Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
Header

Archives de l'auteur : crisostome

Probation et techniques de négociation

juin 6th, 2025 | Publié par crisostome dans VIOLENCE - (0 Commentaire)

Les négociateurs de crise (FBI, Gendarmerie – comme le GIGN ou le RAID) utilisent des techniques sophistiquées pour désamorcer des situations extrêmes (prises d’otages, barricadés, personnes suicidaires). Ces compétences sont parfaitement transposables et hautement pertinentes pour les conseillers pénitententiaires d’insertion et de probation (CPIP) gérant des personnalités difficiles, souvent dans des contextes tendus ou conflictuels.

1. L’Écoute Active & l’Empathie Stratégique :

Police : Comprendre les émotions, besoins et motivations profondes du sujet (même inavouables : reconnaissance, respect, désir d’être entendu, peur). Reformuler pour montrer une compréhension authentique.
Transposition Probation :

  • Écouter sans jugement les doléances, frustrations ou récits souvent déformés des PPSMJ (Personnes Placées Sous Main de Justice).
  • Identifier les besoins sous-jacents (logement, soins, reconnaissance, sécurité) derrière les comportements agressifs ou l’évitement.
  • Reformuler : « Si je comprends bien, vous vous sentez injustement traité par cette décision du juge, c’est ça ? » Cela désamorce et crée un lien.

2. Créer un lien (Building Rapport) :

  • Police : Établir un lien de confiance humain, même minime. Trouver des points communs (familiaux, géographiques, intérêts) pour humaniser l’échange.
  • Transposition Probation :
    • Construire une relation professionnelle mais humaine sur la durée. Montrer un intérêt sincère (sans familiarité excessive) pour la personne au-delà du dossier.
    • Utiliser des éléments de la vie de la personne (progrès, famille, projets) pour renforcer le lien et la motivation au changement.
    • Capitaliser sur les petits succès pour renforcer la confiance.

3. La Communication Non-Verbale et Para-Verbale :

  • Police : Contrôler sa propre voix (calme, rythme lent, ton bas), posture (ouverte, non menaçante). Observer finement les signaux de stress, de mensonge ou d’ouverture chez l’interlocuteur.
  • Transposition Probation :
    • Adopter une posture ouverte et un ton calme et posé, même face à l’agressivité verbale. Éviter les gestes brusques ou fermés (bras croisés).
    • Observer les signes de stress, de dissimulation ou de détresse chez la personne suivie pour adapter son approche (proposer une pause, changer de sujet temporairement, approfondir une inquiétude).
    • Utiliser le silence de manière stratégique pour inciter la personne à parler.

4. La Gestion des Émotions (de soi et de l’autre) :

  • Police : Rester calme et rationnel face à la colère, la peur ou la détresse extrême du sujet. Ne pas prendre les insultes personnellement. Désamorcer l’escalade émotionnelle.
  • Transposition Probation :
    • Auto-contrôle : Gérer sa propre frustration ou peur face aux menaces, insultes ou comportements provocants. Respirer, prendre du recul.
    • Désescalade verbale : Reconnaître l’émotion : « Je vois que cette situation vous met très en colère ». Proposer des alternatives : « On peut en parler maintenant calmement, ou reporter cet entretien à demain matin, qu’en pensez-vous ? ». Éviter le contre-argumentaire frontal lors des pics émotionnels.
    • Validation émotionnelle : Reconnaître la légitimité du sentiment (« C’est compréhensible que vous soyez frustré par cette obligation ») sans nécessairement valider le comportement.

5. L’Art du Questionnement Stratégique :

  • Police :Poser des questions ouvertes pour faire parler le sujet, comprendre sa logique et ses limites. Éviter les questions fermées (« oui/non ») ou accusatoires. Utiliser « Comment ? », « Quoi ? », « Parlez-moi de… ».
  • Transposition Probation :
    •  Privilégier les questions ouvertes pour explorer les difficultés, les motivations, les perspectives : « Comment envisagez-vous de trouver un emploi avec cette obligation ? », « Qu’est-ce qui vous semble le plus difficile dans ce suivi ? »
    • Éviter les interrogatoires ou les questions pièges. Chercher à comprendre le point de vue et la logique (même dysfonctionnelle) de la personne.

6. La Recherche de Solutions Gagnant-Gagnant (Win-Win) :

  • Police : Trouver une issue qui préserve la vie/santé de tous et offre une « porte de sortie honorable » au sujet (ex : se rendre pour être traité médicalement, revoir son enfant).
    Transposition Probation :

    • Travailler avec la personne, pas contre elle. Rechercher des compromis réalistes et respectueux du cadre judiciaire : « Je comprends que le couvre-feu à 20h est très contraignant pour votre formation. Pouvons-nous voir avec le juge s’il est possible de l’adapter les soirs de cours, moyennant un justificatif ? »
    •  Co-construire des objectifs et des plans d’action. Donner un sentiment de contrôle et de choix (même limité) augmente l’adhésion.

7. La Gestion du Temps et de la Pression :

  • Police : Ralentir le rythme, créer du temps pour désamorcer l’urgence et la pression. Éviter les ultimatums contre-productifs.
  • Transposition Probation :
    • Ne pas céder à la pression immédiate d’une demande ou d’une menace. Prendre le temps de réfléchir, consulter, proposer un délai : « Je ne peux pas prendre cette décision maintenant.
    • Je dois en discuter avec mon responsable/le juge. Revenez me voir jeudi. »
    • Gérer les attentes : être clair sur les délais de traitement et les limites de son pouvoir.

8. L’Analyse des Besoins et Motivations :

  • Police : Identifier les besoins fondamentaux (sécurité, appartenance, estime, contrôle) qui sous-tendent les actions du sujet.
  • Transposition Probation :
    • Comprendre ce qui motive réellement la personne difficile (éviter la prison ? retrouver ses enfants ? obtenir un soin ? prouver sa valeur ?). Adapter le discours et les solutions à ces motivations profondes.
    • Utiliser ces motivations comme leviers pour l’engagement dans le suivi et le changement.

9. L’Établissement des Limites Claires (Cadrage) :

  • Police : Rappeler calmement mais fermement les réalités (présence des forces, conséquences inéluctables de la violence) et le cadre non-négociable (ex : libération des otages).
  • Transposition Probation :
  • Rappeler avec calme et fermeté le cadre légal et les conséquences inéluctables du non-respect des obligations : « Je comprends votre refus, mais je dois vous rappeler que le non-respect de cette obligation de soin entraînera un signalement au juge, avec un risque de révocation de votre mesure. »
  • Être intransigeant sur les limites tout en restant ouvert sur les moyens de les respecter.

10. L’Utilisation de la « Voix du Bon Sens » / Raisonnement Réaliste :

  • Police : Amener subtilement le sujet à considérer les conséquences négatives de ses actes et la faisabilité peu réaliste de ses exigences.
  • Transposition Probation :
  • Aider la personne à prendre conscience des conséquences contre-productives de ses comportements difficiles : « Si vous insultez chaque intervenant, comment voulez-vous qu’ils vous aident à trouver un logement ? »
  • Questionner pour faire émerger la réflexion : « Quelles pourraient être les conséquences si vous ne vous présentez pas à votre rendez-vous avec l’assistante sociale ? »

Points Clés de Transposition & Précautions :

  • Temps long vs. Crise : Le CPIP travaille sur la durée. La « négociation » est continue, basée sur une relation construite. La patience et la cohérence sont primordiales.
  • Objectif Différent : Il ne s’agit pas de sauver des vies physiques immédiates, mais de prévenir la récidive, protéger la société et favoriser la réinsertion (sauver des vies sociales).
  • Pouvoir Différent :Le CPIP n’a pas une équipe d’intervention en soutien. Son pouvoir est lié au cadre judiciaire et à sa capacité d’influence et de signalement.
  • Éthique et Confiance : La relation de confiance est le socle du suivi en probation. Les techniques ne doivent JAMAIS être utilisées pour manipuler, mais pour désamorcer les conflits, faciliter la communication et promouvoir des solutions constructives dans l’intérêt de la réinsertion et de la sécurité publique.
  • Travail d’Équipe : Comme les négociateurs, les CPIP doivent travailler en étroite collaboration avec leurs collègues, leur hiérarchie, les juges, les travailleurs sociaux et les soignants. Les débriefings après des incidents critiques sont essentiels.
  • Formation Continue : Une formation spécifique et régulière à la communication en contexte difficile, à la désescalade verbale et à la gestion des personnalités difficiles/agressives est indispensable.

Boîte à outils

Boite à outils pour gérer les interactions difficiles, désamorcer les conflits, établir un rapport constructif et influencer positivement les personnes suivies vers le respect du cadre et l’engagement dans leur parcours de réinsertion.

Mirroring (Miroir)

Répéter les derniers mots ou l’idée principale de l’interlocuteur, sous forme de question ou de simple écho

  • Employer les mêmes expressions
  • Prendre la même position sur sa chaise

Effet recherché :

  • ­Créer un sentiment de compréhension et de connexion
  • ­Inciter l’autre à développer davantage son discours

Exemple en service de probation (accueil physique) :

  • ­Probationnaire agressif : « Vous ne m’avez pas averti que ma CPUP était absente? » → Agent : « Pas averti à temps ? »
  • ­L’usager complète : « Oui, je viens de l’apprendre et j’ai déjà perdu ma journée ! »

Labeling (Étiquetage des émotions)

Nommer, étiqueter l’émotion pour valider son émotion

Effet recherché :

  • ­Rouler avec la resitance, montrer de l’empathie
  • ­Inviter à la discussion plutôt qu’à l’escalade

Exemple en gestion téléphonique :

  • ­Appel agressif : « Vous m’agacez ! Vous ne comprenez rien!» → Agent : « J’ai l’impression que vous êtes très frustré et que la situation vous met en colère. »
  • ­Réponse possible : « Oui, je suis en colère parce que j’ai l’impression qu’on me prend pour un imbécile.»

Comment formuler :

  • ­« Il semble que… » / « J’ai le sentiment que… » / « On dirait que… »
  • ­Éviter les « Je sais que vous êtes… » ou « Vous êtes en colère… » péjoratif

Questions Ouvertes

Questions commençant par « Comment » ou « Qu’est-ce que » qui impliquent la personne dans la recherche de solution

Effet recherché :

  • ­Donner à l’autre un sentiment de contrôle et d’autonomie
  • ­Orienter la réflexion vers la résolution du problème

Exemples spécifiques :

  • ­« Comment pourrions-nous organiser un nouveau rendez-vous qui vous convienne mieux ? »
  • ­« Qu’est-ce qui, selon vous, pourrait nous aider à clarifier les pièces manquantes pour votre dossier ? »
  • ­« Comment puis-je faire en sorte que vous vous sentiez entendu aujourd’hui ? »

Application pratique :

  • ­Remplacer le « Pouvez-vous … » (fermé) par « Comment … ? » (ouvert)
  • ­Forcer l’interlocuteur à réfléchir (« Comment peut-on avancer ? » plutôt que « Quand voulez-vous revenir ?»)

Audit des Accusations

Anticiper et verbaliser les critiques ou reproches potentiels que l’interlocuteur peut avoir: « je sais que vous doutez de… »

Effet recherché :

  • ­Désamorcer à l’avance les objections avant que l’autre ne les exprime
  • ­Montrer que vous comprenez ses craintes, même si elles ne sont pas encore exprimées

Exemple en probation (accueil physique ou téléphonique) :

  • ­Agent : « Vous pensez qu’on ne tient pas assez compte de votre emploi du temps et que nous contrôlons mal nos plannings… »
  • ­Probationnaire : « Oui, c’est exactement ça, j’ai perdu ma journée à cause de vos erreurs ! »

Points clés :

  • ­Faire l’audit AVANT d’exposer la solution concrète
  • ­Ne pas dramatiser ou donner l’impression de se justifier excessivement
  • ­Formuler des phrases courtes et factuelles du type : « Vous avez le sentiment que…», « Vous craignez que… »

Résumé et Reformulation

Récapitulatif structuré de ce que l’interlocuteur a exprimé (faits, émotions, besoins) avant de proposer une solution

Effet recherché :

  • ­Vérifier la compréhension mutuelle
  • ­Montrer que vous avez écouté attentivement
  • ­Préparer la transition vers la résolution

Exemple en entretien téléphonique :

  • ­Faits : « Vous attendez cette convocation depuis trois semaines. »
  • ­Émotions : « Vous vous sentez frustré et en colère que votre temps soit gaspillé. »
  • ­Besoin : « Vous avez besoin d’une date précise aujourd’hui. »
  • ­Proposition de solution : « ex: Je vais appeler le service concerné, et je reviendrai vers vous d’ici dix minutes avec la date. »
  • Astuces :
    • ­Utiliser des connecteurs logiques simples (D’abord…, Ensuite…, Enfin…)
    • ­Rester concis : ne pas répéter mot à mot, mais organiser les idées en phrases courtes»

Nudge et probation

juin 4th, 2025 | Publié par crisostome dans VIOLENCE - (0 Commentaire)

Théorie du Nudge : Le « Coup de Pouce » Comportemental

Développée par Richard Thaler (Prix Nobel d’économie 2017) et le juriste Cass Sunstein dans leur ouvrage Nudge: Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness (2008), la théorie du nudge (« coup de coude » ou « coup de pouce ») repose sur l’idée que des incitations douces et non contraignantes peuvent orienter les décisions individuelles ou collectives vers des comportements bénéfiques, sans restreindre la liberté de choix. Elle s’inscrit dans le champ de l’économie comportementale, intégrant la psychologie à l’analyse économique

1. Nudges basés sur les normes sociales en probation

  • Mécanisme :   Exploiter la tendance humaine au conformisme pour influencer les comportements.
  • Exemple: Dans une chambre d’hôtel, un message indiquant « pour le bien de la planète ne demandez pas le changement de vos serviettes » vs « dans cet hôtel 75 % des clients ayant séjourné dans cette chambre ont fait le choix de réutiliser leur serviette » = Une augmentation de 36% d’adoption du comportement attendu avec les normes combinées (GOLDSTEIN, Noah J., Robert B. CIALDINI et Vladas GRISKEVICIUS. 2008, « A room with a Viewpoint : Using Social Norms to Motivate Environmental Conservation in Hotels », in Journal of Consumer Research, Volume 35, n°3 (Octobre 2008)
  • Exemple concret : Dans des courriers de rappel aux probationnaires, inclure des messages du type : « 9 probationnaires sur 10 respectent leurs obligations sans incident »*. Cette formulation renforce positivement la norme sociale de conformité, réduisant les risques de récidive ou de comportements agressifs en créant une pression sociale positive. Des programmes de probation aux États-Unis et au Royaume-Uni ont utilisé ce principe pour améliorer le respect des rendez-vous et diminuer les violations.

2. Aménagements architecturaux « apaisants » en milieu carcéral

  • Mécanisme : Agir sur l’environnement physique pour réduire les stimuli agressifs via le système 1 (pensée intuitive et émotionnelle).
  • Applications :
    • Couleurs et lumières : Utiliser des teintes pastel et un éclairage naturel dans les cellules ou espaces communs pour diminuer l’anxiété.
    • Signalétiques visuelles : Installer des images évoquant la paix (paysages, symboles de méditation) dans les zones de tension potentielle (réfectoires, coursives).
    • Choix musicaux : Diffuser une musique calme dans les zones d’attente ou de conflit pour abaisser le stress.
  • Effet : Ces modifications, testées dans des prisons européennes, ont montré une réduction des altercations liées à la frustration environnementale.

3. Choix par défaut pour faciliter la réinsertion

  • Mécanisme : Orienter discrètement vers des options bénéfiques en capitalisant sur l’**inertie décisionnelle**.
  • Exemples en probation :
    • Inscriptions automatiques : Proposer par défaut des programmes de gestion de la colère ou de médiation, avec une option de désinscription simple plutôt que d’exiger une démarche active d’adhésion.
    • Rappels comportementaux : Envoyer des SMS automatiques avant des rendez-vous stressants (ex. : rencontre avec une victime) : « Prenez 3 respirations profondes avant d’entrer – 85 % des participants trouvent cela utile ».
  • Résultat : Augmentation de la participation aux thérapies anti-violence et réduction des abandons.

4. Feedback immédiats et renforcement positif

  • Mécanisme : Utiliser des récompenses symboliques pour ancrer des comportements non violents via le système 2 (pensée réflexive) .
  • Cas pratiques :
    • « Cartes de progression » en prison : Remettre aux détenus des cartes visualisant leurs jours sans incident violent, avec des avantages gradués (temps de visite accru, accès à des activités).
    • Applications de probation : Notifier des badges virtuels (« 7 jours de coopération réussie ! ») pour renforcer l’auto-efficacité.
  • Impact : Ces dispositifs, inspirés des « nudges verts », transforment l’abstention de violence en succès tangible, stimulant la motivation intrinsèque.

5. Nudges de transparence pour renforcer la légitimité perçue

  • Mécanisme : Lutter contre la défiance envers les institutions, source de violence, via une information claire et justifiée .
  • Applications en milieu pénal :
    • Explications des décisions : Joindre aux convocations ou sanctions une note détaillant pourquoi une mesure est prise (ex. : « Votre placement en isolement vise à protéger les autres détenus après l’incident X – voir l’article 12 du règlement »).
  • Bénéfice : Ces pratiques atténuent le sentiment d’injustice, facteur clé de l’agressivité en contexte autoritaire.

Des formations courtes pour prévenir la récidive alcool au volant ? Une étude de 10ans remet les pendules à l’heure

l’article suisse « Benefits of short educational programmes in preventing drink-driving recidivism: A ten-year follow-up randomised controlled trial » nous invite à interroger les actions proposées sur le terrain: stages, etc…

Conduire sous l’influence de l’alcool reste une cause majeure d’accidents routiers. En Suisse, comme ailleurs, une part importante des accidents mortels est liée à l’alcool. Mais comment prévenir efficacement la récidive chez les conducteurs sanctionnés pour la première fois ? Une équipe de chercheurs suisses a évalué l’impact de programmes éducatifs de durées différentes sur le risque de récidive… pendant 10 ans !

🎯 Objectif de l’étude

L’étude, menée dans le canton de Genève, visait à comparer l’efficacité de trois formats de formations sur les risques de l’alcool au volant destinées à des primo-délinquants (taux d’alcoolémie de 0.8 à 2.5 g/kg) :

  • Une série de 7 heures de cours sur une journée (format standard).

  • Une version de 4 heures, accompagnée d’un proche (ami, parent, conjoint).

  • Une formation brève de 2 heures.

🧪 Méthode

727 conducteurs ont été répartis au hasard dans l’un des trois groupes. Leur taux de récidive (nouvelle condamnation pour conduite en état d’ivresse) a été suivi via le registre national sur une durée de 10 ans. Un groupe témoin de 940 personnes n’ayant suivi aucun cours a aussi été suivi.

🔍 Résultats

✅ Les formations les plus courtes se révèlent plus efficaces à court terme :

  • Le cours de 2 heures réduit de 25 % le risque de récidive dans les 2 premières années après l’infraction (par rapport au format 7 heures).

  • Le cours de 4 heures avec un proche montre même une baisse de 47 % du risque.

❌ Mais ces effets disparaissent après deux ans : au-delà de cette période, aucun des formats ne montre d’impact significatif sur la récidive.

❗️ Pire encore : le format standard de 7 heures ne montre aucun effet clair sur le long terme, voire une tendance à augmenter la récidive par rapport à l’absence d’intervention !

📚 Ce qu’on peut en tirer

  • Plus long n’est pas forcément mieux : des formations trop longues peuvent entraîner de la lassitude, un rejet ou une banalisation du message entre participants.

  • Les messages courts, ciblés et motivants peuvent être plus percutants, notamment s’ils sont suivis rapidement après l’infraction.

  • Associer un proche peut renforcer l’engagement, mais cet effet s’estompe également avec le temps.

  • Un enjeu clé : agir vite et avec pertinence après l’infraction, pendant la fenêtre critique des deux premières années.

🧩 Conclusion

Cette étude démontre que les formations brèves sont plus efficaces à court terme pour prévenir la récidive d’alcool au volant, tandis que les formations longues classiques peuvent être contre-productives. Ces résultats appellent à repenser les politiques de prévention, en s’appuyant sur les données probantes plutôt que sur des intuitions ou traditions. L’éducation, oui — mais brève, bien pensée et dans le bon timing.

Pourquoi utiliser l’entretien motivationnel avec les mineurs délinquants ?

1. Une réponse adaptée à l’ambivalence adolescente

Les adolescents en conflit avec la loi présentent fréquemment une ambivalence quant à leurs comportements et à la nécessité de changer. L’EM, en facilitant l’exploration de cette ambivalence, permet au jeune de prendre conscience de ses motivations profondes et de ses valeurs, favorisant ainsi un engagement plus authentique dans un processus de changement. 

2. Renforcement de l’alliance thérapeutique

L’établissement d’une relation de confiance est essentiel dans l’accompagnement des mineurs délinquants. L’EM, par son approche empathique et non jugeante, favorise la création d’une alliance thérapeutique solide, condition sine qua non pour un travail efficace.

3. Efficacité démontrée dans divers contextes

Des études ont montré que l’EM est efficace dans la réduction des comportements à risque chez les adolescents, notamment en matière de consommation de substances, de comportements violents ou de récidive. Son intégration dans les programmes de réhabilitation pour mineurs délinquants a permis d’améliorer l’engagement des jeunes et les résultats des interventions.


Comment mettre en œuvre l’entretien motivationnel auprès des mineurs délinquants ?

1. Adapter l’approche au développement adolescent

Il est crucial de tenir compte des spécificités du développement cognitif et émotionnel des adolescents. Cela implique d’utiliser un langage accessible, de respecter leur besoin d’autonomie et de valoriser leurs compétences et réussites.

2. Intégrer l’EM dans une approche multidisciplinaire

L’EM peut être combiné avec d’autres approches, telles que les thérapies cognitivo-comportementales, pour renforcer son efficacité. Cette intégration permet d’aborder les différentes dimensions des problématiques rencontrées par les mineurs délinquants.

3. Former les professionnels à l’EM

Pour une mise en œuvre efficace, il est essentiel que les intervenants soient formés aux principes et techniques de l’EM. Des formations spécifiques sont disponibles pour les professionnels travaillant avec des adolescents en difficulté

Extrait de « l’EM avec des adolescents et les jeunes adultes » (Naaar-king & Suarez 2011):

« PLUS DE 150 000 ADOLESCENTS SONT INCARCÉRÉS chaque année aux Etats-Unis d’Amérique. Les jeunes sous main de justice ont de multiples problèmes de santé mentale, en particulier l’usage de substances psycho-actives (SPA). Des prévalences élevées d’usage de substances ont été relevées chez les détenus, particulièrement pour l’alcool et le cannabis (McClelland, Elkington, Teplin & Abram, 2004). De même, les troubles psychiatriques sont fréquents chez ces adolescents (Teplin, Abram, McClelland, Dulan & Mericle, 2002), parmi lesquels les troubles anxieux, psycho-affectifs et ceux du comportement (Teplin, 2001). Enfin, ces adolescents sont engagés dans des troubles comportementaux variés qui les mettent, ainsi que leur entourage, en risque de développer divers dommages graves.
Les adolescents confrontés à la justice sont à haut risque pour deux situations, celle de la conduite sous l’emprise de l’alcool ou d’une autre substance (CEA/AS), et celle d’être le passager d’un conducteur sous l’emprise de l’alcool ou d’une autre substance (PCEA/AS) (Stein & al., 2006). Une étude portant sur 130 adolescents incarcérés indiquait que 58 % et 81 % d’entre eux avaient
respectivement connu l’une ou l’autre de ces deux situations dans les 12 derniers mois, les substances envisagées étant l’alcool et/ou le cannabis (Stein, 2004). Une autre étude montrait que 95 % des détenus adolescents avaient eu une expérience de sexe non protégé (vaginal ou anal) (Teplin, Mericle, McClelland & Abram, 2003).
On a montré que les adolescents incarcérés, lorsqu’on les compare avec des adolescents non incarcérés, utilisent les préservatifs de façon insuffisante (Nagamune & Bellis, 2002 ; Rickman, Lodico & DiClemente, 1994), échangent plus des services sexuels contre de la drogue (Wood & Shoroye, 1993), et ont plus souvent une activité sexuelle sous l’influence d’un produit (Otto-Salai, Gore-Felton, McGarvey & Canterbury II, 2002). Quoiqu’on sache le besoin de soin visant l’usage de produits (et les comportements à risque qui s’y rapportent) par les adolescents incarcérés, ceux-ci s’engagent peu dans les services qui leur sont proposés (Melnick, De Leon, Hawke, Jainchill & Kressel, 1997 ; Nissen, 2006 ; Prochaska et al. 1994).
De surcroît, il est fréquent qu’il n’y ait pas de service proposé (Nissen, 2006 ; Thornberry, Tolnay, Flanagan & Glynn, 1991 ; Young, Dembo & Henderson, 2007). De même, aucune offre de soin n’est, la plupart du temps, proposée aux familles d’adolescents sous main de justice (Young et al. 2007), et quand il en existe une, les familles ne montrent guère d’investissement dans ces programmes (Perkins-Dock, 2001). Enfin, au-delà de ces manques d’offre et d’engagement dans les traitements, il faut rappeler le tempo de l’action judiciaire : beaucoup d’adolescents ne sont détenus que pour quelques jours, et les sorties sont quelquefois inattendues.

POURQUOI L’EM ?
L’EM peut être bref, il s’applique à des adolescents à un moment où ils ont intérêt au changement, est cohérent avec la phase du développement des adolescents qui se débattent avec la question de l’autonomie, et fait jouer des mécanismes mentaux considérés comme importants pour le changement (par exemple, le sentiment d’efficacité personnelle).
Etant bref, l’EM est adapté pour les situations de travail où les ressources sont faibles. Il est aussi indiqué pour les gens qui montrent un haut niveau de colère ou d’agressivité, sentiments Le système judiciaire spécialisé que l’on retrouve fréquemment dans le système pénal (Karno & Longabaugh, 2004 ; Waldron, Slesnick, Brody, Turner & Peterson, 2001). Par exemple, pas moins de 40 % des adolescents manifestent un niveau important de colère au moment de leur incarcération (Stein, Slavet, Gingras & Gloembeske, 2004). »

Le BARR-2002R : évaluer le risque de récidive générale et violente des AICS

Kelly M. Babchishin, R. Karl Hanson, & Julie Blais (Janvier 2024)

Le BARR-2002R (Brief Assessment for Recidivism Risk – 2002R) est une échelle actuarielle conçue pour estimer le risque de récidive générale et violente (y compris sexuelle) chez les hommes ayant commis une infraction sexuelle saarna.org . Il s’adresse spécifiquement aux délinquants sexuels adultes (réclusion ou peine majeure) et ne convient pas aux contrevenants non sexuels. Son développement s’appuie sur les mêmes populations que les échelles Static-99R et Static-2002R (hommes condamnés pour des infractions sexuelles commises à l’âge adulte). En pratique, le BARR-2002R aide à cibler le risque de récidive non sexuelle, un besoin souvent sous-estimé, puisque les récidives sexuelles ne sont qu’une partie du risque global.

Composantes de l’échelle

Le BARR-2002R est très concis : 6 éléments au total (score total de –2 à 8). Il comprend :

  • Âge au moment de la libération (barème pondéré) : les plus jeunes reçoivent un score plus élevé (par ex. +2 pour 18–34 ans, –2 pour 60 ans et plus).

  • 6 items de criminalité générale issus du Static-2002R (antécédents judiciaires)rma.scot. Par exemple : l’existence d’antécédents pénaux, le nombre d’occasions antérieures de condamnation, toute violation de surveillance, le laps de temps sans infraction avant l’acte sexuel index, et l’existence de condamnations antérieures pour violences non sexuellessaarna.org.

Chaque critère donne un point ou deux selon la situation. Le total cumulé (age+criminalité) constitue le score BARR, que l’on reporte sur les grilles normatives.

Normes et niveaux de risque

Le score total du BARR-2002R varie de –2 à 8. Plus le score est élevé, plus le risque estimé de récidive est grand. Par exemple, selon les études de Babchishin et coll. (2016), un score de 0 correspond à environ 7% de probabilité de récidive générale sur 5 ans, tandis qu’un score de 4 atteint ~40% et qu’un score de 7 dépasse 75% (ces pourcentages incluent les récidives de toute nature sur cinq ans). En pratique, on peut regrouper les scores en catégories de risque standardisées (ex. faible, modéré, élevé). Par exemple, un système à cinq niveaux de risque (I = très faible à V = très élevé) a été proposé pour harmoniser la communication du risque; dans ce cadre le BARR-2002R couvre essentiellement les niveaux I à IV (aucun cas classé niveau V extrême)pubmed.ncbi.nlm.nih.gov.

  • Score BARR 0 ≈ 6–7% de récidive générale à 5 ans (risque faible).

  • Score 4 ≈ 40% de récidive générale (risque modéré).

  • Score ≥7 ≈ 75%+ de récidive générale (risque élevé).

Ces résultats permettent aux évaluateurs de communiquer clairement le niveau de risque.

Différences avec Static-99R et Static-2002R

  • Static-99R est une échelle actuarielle historique (10 items) visant spécialement la récidive sexuelle chez les hommes condamnés pour abus sexuels. Elle ne donne pas d’information directe sur le risque de récidive violente ou générale.

  • Static-2002R est une version mise à jour du Static-99R (14 items) incorporant également la criminalité générale et l’âge. Sa finalité reste de prédire la récidive sexuelle, bien qu’il évalue aussi certains facteurs criminogènes plus larges.

  • BARR-2002R, en revanche, a été spécialement conçu pour la récidive non sexuelle. Il utilise un sous-ensemble des items généraux du Static-2002R (plus l’âge). En pratique, on recommande d’utiliser le BARR plutôt que les Static classiques pour estimer le risque général/violent. Autrement dit, le Static-99R/static-2002R est privilégié pour le risque sexuel, alors que le BARR-2002R complète l’évaluation en ciblant le risque d’autres infractions. Cette distinction est importante car de nombreuses études montrent que les délinquants sexuels récidivent plus souvent par des crimes non sexuels.

Validité scientifique et fiabilité

Plusieurs études confirment la solidité psychométrique du BARR-2002R. Ses performances prédictives sont élevées : la capacité à distinguer récidivistes et non-récidivistes (mesurée par l’aire sous la courbe ROC, AUC) se situe aux alentours de 0,72–0,77 pour la récidive générale et non sexuelle, ce qui est supérieur à Static-99R/Static-2002R sur ce critère. En revanche, pour la seule récidive sexuelle, le BARR (AUC ≈0,65) est moins performant que Static-2002R/99R (AUC ≈0,68–0,69), ce qui illustre sa focalisation sur le risque global plutôt que sexuel.

Les études de validation (Babchishin et al. 2016 ; Jung, Wielinga & Ennis 2018-19, etc.) ont rapporté des résultats cohérents et « larges effect sizes » pour le risque général et violent. Par ailleurs, le BARR-2002R montre une excellente fiabilité inter-évaluateurs : dans l’étude initiale, chaque critère a obtenu des kappa de .61 à 1.00 et des ICC (coefficient de corrélation intraclasse) de .65 à 1.00 (médiane ≈.91). L’accord global était en moyenne de 99%. En résumé, l’outil est simple à appliquer, bien documenté et soutenu par des études indépendantes, ce qui renforce sa confiance clinique.

Extrait du manuel: 

« Étant donné que les personnes qui ont été jugées pour une infraction sexuelle sont plus susceptibles de récidiver avec un crime non sexuel qu’avec un crime sexuel (Hanson & Bussière, 1998), les évaluations du risque pour cette population (c’est-à-dire les hommes jugés pour une infraction sexuelle) devraient également tenir compte du risque de récidive générale et de récidive violente. La récidive violente comprend les infractions sexuelles, et la récidive générale comprend tous les types de récidive. Même lorsque l’accent est mis exclusivement sur le risque de récidive sexuelle, il est utile de comprendre la source du risque de récidive. Ce document résume le développement et le soutien empirique de la Brève évaluation du risque de récidive-2002R (BARR-2002R) et présente la feuille de codage de la BARR-2002R ainsi que les normes relatives à son utilisation. Nous recommandons aux évaluateurs d’utiliser le BARR-2002R pour évaluer la probabilité de récidive violente et générale chez les hommes qui ont été jugés pour une infraction à caractère sexuel, plutôt que d’utiliser les scores totaux de la Statique-99R ou de la Statique-2002R à cette fin. Le BARR-2002R diffère de ces échelles en ce sens qu’il ne comprend pas d’éléments relatifs aux caractéristiques d’un délit sexuel ; le BARR-2002R n’a pas été conçu pour évaluer la probabilité d’une récidive sexuelle. En revanche, la Static-2002R et la Static-99R comportent des éléments relatifs à la criminalité sexuelle, ce qui dilue l’évaluation de la criminalité générale. Bien que certaines études aient montré que le BARR-2002R prédit la récidive sexuelle aussi bien que d’autres échelles d’évaluation du risque (Jung & Wielinga, 2019 ; Jung, Wielinga et al., 2018), le BARR-2002R n’est pas recommandé pour cette utilisation. Il convient plutôt d’utiliser les scores totaux de Static-2002R ou d’autres échelles de risque de récidive sexuelle validées. Le BARR-2002R est une échelle de risque actuarielle qui permet d’évaluer le risque de récidive générale et violente (y compris sexuelle) chez les hommes jugés pour une infraction à caractère sexuel. Le BARR-2002R se compose d’une mesure de la criminalité générale tirée de Static-2002R (Helmus et al., 2012) et de l’âge au moment de la libération. Les analyses de développement du BARR-2002R ont été menées sur un vaste échantillon de personnes ayant commis des infractions sexuelles (Babchishin et al., 2016), en utilisant des échantillons tirés du projet de renormalisation STATIC (Helmus et al., 2012). Comparé au score total du Static-2002R, le BARR-2002R était plus fortement associé à la récidive violente et générale (Babchishin et al., 2016). Le BARR-2002R a également prédit la récidive générale et violente tout aussi bien que des mesures plus complexes spécifiquement conçues pour ces résultats (Level of Service/Case Management Inventory [LS/CMI ; Andrews et al., 2004] ; Statistical Information on Recidivism [SIR ; Nafekh & Motiuk, 2002) et a prédit la récidive violente non sexuelle significativement mieux que le Static-2002R et le Static-99R (Babchishin et al., 2016).

Les scores totaux de BARR-2002R peuvent être interprétés en fonction du système des cinq niveaux de risque et de besoins – un système normalisé pour communiquer le risque général de récidive (voir ci-dessous pour plus de détails ; Blais et al., 2022 ; Hanson et al., 2017). Étant donné que le BARR-2002R est une mesure de la criminalité générale, le centre de la distribution du risque BARR-2002R a été fixé à la médiane des taux de récidive générale sur deux ans pour l’ensemble de l’échantillon de personnes dans le système de justice pénale, et non au taux pour le sous-ensemble de personnes ayant des antécédents de délinquance sexuelle (Blais et al., 2022). Les personnes ayant des antécédents de délinquance sexuelle ont tendance à obtenir des résultats plus faibles en matière de criminalité générale que celles qui n’ont pas d’antécédents de délinquance sexuelle. Ainsi, le risque moyen de récidive générale est défini en fonction de la population générale des individus dans le système judiciaire, et non pas seulement en fonction des individus ayant des antécédents de délinquance sexuelle. Les scores BARR-2002R peuvent être utilisés pour classer les individus dans 4 des 5 niveaux de risque possibles du système des cinq niveaux de risque et de besoins (risque très faible, risque inférieur à la moyenne, risque moyen et risque supérieur à la moyenne). Le BARR-2002R ne permet pas de classer les individus dans le niveau de risque le plus élevé (niveau V ; « pratiquement certain de récidiver »). Une autre limite à l’application du système à cinq niveaux est que Blais et al. (2022) ont constaté que les individus appartenant au niveau de risque « très faible » présentaient des quantités plus que négligeables de facteurs de risque psychologiquement significatifs, bien qu’ils aient une très faible probabilité de récidive. »

BARR-2002R User Guide Version 2024 01

BARR-2002R_FR

La réactance psychologique, théorisée par Jack W. Brehm en 1966, est un concept central pour comprendre les mécanismes de résistance chez les individus confrontés à des restrictions perçues de leur liberté. Dans le domaine de la criminologie, notamment lors de l’intervention auprès de populations difficiles comme les jeunes délinquants ou les membres de gangs, cette théorie offre des clés pour adapter les pratiques, comme l’entretien motivationnel, afin de réduire les comportements oppositionnels et favoriser l’engagement thérapeutique.

Selon Brehm, la réactance se manifeste lorsqu’un individu perçoit une menace contre sa liberté d’agir ou de penser. Cet état motivationnel déclenche une résistance active ou passive visant à restaurer le sentiment de contrôle. Par exemple, un adolescent confronté à une interdiction parentale stricte pourrait adopter un comportement contraire par rébellion.

Facteurs amplificateurs :

  • Importance de la liberté menacée : Plus la liberté est valorisée (ex. : autonomie chez les jeunes gangsters), plus la réactance est intense.
  • Légitimité perçue de la source : Une autorité jugée illégitime (ex. : un travailleur social perçu comme distant) exacerbe la résistance.
  • Caractère coercitif des demandes : Les ordres directs activent davantage la réactance que les suggestions empathiques.

L’entretien motivationnel : Une réponse à la réactance

L’EM, initialement développé en alcoologie, intègre des principes psychosociaux pour contourner la réactance. Il s’appuie notamment sur :

  • L’autonomie : En rappelant au sujet qu’il est « libre de refuser », on minimise la perception de contrainte.
  • L’empathie : Une posture non jugementale réduit les tensions et favorise l’alliance thérapeutique.
  • L’exploration des ambivalences : Aider le sujet à verbaliser ses propres motivations (ex. : « Quels avantages trouvez-vous à rester dans le gang ? ») évite les confrontations directes.

 Applications en criminologie : Dépasser la résistance

Jack W. BREHM

Dans les contextes criminologiques, la réactance est fréquente chez les populations cibles (détenus, jeunes délinquants), souvent méfiantes envers les institutions. l’EM et la théorie de Brehm s’articulent pour:

a) Réduire l’opposition lors des entretiens
Les travaux de Cyr et al. (2014) soulignent que le soutien émotionnel de l’intervieweur diminue la résistance des enfants lors d’entretiens d’enquête. Transposé aux adultes, cela implique :

  • Éviter les questions accusatoires.
  • Valider les émotions (« Je comprends que cette situation soit frustrante »).

b) Adapter les programmes de réinsertion
Les programmes de fidélisation ou de contraintes rigides (ex. : couvre-feux stricts) peuvent générer un rejet via la réactance. En revanche, des approches flexibles, centrées sur les objectifs personnels du sujet (ex. : retrouver sa famille), renforcent la coopération.

Stratégies pratiques
ex: Gestion de la réactance en milieu carcéral : Former les agents à des techniques de communication non coercitives (ex. : choix limités plutôt qu’ordres) pour réduire les incidents.

Experience de psychologie sociale illustrant la réactance: 

Une expérience réalisée en 1976 par M.E. Hellman est une autre illustration de la réactance. Cet auteur a demandé à des passants de signer une pétition en faveur du contrôle du prix de la viande et des légumes. Mais avant que les gens ne se décident à signer, il leur lisait la première, les deux premières ou l’ensemble des informations suivantes :
1. Un certain Raymond T, membre d’une association locale, s’est déclaré franchement hostile à toute idée de contrôle des prix car, selon lui, elle met en danger l’économie.
2. Raymond T a déclaré en plus qu’en aucun cas, on ne devait être autorisé à proposer ou à signer cette pétition.
3. Raymond T a jouté qu’il se proposait, en plus, de prendre des renseignements sur tous ceux qui signeraient.

Comme le montrent les résultats :

  • 50 signatures dans le premier cas,
  • 72 signatures dans le second,
  • 88 signatures dans le troisième,

Plus l’atteinte à leur liberté de choix est importante, plus les sujets concernés s’engagent dans le comportement menacé.

(Experience tirée de Dr Jean michel PIQUET (2019) Manuel Pratique d’entretien motivationnel, Inter-éditions)

Présentation du formulaire « ONE Interview Worksheet »

Le trés productif département des services penitentiaires de Washington a publié un « formulaire d’entretien« , a savoir une sorte de  « fiche arrivant » destinée à relever un maximum d’informations et de commencer à structurer l’évaluation (traduction FR en bas de l’article).

Outre la liste des items à explorer, il est proposé aux utlisateurs une stratégie de questionnement à travers des exemples de questions à poser.

Le formulaire « Washington ONE Interview Worksheet » est un guide structuré développé par le Washington State Department of Corrections pour mener des entretiens de gestion de cas auprès de personnes placées en détention ou sous supervision ; il s’appuie sur les principes du modèle Risk-Need-Responsivity (RNR) afin d’identifier efficacement les facteurs de risque et de besoin criminogènes, et d’adapter la prise en charge aux caractéristiques individuelles de chaque personne.

Le formulaire s’inscrit dans une logique d’évaluation actuarielle combinée à une dimension clinique : il structure l’entretien pour recueillir des informations sur le parcours de vie, l’environnement social, la santé mentale, les comportements à risque et les ressources prosociales de l’interviewé.

Structure générale

  1. Introduction de l’entretien : explication du cadre, consignes de neutralité et de clarté de langage pour instaurer un climat de confiance.

  2. Sections thématiques :

    • Historique résidentiel et familial : lieux de vie, soutien social, conditions de logement avant l’infraction

    • Éducation et emploi : parcours scolaire, qualifications, expériences professionnelles récentes

    • Influences sociales et pairs : cercles d’influence, fréquentations, soutiens prosociaux ou délinquants

    • Usage d’alcool et de drogues : fréquences, contextes, antécédents de traitement

    • Santé mentale et troubles associés : repérage de symptômes, antécédents psychiatriques, besoins de suivi

    • Aggression, attitudes et comportements : manifestations de violence, croyances délinquantes, motivation au changement

Le document recommande une posture neutre, l’utilisation d’un langage simple, et l’évitement de questions suggestives. Il souligne l’importance de pauses possibles, compte tenu du caractère émotionnellement exigeant de l’entretien doc.wa.gov.

Utilisation en pratique criminologique

Ce formulaire est conçu pour :

  • Structurer l’évaluation des besoins et mieux planifier les interventions psychosociales et réhabilitatives, conformément aux évidences issues du modèle RBR

  • Faciliter la consignation systématique des informations, favorisant la comparabilité entre dossiers et le suivi longitudinal des progrès individuels

  • Optimiser la coordination entre professionnels (probation, psychologues, travailleurs sociaux) en fournissant un référentiel commun

Le « Washington ONE Interview Worksheet » constitue un outil précieux pour les praticiens en criminologie et en justice pénale souhaitant structurer leurs évaluations de manière rigoureuse et fondée sur la recherche. En intégrant pleinement les principes RBR, il contribue à planifier des interventions personnalisées visant à réduire la récidive et à favoriser la réinsertion sociale.

Formulaire arrivant washington_case-mgmt-wa-one-interview-worksheet

En version originale: case-mgmt-wa-one-interview-worksheet 

phpMyVisites