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FRANCE CULTURE (2022) Inceste et les Violences Sexuelles: Prise en charge

janvier 5th, 2022 | Publié par crisostome dans AICS

FRANCE CULTURE, Série documentaire LSD (2022) l’Inceste

La perception sociale et culturelle de l’inceste a évolué au fil des siècles. « Au Moyen Âge, l’inceste était considéré comme un acte consenti et non comme une violence sexuelle imposée à l’enfant. Dans la société patriarcale du XIXe siècle, on faisait peu de cas des atteintes à l’intégrité morale des enfants violentés. Le déni et la loi du silence dominaient. »

Mais comment la société n’a-t-elle pas saisi plus tôt l’impact de cette monstruosité ? Comment a-t-elle laissé faire l’inceste ?

On sait désormais qu’entre 5 et 10% des Français ont été victimes de violences sexuelles dans l’enfance, le plus souvent dans la sphère familiale. Pourtant, le système juridique est gravement défaillant. 70% des affaires d’inceste sont classées sans suite. De nombreuses autres aboutissent à un non-lieu. 1% seulement des auteurs d’inceste sont sanctionnés pénalement. Première cause, la lenteur des enquêtes, mais aussi la non-reconnaissance de la parole des victimes. Pourtant, il s’agit bien d’un crime. La caution du déni, l’aliénation parentale, sont des concepts qui marchent et des mécanismes qui disent aussi quelque chose de la société que l’on fait.

Aujourd’hui, la reconnaissance de cette violence incestueuse et l’affirmation de l’enfant comme sujet de droits nous feraient-elles espérer la fin de la domination et de la toute-puissance ? Va-t-on enfin être capable d’être dans la culture de la protection, d’anticiper les faits par le repérage systématique et de pouvoir recueillir la parole des victimes ? En immersion à la brigade de la famille, en pleine audition de victimes de la CIIVISE, au CHU de Montpellier, en prison ou autour d’une table familiale, les mots sont dits. Vont-ils enfin être entendus ?

Une série documentaire de Johanna Bedeau eMarie-Laure Ciboulet.

Épisode 1 : La loi du silence

 L’inceste serait un « tabou », un acte interdit qui toucherait au sacré ou à l’impur et dont la transgression, rare, serait tenue secrète, au risque de polluer la société. »

Stop !
Stop ! Crédits : mrs – Getty

La perception sociale et culturelle de l’inceste a évolué au fil des siècles. “ Au Moyen Âge, l’inceste était considéré comme un acte consenti et non comme une violence sexuelle imposée à l’enfant “. “ Dans la société patriarcale du XIXe siècle, on faisait peu de cas des atteintes à l’intégrité morale des enfants violentés. Le déni et la loi du silence dominaient “.

Mais comment la société n’a-t-elle pas saisi plus tôt l’impact de cette monstruosité ? Comment a-t-elle laissé faire ? Le philosophe Marc Crépon, explique que “notre imaginaire collectif, toutes nos institutions et depuis très, très longtemps reposent sur la croyance que la famille est un espace de protection“ et poursuit-il “c’est pour ça, que dans le cas de l’inceste, le poids du silence est plus terrible que nulle part ailleurs. Il y a un redoublement du silence parce que le piège est le suivant : non seulement la famille, cet espace-là, nous détruit, mais on se sent pris en otage de cette destruction elle-même en ne voulant pas du même coup détruire la famille“.

Aujourd’hui la reconnaissance de cette violence incestueuse et l’affirmation de l’enfant comme sujet de droits nous feraient-elles espérer la fin de la domination et de la toute-puissance ? Une toute-puissance dont témoignent les victimes : “ ce qui m’écrabouillait, c’était son pouvoir et son abus de pouvoir sur nous. Ça veut dire que lorsqu’il dépassait les bornes sexuellement, c’était de la même manière qu’il dépassait les bornes dans toutes les situations de la vie, “ et qu’analyse l’anthropologue Dorothée Dussy, “ l’inceste sert à inculquer de façon violente, mais massive et radicale les rapports de domination. “

Une plongée dans l’histoire de ce crime généalogique sous le poids du secret pour interroger la

manière dont il prospère dans les silences familiaux, les peurs des enfants et les sentiments destructeurs de culpabilité.

Un documentaire de Johanna Bedeau et Marie-Laure Ciboulet.

Épisode 2Police justice au cœur du déni

La caution du déni, l’aliénation parentale, des concepts qui fonctionnent et des mécanismes qui disent aussi quelque chose de la société que l’on fait.

On sait désormais qu’entre 5 et 10% des Français ont été victimes de violences sexuelles dans l’enfance, le plus souvent dans la sphère familiale. Pourtant, le système juridique est gravement défaillant. 70% des affaires d’inceste sont classées sans suite. De nombreuses autres aboutissent à un non-lieu. 1% seulement des auteurs d’inceste sont sanctionnés pénalement. Première cause, la lenteur des enquêtes comme le rappelle l’avocate Cécile De Oliveira : “ Là où la justice devrait être vraiment perfectible, c’est dans les délais de traitement de ces affaires“. Cette lenteur, comme en témoignent les victimes est une souffrance supplémentaire : “ Moi en l’occurrence, je suis mort émotionnellement. J’ai eu une anesthésie émotionnelle de 11 ans et demi, jusqu’à mes 34 ans au sortir du procès le 29 mai 2013. “

Un autre problème est la non-reconnaissance de la parole des victimes. Pourtant, il s’agit bien d’un crime, pour Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, “ la justice, actuellement, n’est pas capable ou ne veut pas protéger les petits enfants qui parlent d’inceste. “ Alors que rappelle-t-elle “ ce qui est fondamental au départ, c’est l’audition de l’enfant, parce que c’est par l’audition de l’enfant que le magistrat va décider ou non de poursuite “, par ailleurs, elle souligne l’importance de la formation des policiers : “ Il faut que les policiers, les gendarmes soient formés et je ne dis pas seulement formés, il faut qu’ils soient volontaires pour faire ça, qu’ils aient envie de le faire. “

Edouard Durand juge pour enfants et co-président de la CIIVISE, constate également un dérèglement au niveau judiciaire : “ La mise en pratique de la loi reste insuffisamment protectrice. L’immensité des classements sans suite des plaintes déposées pour des violences sexuelles faites aux enfants et le nombre extrêmement faible de condamnations montrent que les agresseurs bénéficient, quoiqu’on dise d’un système d’impunité. “

Mais pourquoi la justice française a tant de mal à croire les victimes ? Pourquoi lorsqu’une mère porte plainte, on ne la croit pas, et on la culpabilise ?

C’est l’histoire d’une mère qui est mal reçue par justice. Une très longue histoire parmi tant d’autres.

Un documentaire de Johanna Bedeau et Marie-Laure Ciboulet.

Épisode 3 : Prendre en charge les agresseurs

Quelle est la prise en charge possible pour des hommes considérés comme dangereux ?

Homme derrière une vitre de pluie
Homme derrière une vitre de pluie Crédits : Vandervelden – Getty

Au CHU de Montpellier, dans l’unité de soins Urgence et Post-Urgence Psychiatrique de l’hôpital Lapeyronie, des patients viennent en consultations spécialisées et répondent aux questions du Dr Lacambre.

Dans ce centre ressource pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles toute l’équipe tente d’apporter des soins pour les personnes présentant des déviances ou perversions sexuelles. Linda Tromeuleue, psychologue clinicienne évoque leur profil : “ Si je reste sur une approche psychologique, ce qui est constaté, c’est un problème narcissique de très, très grande envergure chez quasiment chacun d’entre eux, ce sont des sujets souvent très égocentriques, très centrés sur eux-mêmes, rigides, qui ne critiquent pas leur manière de voir et d’appréhender les choses. “ Par ailleurs, elle ajoute que ces sujets “ ont un rapport pathologique au secret. On pourrait même dire à la vérité. Si bien d’ailleurs que lorsque nous les prenons en charge, ils se taisent. Ils dissimulent, ils minimisent, ils banalisent. “

Outre les entretiens individuels et la thérapie de groupe certains sont aidés de médicaments anti-androgènes, ou via une reprise de parole avec la famille. Ouvert depuis une dizaine d’années, le service assiste à des demandes qui ne cessent d’augmenter, en 2021, plus de 400 personnes ont été suivies. Ainsi, le Dr Mathieu Lacambre explique : “ Il s’agit de patients qui sont orientés soit par la justice ou après une condamnation pour avoir commis une infraction à caractère sexuel depuis la cyber pédopornographie jusqu’à des agressions sexuelles sur mineurs ou des viols. Et puis, on a une petite portion congrue qui est en train d’augmenter progressivement, d’année en année, de patients qui viennent spontanément. “

En France, cette clinique de la prévention, au carrefour de la psychologie et de la criminologie, est compliquée à mettre en marche, tant il existe des réticences de la société à s’occuper des agresseurs comme le confirme la psychiatre Magali Bodon “ Bien sûr qu’il faut prendre en charge les auteurs pour qu’il y ait moins de récidives, qu’il y ait moins d’actes et moins de victimes. Mais, je crois que très honnêtement, il y a quelque chose de l’ordre d’une résistance. Ça passe moins bien de s’occuper des auteurs quand même. “

Un documentaire de Johanna Bedeau et Marie-Laure Ciboulet.

Épisode 4Enfin une prise de conscience collective

On dit souvent aux victimes d’inceste « il faut parler », mais n’est-ce pas d’abord à la société et aux professionnels de l’enfance de provoquer cette parole ?

Mains devant les yeux de l'homme et de femme surpris de bouche
Mains devant les yeux de l’homme et de femme surpris de bouche Crédits : adl21 – Getty

Est-on en train de vivre un moment historique ? “ Va-t-on enfin être capable d’être dans la culture de la protection, d’anticiper les faits par le repérage systématique et de pouvoir recueillir la parole des victimes “ s’interroge Edouard Durand juge pour enfants et co-président de la CIIVISE. Va-t-on réussir à voir ce que l’on ne voulait pas voir : ces criminels incestueux qui comme le dénonce Pierre Levy Soussan expert psychiatre, “ ont réussi à s’invisibilité, ont profité de toutes les failles, y compris de l’idéologie : de l’idéologie de certains juges, de l’idéologie de certains élus. Ils ont abusé de nos points aveugles. Le tabou de la violence sexuelle parentale n’a d’égal que le totem du lien biologique. “

Dans un bureau du ministère de la santé, dans un foyer ou en pleine audition de victimes dans une ville de France, Edouard Durand et Nathalie Mathieu recueillent la parole pour mieux soigner et protéger. La société va-t-elle enfin prendre conscience de l’ampleur des violences sexuelles pendant l’enfance et la gravité des traumatismes éprouvés par les victimes ?

Au cœur de cette commission il y a le recueil des témoignages pour mieux protéger les victimes. Mais il y a aussi la construction d’un meilleur savoir, pour les pouvoirs publics et pour la société, pour mieux comprendre le phénomène et surtout mieux le repérer. Des enquêtes, des recherches, et un programme de prévention pour éviter que ne continue ce que constate la psychiatre Muriel Salmona : “ Tout est fait pour que les victimes ne puissent pas parler. La majorité des victimes de ces violences sexuelles sont hyper traumatisées. Avec des mécanismes de survie qui sont extrêmes, donc en état de choc traumatique continuel, “ une parole trop longtemps mise de côté comme en témoignent souvent les victimes : “ j_’ai quand même beaucoup parlé, beaucoup parlé, sans être entendu_“.

Telle sera la mission de la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants dans laquelle notre documentaire sera plongé.

Un documentaire de Johanna Bedeau et Marie-Laure Ciboulet.

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