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Dr Daniel ZAGURY (2001) Place et évolution de la fonction de l’expertise psychiatrique

août 10th, 2012 | Publié par risk.assessment dans articles | PSYCHIATRIE MEDICO-LEGALE | RAPPORTS | Recherche

Dr Daniel ZAGURY (2001) Place et évolution de la fonction de l’expertise psychiatrique
5ème Conférence de consensus de la Fédération Française de Psychiatrie Psychopathologies et traitements actuels des auteurs d’agressions sexuelles)

L’EXPERTISE DE PRÉ-LIBÉRATION CONDITIONNELLE
Si l’expertise psychiatrique diligentée en cours d’instruction est essentiellement rétrospective, centrée sur l’état mental au moment des faits, l’expertise de pré-libération est surtout une expertise prospective [38]: elle ambitionne d’être une évaluation longitudinale à la foi s clinique, psychodynamique et criminologique. Elle est diachronique (la saisie d’un ensemble de  processus après les faits), plus que synchronique (l’état  psychique au temps de l’infraction). On a suffisamment reproché à l’examen psychiatrique d’avoir des prétentions excessives (notamment pronostiques), à l’issue d’un examen unique, photographie à un moment donné, pour ne pas souligner cette spécificité de l’examen de prélibération, qui se rapproche ainsi de la visée de la démarche clinique en situation thérapeutique.  Sa réalisation nécessite la mise à disposition du dossier pénal et des expertises antérieures. Il faudra refuser de faire cette expertise lorsque ces documents ne sont pas transmis à l’expert, car ce défaut ampute sa mission de l’essentiel. Il ne pourrait pas évaluer le cheminement du condamné depuis le début de  l’instruction. L’analyse de l’état dangereux post délictuel repose sur la comparaison de ce qu’il est au temps de l’examen et de ce qu’il était au moment de l’infraction, en reconstruisant les étapes de son parcours. C’est dire que la qualité des premières expertises conditionne dans une large mesure la qualité de l’appréciation clinique ultérieure. L’expert s’attachera à cerner l’incidence respective des facteurs situationnels, contextuels et propres à la personnalité du sujet, qui ont facilité la commission de l’infraction. La  prépondérance du circonstanciel est souvent un élément favorable du pronostic. L’enchaînement des séquences criminelles, une fois analysé à l’aide du dossier pénal, des expertises initiales, des dires du sujet, l’expert évaluera la prise de conscience de l’intéressé : Qu’a-t-il à dire aujourd’hui de son acte, avec le recul ? A-t-il pris la mesure de la gravité des faits commis ? Invoque-t-il de façon projective ou réductrice un facteur extrinsèque ? (« C’est l’alcool… La drogue… Le chômage… Ma femme… La déprime… Le destin… ») Se maintient-il en position de victime de l’acte dont il a été l’auteur ? Entrevoitil la complexité des processus ? Comment se situe-t-il désormais par rapport aux faits commis ? Par quelles étapes est-il passé ? etc. L’expert explorera de façon systématique la position subjective du condamné à l’égard de sa victime : Regrets de façade ou processus plus authentique de culpabilité, de reconnaissance du préjudice qu’il a fait subir ? L’impact du procès, la perception de chacun de ses acteurs sera abordée. L’expert s’attachera à reconstituer les étapes des processus de défense et d’adaptation à la situation carcérale. Un certain degré « d’hibernation », d’isolement, dans la première partie d’une longue peine, avec refus de toute remise en cause n’est pas en soi inquiétante, comme le montre l’expérience des soins en prison. C’est là une attitude fréquente.

Mais comment réagit-il en fin de peine ? Y a-t-il une recrudescence anxieuse ? Observe-t-on une résurgence symptomatique ? Exprime-t-il une crainte plus ou moins masquée de la libération ? Quel est le poids de la culpabilité inconsciente, du masochisme, de la répétition ? Face au risque de récidive, exprime-t-il des propos conformistes, banalisateurs, ou une inquiétude de meilleur aloi, en anticipant sur la réapparition possible des conditions qui ont facilité l’infraction et sur des stratégies possibles en réponse à ce risque ?  Quelle est sa position à l’égard du double registre judiciaire et thérapeutique ? Estime-t-il qu’il n’a de compte à rendre à personne, « ayant payé sa dette à l’égard de la société » ?  N’invoque-t-il les soins reçus que dans une visée utilitaire ? Tient-il un discours plaqué, faussement rassurant ? Quel est son degré de « compliance » au traitement ? Attribue-t-il l’absence de toute démarche thérapeutique à l’absence d’offre ou au défaut d’information ? Y a-t-il un détournement pervers des soins ? Les échecs antérieurs sont-il projectivement attribués à l’incompréhension ou à l’incompétence des soignants rencontrés ?  Comment peut-il rendre compte du travail accompli individuellement ou en groupe, de l’effet des psychotrope éventuellement prescrits ? Comment imagine-t-il le suivi ultérieur ? Qu’en attend-il ? L’expert s’attachera soigneusement à faire le bilan des liens relationnels maintenus durant l’incarcération, des visites familiales, des soutiens divers, des études réalisées, des projets entamés…  Il est impossible de livrer un catalogue complet des domaines à explorer, qui ne se limitent pas à la seule sphère sexuelle.  A l’issue de cet examen approfondi, qui va bien au-delà du repérage nosographique, l’expert sera en mesure d’aborder le pronostic. Dans la majorité des cas, si l’on met à partles évolutions très positives et les tableaux figés, à la dangerosité criminologique intacte, voire accrue, cette évaluation consistera à dégager les éléments favorables et les éléments défavorables du pronostic, en proposant les conditions du maintien des premiers et d’atténuation des seconds. Ces indications thérapeutiques et leurs conditions de réalisation seront explicitées par l’expert afin d’éclairer la décision qui relève de la seule prérogative judiciaire.

http://www.hosto-psy.fr/Documents/

 

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