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Le BARR-2002R : évaluer le risque de récidive générale et violente des AICS

Kelly M. Babchishin, R. Karl Hanson, & Julie Blais (Janvier 2024)

Le BARR-2002R (Brief Assessment for Recidivism Risk – 2002R) est une échelle actuarielle conçue pour estimer le risque de récidive générale et violente (y compris sexuelle) chez les hommes ayant commis une infraction sexuelle saarna.org . Il s’adresse spécifiquement aux délinquants sexuels adultes (réclusion ou peine majeure) et ne convient pas aux contrevenants non sexuels. Son développement s’appuie sur les mêmes populations que les échelles Static-99R et Static-2002R (hommes condamnés pour des infractions sexuelles commises à l’âge adulte). En pratique, le BARR-2002R aide à cibler le risque de récidive non sexuelle, un besoin souvent sous-estimé, puisque les récidives sexuelles ne sont qu’une partie du risque global.

Composantes de l’échelle

Le BARR-2002R est très concis : 6 éléments au total (score total de –2 à 8). Il comprend :

  • Âge au moment de la libération (barème pondéré) : les plus jeunes reçoivent un score plus élevé (par ex. +2 pour 18–34 ans, –2 pour 60 ans et plus).

  • 6 items de criminalité générale issus du Static-2002R (antécédents judiciaires)rma.scot. Par exemple : l’existence d’antécédents pénaux, le nombre d’occasions antérieures de condamnation, toute violation de surveillance, le laps de temps sans infraction avant l’acte sexuel index, et l’existence de condamnations antérieures pour violences non sexuellessaarna.org.

Chaque critère donne un point ou deux selon la situation. Le total cumulé (age+criminalité) constitue le score BARR, que l’on reporte sur les grilles normatives.

Normes et niveaux de risque

Le score total du BARR-2002R varie de –2 à 8. Plus le score est élevé, plus le risque estimé de récidive est grand. Par exemple, selon les études de Babchishin et coll. (2016), un score de 0 correspond à environ 7% de probabilité de récidive générale sur 5 ans, tandis qu’un score de 4 atteint ~40% et qu’un score de 7 dépasse 75% (ces pourcentages incluent les récidives de toute nature sur cinq ans). En pratique, on peut regrouper les scores en catégories de risque standardisées (ex. faible, modéré, élevé). Par exemple, un système à cinq niveaux de risque (I = très faible à V = très élevé) a été proposé pour harmoniser la communication du risque; dans ce cadre le BARR-2002R couvre essentiellement les niveaux I à IV (aucun cas classé niveau V extrême)pubmed.ncbi.nlm.nih.gov.

  • Score BARR 0 ≈ 6–7% de récidive générale à 5 ans (risque faible).

  • Score 4 ≈ 40% de récidive générale (risque modéré).

  • Score ≥7 ≈ 75%+ de récidive générale (risque élevé).

Ces résultats permettent aux évaluateurs de communiquer clairement le niveau de risque.

Différences avec Static-99R et Static-2002R

  • Static-99R est une échelle actuarielle historique (10 items) visant spécialement la récidive sexuelle chez les hommes condamnés pour abus sexuels. Elle ne donne pas d’information directe sur le risque de récidive violente ou générale.

  • Static-2002R est une version mise à jour du Static-99R (14 items) incorporant également la criminalité générale et l’âge. Sa finalité reste de prédire la récidive sexuelle, bien qu’il évalue aussi certains facteurs criminogènes plus larges.

  • BARR-2002R, en revanche, a été spécialement conçu pour la récidive non sexuelle. Il utilise un sous-ensemble des items généraux du Static-2002R (plus l’âge). En pratique, on recommande d’utiliser le BARR plutôt que les Static classiques pour estimer le risque général/violent. Autrement dit, le Static-99R/static-2002R est privilégié pour le risque sexuel, alors que le BARR-2002R complète l’évaluation en ciblant le risque d’autres infractions. Cette distinction est importante car de nombreuses études montrent que les délinquants sexuels récidivent plus souvent par des crimes non sexuels.

Validité scientifique et fiabilité

Plusieurs études confirment la solidité psychométrique du BARR-2002R. Ses performances prédictives sont élevées : la capacité à distinguer récidivistes et non-récidivistes (mesurée par l’aire sous la courbe ROC, AUC) se situe aux alentours de 0,72–0,77 pour la récidive générale et non sexuelle, ce qui est supérieur à Static-99R/Static-2002R sur ce critère. En revanche, pour la seule récidive sexuelle, le BARR (AUC ≈0,65) est moins performant que Static-2002R/99R (AUC ≈0,68–0,69), ce qui illustre sa focalisation sur le risque global plutôt que sexuel.

Les études de validation (Babchishin et al. 2016 ; Jung, Wielinga & Ennis 2018-19, etc.) ont rapporté des résultats cohérents et « larges effect sizes » pour le risque général et violent. Par ailleurs, le BARR-2002R montre une excellente fiabilité inter-évaluateurs : dans l’étude initiale, chaque critère a obtenu des kappa de .61 à 1.00 et des ICC (coefficient de corrélation intraclasse) de .65 à 1.00 (médiane ≈.91). L’accord global était en moyenne de 99%. En résumé, l’outil est simple à appliquer, bien documenté et soutenu par des études indépendantes, ce qui renforce sa confiance clinique.

Extrait du manuel: 

« Étant donné que les personnes qui ont été jugées pour une infraction sexuelle sont plus susceptibles de récidiver avec un crime non sexuel qu’avec un crime sexuel (Hanson & Bussière, 1998), les évaluations du risque pour cette population (c’est-à-dire les hommes jugés pour une infraction sexuelle) devraient également tenir compte du risque de récidive générale et de récidive violente. La récidive violente comprend les infractions sexuelles, et la récidive générale comprend tous les types de récidive. Même lorsque l’accent est mis exclusivement sur le risque de récidive sexuelle, il est utile de comprendre la source du risque de récidive. Ce document résume le développement et le soutien empirique de la Brève évaluation du risque de récidive-2002R (BARR-2002R) et présente la feuille de codage de la BARR-2002R ainsi que les normes relatives à son utilisation. Nous recommandons aux évaluateurs d’utiliser le BARR-2002R pour évaluer la probabilité de récidive violente et générale chez les hommes qui ont été jugés pour une infraction à caractère sexuel, plutôt que d’utiliser les scores totaux de la Statique-99R ou de la Statique-2002R à cette fin. Le BARR-2002R diffère de ces échelles en ce sens qu’il ne comprend pas d’éléments relatifs aux caractéristiques d’un délit sexuel ; le BARR-2002R n’a pas été conçu pour évaluer la probabilité d’une récidive sexuelle. En revanche, la Static-2002R et la Static-99R comportent des éléments relatifs à la criminalité sexuelle, ce qui dilue l’évaluation de la criminalité générale. Bien que certaines études aient montré que le BARR-2002R prédit la récidive sexuelle aussi bien que d’autres échelles d’évaluation du risque (Jung & Wielinga, 2019 ; Jung, Wielinga et al., 2018), le BARR-2002R n’est pas recommandé pour cette utilisation. Il convient plutôt d’utiliser les scores totaux de Static-2002R ou d’autres échelles de risque de récidive sexuelle validées. Le BARR-2002R est une échelle de risque actuarielle qui permet d’évaluer le risque de récidive générale et violente (y compris sexuelle) chez les hommes jugés pour une infraction à caractère sexuel. Le BARR-2002R se compose d’une mesure de la criminalité générale tirée de Static-2002R (Helmus et al., 2012) et de l’âge au moment de la libération. Les analyses de développement du BARR-2002R ont été menées sur un vaste échantillon de personnes ayant commis des infractions sexuelles (Babchishin et al., 2016), en utilisant des échantillons tirés du projet de renormalisation STATIC (Helmus et al., 2012). Comparé au score total du Static-2002R, le BARR-2002R était plus fortement associé à la récidive violente et générale (Babchishin et al., 2016). Le BARR-2002R a également prédit la récidive générale et violente tout aussi bien que des mesures plus complexes spécifiquement conçues pour ces résultats (Level of Service/Case Management Inventory [LS/CMI ; Andrews et al., 2004] ; Statistical Information on Recidivism [SIR ; Nafekh & Motiuk, 2002) et a prédit la récidive violente non sexuelle significativement mieux que le Static-2002R et le Static-99R (Babchishin et al., 2016).

Les scores totaux de BARR-2002R peuvent être interprétés en fonction du système des cinq niveaux de risque et de besoins – un système normalisé pour communiquer le risque général de récidive (voir ci-dessous pour plus de détails ; Blais et al., 2022 ; Hanson et al., 2017). Étant donné que le BARR-2002R est une mesure de la criminalité générale, le centre de la distribution du risque BARR-2002R a été fixé à la médiane des taux de récidive générale sur deux ans pour l’ensemble de l’échantillon de personnes dans le système de justice pénale, et non au taux pour le sous-ensemble de personnes ayant des antécédents de délinquance sexuelle (Blais et al., 2022). Les personnes ayant des antécédents de délinquance sexuelle ont tendance à obtenir des résultats plus faibles en matière de criminalité générale que celles qui n’ont pas d’antécédents de délinquance sexuelle. Ainsi, le risque moyen de récidive générale est défini en fonction de la population générale des individus dans le système judiciaire, et non pas seulement en fonction des individus ayant des antécédents de délinquance sexuelle. Les scores BARR-2002R peuvent être utilisés pour classer les individus dans 4 des 5 niveaux de risque possibles du système des cinq niveaux de risque et de besoins (risque très faible, risque inférieur à la moyenne, risque moyen et risque supérieur à la moyenne). Le BARR-2002R ne permet pas de classer les individus dans le niveau de risque le plus élevé (niveau V ; « pratiquement certain de récidiver »). Une autre limite à l’application du système à cinq niveaux est que Blais et al. (2022) ont constaté que les individus appartenant au niveau de risque « très faible » présentaient des quantités plus que négligeables de facteurs de risque psychologiquement significatifs, bien qu’ils aient une très faible probabilité de récidive. »

BARR-2002R User Guide Version 2024 01

BARR-2002R_FR

Patrick CARNES (2001)  Out of the Shadows : Understanding Addiction Recovery

« Il existe des parallèles évidents entre la compulsion sexuelle et la dépendance à l’alcool. Certaines personnes sexuellement dépendantes vont plus loin et commencent à utiliser les principes éprouvés des alcooliques anonymes pour changer leur vie. Bien que les Douze Étapes aient été élaborées par et pour les alcooliques, ce n’était qu’une question de temps avant qu’elles ne soient utilisées pour les personnes souffrant d’autres troubles compulsifs, et d’autres groupes en douze étapes se sont formés : Les Joueurs Anonymes, les boulimiques anonymes et les émotifs anonymes. Il n’est pas surprenant qu’il ait fallu autant de temps pour qu’émerge un programme en 12 étapes pour les personnes sexuellement compulsives, étant donné la complexité et l’intensivité des problèmes en jeu – sans parler de la honte. Un certain nombre de groupes utilisent les Douze Étapes comme base de la guérison de la dépendance sexuelle (…)

Enracinées dans l’expérience familiale, quatre croyances fondamentales sont au cœur de la détérioration des relations, tant pour les dépendants (addicts) que pour les co-dépendants. En résumé, ces croyances erronées sont les suivantes :

  1. Je suis fondamentalement une personne mauvaise et indigne.
  2. Personne ne m’aimerait tel que je suis.
  3. Mes besoins ne seront jamais satisfaits si je dois dépendre des autres.
  4. Le sexe est mon besoin le plus important (dépendance), ou le sexe est le signe d’amour le plus important (co-dépendants).

Les croyances culturelles soutiennent ces croyances fondamentales, créant ainsi un système de croyances qui fait partie intégrante de l’addiction.

TRANSFORMER LES CROYANCES GRÂCE AUX DOUZE ÉTAPES

Les Douze Étapes peuvent fondamentalement interrompre et modifier le système de dépendance. Les Étapes peuvent restaurer la capacité de nouer des relations signifiantes en développant chez les dépendants et les co-dépendants de nouvelles croyances pour remplacer les croyances dysfonctionnelles ou erronées.

Les personnes en rétablissement qui utilisent les Douze Étapes peuvent se dire :

  1. Je suis une personne valable qui mérite d’être fière.
  2. Je suis aimé et accepté par les gens qui me connaissent tel que je suis.
  3. Mes besoins peuvent être satisfaits par les autres si je leur fais savoir ce dont j’ai besoin.
  4. Le sexe n’est qu’une expression de mon besoin et de mon attention pour les autres.

Chacune des douze étapes contribue aux nouvelles croyances.

Cependant, certaines étapes sont plus importantes que d’autres pour certaines croyances fondamentales. Sans perdre de vue l’interdépendance de chaque étape dans le programme des Douze Étapes, , le rôle des étapes clés dans le changement de chaque croyance fondamentale peut être démontré. En examinant chaque croyances fondamentales séparément, le processus des Douze Etapes apparaît comme un chemin clair pour les dépendants et les co-dépendants afin d’obtenir des relations saines.

ANCIENNES CROYANCES FONDAMENTALES OBJECTIFS DU PROGRAMME POUR LES DÉPENDANTS ET CODÉPENDANTS
1 Je suis fondamentalement une personne mauvaise et indigne.

 

Le programme permet de comprendre que chaque membre est fondamentalement une bonne personne. Tous apprennent à se séparer en tant qu’individus de leur dépendance qui, en tant que puissante  maladie, détruit leur vie. Lorsque les dépendants et les co-dépendants admettent le pouvoir de la dépendance, l’espoir naît de la connexion avec les autres et avec une puissance supérieure.
2. Personne ne m’aimerait tel que je suis. La fraternité du programme entoure les participants de personnes qui ont souffert de la même manière. Ils ne se sentent plus seuls. Ils confient et on leur confie des secrets personnels. Ils ont la possibilité d’évaluer leurs forces et leurs faiblesses, ainsi que de faire le point sur leurs propres valeurs et comportements. Leur nouvelle vulnérabilité leur permet d’espérer dépendre d’autres personnes en dehors du programme. Ils redécouvrent les processus humains fondamentaux pour rétablir les relations par la réparation et le pardon.
ÉVOLUTION DES CROYANCES
ETAPES CLÉS NOUVELLES CROYANCES MONDE INTÉGRÉ
1, 2,3 Je suis une personne digne d’intérêt qui mérite de la fierté. Les dépendants et les co-dépendants ont un nouveau sentiment de fierté. Le pouvoir du monde secret est brisé. L’identité et l’intégrité reviennent. Ils n’ont plus besoin de se cacher et peuvent s’ouvrir l’un à l’autre et aux autres.
4, 5, 8, 9 Je suis aimé(e) et accepté par les personnes qui me connaissent tel que je suis. Les dépendants et les co-dépendants développent une conscience réaliste de leurs forces et de leurs faiblesses, de leur valeur personnelle et des limites de leur impact sur les autres. Ils assument une nouvelle responsabilité de leur comportement, leur comportement devient de plus en plus congruent avec leurs valeurs. Ils apprennent que les erreurs peuvent être acceptées, que s’amender et recevoir le pardon est possible. Les dépendants et les co-dépendants peuvent devenir des membres réceptifs et responsables de la communauté humaine.

Les chiffres correspondent aux Douze étapes des Alcooliques Anonymes adaptées aux dépendants sexuels.

ANCIENNES CROYANCES FONDAMENTALES OBJECTIFS DU PROGRAMME POUR LES DÉPENDANTS ET CODÉPENDANTS
3. Mes besoins ne seront jamais satisfaits si je dois dépendre des autres. Lorsque les membres du programme admettent leurs besoins, ils ont leur première expérience de la prise en charge par la fraternité. Le programme n’est assorti d’aucune condition ou restrictions. Les membres reçoivent une affirmation en admettant leurs besoins. Les soins qu’ils reçoivent apportent un soutien de base qui permet de faire confiance à une puissance supérieure et à la communauté humaine pour leur fournir les soins dont ils ont besoin et pour se débarrasser de leurs anciens comportements autodestructeurs.
4. Le sexe est mon besoin le plus important (dépendants), ou le sexe est le signe d’amour le plus important (co-dépendants). Les dépenfdants et les co-dépendants apprennent le pouvoir que la dépendance avait dans leur vie. Ils découvrent qu’ils découvrent qu’ils n’ont pas besoin de l’addiction pour survivre, mais qu’ils ont besoin du programme en permanence à cause du pouvoir de l’addiction. En reconnaissant leur impuissance et leur incapacité à gérer leur situation, ils commencent à vivre une nouvelle vie axée sur les relations humaines plutôt que sur le sexe. Les membres du programme continuent d’apprendre ce processus en l’enseignant aux autres.
ÉVOLUTION DES CROYANCES
ETAPES CLÉS NOUVELLES CROYANCES MONDE INTÉGRÉ
6,7 Mes besoins peuvent être satisfaits par les autres si je leur fais savoir ce dont j’ai besoin. En se responsabilisant davantage, les dépendants et les co-dépendants voient le rôle qu’ils ont à jouer dans la satisfaction de leurs besoins. La dépendance ou la co-dépendance est inutile pour faire face à l’anxiété ou la douleur. La dépendance à l’égard d’autrui est acceptable. En cas de déception, la colère appropriée invite à poursuivre à l’inverse de la rage, qui maintient les autres à l’extérieur.
4, 5, 8, 9 Le sexe n’est qu’une expression de mon besoin et de l’attention que je porte à autrui. Les dépendants et les co-dépendants découvrent ce que leur obsession n’a jamais pu découvrir : un sens profond et personnel de la valeur de soi. Ils peuvent être reconnus et aimés, ainsi qu’aimer et reconnaitre les autres.

Ils apprennent qu’une expérience sexuelle enrichissante et variée dans le cadre de relations significatives contribue à l’épanouissement d’une personne. Vivre le programme leur assure que l’obsession sexuelle ne dirige pas leur vie.

Patrick J. Carnes, PhD: P. J. Carnes est le fondateur des thérapie des addictions sexuelles. Il est une autorité et un conférencier de renommée internationale dans le domaine de la toxicomanie et du rétablissement. Il est l’auteur de plus de vingt livres, dont les best-sellers Out of the Shadows : Understanding Addiction; Recovery, Betrayal Bond; Don’t Call It Love; The Gentle Path Through the Twelve Steps et The Gentle Path through the Twelve Principles. Les recherches du Dr Carnes constituent l’architecture du « modèle des tâches » pour le traitement des dépendances, utilisé par des milliers de thérapeutes dans le monde entier et par de nombreux centres de traitement, établissements résidentiels et hôpitaux réputés.

Mobilising the Evidence into Best Practices for Reducing Sexual Reoffending

A retrouver sur la page du CICC: Mobilising the Evidence into Best Practices for Reducing Sexual Reoffending (cicc-iccc.org)

Rencontre d’experts sur le traitement des délinquants sexuels, organisée par Franca Cortoni, professeure titulaire à l’École de criminologie et chercheure au CICC, regroupant des professeurs, chercheurs et praticiens de partout dans le monde. Certaines présentations étaient diffusées en direct sur le web. The presentation will be available on our Youtube channel soon.

La rencontre de travail a rassemblé plus de 20 experts et universitaires autour de thèmes en lien avec traitement des délinquants sexuels (AICS).

Program with full presentations

Si le lien est brisé: Agenda-Detailed-for-Webcasting-Expert-meetingWithPresentation

Evidence for treatment targets (R. Karl Hanson, Ottawa, Canada)

 

Evidence for treatment change (Mark Olver, U of Saskatchewan, Canada) Context of treatment

 

Rehabilitative climate in prisons (Belinda Winder & Nicolas Blagden, Nottingham University, UK)

 

Community management (Todd Hogue, University of Lincoln, UK) Treatment components

 

Cognitive process (Caoilte Ó Ciardha, Kent University, UK)

 

Self-regulation (Jill Stinson, East Tennessee State University, USA)

 

Sexual Regulation / Sexual Deviance (Wineke Smid, Forensic Care Specialists, Netherlands)

 

Relationship issues (Heather Moulden, McMaster University Health Sciences, Canada)

 

Motivational/ readiness for treatment issues (Sarah Brown, USC, Australia)

 

Group atmosphere/ dynamic (Steve Sawyer, Sawyer Solutions, Inc., USA)

 

Effective therapists characteristics (Yolanda Fernandez, Correctional Service Canada)

 

TRAITS DE CARACTÈRE DES INTERVIEWEURS PERFORMANTS DANS LE CADRE D’UN ENQUETE

« Étudiez un intervieweur vraiment talentueux et vous constaterez qu’il ou elle possède un certain nombre de qualités personnelles très spéciales. Le premier trait essentiel d’un enquêteur accompli est que les victimes, les témoins et même les suspects doivent sentir que le policier ressent les mots qu’il prononce. La mesure dans laquelle l’agent détermine le niveau de confiance qu’ils lui accordent et donc de la possibilité de partager leurs secrets. Cette confiance est la base de l’obtention d’informations que la victime, le témoin et certainement le suspect peuvent initialement être réticents à fournir. Il est largement reconnu que l’établissement d’un rapport entre l’enquêteur et la personne interrogée représente un élément crucial du processus d’entretien, en particulier lorsque les détails du crime  peuvent être sensibles ou associés à l’embarras, à la honte et/ou à la stigmatisation (Read, Powell, Kebbell, & Milne, 2009 ; Walsh & Bull, 2012).
Un intervieweur efficace est un vendeur adaptable, qui projette de la sincérité à chaque tournant de l’entretien, tout en étant capable de changer de cap à plusieurs reprises au cours de l’enquête. Il est impératif que les victimes et les témoins voient une personne empathique et professionnelle de l’autre côté de la table. Avec les suspects, l’enquêteur doit véritablement projeter un haut degré de neutralité et d’impartialité avant toute confrontation nécessaire, visant à obtenir des aveux. Certains ont affirmé que la mise en place d’un environnement d’entretien favorable et sans jugement peut augmenter la probabilité d’aveux (Kebbell, Alison, & Hurren, 2008 ; Oxburgh & Ost, 2011). En outre, si les délinquants sexuels présumés peuvent être particulièrement réticents à avouer leur implication dans un crime sexuel, c’est en partie à cause de la durée et de la sévérité perçues de la peine, certains délinquants peuvent éprouver des remords importants  et avoir un fort désir de contextualiser leur comportement délinquant dans leurs propres termes  (Read et al., 2009). Les suspects qui perçoivent l’enquêteur ou l’environnement comme menaçants peuvent être moins enclins à donner un récit véridique de l’acte criminel.
Comme dans le cadre d’un entretien professionnel, le policier peut mettre en doute la crédibilité d’une victime ou d’un témoin. Il peut également avoir des soupçons sur la culpabilité d’un suspect. L’enquêteur doit se prémunir contre toute fuite de préjugés ou de scepticisme jusqu’à ce que des preuves suffisantes soient identifiées pour justifier cette position. Permettre à ses soupçons d’être connus prématurément par la personne interrogée conduira presque à coup sûr à l’antagonisme et à la méfiance. Lorsqu’un agent émet des signaux accusateurs, la personne interrogée est susceptible de se mettre sur la défensive. À son tour, l’agent peut interpréter l’attitude défensive du sujet comme un indicateur de dissimulation d’informations, voire de tromperie pure et simple. A partir de là, la négativité de l’agent et de la personne interrogée peut monter en flèche, entraînant la perte d’occasions de recueillir des données précieuses, des heures de travail perdues et l’absence de progrès dans la résolution de l’affaire.
Une attitude et un comportement médiocres sont tout aussi dévastateurs, car ils stoppent vraisemblablement le flux d’informations qui auraient pu être utilisées à l’avantage de l’enquêteur si la personne interrogée devenait plus tard le centre de l’enquête. Ce problème se pose le plus souvent lors de l’audition de témoins, surtout s’ils sont susceptibles de devenir des suspects en raison de leur lien de parenté avec la victime (les parents d’un enfant disparu, l’autre personne importante d’un adulte disparu).
Un autre trait de caractère très apprécié des enquêteurs est leur capacité à identifier les raisons pour lesquelles un suspect est réticent à assumer la responsabilité de ses actes criminels. Le plus souvent, cela ne peut se faire qu’en abordant avec le suspect une série de sujets non menaçants qui n’ont apparemment aucun lien avec l’acte criminel en question.
L’enquêteur doit être en mesure de garder le contrôle de l’enquête et de la personne interrogée. Il doit pouvoir aller au-delà de l’écoute attentive et être capable d’évaluer la structure des phrases et les mots choisis par l’autre personne, car ils aideront à révéler le sens des informations fournies. Il existe de nombreux autres traits de caractère associés à un bon intervieweur, mais le manque d’espace ne permet pas d’aborder chacun d’entre eux.

FORMULATION DES QUESTIONS
Il n’existe aucune obligation constitutionnelle concernant le type de questions à poser lors de l’interrogatoire d’un suspect sexuellement violent. Les tribunaux ont toutefois tendance à voir d’un mauvais œil les déclarations obtenues par des questions fermées qui contiennent des informations spécifiques au crime, telles que « Dites-m’en plus sur l’homme blanc qui a quitté la scène de crime dans la Ford Thunderbird rouge ». Si ces informations sont ensuite « répétées » à l’intervieweur, elles peuvent sembler corroborer des aveux. Une telle contamination se produit généralement lorsquedes questions fermées sont posées au début de l’entretien.

Une fois l’erreur de contamination commise, il est impossible de la réparer. Les questions ouvertes sont introduites par des phrases telles que « Décrivez-moi… », « Parlez-moi de… » ou « Expliquez-moi comment… »  et évitent de contaminer l’entretien.
L’objectif global d’un entretien est d’obtenir des informations. Il s’ensuit donc logiquement que les questions initiales devraient idéalement être courtes et les réponses longues. L’approche recommandée est de commencer l’entretien criminel par des questions ouvertes, permettant au sujet de répondre sans être interrompu. L’enquêteur compétent s’entraîne à rester silencieux même lorsqu’il reconnaît que des informations incorrectes ou trompeuses sont fournies. Une fois que le sujet s’est engagé dans une version des événements, l’enquêteur doit clarifier les informations incorrectes ou confuses, en utilisant à nouveau des questions ouvertes.
S’il est nécessaire d’utiliser une question directe ou fermée, cette tactique doit être réservée à la fin de la phase d’interrogation. Dans la mesure du possible, la formulation d’une question fermée doit éviter tout détail sur le crime qui n’aurait pas été fourni par la personne interrogée.
L’utilisation habile de questions ouvertes est l’un des principaux outils de l’enquêteur professionnel et l’une des meilleures pratiques pour protéger le resultat de l’entretien.

Source: Hazelwood, R. R., & Burgess, A. W. (Eds.). (2009). Practical aspects of rape investigation: A multidisciplinary approach (5th ed.). Boca Raton, FL: CRC Press.

Roy  Hazelwood a developpé une série de questions pour obtenir de la victime des aspects comportementaux du viol (Hazelwood & Burgess, 2009). Les questions d’Hazelwood ont été utilisées régulièrement par les enquêteurs lors d’enquêtes sur des viols. Ces questions s’avérent utiles  pour obtenir des informations de la part d’une victime de viol et, par conséquent,  d’identifier les caractéristiques comportementales de son agresseur.  Les questions d’Hazelwood sont les suivantes :

  • 1. Comment l’agresseur s’est-il approché de vous ou vous a-t-il maîtrisé ?
  • 2. Comment a-t-il maintenu son contrôle sur vous ou sur la situation ?
  • 3. Lui avez-vous résisté, verbalement ou physiquement ? Si oui, décrivez chaque fois que vous lui avez résisté.
  • 4. Quelle a été sa réaction face à votre résistance ?
  • 5. Que vous a-t-il dit (en utilisant ses mots exacts) ? Décrivez son ton et son attitude à chaque fois qu’il vous a parlé.
  • 6. Vous a-t-il déjà demandé de répéter des phrases ou de lui répondre verbalement ? Si oui, décrivez au mieux les mots qu’il vous demandait de répéter.
  • 7. Son ton ou son attitude ont-ils changé ? Si oui, comment a-t-il changé ? Que s’est-il produit immédiatement avant ce changement ?
  • 8. Quels sont les actes sexuels qui vous ont été imposés, que vous avez été obligée de lui faire subir ou qu’il s’est infligé à lui-même ? Dans quel ordre ces actes sexuels se sont produits (y compris les répétitions) ?
  • 9. A-t-il, à un moment ou à un autre, pendant la période qu’il a passée avec vous, souffert d’un dysfonctionnement sexuel ? Dans l’affirmative, décrivez le type de dysfonctionnement, le moment où il est survenu, s’il a été en mesure d’avoir des relations sexuelles par la suite, et tout acte ou comportement particulier qu’il a accompli ou exigé de vous pour surmonter son dysfonctionnement.

Roy Hazelwood, FBI

    • 10. Quelles mesures a-t-il prises, le cas échéant, pour s’assurer que vous ne puissiez pas l’identifier ? Quelles mesures a-t-il prises, le cas échéant, pour que la police ne puisse pas l’associer au crime?
    • 11. A-t-il retiré un objet de vous ou de votre domicile avant de partir ? Avez-vous procédé à un inventaire complet de vos biens personnels (par exemple, sous-vêtements, photographies, chaussures) depuis l’agression ?
    • 12. Avez-vous reçu des appels téléphoniques, des lettres ou des notes, ou avez-vous été contacté(e) d’une autre manière par des personnes non identifiées depuis l’agression ?
    • 13. Avez-vous vécu des situations, avant ou après l’agression, qui indiqueraient que l’auteur de l’agression  vous a spécifiquement ciblé pour l’agression ?

Hazelwood, R. R., & Burgess, A. W. (Eds.). (2009). Practical aspects of rape investigation: A multidisciplinary approach (5th ed.). Boca Raton, FL: CRC Press.

cité par Janet R. Oliva (2013) Sexually Motivated Crimes, Understanding the Profile of the Sex Offender and Applying Theory to Practice, ed: CRC

« L’ARMIDILO-S (Assessment of Risk and Manageability of Individuals with Developmental and Intellectual Limitations who Offend – Sexually, Boer, Haaven, Lambrick, Lindsay, McVilly, Sakdalan, and Frize -2012) est un instrument conçu spécifiquement pour être utilisé avec des personnes présentant une déficience intellectuelle limite ou légère, avec ou sans troubles de l’apprentissage, qui ont commis des délits sexuels ou qui ont eu un comportement sexuellement offensant. L’ARMIDILO-S s’est avéré avoir une bonne validité prédictive avec différents échantillons de délinquants sexuels et a été évalué positivement dans des études qualitatives en tant qu’instrument de gestion de cas. Nous espérons que vous, en tant qu’utilisateur, le trouverez utile pour vous aider à gérer les cas pertinents. Si vous avez des questions sur son applicabilité, veuillez contacter un membre du groupe d’auteurs ».

Intro-Manual.pdf

User-Requirements.PDF

Scoring-Criteria.pdf

Scoring-Sheet.pdf

ARMIDILO_FR (traduction non officielle)

L’évaluation des risques et de la gérabilité des personnes handicapées intellectuelles qui commettent des délits sexuels (ARMIDILO-S ; Boer Haaven, Lambrick, Lindsay, McVilly & Sakdalan, 2009; Boer, Haaven, Lambrick, Lindsay, McVilly, Sakdalan, and Frize, 2012) évalue les facteurs individuels et environnementaux associés au risque de récidive.

L’ARMIDILO-S  est une évaluation structurée utilisée pour évaluer les facteurs spécifiques à un individu et à son environnement qui sont considérés comme pertinents pour leur niveau de risque et leur capacité de gestion. Développé à l’origine pour les délinquants sexuels ayant une déficience intellectuelle, l’ARMIDILO-S a depuis été étendu pour faciliter son utilisation auprès de tout individu avec une déficience intellectuelle qui présente des comportements sexuellement offensants ou sexuellement provocants.

L’ARMIDILO-S est divisé en sections couvrant les facteurs stables, dynamiques et dynamiques aigus, tant pour le client que pour son environnement.

Les facteurs stables du client couvrent l’observance du traitement et de la supervision, la déviance sexuelle, la santé mentale et les relations, tandis que les facteurs dynamiques aigus concernent les changements récents dans certains de ces domaines. Les éléments environnementaux stables comprennent le personnel impliqué dans les soins de l’individu (leur attitude et leur niveau de connaissance de l’individu), la communication entre les membres du personnel et la cohérence assurée par le personnel et les structures. Les éléments aigus se concentrent sur les changements récents des facteurs environnementaux, par exemple les changements dans les niveaux de supervision et de contrôle (Boer & Haaven, 2009). Pour chaque élément, une note de risque et une note de facteur de protection sont attribuées.

Les cotes de risque sont attribuées sur une échelle où « 0 » indique que l’élément n’est pas un problème, « 1 » indique qu’il est plutôt un problème ou qu’il pourrait être un problème, et « 2 » indique que l’élément est certainement un problème.

Les évaluations des facteurs de protection sont attribuées en utilisant une échelle où « 0 » indique que l’élément est neutre, « 1 » indique qu’il pourrait être un facteur de protection et « 2 » indique l’élément est définitivement un facteur de protection (Boer & Haaven 2009). Les recherches menées par Courtney en 2008 ont indiqué un certain soutien à l’utilisation de la version générale de l’ARMIDILO en termes de validité discriminante entre les délinquants DI sexuellement violents et les délinquants DI non sexuellement violents.

Des recherches sur l’ARMIDILO sont en cours avec le Victorian Prison Service (Australie).

 

Données sur la Pédophilie

août 24th, 2024 | Publié par crisostome dans AICS - (0 Commentaire)

Définition de la pédophilie

  • Intérêt sexuel chez les enfants prépubères (Seto, 2018)
    • Âgés de moins de 12 ans (environ)
    • < stade 2 de Tanner
  • Peut être associé à des marqueurs biologiques spécifiques dans le cerveau (Cantor et al., 2008)
  • Peut correspondre aux critères de l’« orientation sexuelle » (Seto, 2012)
    • Apparition précoce
    • Résistance aux efforts de changement
    • Concordance entre les attirances sexuelles et romantiques

Les interets pédophiles sont-ils frequents?

  • 4,1 % des hommes vivant en communauté (N = 8 718) déclarent avoir recours à des fantasmes sexuels impliquant des enfants (Dombert et al., 2015).
  • Estimation de la prévalence générale (hommes) : environ 5 % (Seto, 2018)
  • 9,5 à 20 % des hommes adultes déclarent avoir un certain degré d’intérêt sexuel pour les enfants (Ahlers et al., 2011)
    Cette proportion atteint 25 % lorsqu’on analyse les transcriptions des forums de discussion (Bergen et al., 2013).
  • Moins de 50 % des délinquants pédosexuels sont réellement « pédophiles » (Schmidt, Mokros, & Banse, 2015).
    • Tous les « pédophiles » commettent-ils des délits sexuels ?

Source: Dr. Craig Harper (Nottingham), Internet Platforms, Sexual Content, and Child Protection

Pour aller plus loin, voir la conférence de Ian McPhail (CICC, 2022) Pedophilia: Recent and emerging research, Conference of Ian McPhail, postdoctoral fellow in the Centre International de Criminologie Comparée (CICC) at the Université de Montréal

Résumé de la conférence

La pédophilie est un intérêt sexuel pour les enfants prépubères et constitue un facteur de risque important pour comprendre pourquoi certaines personnes commettent des infractions sexuelles contre des enfants. Dans cette conférence, les questions empiriques et conceptuelles fondamentales dans notre compréhension de la pédophilie sont identifiées et les résultats d’un programme de recherche abordant ces questions sont présentés. L’exposé examine la structure latente des intérêts pédophiles, l’efficacité des interventions thérapeutiques pour traiter les intérêts pédophiles et le rôle du stress lié à la stigmatisation dans la vie des personnes pédophiles. Les orientations futures de ce programme de recherche sont également discutées.

Ian McPhail est un psychologue agréé qui est actuellement boursier postdoctoral au Centre International de Criminologie Comparée (CICC) de l’Université de Montréal. Ses recherches au CICC portent sur la compréhension du processus de changement psychothérapeutique dans le traitement des délinquants sexuels. Le Dr McPhail a un programme de recherche actif qui se concentre sur la compréhension de la pédophilie et des facteurs de risque psychologiques de la délinquance sexuelle contre les enfants. Il est également un clinicien qui a travaillé dans une variété de milieux correctionnels, de santé mentale médico-légale et de santé mentale générale.