Le défi invisible : prédire la récidive en violences conjugales
En 2004, une chercheuse canadienne bouleverse un domaine où l’intuition clinique régnait encore : l’évaluation du risque de récidive chez les auteurs de violences conjugales.
Son nom ? Dr N. Zoe Hilton. Son outil ? L’ODARA (Ontario Domestic Assault Risk Assessment), un instrument actuariel bref qui transforme la protection des victimes .
Zoé Hilton : parcours d’une pionnière
Professeure de psychiatrie à l’Université de Toronto et chercheuse au Waypoint Centre for Mental Health Care, Zoé Hilton cumule les distinctions :
- Prix d’innovation du Gouverneur général 2025 pour l’ODARA
- Prix d’impact du président de l’Université de Toronto (2025)
- Plus de 6 000 citations scientifiques sur les risques violences domestiques et la psychopathie
Son credo : « Transformer la recherche en outils concrets pour les policiers, juges et intervenants sociaux » .
L’ODARA décrypté : 13 questions qui changent tout
Issu de l’analyse statistique de 589 dossiers policiers suivis pendant 5 ans, l’ODARA évalue 13 facteurs clés
- Précision inédite : Aire sous la courbe (AUC) = 0.77 – bien supérieure aux méthodes cliniques (AUC ≈ 0.58)
- Rapidité : Moins de 15 minutes pour compléter le questionnaire
- Basé sur des données policières : Accessible sans expertise psychiatrique
L’impact sur le terrain : policiers, tribunaux, victimes
Dans la police
Depuis 2023, 1 800 policiers ont été formés à l’ODARA via des programmes en ligne. Résultat : « Les agents identifient 3x plus rapidement les cas à haut risque, permettant des interventions ciblées avant la récidive » (Extrait d’une étude de la Gendarmerie royale du Canada – 2024)
Dans les tribunaux
Une étude sur 1,421 hommes suivis par la justice montre que l’ODARA permet de :
- Hiérarchiser les intensités de traitement : Thérapies brèves pour les bas risques, interventions intensives pour les scores élevés
- Cibler les besoins criminogènes : Traits antisociaux (OR=1.80), toxicomanie (OR=1.40)
Une innovation collaborative
L’ODARA est né d’un partenariat inédit :
- Chercheurs universitaires
- Services de police de l’Ontario
- Centres de santé mentale
« Cette synergie a permis de transformer des données brutes en protocoles opérationnels » – Hilton (2025)
Critiques et limites : ce que l’ODARA ne résout pas
1. Risque de stigmatisation : Un score élevé ne signifie pas une condamnation à vie (seulement 10-15% de récidive à 5 ans)
2. Variables dynamiques ignorées : L’outil original n’évalue pas l’emploi, le soutien social ou l’engagement thérapeutique
3. Biais de genre : Conçu pour les hommes agresseurs envers des femmes
La réponse de Hilton:
– Intégration des outils STABLE-2007 pour les facteurs dynamiques
– Adaptation pour les violences LGBTQ+ via le projet CELIA
L’avenir : le projet CELIA et au-delà
En 2023, Zoé Hilton lance une initiative pancanadienne pour :
✅ Standardiser l’évaluation du risque: Langage commun entre polices municipales/provinciales
✅ Intégrer le contrôle coercitif : « Ignorer ces signes non physiques, c’est rater des occasions de sauver des vies » – Hilton
✅ Valider l’ODARA sur les femmes et minorités de genre
Trois leçons clés :
1️⃣ Les outils actuariels ne remplacent pas l’expertise humaine – ils l’éclairent
2️⃣ L’innovation en criminologie exige des partenariats durables entre chercheurs et praticiens
3️⃣ Évaluer le risque, c’est aussi identifier des chemins de réinsertion
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