La pédophilie est souvent abordée comme un trouble ancré dès l’adolescence, voire l’enfance. Pourtant, un petit nombre de cas documentés mettent en lumière un phénomène troublant : des individus qui développent des comportements pédophiles après une lésion cérébrale, sans antécédents de ce type. C’est ce que les chercheurs brésiliens Lopes, Prado et de Oliveira-Souza appellent la pédophilie acquise (acquired pedophilia). “The Neurology of Acquired Pedophilia” de Lopes, Prado et de Oliveira-Souza (2020), publié dans Neurocase.
🧪 Une revue de 22 cas médicaux
Les auteurs ont passé en revue 22 cas publiés entre 1972 et 2018 dans la littérature médico-légale et neurologique. Tous ces patients ont développé un comportement pédophile à la suite d’une atteinte cérébrale d’origine traumatique, tumorale, dégénérative ou chirurgicale.
Quelques faits marquants :
- Tous les cas sauf un concernaient des hommes.
- La moyenne d’âge était de 55 ans.
- Une majorité présentait aussi une hypersexualité, c’est-à-dire une augmentation anormale des pulsions sexuelles.
- Dans plusieurs cas, l’intervention chirurgicale ou hormonale a permis un retour à un comportement adapté.
Les régions cérébrales en cause
Les lésions étaient presque toujours localisées dans l’hémisphère droit, en particulier dans les zones frontotemporo-insulaires, impliquées dans :
- la régulation des pulsions,
- la prise de décision sociale,
- le contrôle de soi.
Fait étonnant : l’hypothalamus antérieur, souvent associé au comportement sexuel, était épargné. Cela suggère que le déclenchement du comportement pédophile serait davantage lié à un effondrement des mécanismes de contrôle moral et social, qu’à une augmentation directe du désir sexuel envers les enfants.
🧠 Une atteinte du “cerveau social” ?
Les auteurs rapprochent ces cas de la sociopathie acquise, dans laquelle une lésion cérébrale altère profondément le jugement moral, la capacité d’empathie et le respect des normes sociales. Cette perspective replace la pédophilie acquise non comme un trouble sexuel isolé, mais comme un symptôme comportemental d’un syndrome frontal plus vaste.
Autrement dit, l’individu ne devient pas pédophile au sens classique du terme (attirance érotique durable), mais agit de manière pédophile à cause de la désinhibition et de l’altération du jugement provoquées par la lésion.
⚖️ Enjeux éthiques et juridiques majeurs
Ces cas posent des questions complexes :
- Responsabilité pénale : Un individu dont le comportement résulte d’une tumeur cérébrale ou d’une dégénérescence frontale peut-il être jugé de la même manière ?
- Détection : Comment distinguer un trouble développemental d’un trouble acquis ?
- Traitement : Ces cas répondent parfois bien à des interventions médicales (chirurgie, hormonothérapie, surveillance) : cela ouvre des pistes thérapeutiques nouvelles.
🔍 Un champ encore marginal mais prometteur
Même s’ils sont rares, ces cas obligent criminologues, médecins, psychiatres et juristes à collaborer. Ils montrent que certains comportements déviants peuvent émerger sans antécédents ni intentions conscientes, suite à un dérèglement neurologique identifiable.
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.