationnel, afin de réduire les comportements oppositionnels et favoriser l’engagement thérapeutique.

Selon Brehm, la réactance se manifeste lorsqu’un individu perçoit une menace contre sa liberté d’agir ou de penser. Cet état motivationnel déclenche une résistance active ou passive visant à restaurer le sentiment de contrôle. Par exemple, un adolescent confronté à une interdiction parentale stricte pourrait adopter un comportement contraire par rébellion.

Facteurs amplificateurs :

  • Importance de la liberté menacée : Plus la liberté est valorisée (ex. : autonomie chez les jeunes gangsters), plus la réactance est intense.
  • Légitimité perçue de la source : Une autorité jugée illégitime (ex. : un travailleur social perçu comme distant) exacerbe la résistance.
  • Caractère coercitif des demandes : Les ordres directs activent davantage la réactance que les suggestions empathiques.

L’entretien motivationnel : Une réponse à la réactance

L’EM, initialement développé en alcoologie, intègre des principes psychosociaux pour contourner la réactance. Il s’appuie notamment sur :

  • L’autonomie : En rappelant au sujet qu’il est « libre de refuser », on minimise la perception de contrainte.
  • L’empathie : Une posture non jugementale réduit les tensions et favorise l’alliance thérapeutique.
  • L’exploration des ambivalences : Aider le sujet à verbaliser ses propres motivations (ex. : « Quels avantages trouvez-vous à rester dans le gang ? ») évite les confrontations directes.

 Applications en criminologie : Dépasser la résistance

Jack W. BREHM

Dans les contextes criminologiques, la réactance est fréquente chez les populations cibles (détenus, jeunes délinquants), souvent méfiantes envers les institutions. l’EM et la théorie de Brehm s’articulent pour:

a) Réduire l’opposition lors des entretiens
Les travaux de Cyr et al. (2014) soulignent que le soutien émotionnel de l’intervieweur diminue la résistance des enfants lors d’entretiens d’enquête. Transposé aux adultes, cela implique :

  • Éviter les questions accusatoires.
  • Valider les émotions (« Je comprends que cette situation soit frustrante »).

b) Adapter les programmes de réinsertion
Les programmes de fidélisation ou de contraintes rigides (ex. : couvre-feux stricts) peuvent générer un rejet via la réactance. En revanche, des approches flexibles, centrées sur les objectifs personnels du sujet (ex. : retrouver sa famille), renforcent la coopération.

Stratégies pratiques
ex: Gestion de la réactance en milieu carcéral : Former les agents à des techniques de communication non coercitives (ex. : choix limités plutôt qu’ordres) pour réduire les incidents.

Experience de psychologie sociale illustrant la réactance: 

Une expérience réalisée en 1976 par M.E. Hellman est une autre illustration de la réactance. Cet auteur a demandé à des passants de signer une pétition en faveur du contrôle du prix de la viande et des légumes. Mais avant que les gens ne se décident à signer, il leur lisait la première, les deux premières ou l’ensemble des informations suivantes :
1. Un certain Raymond T, membre d’une association locale, s’est déclaré franchement hostile à toute idée de contrôle des prix car, selon lui, elle met en danger l’économie.
2. Raymond T a déclaré en plus qu’en aucun cas, on ne devait être autorisé à proposer ou à signer cette pétition.
3. Raymond T a jouté qu’il se proposait, en plus, de prendre des renseignements sur tous ceux qui signeraient.

Comme le montrent les résultats :

  • 50 signatures dans le premier cas,
  • 72 signatures dans le second,
  • 88 signatures dans le troisième,

Plus l’atteinte à leur liberté de choix est importante, plus les sujets concernés s’engagent dans le comportement menacé.

(Experience tirée de Dr Jean michel PIQUET (2019) Manuel Pratique d’entretien motivationnel, Inter-éditions)

Dans leur excellent manuel, trés orienté vers la pratique (Motivational Interviewing and CBT, Combining Strategies for Maximum Effectiveness,  Guilford Press, 2017), les auteurs Sylvie Naar & Steven A. Safren explorent comment combiner efficacement EM etTCC.

Un exercice constste par exemple à évaluer trois variations d’un même entretien à partir d’une grille, celle-là même présentée ici, qui peut être utile dans d’autres contextes d’utilisation.

L’ouvvrage est truffé d’exercices et d’outils, avec une excellente préface signée William Miller sur la complémentarité TCC/EM, jusque dans la genèse de l’EM   :

« A  première vue, il peut sembler que l’entretien motivationnel (EM) et la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) soient des concepts opposés. La TCC est souvent pratiquée à partir d’un modèle d’expert directif : en tant que thérapeute, j’ai ce qui manque au client (compétences, connaissances, pensée rationnelle) et mon travail consiste à l’installer. « J’ai ce dont vous avez besoin et je vais vous le donner. L’EM, en revanche, ne consiste pas à installer des choses. C’est une façon d’appeler, de susciter (educare) ce qui est déjà là : les motivations, la perspicacité, la sagesse et les idées de la personne. Qu’est-ce qui pourrait être plus opposé ?
Pourtant, il est clair pour moi que l’EM et la TCC sont non seulement compatibles, mais aussi complémentaires. Ma formation pré-doctorale en psychologie clinique s’est déroulée à l’Université de l’Oregon, où nous, les « produits de l’Oregon », étions censés être des thérapeutes du comportement fondés sur des preuves. Pourtant, au cours de notre deuxième année de formation, nous devions effectuer un stage d’un an sur la manière de travailler avec les clients et, par une heureuse coïncidence, aucun membre de la faculté de psychologie comportementale n’a voulu l’enseigner cette année-là. Ils ont donc fait appel à un professeur de psychologie de l’orientation qui a passé l’année à nous enseigner la méthode centrée sur la personne et les perspectives de Carl Rogers avant que nous n’entrions dans la pratique de la thérapie comportementale (Gilmore, 1973).
L’année suivante, je me suis efforcée d’apprendre à faire de la thérapie comportementale familiale,
avec les parents sous la tutelle d’un membre de la faculté qui avait été formé par Gerald Patterson, un pionnier des méthodes d’apprentissage social dans l’éducation des enfants (Patterson, 1975). Nous apprenions aux parents à compter et à suivre les comportements sur des tableaux d’étoiles dorées, en mettant fortement l’accent sur le renforcement positif (Miller & Danaher, 1976). Tout cela était très logique, avec des devoirs très structurés. Le problème, comme le découvrent rapidement les thérapeutes du comportement, c’est que souvent les gens ne font pas leurs devoirs. Le processus était lent.

Ensuite, nous nous sommes rendus à l’Institut de recherche de l’Oregon pour observer le travail de Patterson avec une famille. Alors que nous étions assis derrière la glace sans tain, j’ai été frappé par le fait qu’il faisait beaucoup de choses avec la famille qu’il n’avait pas décrites dans ses recherches prolifiques et ses écrits sur les méthodes. Il était chaleureux, engageant, drôle et avenant, et il écoutait attentivement ce que les parents et les enfants avaient à dire. On pouvait faire n’importe quoi pour lui (il était si doué pour les relations interpersonnelles), et je me suis dit : « Oh, c’est comme ça qu’on fait ! ». Je suis retourné à la clinique de psychologie et j’ai commencé à utiliser les techniques d’écoute que j’avais apprises, et la thérapie comportementale a commencé à fonctionner pour moi. Jerry Patterson lui-même s’est ensuite beaucoup intéressé à la résistance et aux principes de l’influence interpersonnelle dans la thérapie comportementale et a contribué à des recherches novatrices sur le sujet (Patterson & Forgatch, 1985 ; Patterson & Chamberlain, 1994). Au fil des ans, j’ai développé une façon de faire de la thérapie comportementale dans un style centré sur la personne. Pour moi, ces deux approches semblaient aller de pair. Lorsque j’ai commencé à enseigner dans le cadre du programme de doctorat de l’université du Nouveau-Mexique, j’ai formé les étudiants à la fois à la thérapie comportementale et au style rogerien. L’habileté avec laquelle les conseillers écoutaient leurs clients tout en dispensant une thérapie comportementale guidée par un manuel aurait-elle une quelconque importance ?

Au cours d’un essai clinique avec des buveurs à problèmes, nous avons assigné au hasard des clients à neuf thérapeutes différents, en observant leur travail à l’aide de miroirs sans tain. Les clients des thérapeutes les plus empathiques ont beaucoup mieux réussi à réduire leur consommation d’alcool que ceux qui travaillaient avec des thérapeutes peu empathiques. Au bout de six mois, nous pouvions expliquer les deux tiers de la variance de la consommation d’alcool des clients par le niveau de compétence empathique des thérapeutes délivrant (prétendument) la même thérapie comportementale (Miller, Taylor, & West, 1980), un effet qui était toujours présent après deux ans de suivi (Miller & Baca, 1983). L’année suivante, Steve Valle (1981) a publié des résultats similaires : les taux de rechute au cours des deux années de suivi étaient de deux fois supérieurs à ceux de l’année précédente. de rechute au cours des deux années de suivi étaient de deux à quatre fois plus élevés pour les clients qui travaillaient avec des conseillers ayant un faible niveau de compétences centrées sur la personne, par rapport aux clients du même programme qui avaient la chance d’avoir des conseillers ayant un fonctionnement interpersonnel élevé.
Lorsqu’un groupe de psychologues norvégiens m’a demandé de montrer comment je travaillais avec des personnes ayant des problèmes d’alcool, j’ai  naturellement utilisé une combinaison de méthodes rogériennes et de TCC. C’est à partir de ces discussions que l’EM a été conçue (Miller, 1983). Lorsque je l’ai décrite pour la première fois, je considérais l’EM comme un prélude au traitement, quelque chose que l’on pouvait faire avant d’entamer la TCC pour « amorcer la pompe » (Miller, 1983). Nous avons rapidement constaté, à notre grande surprise, qu’avec une brève intervention d’EM, les gens commençaient souvent à changer de comportement sans autre forme de traitement. Par la suite, nous avons continué à explorer les façons dont la TCC classique, guidée par un manuel, peut être dispensée et intégrée à un style MI (Longabaugh, Zweben, LoCastro, & Miller, 2005 ; Meyers & Smith, 1995).

Avec ce livre, l’intégration de l’EM et de la TCC fait un bond en avant. Les thérapeutes comportementaux ont, à mon avis, accordé trop peu d’attention à l’impact substantiel des compétences interpersonnelles et de la relation thérapeutique sur l’engagement, la rétention, l’adhésion et les résultats du traitement. L’une des conséquences est le débat qui fait rage sur l’importance relative des facteurs « fondés sur des preuves » par rapport aux facteurs « communs » dans la psychothérapie (par exemple, Norcross, 2011). Les défenseurs de l’approche centrée sur la personne pourraient, à leur tour, être blâmés pour avoir accordé trop peu d’attention aux facteurs empiriques au cours des dernières décennies, bien que ce soit Carl Rogers lui-même qui ait été le pionnier de la recherche sur les processus et les résultats de la psychothérapie. Du point de vue de l’EM, il s’agit clairement d’une difficulté « et/ou » (Miller & Moyers, 2015). Un traitement fondé sur des données probantes ne peut être séparé de la personne qui l’administre, pas plus qu’une voiture de course ne l’est de son pilote ou qu’un chef cuisinier ne l’est de la qualité d’un repas. Les facteurs prétendument « communs » qui influencent les résultats, tels que l’empathie du thérapeute (Truax & Carkhuff, 1967), ne sont peut-être pas si courants que cela dans la pratique, et si nous les qualifions de « non spécifiques », cela signifie simplement que nous n’avons pas fait nos devoirs.Il est temps – bien plus que temps – de spécifier, de mesurer, d’étudier et d’enseigner les facteurs inter-personnels qui peuvent avoir un impact aussi important sur les résultats des clients.
Peut-être que l’EM et la TCC sont  comme l’huile et l’eau. Mon projet de chimie au lycée était une étude des agents émulsifiants qui permettent de mélanger l’huile et l’eau. C’était un signe avant-coureur des choses à venir. Ce livre est un émulsifiant. »
William R. milleR, PhD
Professeur émérite de psychologie et de psychiatrie
Université du Nouveau Mexique

Grille d’evaluation de l’esprit de l’EM

Questionnaire GLM:  « Objectifs d’évolution et de développement professionnels »

Comment, dans une perspective GLM, travailler à fixer des objectifs avec la personne? Un exemple d’outil est ce très motivationnel questionnaire « Objectifs d’évolution et de développement professionnels »

Ce questionnaire a pour but de vous aider à réfléchir à divers aspects de vous-même, de vos relations avec les autres et de vos compétences dans les situations de groupe. Il vous donne l’occasion de fixer vos propres objectifs de développement. Les étapes de son utilisation sont les suivantes

  1. Lisez la liste des activités et décidez de celles que vous faites bien, de celles que vous devriez faire davantage, celles que vous devriez faire moins. Cochez chaque élément.
  2. Certains objectifs qui ne figurent pas dans la liste peuvent être plus importants pour vous que ceux qui y figurent. Inscrivez ces objectifs sur les lignes vierges.

 

Compétences en communication Tout va bien Besoin d’en faire plus Besoin d’en faire moins
1. Dire aux autres ce que je pense      
2. Me faire comprendre      
3. Comprendre les autres      
4. Encourager les autres      
5. Écouter attentivement      
6. Demander des idées/opinions      
Expression émotionnelle Tout va bien Besoin d’en faire plus Besoin d’en faire moins
1. Dire aux autres ce que je ressens      
2. Cacher mes émotions      
3. Être en désaccord ouvertement      
4. Exprimer des sentiments chaleureux      
5. Exprimer sa gratitude      
6. Exprimer sa colère      
Capacité à faire face à des situations émotionnelles et à les accepter Tout va bien Besoin d’en faire plus Besoin d’en faire moins
1. Être capable de faire face aux conflits, à la colère      
2. Pouvoir faire face à la proximité, à l’affection      
3. Pouvoir faire face à la déception      
4. Pouvoir supporter le silence      
5. Supporter la tension      
Relations sociales Tout va bien Besoin d’en faire plus Besoin d’en faire moins
1. Compétition pour surpasser les autres      
2. Agir de manière dominante envers les autres      
3. Faire confiance aux autres      
4. Se montrer serviable      
5. Être protecteur      
6. Attirer l’attention sur soi      
7. Être capable de se défendre      
Généralités Tout va bien Besoin d’en faire plus Besoin d’en faire moins
1. Comprendre pourquoi je fais ce que je fais (insight)      
2. Commentaires encourageants sur mon propre comportement (feedback)      
3. Accepter volontiers de l’aide      
4. Prendre des décisions avec fermeté      
5. Se critiquer soi-même      
6. S’isoler pour lire ou réfléchir      

Objectifs d’évolution et de développement professionnels

Source: Jeffrey Abracen, Ph.D., C.Psych. & Jan Looman, Ph.D., C.Psych. (2016) Treatment of HighRisk Sexual Offenders, An Integrated Approach

Description
« Treatment of High-Risk Sexual Offenders aborde des stratégies de gestion concrètes, depuis l’admission initiale jusqu’aux programmes de traitement communautaire, et décrit un programme détaillé pour les délinquants à haut risque qui a été développé, testé et affiné pendant plus de 15 ans.
Fournit un examen approfondi de la théorie et de la recherche contemporaines relatives aux populations complexes et difficiles, et les traduit en un système complet d’évaluation et de traitement pour les délinquants sexuels à haut risque.
Offre une couverture détaillée des exigences en matière de cadre et de personnel, de l’importance de l’alliance thérapeutique et de la manière d’équilibrer la thérapie individuelle avec les composantes de groupe afin de développer les compétences sociales et d’autogestion.
S’appuie sur le principe des soins intégratifs, en s’inspirant du modèle Risque-Besoin-Réceptivité (RBR) établi pour l’évaluation et la réadaptation des délinquants, mais en y ajoutant de nouveaux éléments de TCC et d’entretien motivationnel.
comprend une batterie complète d’évaluations et des stratégies de gestion des maladies mentales graves et de la comorbidité.

Les effets de la récompense primaire sur le Q.I.

Edlund, Clingman et Fowler (1976) The effects of primary reward on the I.Q. performance  of grade-school children as a function of initial I.Q. level

L’effet d’une récompense en bonbons sur les scores de Q.I. a été étudié chez 72 enfants de première et deuxième année. Tous les sujets ont reçu la forme A du test de vocabulaire en images de Peabody et, sur la base de ces résultats, ont été divisés en trois groupes : faible, moyen et élevé.

  •  Le groupe à QI élevé avait un score moyen de 119
  •  Le groupe au QI moyen a obtenu un score moyen 101 points
  •  Le groupe à QI faible a obtenu un score moyen de 79

Dans chaque groupes, les sujets ont été assignés au hasard à l’une des trois conditions (récompense contingente, récompense non contingente ou aucune récompense) qui étaient en vigueur pendant l’administration du formulaire B.

Les résultats ont montré que les bonbons donnés en fonction de chaque réponse correcte augmentaient les scores de Q.I. des sujets ayant initialement un score faible, mais n’avaient aucune influence sur les scores des sujets ayant un score moyen et élevé.

Performance lors de l’administration du deuxième test (plusieurs mois après le premier test) :

  •  La moitié des enfants de chaque groupe ont reçu un M&M pour chaque bonne réponse.
  •  Les enfants aux QI moyens et élevés n’ont pas n’ont pas amélioré leurs résultats.
  •  Les enfants à faible QI, qui ont reçu des bonbons, ont augmenté leurs scores de QI à 97 !

L’expérience de Edlund, Clingman et Fowler suggère que c’est le premier score de 79 qui est le plus pertinent pour leurs perspectives d’avenir. Mais les enfants n’étaient peut-être pas faibles en QI, mais ils étaient peu motivés pour bien faire sans aucune incitation évidente.

Source: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1311892/

Imaginez la situation suivante. Vous êtes médecin dans une clinique de médecine familiale . Aujourd’hui, une de vos patientes qui souffre de douleur chronique et prend de fortes doses d’un opioïde d’ordonnance a rendez-vous avec vous. Selon ce que signale la patiente, elle semble n’obtenir que des bienfaits minimes de ses opioïdes pour sa douleur et son fonctionnement1. Les données probantes limitées à notre disposition font valoir qu’un sevrage des opioïdes pourrait en réalité améliorer globalement la douleur et le fonctionnement2. Vous aimeriez proposer une réduction progressive de la dose d’opioïdes, et peut-être même un arrêt mais quand vous avez antérieurement abordé ce sujet avec votre patiente, vous avez senti sa résistance, et ce, de diverses façons : « Ce n’est pas le bon moment maintenant. » « Qui sait si je me sentirais mieux? » « Sans opioïdes, qu’est-ce qu’il me resterait? » « C’est la seule chose qui m’aide à me rendre au bout de la journée! » Que devriez-vous faire? Y a-t-il une façon pour inciter votre patiente à accepter l’idée que le sevrage de ses opioïdes pourrait lui apporter des bienfaits? Comment pouvez-vous aider votre patiente à décider d’essayer le sevrage des opioïdes? L’entretien motivationnel est l’une des approches possibles. Cette technique encourage les patients à formuler leurs propres raisons de changer et explore les divergences entre les arguments en faveur et contre le changement3. Pour aider les patients ambivalents ou résistants au changement, elle fait appel à 3 compétences en communication : savoir écouter, questionner et informer. L’entretien motivationnel repose sur le principe de la collaboration, de l’évocation et du respect de l’autonomie du patient. De nombreux professionnels de la santé ont déjà les compétences voulues pour écouter, questionner et informer. L’approche motivationnelle est simplement une application plus pointue de ces compétences dans le but précis de favoriser des changements comportementaux. Le recours à cette approche peut sembler à la fois familier et difficile, surtout dans les interactions épineuses, c’est-à-dire celles qui deviennent conflictuelles ou ressemblent à une argumentation. Dans de tels cas, l’approche motivationnelle offre de nouveaux outils de communication. À la longue, les professionnels de la santé qui ont recours à l’approche motivationnelle signalent des interactions plus satisfaisantes et efficaces avec leurs patients. Pour lire un script d’EM avec un patient dependant aux opiodes:

Pour lire un script d’EM avec un patient dependant aux opiodes: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/arti…