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FRANCE CULTURE (Emission Esprit de justice, Antoine Garapon, 10/03/2021) Prévoir les crimes, décevoir la justice

Le numérique pénètre nos sociétés et modifie nos modes de fonctionnement, le système judiciaire n’y échappe pas, « Esprit de justice » aborde ce soir ces différents enjeux.

Le numérique a développé des programmes promettant de prévoir le crime, un vieux rêve qui a été porté à l’écran par Minority Report. Prévoir non plus le crime mais la récidive a également bouleversé la justice.

Que penser de ces nouveaux instruments qui, sous prétexte de prévoir le crime, pourraient bien décevoir la justice ?

Cela sera le thème du débat en compagnie de Bilel Benbouzid, sociologue au Laboratoire interdisciplinaire Sciences Innovation Sociétés (LISIS), auteur notamment de « Des crimes et des séismes. La police prédictive entre science, technique et divination » (Réseaux, 2017) et Angèle Christin, professeure à l’université de Stanford, auteure de Metrics at work : journalism and the contested meaning of algorithms, Princeton University Press, 2020.

 

FRANCE INTER (Emission « du vent dans les synapses, 16/05/2020) Que doit-t-on à Alphonse Bertillon?

La méthode Bertillon part du calcul qu’en prenant quatorze mensurations – taille, longueur des pieds, main, oreille, avant-bras, arête du nez, écartement des yeux, etc. – sur n’importe quel individu, en se servant d’un pied à coulisse et, pour les relevés crâniens, d’une pince céphalique, il n’existe qu’une chance sur 286 millions pour qu’on retrouve les mêmes mesures chez un autre individu. Seuls alors les « mouches » – c’est-à-dire des détenus espions – et des « physionomistes » pouvaient permettre d’identifier notamment les récidivistes.

Ce système anthropométrique apparaît à une époque où les récidivistes représentent la moitié de la population carcérale en France, ce qui suscite la promulgation de la loi de relégation du 27 mai 1885. La préfecture de police adopte le système avec réticence en 1883 : le préfet Louis Andrieux ne voit en son subordonné qu’un cas d’« aliénation mentale » mais, en décembre 1882, Ernest Camescasse, le nouveau préfet, accorde trois mois au modeste employé pour tester la validité de sa méthode. Le 16 février 1883, le système permet pour la première fois l’identification de ce que l’on appelle alors un « cheval de retour », c’est-à-dire un récidiviste.

Un Bureau d’identité est créé en 1883, et du matériel spécialisé est dès lors utilisé dans tous les établissements pénitentiaires : table, tabouret, toise, compas de proportion, tablette et encreur pour prise d’empreintes digitales. Les fiches de signalement qui s’échangent entre les services sont progressivement compilées dans le Bulletin de Police criminelle mis en place par la Sûreté générale.

Le système Bertillon, avec ses mensurations, l’emploi de la photographie anthropométrique dite aussi « face/profil », le signalement descriptif appelé « portrait parlé », la description des stigmates physiques – cicatrice, tatouage, grain de beauté… –, connaît son heure de gloire avec le « bertillonnage » de Ravachol en 1890, permettant l’arrestation de l’anarchiste deux ans plus tard.

Le Bureau d’identité fusionne par la suite avec le service photographique et celui des sommiers judiciaires pour former, sous l’impulsion du préfet Lépine, le service de l’Identité judiciaire, fondé par un décret présidentiel du 11 août 1893.

Demeurant intimement persuadé de la supériorité de sa méthode anthropométrique et réticent à l’ajout des empreintes digitales sur ses fiches signalétiques, il doit accepter en 1894, sous la pression de ses supérieurs, d’intégrer aux fiches la dactyloscopie : l’empreinte des quatre doigts de la main droite et de l’index gauche à partir de 1900 puis, en 1904, celle des dix doigts (décadactylaire). Cette technique dactyloscopique lui aurait permis, le 24 octobre 1902 de confondre Henri-Léon Scheffer, l’assassin d’un domestique au cours d’un cambriolage. Cette affaire est parfois présentée comme la « première identification au monde » par les « seules empreintes digitales » d’un assassin. Ceci a été remis en question du fait que l’enquête de proximité, effectuée alors, avait mis en lumière que le domestique entretenait une relation homosexuelle avec Scheffer, le meurtrier, lequel aurait déguisé ce crime passionnel, d’un genre peu avouable à l’époque, en cambriolage. Bertillon aurait en fait été orienté vers Scheffer par cette enquête de proximité, et non par les empreintes, lesquelles ont néanmoins pu être utilisées pour s’assurer que Scheffer était bien le coupable. Quoi qu’il en soit, la véritable première « mondiale » en ce domaine, l’affaire Francisca Rojas (en), aurait eu lieu dès 1892, et serait due au fonctionnaire de police argentin Juan Vucetich. (en savoir plus à propos d’Alphonse Bertillon sur  wikipedia)

 

http://psychocriminologie.free.fr/wp-content/files/bertillon.mp3

 

 

FRANCE INTER (21/11/2019) Emission « pour suite »: Crimes non élucidés, disparitions… À quand la fin des « cold cases » ?

Alors que s’ouvre le procès de l’un des violeurs et tueurs présumés d’Élodie Kulik, une jeune femme violée et assassinée en 2002, Pour Suite se demande s’il sera possible, un jour, de résoudre toutes les affaires criminelles. La science a permis de grands progrès dans le domaine. Mais pourra-t-elle tout élucider ?

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Sans l’idée d’un gendarme, biologiste de formation, il n’y aurait pas eu de procès Kulik. Ce jeudi 21 novembre, s’ouvre à Amiens, ce qui pourrait être le dénouement d’une affaire qui date maintenant de 17 ans.

Janvier 2002 : le corps sans vie d’une jeune femme partiellement brûlé est retrouvé par un agriculteur dans la Somme. Élodie Kulik, 24 ans, a été violée avant d’être tuée. Sur la scène de crime, les gendarmes trouvent notamment un préservatif, son analyse permettra d’obtenir l’identité génétique du probable auteur des faits. Mais l’ADN ne « matche » avec aucun autre présent dans le Fichier National des Empreintes Génétiques. C’est ce qui s’appelle un « cold case », une affaire non résolue. Souvent, elles restent sans suite : trop anciennes, sans personne pour s’y intéresser… Parfois, elles hantent un coin de cerveau d’enquêteurs, d’avocats ou de scientifiques et puis trouvent un dénouement bien après les faits.

L’ADN de parentèle, importante avancée dans la résolution d’affaires

Au laboratoire de l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie, à Pontoise (95), il y a des gens qui cherchent. Et notamment Emmanuel Pham-Hoai qui, dans l’affaire Kulik, a l’idée d’utiliser la technique de recherche par parentèle.

Il s’agit de déchiffrer une seule partie de l’ADN et non l’intégralité. Dix ans après la mort de la jeune femme, l’enquête avance alors d’un bond et permet de remonter à un homme, Patrick Wiart, incarcéré pour agression sexuelle et dont le fils, Grégory possède l’ADN découvert sur les lieux du meurtre.

Grégory Wiart est mort en 2003 et ne sera donc pas jugé mais l’enquête conduira à un proche, Willy Bardon, qui était vraisemblablement à ses côtés ce soir de janvier 2002 pour s’en prendre à la jeune banquière. C’est lui qui passe en cette fin novembre devant la Cour d’Assises de la Somme, à Amiens. Et permettra peut-être à Jacky Kulik, le père d’Élodie, de pouvoir entamer le deuil de sa fille.

Pour Suite, cette semaine, part donc de cette affaire pour s’intéresser aux progrès de la science en matière de criminologie.  Les empreintes génétiques en tout premier lieu qui permettent désormais aux enquêteurs de tirer un portrait robot assez fiable : la couleur des yeux, de peau, l’implantation capillaire. L’analyse ADN pourra peut-être même permettre très prochainement de connaître la forme du visage de la personne recherchée.

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