Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
Header

Quebec (2014) Un programme controversé où victime et bourreau se rencontrent

mars 4th, 2014 | Publié par crisostome dans JUSTICE RESTAURATIVE

A lire sur  « Le soleil » via lapresse.ca 

Chut! Ne le dites pas trop fort. Il existe un programme des plus particuliers dans l’univers des pénitenciers fédéraux. Saviez-vous qu’une mère peut rencontrer le gendre meurtrier qui lui a enlevé sa fille? Ou qu’un jeune homme victime d’inceste durant son enfance peut échanger avec son bourreau, son père? Le tout sous les auspices de médiateurs «hautement qualifiés» embauchés par Service correctionnel Canada. Trop controversé, le programme ne jouit pas d’une grande publicité… Incursion dans la justice alternative.

 >> «Je ne l’ai pas fait pour demander pardon»
Monsieur X ressemble à n’importe quel homme qui approche de la retraite. Monsieur X, c’est monsieur Tout-le-monde. À la différence qu’il s’est fait pincer pour agression sexuelle sur des mineurs. Et qu’à sa sortie de prison, il a entrepris une médiation avec une victime. Nous sommes finalement face à lui. Voilà un moment que Le Soleil tentait de recueillir son témoignage. Monsieur X a pris le temps de soupeser la requête. «Ma peur qu’il y ait des retombées pour les victimes est extrême. Ils ont assez souffert», confie-t-il. «C’est assez. Ils ont vécu des choses… Parce que même si ça s’est passé il y a un certain nombre d’années, ça reste chez ces gens-là, ça reste dans leur famille. C’est assez.» Pour lui aussi, une sortie publique pourrait avoir des conséquences. Pas sûr qu’un employeur ou un propriétaire serait compréhensif. Il comprend que la société le stigmatise. Monsieur X plaide le droit à la réhabilitation : «Ce n’est pas vrai qu’un agresseur va toujours rester un criminel dangereux.» C’est donc après avoir obtenu des garanties sur son anonymat qu’il a accepté de nous rencontrer en terrain neutre, à L’Interface, un organisme de justice alternative de Lévis. Le bureau, planté à deux pas du quai du traversier reliant la capitale, est dirigé par un des rares médiateurs spécialisés dans les dossiers de crimes graves, Luc Simard; celui-ci assiste à l’échange.
Pour bien camper Monsieur X, soulignons qu’il a écopé plusieurs peines de cinq ans. Le juge a statué qu’elles pouvaient toutes être purgées en même temps, qu’elles ne s’additionnaient pas. Total, cinq ans, donc. «J’ai fait les deux tiers.» Quels crimes avez-vous commis? «C’est une agression sexuelle envers des mineurs.» Des jeunes proches de vous? «Les agresseurs sont toujours proches… Donc, j’étais dans un secteur proche.» L’homme a été dénoncé par une victime : «Elle l’a dévoilé dans sa famille.» Emprisonné de longs mois au cours des procédures judiciaires, il a fait une introspection. «Durant la période des agressions […], tu te crées une bulle de protection», relate-t-il. «Tu as tendance à banaliser tes actes, tu as tendance à te justifier.» Seul dans la cellule, il aurait pris conscience de l’ampleur du mal engendré. Ça n’a pas été rapide, convient-il, mais un déclic se serait produit. «J’ai plaidé coupable.» Au pénitencier, il avoue avoir été bien traité. «Ce n’est pas non plus un jardin d’enfants. La plus grande difficulté, quand tu es en détention, c’est d’être seul avec toi-même», expose le criminel repenti. «D’un autre côté, c’est une opportunité qu’on te donne.» Monsieur X a profité de son séjour entre les murs pour participer aux programmes de thérapie. Personne ne lui avait parlé de la justice alternative, de la médiation avec les victimes de crimes graves. «Même à l’intérieur des murs, rares sont les intervenants qui sont au courant. C’est très peu connu.» Au troisième ou quatrième pénitencier visité, il a demandé des détails sur cette option : «C’est moi qui l’ai initiée. J’ai fait une demande officielle.» Demander la médiation ne veut pas dire qu’elle aura lieu. «Ça ne veut pas dire que la victime à l’autre bout va dire : « Ça m’intéresse. » Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain.» Les démarches préparatoires ont duré un an. Un an avant la rencontre fatidique de trois heures, trois heures et demie. «La nuit précédente, je n’ai pas dormi du tout», se souvient-il. «C’est quelque chose de très, très, très particulier. Je voulais pouvoir dire merci à la victime. Quand elle a fait la dénonciation, elle ne m’a pas envoyé en prison, elle m’a donné l’opportunité de réfléchir.» Monsieur X voulait aussi l’inviter à ne pas avoir peur, à ne pas craindre son retour : «Il n’y aura plus jamais rien.» «Je ne l’ai pas fait pour demander pardon, parce que c’est impossible. Même moi, je ne me pardonne pas ce que j’ai fait.» La victime aurait acquiescé : «J’apprécie que tu ne me demandes pas pardon parce que tu ne l’auras jamais.» Alors, Monsieur X, satisfait de cette expérience hors de l’ordinaire? «J’avais autant des attentes élevées que des craintes élevées. Le succès a été total.» Vous recommandez la médiation aux autres condamnés? «100 %, c’est sûr, définitif! Ça devrait être connu beaucoup plus.»

Lire l’article complet

Vous pouvez suivre les réponses à cet article via le RSS 2.0 Vous pouvez commenter tout en bas. Les pings ne sont pas autorisés pour le moment.

Laisser un commentaire