La délinquance routière est un contentieux de masse, aux dommages sociétaux considérables.
Mais elle reste un objet encore trop peu étudié par la criminologie.
Nonobstant, cette thématique ressurgit sous la forme d’un débat public sur le traitement de ces infractions, de ces infracteurs et des victimes.
La Première ministre a présidé, lundi 17 juillet 2023, le Comité interministériel de la sécurité routière aux côtés du ministre de l’Intérieur et du garde des Sceaux.
- faciliter la vie des usagers de la route,
- améliorer nos dispositifs de prévention,
- mieux détecter et sanctionner ceux qui conduisent sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool.
Tous les détails dans le dossier de presse:
Il me semble que le débat s’est aussi accéléré, outre l’affaire Palmade, avec la mort du fils du cuisinier étoilé Yannick ALENO, fauché alors qu’il était arrété à un stop, par un conducteur ivre et sans permis qui l’a percuté.
Une émission de France Inter était consacrée à cette affaire, avec la présence notamment de la mère de la victime et du VP de la ligue contre les violences routières qui évoquait en juin dernier ce projet de qualification « d’homicides routiers »
Pour écouter cette émission très intéressante et « nécessaire » :
Voici qqs extraits de l’argumentaire avancé sur le site de France Inter :
« Tuer quelqu’un en roulant beaucoup trop vite, en ayant bu de l’alcool, en ayant consommé des stupéfiants, en consultant son portable, en adoptant des comportements virilistes ne relèvent absolument pas de l’homicide involontaire vous diront les proches des victimes de ces violences routières.
En 10 ans, 30 000 vies fauchées. Soit l’équivalent de la ville de Lens. Sans oublier les 200 000 blessés annuels dont 16 000 gravement.
Ce matin, je pense particulièrement à mon camarade de colonie de vacances, Patrice Bonfarnuzzo, tué par un chauffard, à l’âge de 14 ans, le 6 janvier 1989…
- Comment expliquer tous ces comportements routiers qui tuent ?
- Pourquoi des comportements virilistes causent autant de dégâts ?
- Comment se mobiliser pour qu’existe enfin un homicide routier ?
Avec pour en parler :
Alain Mergier, consultant sociologue, sociologue et sémiologue Alain Mergier, fondateur du cabinet Wei.
Jean-Pascal Assailly, psychologue, expert pour le conseil national de sécurité routière, chargé de rechercher honoraire à l’Université Gustave Eiffel. Chargé de recherche en psychologie du développement, docteur en psychologie de l’enfant.
Lucile Peytavin conférencière et essayiste, auteure de « Le coût de la virilité, ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes » (éd. Anne Carrière, mars 2021).
Isabelle Mescam Alléno, Association Antoine Alléno Agir pour protéger nos enfants. Le 8 mai 2022, Antoine Alléno disparaissait tragiquement à l’âge de 24 ans, victime d’un acte de violence mortel qui n’aurait jamais dû être commis. Sa famille et ses proches ont décidé de transformer leur douleur en une énergie constructive, pour aider et agir.
Jean-Yves Lamant, vice-président de la Ligue contre la violence routière.Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, la conduite en état d’ivresse reste la deuxième cause de mortalité sur les routes. Les excès de vitesse sont la première cause et dans les accidents mortels, 12 % des conducteurs contrôlés étaient positifs aux stupéfiants. Qu’est-ce qui pousse à rouler trop vite, à dépasser les vitesses maximales autorisées de façon inappropriée ? Les excès de vitesse ont de multiples causes, mais il y en a un en particulier qui conditionne tous les autres : les stéréotypes hommes/femmes attachés à la conduite.
84 % des accidents mortels sont provoqués par des hommes au volant
La vitesse s’est longtemps construite comme une expression même de la virilité, la vitesse en tant que jouissance et prise de risque pensées par les hommes au volant comme un facteur de virilité. C’est d’autant plus significatif que Lucile Peytavin nous apprend que 84 % des accidents mortels sont liés à la conduite d’un homme : « L’immense majorité des responsables de la violence routière sont des hommes. Le premier critère qui définit le profil des délinquants et des criminels routiers, c’est le sexe et dans l’immense majorité des cas, le sexe masculin. Et cela, quelle que soit la tranche d’âge, le milieu social, le niveau d’éducation, le plaisir de la vitesse, la voiture qui est conduite. C’est 75 % du total des accidents, 90 % des personnes condamnées pour conduite sans permis et 78 % des morts sur la route. Dans ces mêmes conditions, les femmes et sous l’emprise de l’alcool, ne vont pas prendre le volant« .
La masculinité toxique et le virilisme en cause
La route est depuis très longtemps le théâtre d’affirmation, d’éducation à la virilité et des stéréotypes hommes/femmes. La persistance invraisemblable aussi bien chez les hommes que chez les femmes, quels que soient les milieux sociaux et culturels, des représentations, stéréotypes où l’homme est considéré comme celui qui a la maîtrise du volant, et les femmes non. Or, nous explique le sociologue Alain Mergier, ce sentiment de maîtrise est un facteur de prise de risque considérable. Il pointe du doigt les comportements associés à des stéréotypes masculins comme la résistance à se faire doubler sur la route ou le fait de minimiser les effets de l’alcool sur la conduite : « L’automobile est un fétiche masculin. À partir de ce moment là, l’automobile devient une des façons de se construire en tant que masculin, en tant qu’homme« .
Selon Lucile Peytavin, tant que les politiques publiques n’auront pas cette variable-là en tête, la prévention, les mesures resteront inefficaces : « Il faut aller contre une éducation à la virilité, combattre les rapports de domination à la source, dès l’enfance, pour freiner les prises de risque au volant, comme dans la vie des hommes en général d’ailleurs puisqu’ils ont 2 à 3 fois plus de risques que les femmes de mourir de façon prématurée. Il y a, dès le départ, un comportement à risque que l’homme cultive depuis son enfance qu’il faut apprendre à défaire« .
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