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Véronique LE GOAZIOU (fev 2014) Sortir de prison sans y retourner : Parcours de réinsertions réussies

goaziouLa surpopulation carcérale pose de façon aigüe la question de la réinsertion des personnes qui séjournent en prison. Beaucoup d’éducateurs, de visiteurs de prisons, de magistrats, de responsables des collectivités territoriales, d’avocats partagent une conviction : le travail de réinsertion est indispensable si l’on veut éviter que l’univers carcéral devienne un cercle infernal dont on ne sort que pour le retrouver après un bref passage en dehors. Dès lors, comment se donner les moyens de réussir ce pari ?
Beaucoup d’ouvrages permettent de connaître les processus qui conduisent un individu à être privé de liberté. On connaît moins en revanche les facteurs qui conduisent des personnes situées dans les marges sociales et ayant fréquenté la prison à se réinsérer. Ce livre propose d’éclairer cette dimension en mettant l’accent sur les parcours de réinsertion de personnes ayant connu la prison. Comment s’effectue ce retour à la vie normale ? Comment la perspective d’y parvenir ou, au contraire, l’anticipation de l’échec est-il perçu et pensé par des ex-détenus ou des ex-exclus qui ont entrepris une telle démarche ? Selon eux, quelles sont les conditions pour y parvenir, les appuis nécessaires, les passages obligés, mais aussi les freins, les obstacles ou les limites ?
En se basant sur les savoirs vécus de ces personnes, cet ouvrage permet de mieux comprendre ce qu’implique et ce qu’engage un parcours de réinsertion sociale. En valorisant les réussites, en repérant les appuis nécessaires et les passages obligés sans minimiser les obstacles, ce livre ouvre une perspective. Il redonne son véritable sens à la peine qui vise non à enfermer la personne dans le délit qu’il a commis mais au contraire à lui donner les moyens de retrouver toute sa place dans la société.

Fruit d’une longue enquête de Véronique Le Goaziou (chercheuse associée au CNRS, Laboratoire Méditerranéen de Sociologie), ce livre donne la parole à des hommes sortis de prison. Ils racontent leur parcours de réinsertion et mettent en évidence ce qui les a conduits à retrouver une place dans la société. Leurs récits, mis en perspective par un sociologue, permettent à ceux qui les accompagnent de mieux ajuster leurs pratiques.

Sortir_de_prison_sans_y_retourner_Le_Goaziou_2014.pdf

Sylvain CHATELET (2014) « Si on ne veut rien faire pour les longues peines, il faut le dire clairement »; Dedans Dehos n°23 « Projet de réforme pénale :  aussi indispensable qu’inabouti »; Mars 2014

Durant sa détention à la centrale d’Arles, Sylvain Chatelet a pu observer les effets positifs d’une gestion particulière dans cet établissement, favorisant la consultation des détenus et leur participation à la vie collective. Il demande la généralisation de ce modèle, plaide aussi pour la réduction de l’échelle des peines et la suppression des périodes de sûreté, qui rendent vains les efforts de réinsertion des condamnés à de longues peines. Des sujets soulevés lors de la conférence de consensus et ignorés par le projet de réforme pénale. Suscitant chez les détenus « frustration et incompréhension ».

« Même ceux qui font le plus les cadors vous prennent la main si vous la leur tendez. Il n’y en a pas un qui n’ait envie de changer de vie. »

La loi devrait affirmer un droit à la réinsertion, dans tous les types d’établissements pénitentiaires. Qu’il soit clair que la fonction de la prison est de réinsérer les gens, pas de fermer la porte, prendre la clé et la jeter ! Dans la plupart des centrales, on vous donne une cellule et on vous dit de vous démerder, de ne pas ennuyer l’administration, de faire votre vie tranquille et ça ira très bien. Ce n’est pas un hasard si ce sont des détenus d’Arles qui ont été choisis pour participer à la conférence de consensus. Depuis la réouverture de la centrale en 2009, la direction a essayé de mettre en place un autre type de gestion. Par exemple, j’ai été à l’initiative, avec l’ancien directeur, de la mise en place des « détenus facilitateurs ». Leur rôle est d’être attentifs aux autres, d’intervenir en cas de difficulté pour atténuer les conflits entre détenus ou avec des surveillants. Souvent les détenus ont une attitude de rejet vis-à-vis de l’administration. Mais avec un autre détenu, ils parlent toujours. Je leur expliquais : « si tu as un problème, tu viens me voir, on boit un café, tu m’exposes ton problème et je verrai de quelle manière je peux intervenir pour toi ». Au début, certains ont pensé qu’il s’agissait de « prévôts ». Progressivement, notre rôle a été compris et accepté.

Quelles sont les autres spécificités à Arles ?

La direction organise des journées de formation animées par des intervenants extérieurs – sur la criminologie, les addictions, la réforme pénale, etc. On se retrouve en comité restreint, dont les facilitateurs, et parfois des personnels pénitentiaires acceptent de participer. Ces rencontres se déroulent dans une pièce à part et le repas est pris en commun. Certains détenus n’ont pas partagé un repas depuis dix ans, ils ont l’habitude de manger en cellule en 5 minutes. Il n’y a pas une seule journée de formation dont je n’ai vu des participants sortir sans être transformés. Je pèse bien le mot : un véritable changement s’effectue en eux, une dynamique se met en place, ils voient les choses autrement et ils se montrent tels qu’ils sont. A Arles, ils font aussi rentrer des chevaux. Le contact avec ces animaux, ça vous renvoie à ce que vous ressentez, votre façon d’être, on ne peut pas tricher. Il y aurait beaucoup à dire encore sur ce qui est fait dans cette centrale. De manière générale, si vous coupez les gens de toute forme de rapports sociaux, vous en faites des animaux. Si vous essayez de garder le contact avec quelque chose qui se rapproche de l’extérieur, c’est plus facile ensuite de les remettre dans le monde réel. J’espère que ces actions importantes vont se répandre dans les autres centrales.

Article OIP Sylvain Chatelet

Parce que la prison n’arrive pas qu’aux autres, des anciens détenus racontent comment elle est arrivée dans leur vie.

Un blog en partenariat avec l’Observatoire international des prisons (OIP), dans le cadre de leur campagne « Ils sont nous ».

Des témoignages chaque semaine, sur le très intéressant blog dédié de Rue89

Dedans Dehors n°80 (juin 2013)  Dossier « Ils sont nous » Parcours de vie d’anciens détenus

 » La prison voudrait nous faire croire que l’homme qu’elle contient ne nous ressemble plus», écrivait le fondateur de l’OIP, Bernard Bolze. Pour lutter contre cette dissolution de l’homme dans le prisonnier, il faut accepter de regarder de plus près les parcours singuliers des personnes cachées derrière les termes génériques de «délinquant» ou «détenu». Vouloir comprendre comment, derrière des statistiques et des faits divers, se forge un parcours délinquant. Comment, au croisement de facteurs personnels et sociaux, la prison survient dans une existence. Et enfin voir les traces qu’elle y laisse…

Cinq personnes ayant connu la prison ont accepté de parler. De leur vie avant, pendant et après. Chacune livre de son parcours un aperçu nécessairement subjectif, dont les creux et les zones d’ombres disent autant que ce qui est exposé. Autant d’histoires que de personnes, pour tenir à distance lieux communs et idées reçues, pour échapper à toute tentative de simplification. Comment Marie-Hélène, coiffeuse, née dans une famille « très normale » bascule en quelques minutes dans le meurtre de l’homme qui la maltraitait. Comment Olivier, cadre bancaire, devient un multirécidiviste incapable de lutter contre ses « failles psychologiques ». Comment Virginie, trouvant dans l’alcool un refuge contre la misère et la maladie, atterrit en prison pour ne pas avoir su respecter son obligation de soins. Comment Yazid et Philippe, qui ont très tôt connu la prison, sont finalement devenus consultant en prévention urbaine pour l’un et animateur sportif pour l’autre. L’exercice, inspiré de la technique du récit de vie, contribue à ce que chacun se réapproprie son histoire. Ce regard des intéressés sur leur propre cheminement donne chair aux statistiques… et tord le cou à bien des préjugés.

Ne pas être réduit à sa délinquance passée
« Je m’en suis sorti, affirme Philippe, parce que j’ai voulu prouver que je pouvais ne pas être réduit à ma délinquance passée ». Pour le chercheur écossais Fergus McNeill (in «Les sorties de délinquance», 2012), « la sortie de délinquance est une question de rédemption personnelle, pas forcément dans le sens spirituel ou théologique du terme, mais plutôt au sens de trouver une façon de réparer un passé troublé et troublant en participant de façon positive à la vie de la famille ou de la collectivité ».  Le déclic, pour Yazid, vient lorsque témoignent en sa faveur le maire de sa commune et « plusieurs personnes, venues dire que je n’étais pas un ‘irrécupérable’. C’était la première fois de ma vie que j’entendais que je pouvais être un type bien ». Ce processus sera facilité s’il est reconnu par les autres, et plus particulièrement par les autorités ayant condamné l’acte, entérinant un « dés-étiquetage ». « Il ne suffit pas que pour s’amender une personne accepte la société conventionnelle, il faut également que la société conventionnelle reconnaisse le changement intervenu chez cette personne », souligne le chercheur Shadd Maruna. Une interaction dont témoigne Yazid Kherfi, qui apporte la preuve «qu’on peut avoir été délinquant et changer, quand le regard posé sur vous change ».

Lire le récit de vie de Yazid Kherfi

Désigné comme un « bon à rien » dans sa famille, puis à l’école, Yazid Kherfi a trouvé dans la bande de jeunes «voyous» une seconde famille, un moyen d’exister et d’être valorisé. Après 15 ans de vols et braquages, il est devenu animateur social, puis consultant en prévention urbaine. Il interpelle institutions et professionnels sur la nécessité d’entendre l’appel au secours des jeunes délinquants des quartiers.
yazidkherfi.pdf

Lire le récit de vie de Marie-Hélène

Après avoir subi les violences de son conjoint pendant 18 ans, Marie-Hélène s’empare une nuit de la carabine qu’il garde, chargée, au pied de son lit, et le tue de plusieurs coups de feu. Elle vit son arrestation puis sa détention comme un « soulagement ». Condamnée à dix ans d’emprisonnement, elle est désormais en libération conditionnelle. Mais c’est au tour de son fils d’être incarcéré…
mariehelene.pdf

Voir le dossier complet sur le site de l’OIP

Voilà que même LCI parle de la désistance… qui aurait parié là dessus il y a trois ans…?

« Prendre le problème par le côté positif plutôt que par la négative »…

La désistance est le processus qui consiste à abandonner un parcours de délinquance. Des chercheurs ont décelé plusieurs facteurs déclencheurs. Alors que l’objectif de la réforme Taubira, dont le contenu sera décidé ce vendredi, est la lutte contre la récidive, cet axe de recherche vient alimenter le débat.

La désistance, c’est tout ce qui amène un homme à abandonner la voie de la délinquance et non tout ce qui amène un homme à récidiver. La plupart des études sur le sujet sont anglo-saxonnes. Depuis quelques années, elles se développent timidement en France. « C’est un paradigme plus enthousiasmant que celui de la récidive, indique à MYTF1News Martine Herzog-Evans (1), professeure de droit et de criminologie à l’université de Reims. On ne cherche plus seulement à comprendre pourquoi les condamnés retombent dans la délinquance, mais comment ils en sortent ».

Les études montrent en effet que les taux de criminalité sont au plus haut à la fin de l’adolescence et diminuent avec le temps. L’âge moyen de l’arrêt de la délinquance est de 28 ans. « Tous les éléments de sociabilisation, de stabilité et de maturation cérébrale sont là, explique Martine Herzog-Evans. Souvent à 30 ans, les délinquants ont d’autres envies. »

« Après l’arrêt de la délinquance, le condamné se retrouve souvent seul »

Alors comment se couper de sa « bande » ? Sans surprise, avoir un logement et un travail, favorise la réinsertion. « L’emploi permet aux délinquants de ne plus se définir comme condamnés, mais comme des travailleurs », indique la chercheuse. De ce point de vue là, le travail à temps complet est plus efficace que le temps partiel car « lorsque les copains viendront klaxonner le soir, ils seront trop fatigués pour aller voler des voitures. »

« Pour sortir de la délinquance, une des premières choses à faire est d’apprendre à dire non à ses amis, explique Martine Herzog-Evans. C’est difficile car dans la désistance, le condamné se retrouve souvent seul. »

Désistance, trois ans loin de la délinquance

D’autres facteurs, plus intimes et peu étudiés en France, ont un rôle essentiel, comme la vie de couple et le mariage. « Les délinquants ont souvent des problèmes affectifs donc la rencontre amoureuse peut s’avérer déterminante, reconnaît Yazid Kherfi. Cela permet de choisir sa femme plutôt que ces copains ». Déménager ou restaurer les liens familiaux sont d’autres axes importants de la désistance, toujours avec le même souci d’éloigner les délinquants de leur univers amical.

L’arrêt de la délinquance est un processus long, qui dépend de la volonté de la personne, des circonstances, mais aussi du système pénal. « Nous n’avons jamais la certitude que les gens ne retomberont jamais dans la délinquance, concède Martine Herzog-Evans. On considère que la désistance s’installe vraiment quand la personne n’a pas commis de délit ou de crime pendant trois ans ».

Un manque de moyens humains et financiers

D’où l’importance d’une prise en charge après l’incarcération, la récidive ayant souvent lieu dans les premiers mois de la sortie de prison. « Dès que l’on met des gens en prison, ne pas travailler sur la réinsertion n’est pas acceptable, dit la chercheuse. En France, on le fait très peu, mais je ne jette pas la pierre à l’administration pénitencière car elle manque de moyens financiers et humains. »

L’article complet sur lci.tf1.fr

maurinComment briser cette mécanique infernale dans laquelle « le fait divers » réactive les peurs primaires de l’opinion publique ? Comment restaurer la justice dans son véritable rôle protecteur, les magistrats dans la dignité de leur fonction et les services de probation dans leur finalité réintégratrice ? Selon nous, en réactivant l’esprit critique, en entretenant un devoir d’exigence intellectuelle dans les réponses pénales apportées. Car le « laxisme » ne provient pas du recul du « tout carcéral » mais d’une pensée à court terme faisant abstraction des apports de la recherche. C’est dans cet esprit que le Garde des Sceaux, Madame TAUBIRA, impulsait en septembre 2012 une conférence de consensus pour la prévention de la récidive : « L’opinion a été intoxiquée par un discours sommaire, qui consiste à dire que chaque délinquant est un criminel en puissance qu’il faut enfermer. Est-ce que dans ce pays, les gens ont renoncé au raisonnement et à l’intelligence ? Ne peut-on pas débattre du sens de la peine, du fait que le tout-carcéral augmente le risque de récidive ?

C’est avec cette philosophie que nous avons souhaité, dans ce premier dossier d’information « La recherche au service de la Probation », faire un état des lieux, non exhaustif, des recherches relatives au processus de sortie de la délinquance. La fascination exercée par « le risque », la « dangerosité », entraîne une focalisation médiatique et politique sur ceux de nos concitoyens qui réitèrent. La récidive est ressentie comme une pandémie des sociétés modernes, un mal endémique contre lequel il convient de se protéger par tous les moyens. Pourtant, s’il y a peu de consensus en science sociale et encore moins en criminologie, il est au moins un point non contesté, la délinquance n’est qu’une étape transitoire dans le parcours de vie. Les travaux menés par l’école de la désistance ont ainsi montré que le processus de sortie était présent chez tous les délinquants même persistants. En interrogeant les désistants, ces études permettent de percevoir les facteurs qui supportent ou facilitent les sorties de délinquance. Elles font entrevoir de nouvelles clés de compréhension et des axes innovants d’intervention. En définitive l’école de la désistance nous oblige à repenser la place du contrevenant et la question du traitement de la déviance au sein de notre société.

Sommaire

  • I- L’émergence de la désistance dans le champ d’étude criminologique (Par Noëlie BLANC CPIP)
  • II- Un processus naturel et dynamique (Par Yann MAURIN CPIP)
  • III- Les facteurs exogènes de la désistance (Par Yann MAURIN CPIP)
  • IV- Les facteurs psychologiques de la désistance (par Yann MAURIN CPIP)
  • V- L’interaction de facteurs externes et internes (Par Noëlie BLANC CPIP)
  • VI- L’impact de l’incarcération sur le processus (Par Noëlie BLANC CPIP)

 

RECHERCHE et PROBATION

  • Sur le même thème voir le film « indispensable » qui présente les théories de la desitance, réalisé par l’IRISS (2012), intitulé  The Road from Crime (Vost)

 

Nous avions rencontré Lila KAZEMIAN le 14 et 15 février 2013, à Paris, à l’occasion de la Conférence de Consensus pour la Prévention de la Récidive, dans laquelle elle intervenait en qualité d’expert au sujet des prédicteurs de désistance.

Elle nous avait fait part, lors d’une discussion, de son projet de recherche au sein de différents établissements pénitentiaires parisiens. Cette étude, qui s’inscrit dans une recherche comparative avec d’autres pays, avait pour but d’explorer les mécanismes de réinsertion sociale mis en œuvre en milieu carcéral. Afin de mieux cerner les obstacles à la réinsertion, le projet devait explorer différentes dimensions rattachées aux caractéristiques sociales et psychologiques des détenus, aux perceptions de la qualité des services de réinsertion disponibles en prison, ainsi que les conditions nécessaires à une réinsertion sociale après le retour à la vie libre.

Focus sur une Recherche en cours