Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
Header

Patrick Lussier (2018) La delinquance sexuelle

Dans La délinquance sexuelle (2018), Patrick Lussier propose une analyse criminologique exhaustive du phénomène, déconstruisant mythes et présupposés et réorientant le débat vers une approche fondée sur la gestion du risque et des preuves empiriques .

L’un des apports de l’ouvrage est l’examen critique des instruments actuariels et structurés d’évaluation du risque de récidive sexuelle, combinant facteurs statiques (antécédents criminels, caractéristiques démographiques) et dynamiques (intérêts sexuels, compétences relationnelles, soutiens sociaux). Les chapitres « Moneyball et la stratégie correctionnelle » et « Risque, probabilités et récidive sexuelle démystifiés » s’intéressent notamment aux modalités de construction de ces échelles et aux facteurs de risque qu’elles retiennent.

Qui est patrick Lussier?

Patrick Lussier, professeur titulaire de criminologie à l’Université Laval, publie sous la direction de Marc Le Blanc un volume de 408 pages structuré en 18 chapitres, depuis une mise en perspective historique jusqu’aux enjeux contemporains de la « nouvelle pénologie ». L’ouvrage se divise en trois grandes parties :

  1. Fondements criminologiques et sociolégaux (chap. 1–4), où l’auteur défend l’urgence d’une analyse globale et rigoureuse du délinquant sexuel, distincte des visions purement psychiatrique ou sexologique .

  2. Instruments et gestion du risque (chap. 12–15), comprenant un panorama des registres publics, des outils actuariells (Statique-99, RRASOR, SORAG…) et structurés (SVR-20), et une démystification des notions de probabilité et de récidive .

  3. Trajectoires de vie et désistance (chap. 16–17), explorant les facteurs conduisant à l’abandon de la criminalité et les défis éthiques liés aux politiques de registre et de notification.

Principaux instruments d’évaluation du risque

1. Instruments actuariels statiques

  • RRASOR (Rapid Risk Assessment for Sex Offense Recidivism) :
    4 items simples fondés sur les données de dossier : antécédents d’infractions sexuelles, victime(s) non apparentée(s), victime(s) masculine(s) et âge de l’auteur (< 25 ans). Cet outil, développé par Hanson (1997), révèle un AUC oscillant entre 0,62 et 0,77 selon les études .

  • Statique-99 (Hanson & Thornton, 2000) :
    Échelle à 10 facteurs statiques, incluant :

    1. Âge à la condamnation (≥ 25 ans)

    2. Jamais cohabité durablement

    3. Condamnation pour violence non sexuelle (actuelle et antérieure)

    4. ≥ 4 prononcés de peine antérieurs

    5. Antécédents d’infractions sexuelles

    6. Infractions sexuelles sans contact

    7. Au moins une victime de sexe masculin

    8. Au moins une victime sans lien de parenté

    9. Au moins une victime inconnue

    10. Autres condamnations

  • Statique-99R : version révisée (2016) avec codage affiné et pondération améliorée de l’âge, permettant une calibration empirique plus précise des probabilités de récidive sur 5 et 10 ans .

  • SORAG (Sex Offender Risk Appraisal Guide, Quinsey et al., 1998) :
    Actuariel à 14 items, dérivé du VRAG, intégrant antécédents criminels, échec de libération conditionnelle, psychopathie (PCL-R), alcoolisme, statut conjugal, âge lors de l’infraction et caractéristiques des victimes. Principalement orienté vers la prédiction de la récidive violente (incluant la récidive sexuelle) .

    • A vécu avec ses deux parents biologiques jusqu’à l’âge de 16 ans
    • Inadaptation à l’école primaire
    • Antécédents de problèmes d’alcool/drogue
    • Situation matrimoniale
    • Antécédents criminels en cas de condamnation ou d’inculpation pour des délits non violents avant l’infraction de référence
    • Antécédents criminels en cas de condamnations ou d’inculpations pour des infractions violentes avant l’infraction de référence
    • Nombre de condamnations pour des délits sexuels antérieurs
    • Antécédents d’infractions sexuelles à l’encontre de filles de moins de 14 ans uniquement
    • Échec de la libération conditionnelle
    • Âge au moment de l’infraction
    • Répond aux critères du DSM-III pour tout trouble de la personnalité
    • Répond aux critères du DSM-III pour la schizophrénie
    • Résultats du test phallométrique
    • Nombre de points sur la liste de contrôle de la psychopathie – révisée
  • VRAG (Violence Risk Appraisal Guide, Quinsey et al., 1998) :
    Similaire au SORAG mais centré sur la récidive générale violente. Quelques versions révisées (VRAG-R) ont montré une AUC≈ 0,63–0,75 pour la récidive sexuelle et non sexuelle .

  • MnSOST-R (Minnesota Sex Offender Screening Tool–Revised) et RM2000 (Risk Matrix 2000) : Instruments britanniques combinant multiples facteurs statiques (nombre de victimes, type d’infraction, victimes masculines, antécédents de violence non sexuelle, etc.) .

2. Instruments structurés à composantes dynamiques

  • SVR-20 (Sexual Violence Risk – 20, Boer et al., 1997) :
    20 items codés en vulnérabilités ou forces, répartis en : facteurs sexuels (intérêts déviants, paraphilies), dynamiques relationnelles (congruence émotionnelle avec la victime, empathie), maîtrise de soi, gestion des émotions, soutien social, vécu psychosocial (stress, abus de substances, santé mentale) .

  • STABLE-2007 et Acute-2007 : composantes de l’RSVP (Risk for Sexual Violence Protocol), évaluant respectivement les facteurs de risque « stables » (pulsions, déviance sexuelle, intimacy deficits) et « aigus » (état émotionnel, proéminence de fantasmes, accès à des victimes).

Facteurs de risque récurrents

Catégorie Facteurs statiques Facteurs dynamiques
Antécédents criminels Infractions sexuelles antérieures, violences non sexuelles, nombre de peines antérieures
Victimes Victime masculine, victime non apparentée, victime étrangère Préférences sexuelles déviantes, paraphilies ciblées (enfants, viol)
Démographie et relations Âge (< 25 ans/R), célibat, jamais cohabité durablement Compétences sociales, empathie, relations intimes (stabilité, conflits)
Psychopathologie et traits Psychopathie (PCL-R), personnalité antisociale, échec libération Maîtrise de soi, impulsivité, régulation émotionnelle, alcool/drogue
Soutien et environnement Soutien communautaire/familial, stress de vie, intégration sociale

Perspective de Patrick Lussier

Lussier plaide pour une « nouvelle pénologie » axée sur la prédiction et la gestion du risque plutôt que sur l’idéologie punitive ou la psychothérapie standardisée . Il souligne toutefois les limites des outils purement statiques (absence de prise en compte des besoins criminogènes modifiables) et préconise l’intégration de facteurs dynamiques pour orienter la prise en charge et la prévention. L’ouvrage de Patrick Lussier offre un cadre rigoureux pour comprendre le phénomène des infractions sexuelles et la récidive. En décrivant et comparant les principaux instruments d’évaluation — de RRASOR à SVR-20 — il met en évidence les facteurs de risque (criminels, démographiques, relationnels, psychologiques) et insiste sur la nécessité d’allier rigueur empirique et prise en compte des dimensions dynamiques pour améliorer la prédiction et la prévention de la récidive sexuelle.

Cyber Pornography Use Inventory (CPUI)

Une étude publiée en février 2015 présente une nouvelle version du Cyber Pornography Use Inventory (CPUI), inventaire composé au départ de 32 items. Les chercheurs ont procédé à la validation d’une version de 9 items (CPUI-9) regroupés sous trois facteurs : la perception de la compulsion (items 1 à 3), les efforts reliés à l’accès (items 4 à 6) et la détresse émotionnelle (items 7 à 9).

L’inventaire permet de mesurer rapidement la dépendance à la pornographie en ligne perçue par le consommateur. L’inventaire peut se répondre sur une échelle de 1 à 7 (Pas du tout à Extrêmement) ou par Vrai ou Faux.


Inventaire de l’utilisation de cyberpornographie (Traduction libre)
(The Cyber Pornography Use Inventory-9; Grubbs et al., 2015)

1. Je crois que je suis accro à la pornographie sur Internet.
2. Même si je ne veux pas visionner de la pornographie en ligne, je me sens attiré(e) par elle.
3. Je suis incapable de cesser mon utilisation de pornographie en ligne.
4. Il m’arrive de planifier mon horaire afin d’être en mesure de me retrouver seul pour visionner de la pornographie en ligne.
5. J’ai refusé de sortir avec des amis ou d’assister à des activités sociales pour avoir l’occasion de visionner de la pornographie en ligne.
6. J’ai laissé de côté des priorités pour visionner de la pornographie en ligne.
7. Je me sens honteux(se) après avoir visionné de la pornographie en ligne.
8. Je me sens déprimé(e) après avoir visionné de la pornographie en ligne.
9. Je me sens mal après avoir visionné de la pornographie en ligne.


Sources.

Grubbs, J. B., Sessoms, J., Wheeler, D. M., & Volk, F. (2010). The Cyber-Pornography Use Inventory: The development of a new assessment instrument. Sexual Addiction & Compulsivity, 17, 106-126.

Grubbs, J. B., Volk, F., Exline, J. J., & Pargament, K. I. (2015). Internet Pornography Use: Perceived Addiction, Psychological Distress, and the Validation of a Brief Measure. Journal of Sex & Marital Therapy, 41(1), 83-106.

CPUI_FR

Problematic Cybersexual Behavior Scale (PCBS) de Monica M. Lackups-Fuentes (2017)

  1. Format et type de réponse

    • Le PCBS se compose d’une série d’items (tableau détaillé des items et de leur origine dans la thèse de Lackups‑Fuentes, 2017) DigitalCommons.

    • Chaque item est évalué sur une échelle de type Likert, indiquant la fréquence ou l’intensité de la pensée/comportement (par exemple 1 = « Jamais » à 5 = « Toujours », ou 1 = « Pas du tout vrai » à 7 = « Très vrai », selon la version utilisée).

  2. Structure factorielle et sous‑échelles
    Une analyse factorielle exploratoire conduite par Lackups‑Fuentes a mis en évidence trois dimensions principales du comportement cybersexuel problématique :

    1. Préoccupation (Preoccupation)

    2. Perte de contrôle (Loss of Control)

    3. Conséquences négatives (Negative Consequences) 
      Chaque sous‑échelle regroupe un ensemble d’items clairement identifiés dans le manuel de la mesure DigitalCommons.

  3. Calcul des scores

    • Score de sous‑échelle : pour chacune des trois dimensions, on additionne les notes des items qui lui appartiennent.

    • Score total PCBS : somme des scores de toutes les sous‑échelles (ou équivalente, somme directe de tous les items).

    • Interprétation : plus le score (de sous‑échelle ou total) est élevé, plus le niveau de cybersexualité problématique est important DigitalCommons.

  4. Seuils et repères

    • À ce jour, aucun seuil clinique universel n’a été formellement établi ; Lackups‑Fuentes fournit cependant dans sa thèse des statistiques descriptives (moyennes, écarts‑types) et des percentiles pour l’échantillon de validation, permettant de repérer les scores « élevés » (p. ex. > M + 1 SD).

    • Pour une utilisation clinique ou en recherche, il est recommandé de comparer les scores obtenus aux normes publiées dans la version originale de la thèse ou dans les études subséquentes de validation.


Références
Lackups‑Fuentes, M. M. (2017). Development and validation of a measure of cybersexual addiction (Thèse de doctorat). Eastern Michigan University.

Traduction FR: 

Problematic Cybersexual Behavior Scale_FR

Questionnaire des Croyances Anticipatoires, Soulageantes et Permissives (ASP)

développé par Robin, Hautekeete et Vanderstukken (2008) pour évaluer les distorsions cognitives des auteurs d’agression sexuelle sur mineur.

1. Objectif et contexte

L’ASP a été conçu pour identifier trois types de croyances facilitant le passage à l’acte pédophile et/ou minimisant la responsabilité morale :

  • Croyances anticipatoires : justification a priori (« si je le fais, ça ne posera pas de problème… »)

  • Croyances soulageantes : stratégies cognitives de réduction de la culpabilité (ex. « ça ne compte pas vraiment comme une agression »)

  • Croyances permissives : attitudes tolérantes vis‑à‑vis de l’acte (« c’est acceptable si l’enfant est consentant »)

Ce questionnaire s’inscrit dans une démarche de repérage des distorsions cognitives chez des populations à risque ou en traitement psycho‑judiciaire.

2. Structure et format

  • Nombre d’items : 30 (10 par dimension)

  • Échelle de réponse : Likert 0–4 (0 = « Pas du tout d’accord » à 4 = « Tout à fait d’accord »)

  • Durée : 10–15 minutes

  • Population cible : adultes auteurs d’infractions sexuelles sur mineur, en prison ou en suivi ambulatoire

3. Dimensions et définitions

 

Dimension Définition Exemple d’item
Anticipatoires Croyances justifiant par avance l’acte, en sous‑estimant ses conséquences « Je suis sûr que l’enfant comprendra mieux mes gestes affectueux »
Soulageantes Mécanismes cognitifs visant à réduire la culpabilité après l’acte « Ce qu’on a fait n’est pas vraiment grave »
Permissives Attitudes tolérant ou normalisant l’acte selon certaines conditions « S’il y a consentement, je ne vois pas ce qu’il y a de mal »

4. Modalités de passation et scoring

Nombre d’items : 30, répartis aléatoirement

    • Sous-échelles :

      • A (anticipatoires) : 10 items

      • S (soulageantes) : 10 items

      • P (permissives) : 10 items

    • Validation : Chaque item a été affecté à sa catégorie par des juges experts (pertinence et lisibilité contrôlées) Haute Autorité de Santé.

    • Calcul des scores :

      • Score A, S, P : somme des 10 items de chaque sous-échelle (0–40 points)

      • Score total A.S.P. : somme des 30 items (0–120 points)

    • Interprétation :

      • Scores élevés → forte présence des croyances dysfonctionnelles correspondantes

Item Énoncé Sous‑échelle
1 Le besoin sexuel des hommes est incontrôlable. A
2 Il y a moins de crainte à avoir dans le cadre de relation sexuelle avec un enfant. S
3 Avoir une relation intime avec un enfant soulage de la dureté du monde adulte. S
4 Dans une relation sexuelle avec un enfant, on se sent fort. A
5 Avoir une relation sexuelle avec un enfant, c’est lui montrer qu’on l’aime bien. A
6 Un enfant a besoin qu’un adulte fasse son éducation sexuelle en l’initiant au sexe. P
7 C’est agréable de savoir qu’on peut facilement se faire du bien sexuellement avec un enfant. A
8 Caresser un enfant avec une intention sexuelle permet de se sentir mieux. S
9 Dans le cadre d’une relation sexuelle avec un enfant, on se sent aimé. A
10 Si une personne n’utilise pas la force pour avoir une relation sexuelle avec un enfant, l’enfant aimera cela. P
11 Avoir une relation sexuelle avec un enfant est un moyen d’évasion. S
12 Se rapprocher sexuellement d’un enfant est le seul moyen pour réduire sa souffrance. S
13 Quelqu’un qui montre ce qu’est le sexe à un enfant est quelqu’un de bien. P
14 Avoir une activité sexuelle avec un enfant est une question de culture. P
15 Dans certaines cultures, c’est acceptable. P
16 Les enfants sont bien souvent des séducteurs et acceptent d’avoir une relation sexuelle parce qu’ils le veulent bien. A
17 On se sent moins anxieux dans le cadre d’une relation sexuelle avec un enfant. S
18 L’enfant qui a une relation sexuelle avec un adulte n’en est pas perturbé. P
19 On a davantage confiance en soi dans le cadre d’une relation intime avec un enfant. A
20 Généralement, un enfant nous accepte tel qu’on est. A
21 Les gens qui disent qu’un enfant n’a pas de sexualité se trompent. P
22 Il est agréable de lire dans le regard d’un enfant que l’on est sexuellement attrayant. A
23 Il n’y a pas de mal à se faire du bien avec un enfant. P
24 Il est valorisant d’initier un enfant au sexe. P
25 Avoir une relation sexuelle avec un enfant permet de se sentir mieux. S
26 Cela me tranquillise d’avoir une relation intime avec un enfant, car il est encore pur. S
27 Ça soulage d’être sexuellement proche d’un enfant. S
28 Avoir une relation sexuelle avec un enfant permet de se sentir moins nul. S
29 Le bonheur ne peut se trouver que pendant une relation sexuelle avec un enfant. A
30 Du moment que ça part d’une bonne intention, les gens ne font rien de mal en étant sexuellement proches d’un enfant. P

5. Utilisations cliniques et judiciaires

  • Évaluation initiale : repérer les croyances à travailler en thérapie (TCC, gestion de la récidive).

  • Suivi : mesurer l’évolution des cognitions au fil du programme de traitement.

  • Recherche : comparer profils cognitifs selon les typologies d’infractions sexuelles.

Références

Questionnaire des croyances anticipatoires

Un pédophile abstinent est une personne qui ressent une attirance sexuelle envers les enfants, mais qui choisit de ne pas agir sur cette attirance en s’abstenant de tout comportement sexuel impliquant des mineurs. Cette abstinence peut inclure l’évitement de contacts sexuels avec des enfants ainsi que la non-consommation de pornographie enfantine. Ce terme est souvent évoqué dans des contextes psychologiques ou thérapeutiques, notamment dans le cadre de la prévention des abus sexuels sur les enfants.
  • Définition claire : La pédophilie désigne une attirance sexuelle pour les enfants, généralement avant la puberté. L’abstinence, dans ce cas, signifie que la personne reconnaît ses pulsions mais s’engage activement à ne pas les concrétiser, que ce soit par des actes physiques ou par la consommation de contenus illégaux.
  • Motivations : Ce choix peut être guidé par des raisons personnelles (morale, peur des conséquences), légales (éviter des sanctions) ou par un accompagnement thérapeutique visant à contrôler ces attirances sans nuire à autrui.
  • Exemples de prise en charge : Des initiatives, comme le programme « Dunkelfeld » en Allemagne, offrent un soutien aux individus pédophiles qui souhaitent rester abstinents. Ces programmes proposent des thérapies pour gérer les pulsions et réduire les risques d’actes répréhensibles.
  • Distinction importante : Il est essentiel de différencier les pensées ou attirances (qui ne sont pas punissables par la loi tant qu’elles restent internes) des actions (qui sont illégales et nuisibles). Un pédophile abstinent se situe dans cette zone où les pulsions existent mais ne se traduisent pas en comportements.

Le programme« Custody-based Intensive Treatment (CUBIT) »est un programme de traitement intensif pour les délinquants sexuels à risque modéré àé levé, mise en œuvre par les Services correctionnels de Nouvelle-Galles du Sud (NSW) en Australie.
Il cible ceux à risque modéré à élevé et vise à les aider à ne pas récidiver après leur libération, en fournissant un traitement intensif pendant l’incarcération. Le programme est géré par Corrective Services NSW, une division du Département de la Justice et des Communautés, et s’inscrit dans une stratégie plus large de réduction de la récidive et de réintégration des délinquants.
Structure et séances
Le programme dure environ 10 mois, avec des sessions hebdomadaires. Une étude mentionne que des changements ont été apportés en 2005, notamment l’adoption d’un format de groupe « ouvert » (rolling group) plutôt que « fermé », permettant une flexibilité accrue et une réduction des taux d’abandon (les participants peuvent rejoindre ou quitter le groupe à des moments différents, favorisant une continuité dans le traitement.)
Une publication académique de 2008 par Jayson Ware et David A. Bright, intitulée « Evolution of a Treatment Programme for Sex Offenders: Changes to the NSW Custody-Based Intensive Treatment (CUBIT)« , mentionne que le programme a évolué pour mettre l’accent sur les caractéristiques positives des thérapeutes, en s’éloignant d’une livraison trop « manualisée » de la thérapie cognitivo-comportementale. Cela suggère une approche plus relationnelle, où la dynamique entre le thérapeute et le participant joue un rôle clé, en complément des techniques standardisées.
Efficacité et résultats
Plusieurs études ont évalué l’efficacité de CUBIT, avec des résultats variés :
  • Une étude de 2016 par le Bureau de recherche et de statistiques sur le crime (BOCSAR), intitulée « Does the Custody-based Intensive Treatment (CUBIT) program for sex offenders reduce re-offending? » (Does the Custody-based Intensive Treatment (CUBIT) program for sex offenders reduce re-offending?), a examiné 386 délinquants masculins libérés entre 2000 et 2010. Elle a trouvé que les participants ayant complété CUBIT avaient une récidive générale réduite de 13 points de pourcentage par rapport aux non-participants, mais aucun impact significatif n’a été observé sur la récidive pour des infractions sexuelles spécifiques.
  • Une autre source, un article datant de 2018, mentionne qu’une étude de 2016 a révélé que 12 % des participants ayant complété CUBIT ont commis une infraction sexuelle prouvée dans les cinq ans suivant leur libération, contre 25 % des personnes éligibles mais n’ayant pas participé (Sentencing Options for Sex Offenders (NSW)).
Ces résultats soulignent une complexité dans l’évaluation de l’efficacité, avec des divergences selon les méthodologies et les types de récidive étudiés. La recherche semble pencher vers une réduction de la récidive générale, mais l’impact sur les récidives sexuelles reste incertain, ce qui reflète les défis inhérents à l’évaluation des programmes de traitement des délinquants sexuels.
Évolution et adaptations
Le programme CUBIT est un effort significatif pour traiter les délinquants sexuels à risque élevé en NSW, avec des indications qu’il réduit la récidive générale, bien que son impact sur les récidives sexuelles reste débattu. Les séances incluent probablement des thérapies de groupe et des éducations, mais les détails précis manquent dans les sources publiques. Le cadre théorique semble s’appuyer sur des approches cognitivo-comportementales, avec des adaptations récentes pour améliorer l’engagement. Pour une description complète, il serait nécessaire de consulter les documents officiels ou de contacter les Services correctionnels de NSW.

Pour aller plus loin:

De la difficulté d’évaluer les programmes… 

Syndey morning Herald: « Il leur a simplement dit « ce qu’ils voulaient entendre » : doutes sur la réussite d’un programme destiné aux délinquants sexuels à haut risque »

« Keith Charles Thorne avait déjà passé des années en prison pour avoir agressé sexuellement un jeune homme sous la menace d’un couteau lorsqu’il en a attiré un autre dans un cimetière du nord de la Nouvelle-Galles du Sud en lui promettant de fumer de l’herbe.

Il avait suivi des centaines d’heures de thérapie de groupe dans le cadre du Custody-based Intensive Treatment program (CUBIT), un programme destiné aux délinquants sexuels à risque modéré ou élevé, avant sa sortie de prison en 2003.

Mais comme il l’a admis après avoir abusé sexuellement du jeune homme dans le cimetière, il avait simplement dit aux psychiatres « ce qu’ils voulaient entendre ».

Thorne s’était joué d’un programme thérapeutique controversé qui, depuis près de vingt ans, aide à déterminer si les violeurs et les pédophiles sont remis en liberté.

Les personnes qui s’inscrivent à CUBIT ont plus de chances d’être libérées sur parole, a déclaré Peter Severin, commissaire de l’administration pénitentiaire, à un tribunal cette année.

L’administration pénitentiaire affirme que ce programme, qui coûte 1,4 million de dollars par an, est la meilleure pratique au monde et qu’il s’appuie sur des données probantes issues de méta-études internationales de grande envergure.

Mais il n’est pas certain qu’un traitement psychologique de ce type puisse réformer un délinquant sexuel.

« Si seulement c’était vrai, mais c’est fantaisiste », déclare le psychiatre judiciaire Jeremy O’Dea.

En mai, l’auditeur général de la Nouvelle-Galles du Sud a constaté l’absence d’évaluations à l’appui des programmes de thérapie des services correctionnels.

L’année dernière, une étude sur les statistiques criminelles n’a trouvé « aucune preuve » que CUBIT réduisait la récidive sexuelle, critiquant les méthodes d’une étude précédente qui avait constaté une forte baisse.

Cette année, la Grande-Bretagne a supprimé ses thérapies de groupe actuelles après avoir constaté qu’elles augmentaient légèrement la récidive sexuelle, peut-être en raison de la normalisation des fantasmes déviants.

Par ailleurs, la revue médicale indépendante Cochrane n’a trouvé aucune preuve solide que les interventions psychologiques permettaient d’éviter la prison à un plus grand nombre de délinquants sexuels. En l’absence de nouveaux essais urgents pour tester l’efficacité des interventions, « la société se laisse séduire par un faux sentiment de sécurité en pensant qu’une fois l’individu traité, son risque de récidive est réduit », écrivent les auteurs de l’étude.

Dans le même temps, les détenus sont remis en liberté sous surveillance communautaire à condition de subir une « castration chimique », un titre accrocheur pour les suppresseurs de testostérone. Mais ces derniers ont également été attaqués pour manque de preuves et un opposant affirme que les juges ont été induits en erreur en croyant qu’ils fonctionnaient.

Les lacunes importantes de la recherche soulèvent une question troublante sur la politique du gouvernement : les délinquants sexuels libérés sont-ils traités mais inchangés ?

Deux études, deux histoires très différentes

La prison Long Bay de Sydney accueille CUBIT depuis 1999, gérant des dizaines de détenus à la fois dans des unités spéciales. Au cours de quatre séances par semaine, pendant neuf à douze mois, ils discutent avec des psychologues et entre eux de ce qui les a poussés à commettre des délits, de leurs problèmes d’alcool et d’autres drogues, et de leurs attitudes antisociales.

Ils apprennent les mécanismes d’adaptation et planifient la vie saine et responsable qu’ils pourraient mener à l’extérieur. Il s’agit d’une thérapie cognitivo-comportementale, du même type que celle utilisée pour traiter la dépression et l’anxiété, qui met l’accent sur la prévention des rechutes.

Deux études ont examiné CUBIT et ont donné des résultats très différents.

Une étude réalisée en 2010 par Corrective Services et évaluée par des pairs a révélé que les délinquants sexuels qui ont suivi le programme ont récidivé à un taux de 8 %. Selon l’outil statistique utilisé par les auteurs, ce taux est de 26 % pour les délinquants non traités présentant le même profil de risque.

Les résultats suggèrent un programme exceptionnellement réussi, qui sauverait de nombreux enfants, femmes et hommes de crimes horribles.

« Il s’agit certainement d’une première recherche prometteuse », déclare le coauteur David Bright, aujourd’hui professeur agrégé de criminologie à l’université Flinders.

M. Bright reconnaît les limites de son étude (notamment la petite taille de l’échantillon et la durée limitée du suivi) tout en affirmant qu’elle aboutit à la même conclusion que les méta-études internationales. Par exemple, une étude réalisée en 2002 par des chercheurs nord-américains a révélé une diminution de 28 % de la récidive chez les délinquants sexuels ayant bénéficié d’un traitement psychologique.

La deuxième étude sur CUBIT, publiée l’année dernière par le Bureau des statistiques et de la recherche criminelle de la Nouvelle-Galles du Sud, n’a rien trouvé qui ressemble à la baisse de 70 % enregistrée par la première étude. Elle n’a constaté aucune baisse.

La seconde étude a critiqué le profil de risque de la recherche des services correctionnels, qui est basée sur des échantillons canadiens et britanniques. Mais elle met en garde contre la possibilité de conclure fermement à l’inefficacité de CUBIT, compte tenu de la petite taille de son propre échantillon.

« BOCSAR a fait de son mieux dans les circonstances actuelles », déclare Danielle Matsuo, directrice des programmes nationaux de l’administration pénitentiaire.

Interrogée sur la supériorité de l’étude de l’administration pénitentiaire, Danielle Matsuo refuse de se prononcer, invoquant la difficulté de comparer des méthodologies « pommes et oranges ».

Elle affirme que CUBIT est basé sur « les meilleures preuves dont nous disposons » à partir de méta-études à grande échelle, permettant à de nombreux délinquants de changer d’attitude, et que les décisions de libération conditionnelle prennent à juste titre en compte la participation.

« Le simple fait d’incarcérer quelqu’un sans lui fournir de programmes et de services peut en fait avoir un effet plus préjudiciable, c’est-à-dire augmenter le risque qu’il court.

Il est notoirement difficile d’étudier la récidive des délinquants sexuels. Peu d’études de référence – essais contrôlés randomisés – ont été menées dans le monde. Le fait de priver les prisonniers de traitement pour créer un groupe de comparaison expérimental pose des problèmes éthiques.

De plus, contrairement à l’image du délinquant sexuel qui commet de nouveaux crimes dès qu’il en a l’occasion, le taux de récidive est faible par rapport à d’autres délits. Il est donc plus difficile de déceler des effets statistiquement significatifs.

Mais l’auditeur général de la Nouvelle-Galles du Sud, tout en constatant que les services correctionnels s’appuient sur des recherches internationales « solides », a demandé des réévaluations indépendantes de tous les programmes. « Les services correctionnels de la Nouvelle-Galles du Sud ne disposent pas de suffisamment de preuves pour démontrer que la participation à un programme réduit la récidive », indique le rapport.

Des psychopathes lisses qui fondent en larmes »

Plusieurs grands psychiatres légistes de la Nouvelle-Galles du Sud sont particulièrement critiques à l’égard des interventions purement psychologiques.

« L’industrie du traitement des délinquants sexuels, que je qualifie d’industrie, est comme le complexe militaro-industriel, elle a sa propre vie », déclare Olav Nielssen, maître de recherche à l’université de Sydney. « Je peux vous dire qui réussit bien dans CUBIT : les psychopathes lisses qui pleurent à chaudes larmes, qui peuvent faire semblant d’être contrits, qui font tous les devoirs et qui disent qu’ils sont désolés ».

Nielssen a beaucoup plus confiance dans les médicaments anti-libido « d’une efficacité redoutable», qu’il a prescrits à 20 ou 30 patients en plus de la psychothérapie traditionnelle.

Les services correctionnels soutiennent l’utilisation de médicaments anti-libido, destinés à réduire la libido des patients, pour un groupe sélectionné de délinquants à haut risque. Au cours de l’année écoulée, 15 prisonniers ont reçu le médicament Androcur, le seul disponible dans le cadre du programme de prestations pharmaceutiques.

Maurice van Ryn, l’ancien patron du fromage Bega emprisonné pour des délits de pédophilie, a déclaré à un médecin que les médicaments l’avaient libéré de ses pulsions sexuelles déviantes. « La tragédie de tout cela, c’est qu’on ne voit pas de publicités à la télévision [qui disent], si vous êtes ainsi [sexuellement attiré par les enfants], vous pouvez faire quelque chose pour y remédier », a-t-il déclaré.

Jeffrey Wayne Davie, un pédophile en série qui utilisait sa position chez les scouts pour cibler ses victimes, a accepté de commencer un cours.

En mai, le juge Stephen Rothman de la Cour suprême a autorisé Jeffrey Wayne Davie, qui présentait un « risque très élevé de récidive (sans médicaments) », à être remis en liberté dans le cadre d’une ordonnance de surveillance prolongée, à condition qu’il commence à prendre les médicaments un mois auparavant.

« En l’absence d’un traitement anti-libidineux efficace, la surveillance qui pourrait être exercée dans le cadre d’une OSE serait insuffisante pour atténuer suffisamment le risque associé à sa libération », a estimé le juge Rothman.

Mais les médicaments anti-libido ont aussi leurs sceptiques.

Une méta-analyse des études sur les délinquants sexuels juvéniles, publiée dans le British Medical Journal, a mis en évidence des « faiblesses majeures dans les preuves scientifiques » pour les interventions psychologiques et médicales.

L’étude Cochrane sur les médicaments anti-libido a révélé que les preuves d’une réduction de la récidive sexuelle étaient « rares » et « médiocres ».

Psychiatre légiste avec 25 ans d’expérience, O’Dea dit avoir traité plusieurs centaines de délinquants sexuels en Australie et à l’étranger avec des médicaments anti-libido.

« J’utilise l’exemple des eunuques, des anciens harems », dit-il. Les cheiks ne mettaient pas les eunuques à l’écart, ne leur donnaient pas un discours sévère et ne leur disaient pas : « Maintenant, je ne veux plus que vous vous mêliez des affaires de mes dames », mais ils les castraient. Ils les ont castrés ».

Selon M. O’Dea, l’étude Cochrane est bien connue pour son approche conservatrice, excluant presque toutes les recherches à l’exception des essais contrôlés randomisés.

Il cite des études sur la castration chirurgicale en Europe continentale datant de la première moitié du XXe siècle et un certain nombre d’études cliniques récentes qui suggèrent que les anti-libidons sont efficaces. Et puis, il y a sa propre expérience clinique.

J’ai vu de nombreux patients, en particulier lorsqu’ils prenaient des médicaments anti-libidinaux, dire : « Pour la première fois de ma vie, je suis libéré de ces pulsions sexuelles intrusives et pénibles et je me sens tellement mieux pour cela ».

Cependant, Chris Ryan, psychiatre à l’université de Sydney, affirme que les médecins sont particulièrement mal placés pour évaluer l’efficacité de leurs propres prescriptions, tandis que les études sur les médicaments anti-libido sont « presque universellement mauvaises ».

« Plusieurs juges ont été persuadés que cela garantirait la sécurité du public, alors qu’il n’y a aucune preuve à cet égard », déclare-t-il. « Je considère que ces praticiens induisent le tribunal en erreur.

Maggie Hall, avocate pénaliste et criminologue à l’université Western Sydney, estime que les médecins prescrivent un médicament aux effets secondaires parfois graves, notamment des problèmes de foie, sans disposer de preuves pour le justifier. « Je ne sais pas comment ils peuvent vivre avec le serment d’Hippocrate », dit Hall.

Les services correctionnels affirment qu’ils travailleront avec l’agence de statistiques BOCSAR pour réévaluer continuellement les programmes, y compris CUBIT.

De retour en prison pour l’agression du jeune homme dans le cimetière, Thorne a suivi pour la deuxième fois le programme qu’il avait manipulé auparavant, se présentant comme un participant « proactif ».

Mais après avoir replongé dans la drogue après sa libération en 2012, il a confié à un conseiller qu’il avait envisagé de commettre une agression sexuelle sur un autre homme.

Sa libération conditionnelle ayant été révoquée, Thorne a été renvoyé en prison. Il a réintégré la société avec des ordres de surveillance mis à jour en mars dernier – traité deux fois, sa réhabilitation n’est pas claire.