ZAGURY & SENON L’information psychiatrique 2014/8 (Volume 90) , L’expertise psychiatrique pénale en France, un système à la dérive.
Une dégradation certaine
Tous deux engagés dans la psychiatrie légale depuis une trentaine d’années, nous ressentons le devoir de tirer la sonnette d’alarme face à une situation qui se dégrade à vue d’œil. Nous ne désignons pas du doigt des hommes, dans une posture de saint Just, mais un système qui encourage les pratiques les plus médiocres. Rien de ce que nous dénonçons ici n’est radicalement nouveau, mais c’est l’amplification de certaines évolutions sur fond de désagrégation de la pratique médico-légale, qui appelle un ensemble de réactions urgentes. C’est d’autant plus crucial que cette décomposition coexiste avec un regain d’intérêt et de curiosité pour la clinique médico-légale chez les plus jeunes. Ils en ont compris l’importance mais ne savent pas encore à quel point cet exercice est ingrat, aujourd’hui à la limite de l’impossible. Nous vivons une curieuse époque où le meilleur côtoie le pire et ce qui est tragique, c’est que toutes les conditions sont réunies pour consacrer le pire. Soucieux de transmission, nous sommes donc porteurs d’une lourde responsabilité.
Oui, nous avons constamment défendu la pratique de l’expertise à une époque où il était de bon ton de la regarder avec condescendance et mépris.
Oui, nous avons œuvré, avec d’autres, pour sa reconsidération. En 2007, l’audition publique sur l’expertise pénale coordonnée par la HAS depuis régulièrement citée, est venue consacrer la nécessité d’une clarification, accompagnée de recommandations de bonnes pratiques. Elle constatait que l’expertise « remplit de moins en moins le rôle de filtre visant à repérer les malades afin de leur donner des soins ». Elle préconisait notamment de ne pas se prononcer sur la responsabilité dans les expertises en réquisition immédiates et surtout « d’éviter de prévoir de nouveaux cas réglementaires ou législatifs de recours à l’expertise psychiatrique pénale ».
Pourtant, depuis cette mise au point collective, loin de s’être améliorée, la situation de l’expertise pénale s’est dégradée. Nous y voyons au moins les quatre raisons suivantes.
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.