La violence domestique s’apprend-elle ? La contribution de cinq formes de maltraitance des enfants à la violence des hommes. Emma Bevan et Daryl J. Higgins
Sur la base d’une approche de la transmission intergénérationnelle de la violence fondée sur la théorie de l’apprentissage, les chercheurs se sont concentrés presque exclusivement sur les expériences de l’enfance des hommes violents où ils ont subi des violences physiques et ont été témoins de violences familiales. Peu d’attention a été accordée à la coexistence d’autres formes de maltraitance infantile ou au rôle des dysfonctionnements familiaux qui ont contribué à la violence. Cette étude montre les relations entre le niveau de maltraitance de l’enfant (violence physique, psychologique, sexuelle, négligence et témoin de violence familiale), les caractéristiques de la famille pendant l’enfance, l’abus actuel d’alcool, la symptomatologie des traumatismes et le niveau de violence physique et psychologique à l’égard de la conjointe perpétrées par 36 hommes ayant des antécédents de violence domestique et ayant suivi des séances de conseil. Comme nous l’avions supposé, un degré élevé de chevauchement entre les facteurs de risque a été constaté. Les mauvais traitements infligés aux enfants, le manque de cohésion et d’adaptabilité de la famille et l’abus d’alcool ont été associés de manière significative à la fréquence de la violence physique à l’égard de la conjointe et aux scores de symptomatologie traumatique, mais pas à la violence psychologique à l’égard de la conjointe. Plutôt que la violence physique ou le fait d’être témoin de violence familiale, c’est la négligence pendant l’enfance qui permet de prédire le niveau de violence physique à l’égard du conjoint. Le fait d’être témoin de violence familiale (mais pas d’avoir subi des violences physiques) s’est avéré avoir une association unique avec la violence psychologique à l’égard du conjoint et la symptomatologie traumatique.
Les principales implications de cette étude sont doubles. Premièrement, les nombreuses corrélations entre les facteurs de risque, ainsi que la prédiction partagée significative des facteurs de risque pour la fréquence de la violence physique à l’égard du conjoint
suggèrent que les liens individuels établis dans les recherches antérieures entre la perpétration de la violence conjugale masculine et ses facteurs de risque supposés, sont peut-être inexacte (McKenry et al., 1995 ; Tolman & Bennett, 1990). C’est la coexistence de facteurs de risque qui entraîne une relation partagée avec l’issue violente, et non l’occurrence isolée de facteurs individuels. La deuxième implication concerne la découverte que l’abus sexuel, la négligence et les mauvais traitements psychologiques ont contribué à la prédiction de la violence physique à l’égard du conjoint, au-delà de l’influence d’avoir subi de la violence physique et le fait d’avoir été témoin de violence familiale pendant l’enfance. Cela suggère que les recherches antérieures sur la théorie de l’apprentissage
qui ont établi un lien entre la perpétration de la violence domestique et l’expérience de la violence physique et le fait d’avoir été témoin de violence familiale pendant l’enfance (p. ex. Caesar, 1988 ;Kalmuss, 1984 ; Marshall & Rose, 1988 ; Rosenbaum & O’Leary, 1981) n’a pas tenu compte de la forte influence des types de mauvais traitements coexistants, en particulier la négligence, sur la perpétration de la violence physique à l’égard du conjoint. Bien que cela n’invalide pas l’explication de la violence domestique par la théorie de l’apprentissage, cela met en évidence son inadéquation en tant que conceptualisation appropriée du phénomène. Une perspective écologique, cependant, qui intègre la contribution de divers facteurs et évalue à la fois leurs associations spécifiques et partagées avec l’issue violente, offre une explication bien plus utile de la l’explication de la violence domestique perpétrée par les hommes.
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