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Christian Joyal (CICC 2018) Les fantasmes sexuels: Qu’est-ce qu’un fantasme sexuel anormal?

avril 12th, 2019 | Publié par crisostome dans AICS

Christian Joyal, chercheur à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal, a présenté en décembre 2018 une conférence sur les fantasmes sexuels : Qu’est-ce qu’un fantasme sexuel anormal ?

Selon le DSM-5 la déviance sexuelle intègre la notion de fantasmes atypiques sans toutefois décrire ce que ça représente concrètement.

Christian Joyal estime que « ces études serviront surtout à ceux qui croient ne pas avoir de problème, mais que la science considère qu’ils en ont. »

Les recherches de Christian Joyal se poursuivront avec l’étude des fantasmes chez les délinquants sexuels, notamment à l’Institut Pinel, mais aussi si possible, auprès des populations carcérales au Canada.

«Cliniquement, on sait bien ce qu’est un fantasme sexuel pathologique : il implique des partenaires non consentants, il induit une souffrance ou encore il est absolument nécessaire pour obtenir satisfaction. Mais à part cela, qu’est-ce qu’un fantasme anormal ou atypique au juste? Pour le savoir, nous avons demandé à des gens de la population générale, aussi simple que ça», affirme Christian Joyal, auteur principal de l’étude et professeur au Département de psychologie de l’UQTR. «Notre principal objectif était de spécifier la norme en matière de fantasmes sexuels, étape essentielle aux définitions de pathologie», rapporte le professeur Joyal. «Et comme on le soupçonnait, il y a beaucoup plus de fantasmes communs que de fantasmes atypiques. On retrouve donc une bonne part de jugement de valeurs dans le DSM-5.»

La majorité des études sur les fantasmes ayant été réalisées auprès d’étudiants universitaires, cette recherche nécessitait donc de trouver un échantillon d’adultes qui accepteraient de décrire leurs fantasmes. Ainsi, 1517 adultes québécois (799 hommes et 718 femmes; âge moyen de 30 ans) ont répondu à un questionnaire décrivant leurs propres fantasmes sexuels, en plus de décrire en détail leur fantasme favori (devis de recherche hybride quantitatif et qualitatif). Les résultats sont plus qu’intéressants.

Résultats

  • La nature des fantasmes sexuels est variée parmi la population générale. Très peu de fantasmes peuvent être considérés comme statistiquement rares, inhabituels ou typiques (voir lexique).
  • Néanmoins, sans surprise, cette étude confirme que les hommes ont plus de fantasmes et les rapportent avec une plus grande intensité que les femmes. Cette recherche nous apprend également qu’une proportion importante de femmes (30% à 60%) évoque des thèmes associés à la soumission (ex. être attachée, être tapée sur les fesses, être forcée à avoir une relation sexuelle, etc.).
  • Fait important, contrairement aux hommes, les femmes, en général, distinguent bien les fantasmes des souhaits. Ainsi, plusieurs d’entre elles qui expriment des fantasmes de soumission plus extrêmes (ex. : se faire prendre par un inconnu dominant) spécifient ne jamais vouloir qu’ils se réalisent. Tandis que les hommes, en majorité, voudraient bien réaliser leur fantasme (ex. : triolisme).
  • Tel qu’attendu, la présence du partenaire amoureux est significativement plus grande au sein des fantasmes féminins que masculins. De façon générale, les hommes en couple fantasment beaucoup plus à propos de relations extraconjugales que les femmes en couple.

«Un des résultats les plus intrigants concerne le nombre non négligeable de fantasmes masculins particuliers, concernant par exemple les shemales, le sexe anal chez les hétérosexuels et l’idée de regarder sa partenaire avoir une relation sexuelle avec un autre homme. Les théories biologiques évolutionnistes expliquent mal ces fantasmes qui, chez l’homme, sont habituellement des souhaits », explique Christian Joyal.

«Globalement, ces résultats nous permettent d’élucider quelques phénomènes sociaux, tels que la popularité sans précédent du livre 50 Shades of Grey auprès des femmes», affirme le professeur Joyal. «Le sujet est passionnant! Nous sommes en train de mener des analyses statistiques avec les mêmes données afin de démontrer l’existence de sous-groupes homogènes de personnes en fonction de combinaisons de fantasmes. Par exemple, les gens qui ont des fantasmes de soumission rapportent souvent aussi des fantasmes de domination. Ces deux thèmes ne sont donc pas exclusifs, bien au contraire. Ils semblent aussi associés à un niveau plus élevé de satisfaction générale.» 

L’un des résultats les plus étonnants de ces recherches démontre que les hommes et les femmes âgés de 18 à 77 ans au Québec ont en majorité des fantasmes atypiques (domination/soumission, triolisme, voyeurisme) sans pour autant vouloir vivre une telle expérience.

« Une caractéristique que l’on observe chez les hommes, mais avec une plus grande prévalence chez les femmes »selon le professeur Joyal.

Les femmes, contrairement aux hommes, n’associent pas nécessairement leurs fantasmes à leurs souhaits.Christian Joyal, professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières

Les résultats de ces trois questionnaires viennent contredire la bible de la psychiatrie, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) lorsqu’il est question des fantasmes.

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