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Rapport AP 1952: « Propositions de réformes »

mars 2nd, 2014 | Publié par crisostome dans HISTOIRE | PRISON | PROBATION

La peine de probation avant la peine de probation… dans les années 50!

Un texte sur l’introduction en France de l’institution de la probation a été soumis au comité des économies par son rapporteur de l’administration pénitentiaire, M. PINATEL, inspecteur de l’administration. On ne peut que le reprendre ici :

ARTICLE PREMIER. — Lorsqu’un prévenu n’a pas été auparavant condamné à une peine criminelle ou à une peine correctionnelle de plus de trois mois d’emprisonnement, les cours et tribunaux pourront, tout en rendant immédiatement effectifs les amendes, restitutions et dommages-intérêts, suspendre le prononcé de la peine principale d’emprisonnement correctionnel qui est encourue et ordonner qu’il soit soumis, à titre d’épreuve, à une mesure de liberté surveillée. La durée de cette mesure ne pourra, en aucun cas, excéder ‘cinq années.
ART. 2. — La décision qui accorde l e bénéfice de la liberté surveillée prescrit que l’intéressé est placé sous la surveillance ‘d’un délégué et est tenu d’observer les conditions imposées par le jugement ou l’arrêt. En cas de non-observation de ces conditions, la juridiction est saisie à nouveau sur réquisition du parquet. Elle peut modifier les conditions fixées ou prononcer la déchéance de la mesure de liberté surveillée. Dans ce dernier cas, elle statue au fond quant à la peine principale d’emprisonnement correctionnel.
ART. 3. — La non-déchéance de la mesure de liberté surveillée entraîne à son expiration relaxe pure et simple quant à la peine principale d’emprisonnement correctionnel.
ART. 4. — Un règlement d’administration publique déterminera les conditions d’application de la présente loi et, notamment, le statut des délégués.

L’AP, à travers Charles Germain, DAP après Paul Amor, était alors porteuse de projets de réformes très ambitieuses…

sur la criminologie:

  • « Le directeur d’un établissement doit être pleinement formé et qualifié pour sa tâche (…) Les directeurs devraient avoir une bonne culture générale et il y aurait intérêt à faire appel à des hommes ayant une formation universitaire en particulier dans le domaine de la criminologie et de la sociologie.
  • Les directeurs (…) devraient, avant d’entrer en fonction, recevoir une formation théorique et étudier de façon pratique le travail à effectuer dans une prison, étant entendu qu’un diplôme ou un titre universitaire sanctionnant des études dans ce domaine peut être considéré comme une formation théorique nécessaire »

Charles GERMAIN, DAP

La réforme des institutions pénitentiaires (1952)

Sur la Probation:

Rapport AP 1952: « Propositions de réformes »

RÉDUCTION DE LA POPULATION PÉNALE:  LA PROBATION (Extrait, p 153)

Il est bien évident que, si le coût de l’administration pénitentiaire n’est pas exactement proportionnel au nombre des détenus dont elle a charge, des variations sensibles de la population pénale font varier dans le même sens les dépenses que sa garde occasionne.
La première réforme qui s’impose à l’esprit est donc de s’efforcer de réduire le nombre des prisonniers. Nous laisserons de côté le procédé politique des amnisties  pour n’envisager que des moyens relevant du droit commun. Ceux-ci sont au moins de cinq ordres :
1° La réduction des détentions préventives ; mais c’est là une réforme d’ordre judiciaire.
2° Les grâces : geste de pardon qui ne peut qu’aider au succès de la réforme pénitentiaire comme ultime récompense mais qui, distribuées massivement, mathématiquement, par remises gracieuses de fractions des peines encourues, iraient à l’encontre même de leur but humanitaire. Ce serait la libération aveugle de détenus restés pervertis ou sans ressources, ce qui pénalement revient au même puisque c’est autant de « la misère que des mauvais instincts que naît la récidive. Il convient donc de n’accorder que des remises individuelles de peine sur le vu des dossiers préparés par les établissements pénitentiaires et qui permettent d’apprécier : Le relèvement moral du détenu ; Ses possibilités d’hébergement et de travail ; En bref, ses chances de réadaptation sociale. Et alors, ce moyen de diminuer le nombre des prisonniers ne sera négligeable ni moralement, ni pratiquement.
3° Les libérations conditionnelles : Aux termes de la législation en vigueur, les condamnés aux travaux forcés sont exclus du bénéfice de la libération conditionnelle. Cette exclusive, qui s’expliquait au temps de la transportation, ne se comprend plus depuis 1938 puisque les peines correctionnelles de plus d’un an, celles de réclusion et les travaux forcés, à l’intérieur d’une même maison centrale, se subissent dans des conditions similaires. La commission des réformes pénitentiaires avait émis un vœu pour que le bénéfice de la libération conditionnelle soit étendu à toutes les peines temporaires. C’est aussi celui que nous avons exprimé dans nos conclusions du chapitre sur la réforme pénitentiaire. Un projet de loi en ce sens a été- déposé sur le bureau de l’assemblée nationale.
4° La transportation ; mais son échec à tous points de vue la fit abolir en 1938. Il semble difficile aujourd’hui de la rétablir ; en tout cas, les problèmes qu’elle pose devraient être entièrement repensés.
5° L’institution de la probation : vocable et système en usage dans les pays anglo-saxons où le délinquant, passible d’une courte peine d’emprisonnement, se voit relaxer par le juge qui, tout en rendant immédiatement effectifs les amendes, restitutions et dommages-intérêts, suspend le prononcé de la peine privative de liberté. En revanche, le bénéficiaire de cette relaxe est placé en liberté surveillée pour une période déterminée. La probation est, en somme, un système de « condamnation suspendue », distinct du sursis qui est un système de « condamnation conditionnelle ». L’avantage est que si le sursitaire peut transformer à son profit l’adage : « pas vu, pas pris », en « pas revu, pas repris », le bénéficiaire de la probation placé sous surveillance spéciale devra donner la preuve de son amendement ou du moins de sa bonne conduite, s’il veut éviter de revenir devant le juge pour s’entendre condamner à la peine primitivement méritée. D’ailleurs, d’une manière générale, il faut exprimer le souhait que, se ralliant aux vœux des organismes scientifiques internationaux, notre pays cherche à abandonner ou à réduire au maximum les peines de prison de courtes durées qui n’ont plus de sens, déclassent sans châtier et constituent la plus sûre école de récidive.

OPPORTUNITÉS FINANCIÈRES ET POLITIQUES DE LA PROBATION

A. — Opportunité financière :
Il est difficile de prévoir le nombre de délégués qu’il conviendrait de commettre à la surveillance des bénéficiaires de la probation sans connaître l’usage que les tribunaux feraient de l’institution nouvelle. Sous réserve de cette observation, et en prenant pour base de calcul le projet de texte discuté au cours de l’année 1949 à la société générale des prisons, la question présente les aspects suivants : La surveillance des délinquants en probation pourrait être confiée aux comité post-pénaux qui sont présidés par le président du tribunal. Ainsi, d’une part, leurs délégués demeureraient, comme cela se passe dans les pays anglo-saxons, sous l’autorité directe du juge, d’autre part, l’indépendance du comité par rapport aux tribunaux permettrait d’intégrer ces délégués dans un organisme qui leur serait administrativement propre. Le nombre des tribunaux, donc des arrondissements judiciaires, est de 325. Selon son importance, le tribunal disposerait de un à cinq délégués. On peut admettre que chacun de ces délégués s’occuperait de 40 délinquants. Au surplus, la surveillance d’un certain nombre de délinquants pourrait être confiée à des bénévoles bien encadrés. Compte tenu d’un effectif largement supérieur dans les grandes villes (Paris, Marseille, etc.), on peut fixer à trois délégués en moyenne par comité le nombre des postes qu’il serait nécessaire de pourvoir. En somme, il faudrait disposer d’un millier de délégués.

Ce chiffre paraît représenter le contingent maximum en vue d’un service fonctionnant déjà depuis longtemps et d’une institution largement ancrée dans les mœurs. Il est vraisemblable qu’au début la moitié seulement de ces délégués serait nécessaire.

Quelle devrait être la formation des délégués de probation ? L’idéal serait de disposer de jeunes gens possédant le diplôme d’Etat d’assistants sociaux. Il est à remarquer, en effet, que la délinquance masculine est environ 15 fois plus élevée que la délinquance féminine et que, sur les 500 délégués, on aurait au maximum besoin d’une cinquantaine de dames (dans les petits tribunaux, on pourrait utiliser des dames bénévoles). Or, dans l’état actuel des services sociaux, les écoles de formation ne sont pas en mesure de mettre à la disposition de l’administration pénitentiaire les quelque 450 hommes qui seraient utiles. Les remplacer par des assistantes ne serait pas toujours facile, ni même opportun. Mais il serait possible de détacher, dans la surveillance des délinquants en probation, des éducateurs d’établissements pénitentiaires formés à cette tâche. Le coût moyen de l’ensemble des délégués pourrait donc être évalué en multipliant leur nombre par le traitement moyen des éducateurs, soit 100 millions par an. Pour calculer l’économie réalisable, il faut partir du coût d’une journée de détention (200 fr. environ pour le seul entretien). Si la probation permettait de placer en permanence en surveillance 5.000 délinquants qui, sans elle, eussent été incarcérés, on peut estimer à 365 millions la somme qui aurait été nécessaire pour les garder en prison. L’économie serait donc de 265 millions par an au minimum, car il n’est pas exclu que des économies correspondantes de personnel pourraient être réalisées. On doit pouvoir atteindre des proportions identiques à celles des Etats-Unis.

B. — Opportunité politique :
Sur le plan financier, et en soulignant qu’il s’agit là d’estimations extrêmement prudentes, l’opportunité de l’opération est évidente. En est-il de même sur le plan politique ? On peut avancer à ce sujet :
1″ Que l’opinion publique accueillerait sans difficulté cette institution ; elle n’y verrait qu’une extension aux majeurs d’une institution analogue réservée jusqu’ici aux mineurs ;
2° Que, scientifiquement et techniquement, la question fut très étudiée  (à titre d’exemple, il sera cité le vœu émis par le congrès international de défense sociale qui se tint à Liège du 3 au 8 octobre 1949 : « La probation apparaît comme une mesure qui, dans certains cas, pourra être substituée, le plus heureusement, aux courtes peines privatives de liberté »; « Il est souhaitable qu’elle soit réalisée par la loi ; le maximum de souplesse doit être assuré à ses modalités ».)
3° Que, par contre, une opposition est à craindre de la part de la magistrature et, généralement, de tous ceux qui sont attachés à l’intimidation pénale. Mais cette opposition n’apparaît pas a priori insurmontable et, en tout cas, c’est au législateur qu’il appartient de décider.

Le rapport complet (rapport annuel AP 1952)

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