Les personnes sous probation sont souvent confrontées à une double peine : une surveillance judiciaire stricte et un accès limité à des traitements adaptés pour les troubles liés à l’usage de substances. Alors que la majorité d’entre elles présentent des problématiques d’addiction, peu parviennent à engager une démarche thérapeutique. Pourquoi ? Faute de motivation au changement, selon une étude ambitieuse publiée dans Contemporary Clinical Trials par Faye Taxman et son équipe. (“Motivational tools to improve probationer treatment outcomes” de Taxman, Walters et al. (2015).)
🚀 L’étude MAPIT : un essai contrôlé aléatoire
Le programme MAPIT (Motivational Assistance Program to Initiate Treatment) a testé trois approches auprès de 400 personnes en probation à Baltimore et Dallas :
Supervision standard (SAU),
Entretiens motivationnels (MI),
Programme informatique motivationnel (MC).
L’objectif : améliorer l’initiation, l’engagement et la rétention en traitement pour l’usage de substances, tout en observant l’impact sur la récidive et le recours au dépistage VIH.
🧠 La clé : la motivation précoce
Les résultats préliminaires montrent que la motivation avant le traitement est l’un des meilleurs prédicteurs d’un parcours réussi. Or, de nombreux programmes imposent directement des thérapies “actives” sans prendre en compte l’étape psychologique dans laquelle se trouve la personne : pré-contemplation, ambivalence, hésitation…
Les auteurs pointent que les interventions motivationnelles, comme l’entretien motivationnel (EM), sont mieux adaptées à ces profils. Elles permettent d’engager la réflexion, de susciter le “déclic”, et d’orienter le sujet vers un engagement volontaire dans une démarche de soin.
Face à face ou ordinateur : deux voies, un même but
L’étude compare l’efficacité de l’EM en présentiel à un programme informatique autonome, utilisant la synthèse vocale, des feedbacks personnalisés et des exercices interactifs.
Les avantages du numérique :
Moins coûteux,
Reproductible à grande échelle,
Pas dépendant de la disponibilité des cliniciens.
Mais l’EM humain a aussi ses forces :
Relation interpersonnelle,
Capacité d’adaptation,
Réactivité émotionnelle.
Premiers résultats et perspectives
Même si les résultats complets sont attendus à long terme, l’étude montre déjà que ces deux outils améliorent significativement l’entrée en traitement, surtout chez les probationnaires à haut risque de récidive. Ils agissent aussi sur d’autres leviers : réduction de la consommation, progrès en probation, prévention du VIH.
La recherche explore également le rapport coût-efficacité, un enjeu central pour des services souvent en sous-effectif et en tension budgétaire.
Une leçon pour la criminologie appliquée
Cette étude illustre combien le facteur humain (motivation, adhésion, relation) est central dans l’intervention judiciaire. Il ne suffit pas d’imposer une thérapie : il faut d’abord préparer la personne à changer, en la rendant actrice de son parcours.
C’est un appel à transformer la probation d’un système de contrôle vers un dispositif de soutien au changement, centré sur les besoins psychologiques et les dynamiques motivationnelles.
Professor Faye Taxman, Mason University
Faye S. Taxman est professeur à l’université George Mason. Elle est reconnue pour son travail dans le développement de modèles de systèmes de soins continus qui relient la justice pénale à d’autres systèmes de prestation de services, ainsi que pour la réorganisation des services de probation et de surveillance des libérations conditionnelles, et pour les modèles de changement organisationnel. Elle a mené une enquête organisationnelle à plusieurs niveaux sur les systèmes correctionnels et de traitement de la toxicomanie afin d’examiner l’utilisation des pratiques fondées sur des données probantes dans les établissements correctionnels et de traitement de la toxicomanie et les facteurs qui influent sur l’adoption de processus et d’interventions fondés sur des données scientifiques. Elle a réalisé plusieurs études qui examinent l’efficacité de divers modèles de transfert de technologie et de processus d’intégration du traitement et de la supervision. Dans une étude, elle explore l’utilisation de la gestion des contingences et des systèmes d’incitation pour les délinquants toxicomanes.
La pédophilie est souvent abordée comme un trouble ancré dès l’adolescence, voire l’enfance. Pourtant, un petit nombre de cas documentés mettent en lumière un phénomène troublant : des individus qui développent des comportements pédophiles après une lésion cérébrale, sans antécédents de ce type. C’est ce que les chercheurs brésiliens Lopes, Prado et de Oliveira-Souza appellent la pédophilie acquise (acquired pedophilia). “The Neurology of Acquired Pedophilia” de Lopes, Prado et de Oliveira-Souza (2020), publié dans Neurocase.
🧪 Une revue de 22 cas médicaux
Les auteurs ont passé en revue 22 cas publiés entre 1972 et 2018 dans la littérature médico-légale et neurologique. Tous ces patients ont développé un comportement pédophile à la suite d’une atteinte cérébrale d’origine traumatique, tumorale, dégénérative ou chirurgicale.
Quelques faits marquants :
Tous les cas sauf un concernaient des hommes.
La moyenne d’âge était de 55 ans.
Une majorité présentait aussi une hypersexualité, c’est-à-dire une augmentation anormale des pulsions sexuelles.
Dans plusieurs cas, l’intervention chirurgicale ou hormonale a permis un retour à un comportement adapté.
Les régions cérébrales en cause
Les lésions étaient presque toujours localisées dans l’hémisphère droit, en particulier dans les zones frontotemporo-insulaires, impliquées dans :
la régulation des pulsions,
la prise de décision sociale,
le contrôle de soi.
Fait étonnant : l’hypothalamus antérieur, souvent associé au comportement sexuel, était épargné. Cela suggère que le déclenchement du comportement pédophile serait davantage lié à un effondrement des mécanismes de contrôle moral et social, qu’à une augmentation directe du désir sexuel envers les enfants.
🧠 Une atteinte du “cerveau social” ?
Les auteurs rapprochent ces cas de la sociopathie acquise, dans laquelle une lésion cérébrale altère profondément le jugement moral, la capacité d’empathie et le respect des normes sociales. Cette perspective replace la pédophilie acquise non comme un trouble sexuel isolé, mais comme un symptôme comportemental d’un syndrome frontal plus vaste.
Autrement dit, l’individu ne devient pas pédophile au sens classique du terme (attirance érotique durable), mais agit de manière pédophile à cause de la désinhibition et de l’altération du jugement provoquées par la lésion.
⚖️ Enjeux éthiques et juridiques majeurs
Ces cas posent des questions complexes :
Responsabilité pénale : Un individu dont le comportement résulte d’une tumeur cérébrale ou d’une dégénérescence frontale peut-il être jugé de la même manière ?
Détection : Comment distinguer un trouble développemental d’un trouble acquis ?
Traitement : Ces cas répondent parfois bien à des interventions médicales (chirurgie, hormonothérapie, surveillance) : cela ouvre des pistes thérapeutiques nouvelles.
🔍 Un champ encore marginal mais prometteur
Même s’ils sont rares, ces cas obligent criminologues, médecins, psychiatres et juristes à collaborer. Ils montrent que certains comportements déviants peuvent émerger sans antécédents ni intentions conscientes, suite à un dérèglement neurologique identifiable.
La surveillance communautaire — plus connue sous les formes de probation et de libération conditionnelle — est-elle vouée à être le parent pauvre des réponses pénales ? La criminologue Faye S. Taxman , dans l’article intitulé To Be or Not To Be: Community Supervision Déjà Vu, explore les promesses non tenues et les espoirs renouvelés autour de la supervision des personnes placées en milieu ouvert.
De la sanction à la réhabilitation : une lente transition
Depuis les années 1970, la supervision communautaire a évolué d’une logique centrée sur la réhabilitation à un modèle axé sur le contrôle, en écho à un virage plus punitif de la justice pénale. Dans cette dynamique, les agents de probation sont souvent réduits à surveiller des conditions multiples (tests urinaires, interdictions diverses, respect des horaires), avec un effet limité sur la récidive.
Taxman rappelle que cette intensification des contrôles, incarnée par les programmes de supervision intensive, n’a pas tenu ses promesses : plus de contacts n’ont pas entraîné de meilleures trajectoires pour les personnes suivies, mais davantage de violations techniques et de retours en prison.
Une nouvelle génération de modèles hybrides
L’autrice documente l’émergence de modèles dits « principe-basés », qui intègrent à la supervision des pratiques de traitement : accompagnement des addictions, incitations positives, implication directe des agents dans le changement de comportement, etc. Des initiatives comme les tribunaux de la drogue ou le programme Break the Cycle illustrent ce tournant.
Le cœur de cette nouvelle approche ? Miser sur la relation entre l’agent et la personne suivie, et sortir de la logique punitive pure. Cela suppose une formation renforcée des agents à des outils comme l’entretien motivationnel, la fixation d’objectifs, ou encore l’utilisation de renforts positifs — autant d’éléments absents du modèle traditionnel.
Le défi de l’organisation : vers un changement systémique ?
Taxman insiste : pour que la supervision change réellement, il faut aller au-delà de la simple addition de programmes. Il s’agit de transformer la culture des agences de probation. Cela implique :
une redéfinition du rôle des agents,
des outils d’évaluation du risque et des besoins,
une stratégie managériale pour soutenir le changement,
une vision réaliste des objectifs (réduction partielle de la récidive, pas éradication totale).
Le passage à une supervision dite « evidence-based » (fondée sur les preuves) devient central : identifier les bons profils, offrir les bons services, évaluer les résultats. Le modèle Risk-Need-Responsivity (RBR) devient la boussole de cette transformation.
Réencadrer la mission : de la “sale besogne” à l’intervention valorisée
Inspirée des travaux sur les « métiers sales » (dirty work), Taxman propose trois leviers symboliques pour réhabiliter le travail des agents de probation :
Reframing : redonner du sens au travail, le présenter comme protecteur de la société.
Recalibrating : adopter des standards réalistes, comme viser une baisse de la récidive de 10 % plutôt qu’une utopie de 0 %.
Refocusing : mettre en avant les aspects constructifs du travail, plutôt que le contrôle et la sanction.
Et maintenant ?
Avec plus de 6 millions de personnes sous contrôle judiciaire aux États-Unis (dont 70 % en milieu ouvert), l’enjeu est considérable. La supervision communautaire pourrait devenir un levier majeur de réduction de la récidive — à condition de repenser ses finalités et ses pratiques. La probation ne doit pas être un sous-produit de l’enfermement, mais une réponse pénale à part entière, intégrant soutien, responsabilisation et traitement. Le défi est autant organisationnel qu’éthique : sommes-nous prêts à faire confiance à ceux que la justice place sous surveillance, et à ceux qui les accompagnent ?
Professor Faye Taxman, Mason University
Faye S. Taxman est professeur à l’université George Mason. Elle est reconnue pour son travail dans le développement de modèles de systèmes de soins continus qui relient la justice pénale à d’autres systèmes de prestation de services, ainsi que pour la réorganisation des services de probation et de surveillance des libérations conditionnelles, et pour les modèles de changement organisationnel. Elle a mené une enquête organisationnelle à plusieurs niveaux sur les systèmes correctionnels et de traitement de la toxicomanie afin d’examiner l’utilisation des pratiques fondées sur des données probantes dans les établissements correctionnels et de traitement de la toxicomanie et les facteurs qui influent sur l’adoption de processus et d’interventions fondés sur des données scientifiques. Elle a réalisé plusieurs études qui examinent l’efficacité de divers modèles de transfert de technologie et de processus d’intégration du traitement et de la supervision. Dans une étude, elle explore l’utilisation de la gestion des contingences et des systèmes d’incitation pour les délinquants toxicomanes.
exemple d’illustration tiré de « tools of the trade » De F Taxman
Ses travaux couvrent l’ensemble du système correctionnel, des prisons aux services correctionnels communautaires, en passant par les délinquants adultes et mineurs. Elle a bénéficié de trois R01 du National Institute on Drug Abuse et d’un accord de coopération. Elle a également reçu des fonds du National Institute of Justice, du National Institute of Corrections et du Bureau of Justice Assistance pour ses travaux. Elle a des « laboratoires » actifs avec son accord de 18 ans avec le Maryland Department of Public Safety and Correctional Services et son accord de quatre ans avec le Virginia Department of Corrections. Faye Taxman (2011) «Comment les systèmes pénitentiaires peuvent prévenir la criminalité future». Elle est l’auteur principal de « Tools of the Trade : A Guide to Incorporating Science into Practice », une publication du National Institute on Corrections qui fournit un guide pour la mise en œuvre de concepts scientifiques dans la pratique. Elle fait partie des comités de rédaction du Journal of Experimental Criminology et du Journal of Offender Rehabilitation. Elle a publié des articles dans le Journal of Quantitative Criminology, le Journal of Research in Crime and Delinquency, le Journal of Substance Abuse Treatment, le Journal of Drug Issues, Alcohol and Drug Dependence et Evaluation and Program Planning. En 2002, elle a reçu le prix de l’Université de Cincinnati décerné par l’Association américaine de probation et de libération conditionnelle pour ses contributions dans ce domaine. Elle est membre de l’Academy of Experimental Criminology et du Correctional Services Accreditation Panel (CSAP) d’Angleterre. En 2008, la division « Sentencing and Corrections » de l’American Society of Criminology lui a décerné le titre de « Senior Scholar ». Elle est titulaire d’un doctorat de la Rutgers University-School of Criminal Justice et d’une licence de l’université de Tulsa.
SAM est un outil de type Structured Professional Judgment (SPJ), conçu spécifiquement pour évaluer et gérer les risques liés au stalking. Il a été développé par P. Randall Kropp, Stephen D. Hart, David R. Lyon et Jennifer E. Storey entre 2001 et 2008
Contenu et structure
30 items répartis en trois domaines (10 items chacun) :
réponse incohérente, manque de ressources, instabilité…
Pour chaque item, on évalue sa présence actuelle ou passée, puis sa pertinence pour le risque futur .
Processus en 6 étapes
Recueil d’informations
Codage des 30 items
Appréciation de leur pertinence
Élaboration de scénarios plausibles de risque futur
Planification de stratégies de gestion adaptées
Formulation d’un avis global :
Priorisation du dossier
Risque de récidive de stalking
Risque de violence physique grave
Pertinence de la peur de la victime
Urgence d’action
Délai de réévaluation
Fiabilité et validité 🧠
Fiabilité inter‑juges (ICC) :
Facteurs/rubriques : plutôt bonne à correcte Researchgate
Jugements conclusifs : variable (ICC .39 à .80 pour priorisation; .71 pour stalking, .44–.60 pour violence grave)criminal-justice
Validité concurrente : bonne corrélation avec le PCL:SV et le VRAG (psychopathie et violence)Wiley online
Validité prédictive :
Étude suédoise (2009) : nombre d’items présents corrélé avec le risque perçuSage Journal
Étude US (2016) : score « Nature du stalking » prédictif de récidive. Score du stalker non. Les vulnérabilités de la victime non disponibles – Researchgate
Avantages et limites
+ Points forts :
Couvre des facteurs propres au stalking, non présents dans les instruments de violence généraleacademia.edu.
Utilisable en contexte policier, judiciaire, ou clinique .
– Limites :
Besoin de formations spécifiques pour garantir fiabilité et pertinence .
Recherches existantes souvent sur petits échantillons, rétrospectives.
Domaine vulnérabilité victime peu étudié dans certaines validationscriminal-justice
Utilisation pratique
Utilisable par police, professionnels judiciaires et psychologues/psychiatres judiciaires .
Requiert une formation (ex. cours avec Kropp, 20–40 h certifiantes) .
En résumé
SAM est un outil structuré et rigoureux, conçu sur mesure pour le stalking, intégrant la collecte d’informations, l’évaluation de facteurs propres au stalker et à la victime, la formulation de scénarios de risque et la planification concrète de stratégies de gestion. Il a démontré une fiabilité correcte et une validité encourageante, mais gagne à être utilisé avec une formation préalable et dans le cadre d’une démarche d’évaluation rigoureuse.
La pornographie est omniprésente : 17 millions de Français en consomment mensuellement, dont 38% des garçons de 10-11 ans. Face à cette exposition massive, la criminologie s’interroge : la pornographie est-elle un catalyseur des infractions sexuelles ? Décryptage des recherches récentes.
Constats Épidémiologiques : Un Terrain Miné
Exposition précoce : 58% des garçons découvrent le porno avant 13 ans, influençant leur vision de la sexualité .
Violences en ligne : Au Canada (2014-2022), 45 816 affaires de pornographie juvénile ont été enregistrées, avec une hausse de 290% des cas de production/distribution .
Genre et âge : 71% des victimes d’exploitation en ligne sont des filles de 12-17 ans, et 90% des auteurs de revenge porn sont des adolescents .
2,3 millions de mineurs (soit 30 % d’entre eux) ont visité au moins un site pornographique chaque mois en 2022
Cela représente un million d’augmentation depuis 2017 : +600 000 mineurs (+36 %) .
⏱ Temps et fréquence de consommation
En moyenne, les mineurs passent 50–54 minutes par mois, soit environ 7 minutes par jour, sur ces sites
Par comparaison, les adultes regardent en moyenne 2 heures par mois (16 min/jour)
👦👧 Par âge et genre
Dès 12 ans, plus de la moitié des garçons consultent des sites pornographiques chaque mois :
12–13 ans: 51 %
14–15 ans: 59 %
16–17 ans: 65 %
Les filles sont moins concernées :
12–13 ans: 31 %
14–17 ans: de 27 % à 31 %
À l’échelle de tous les âges, les hommes fréquentent 2,5 fois plus ces sites que les femmes (53 % vs 20 %)
📱 Appareils et usage
75 % des mineurs accèdent via smartphone, rendant l’accès moins contrôlé par les adultes
9 % des mineurs les consultent quotidiennement
🎯 Portée et contexte
En moyenne, les mineurs représentent 12 % de l’audience des sites pornographiques .
L’exposition des mineurs à la pornographie est devenue massive et comparable à celle des adultes (adultes = 36–37 %, mineurs = 30 %) .
L’accès via smartphone, hors de la surveillance parentale, constitue un vrai défi.
Les résultats montrent une forte progression depuis 2017, en lien avec la multiplication des écrans et une insuffisance des contrôles d’âge réels.
✅ En résumé
1 mineur sur 3 en France accède chaque mois à des sites pornographiques.
Les garçons dès 12 ans sont particulièrement concernés.
La vérification d’âge était souvent trop permissive (cliquez-ici pour certifier sa majorité), amenant l’Arcom à renforcer les contraintes réglementaires.
Smartphones = terrain privilégié pour l’accès non encadré.
Le Débat Scientifique : Lien avec les violences sexuelles: corrélation ou Causalité ?
Le lien avec les violences sexuelles
– Plusieurs méta-analyses (ex : Wright et al., 2016 ; Harkness et al., 2015) ont montré une association positive modérée entre consommation de pornographie violente et comportements agressifs sexuels ou attitudes sexistes/misogynes.
Cette corrélation est plus marquée :
chez les hommes jeunes,
en cas de consommation fréquente,
lorsque la pornographie met en scène des scénarios de domination/violence explicite.
Consommation problématique et risques accrus
Hyperconsommation / usage compulsif : certains travaux (ex : Kraus et al., 2016) montrent que les individus ayant une consommation pathologique de pornographie présentent davantage de comportements transgressifs, y compris de violence sexuelle.
Risque accru dans les populations à traits antisociaux ou troubles du contrôle des impulsions.
Violences conjugales et pornographie
Quelques études indiquent un lien entre la consommation régulière de pornographie violente et des comportements de contrôle, d’humiliation ou de coercition sexuelle dans les couples (ex : Bridges et al., 2020).
Toutefois, la relation n’est ni systématique ni causale, et reste modérée : d’autres facteurs médiateurs sont essentiels (histoire d’attachement, sexisme, niveau d’empathie, etc.).
🧠 Impacts Neurologiques et Comportementaux : Un Cerveau Réorganisé
– Désensibilisation : Une étude allemande (2014) montre une réduction de l’activité cérébrale face à des stimuli pornographiques standards, poussant vers des contenus plus extrêmes .
« Nous avons constaté une association négative significative entre le nombre d’heures consacrées à la pornographie par semaine et le volume de matière grise dans le noyau caudé droit (P < 0,001, corrigé pour les comparaisons multiples), ainsi qu’avec l’activité fonctionnelle pendant un paradigme de réactivité aux stimuli sexuels dans le putamen gauche (P < 0,001). La connectivité fonctionnelle entre le noyau caudé droit et le cortex préfrontal dorsolatéral gauche était négativement associée au nombre d’heures consacrées à la consommation de pornographie ».
– Altération du cortex préfrontal : Zone responsable du contrôle des impulsions, érodée par une consommation intensive .
– Risques sanitaires : Association entre porno régulier et dépression, pratiques sexuelles non protégées, et multiplication des partenaires .
⚙️ Théorie des Scripts Criminels : De la Consommation à l’Infraction
Selon Fortin et al.(2017), certains cyberdélinquants suivent un parcours séquentiel :
1. Pornographie légale → Pornographie juvénile (recherche de stimuli nouveaux).
2. Distribution de matériel (intégration à des réseaux).
3. Leurre d’enfant (contact en ligne).
4. Passage à l’acte physique (agression ou production de contenus).
Important : Seule une minorité (moins de 10%) franchit toutes les étapes, souvent des individus présentant des vulnérabilités préexistantes (isolement, troubles psy) .
Facteurs médiateurs et modérateurs clés
✔️ Attitudes préexistantes : la pornographie violente renforce surtout les tendances existantes chez les sujets ayant déjà des croyances sexistes ou des traits de personnalité à risque (par ex. machiavélisme, narcissisme, psychopathie).
✔️ Contexte culturel : le lien entre pornographie et violence varie selon les normes sociales et l’accessibilité à l’éducation sexuelle.
✔️ Nature des supports : la pornographie « mainstream » (par ex. gratuite sur les grandes plateformes) est parfois imprégnée de scripts de domination, même sans violence explicite.
Pornographie non violente :
Les études sont plus nuancées. La consommation de pornographie dite « conventionnelle » n’est pas systématiquement associée à des comportements violents.
Certaines recherches suggèrent même des effets de substitution ou de catharsis (ex : Diamond, 2009), réduisant le passage à l’acte.
Le rôle du contexte sociétal
La pornographie n’est pas un facteur isolé : elle s’inscrit dans une culture sexiste (films, séries, jeux vidéo) où la domination masculine est normalisée . Exemple : 90% des vidéos porno contiennent des violences pénalement répréhensibles (rapport HCE, 2023) .
Voici un état des lieux synthétique et rigoureux des recherches récentes (jusqu’en 2024) sur les liens entre consommation de pornographie et violence, en particulier violence sexuelle et violences conjugales :
Critiques méthodologiques
Ferguson & Hartley (2009) soulignent des biais de confirmation et l’absence de preuves causales solides .
Causalité difficile à établir (corrélations, pas de preuve formelle de cause à effet).
Études expérimentales limitées pour des raisons éthiques.
Les échantillons reposent souvent sur des populations d’étudiants ou d’internautes volontaires, limitant la généralisation. (Hatch et al. (2020))
La pornographie est hétérogène : violence explicite, domination soft, érotisme féministe… peu d’études différencient suffisamment les contenus.
Perspectives récentes et futures
Exploration des effets de la VR Porn (réalité virtuelle) sur les scripts sexuels et les comportements agressifs : résultats encore très préliminaires.
Études longitudinales : tentatives d’observer les trajectoires individuelles sur plusieurs années.
Intérêt grandissant pour la pornographie genrée ou éthique : effets potentiellement protecteurs ou neutres.
Approches neurobiologiques en cours sur l’impact des consommations intensives (réduction de l’empathie ? augmentation de l’habituation ?).
📌 En résumé :
Type de pornographie
Lien avec violence
Niveau de preuve
Commentaires
Violente (viol, domination)
+ (modéré)
Moyen à fort
Effet amplifié chez profils à risque.
Non violente / mainstream
± (controversé)
Faible à modéré
Pas de preuve solide de causalité directe.
« Éthique » ou féministe
-/0 (neutre)
Faible
Effet potentiellement protecteur.
🛡️ Stratégies Préventives : Éducation et Régulation
– Dialogue avec les adolescents : Expliquer que le porno est une fiction violente, basée sur le non-consentement (Fabienne El Khoury) .
– Blocage des sites: L’Arcom tente de limiter l’accès, mais l’hébergement à l’étranger complique la tâche (frequentation_des_sites_adultes_par_les_mineurs)
– Outils policiers : Au Canada, le Projet Arachnid scanne le web pour supprimer les contenus illégaux .
💡 Ni Diabolisation, Ni Banalisation: « La pornographie n’est qu’un maillon d’une chaîne de violences préexistantes »* (Ludi Demol Defe) .
Les recherches montrent que :
1️⃣ Le porno aggrave les vulnérabilités individuelles (addiction, désinhibition).
2️⃣ Il normalise des scripts sexuels violents, surtout chez les jeunes sans éducation sexuelle.
3️⃣ Son rôle causal direct dans les infractions reste difficile à isoler.
Dans le cadre des violences conjugales, les cyberviolences sont moins connues. Elles se manifestent sous plusieurs formes, plus ou moins identifiées, et continuent d’évoluer en même temps que les usages des nouvelles technologies. Difficiles à déceler et parfois même à tracer, elles s’inscrivent dans le continuum des violences conjugales et peuvent se manifester en même temps ou suite à d’autres formes de violences (verbales, physiques, sexuelles, psychologiques, économiques, administratives). Les cyberviolences conjugales font partie des violences dites invisibles et insidieuses, elles s’exercent autant dans l’espace privée que dans l’espace public.
Contrairement aux idées reçues, les cyberviolences ne touchent pas que les jeunes. En effet, 67% des appels au 3919 pour cyberviolences concernent des femmes de plus de 30 ans (Le 3919 est la ligne d’écoute nationale destinée aux femmes victimes de violences : Appelez le 3919 si vous éprouvez des doutes, des peurs, des questionnements sur une situation de violences, ou si vous avez besoin de renseignements ou besoin de soutien)
Afin d’aider à prévenir des cyberviolences, et de s’en protéger, la Fédération nationale Solidarité Femmes présente un nouvel outil à destination des femmes victimes : le cyberviolentoscope.
A l’instar du violentomètre, le cyberviolentoscope propose une pluralité de situations de cyberviolences au sein d’une relation et permet d’en mesurer la dangerosité. L’objectif est d’apporter via cet outil un premier niveau de sensibilisation autour des cyberviolences conjugales, de permettre à tout un chacun de mesurer si sa relation est fondée sur du respect, du consentement ou si des violences occurrent, dans une approche accessible et pédagogique.