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La Médiation Animale en Contexte Pénal : Un Outil de Réinsertion Efficace ?

février 19th, 2025 | Publié par crisostome dans MEDIATION ANIMALE

La Médiation Animale en Contexte Pénal : Un Outil de Réinsertion Efficace ?

Des programmes de médiation animale sont déployés dans les prisons pour faciliter la réinsertion des détenus . Aujourd’hui les programmes sont tellement différents qu’il est difficile de les comparer réellement, et d’en tirer des meta-analyse methodologiquement solides. Donc l’ensemble des résultats compilés jusqu’à presents sont au mieux « prometteurs », mais non consolidés « EBP » (for now…).

Réduction des Comportements Violents

Une étude menée par Harkrader, Burke et Owen (2004) dans des établissements pénitentiaires américains a démontré que les détenus participant à des programmes de dressage canin présentaient une diminution significative des actes violents et un renforcement de leur sens des responsabilités. Ces activités favoriseraient également l’acquisition de compétences sociales essentielles pour la vie en communauté

« Les programmes de formation en détention peuvent concerner les chiens guides, les chiens auditifs et les chiens d’assistance. Les chiens d’aveugle sont utilisés pour aider les malvoyants et les chiens auditifs pour aider les sourds et les malentendants. Les chiens d’assistance aident les personnes souffrant d’un handicap physique qui limite ou entrave leurs mouvements. En outre, il existe des programmes pour animaux dans les prisons qui prennent des animaux qui seraient autrement euthanasiés et les confient à des détenus, qui leur apprennent les rudiments de l’obéissance, ce qui les rendra plus attrayants pour les familles qui les adopteront. Grâce à ces programmes de dressage de chiens, les détenus apprennent la responsabilité, la patience, la tolérance et les compétences en tant que dresseurs d’animaux. Les chiens constituent également un lien entre les détenus et les gardiens et réduisent les conflits entre les détenus et le personnel. (…)

L’un des nombreux avantages des programmes de dressage de chiens pour détenus est qu’ils permettent d’établir d’excellentes relations publiques au sein de la communauté. Ces programmes donnent à la communauté l’occasion de voir les détenus faire de bonnes actions. Nancy Bouchard, ancienne commissaire adjointe de la DOC du Maine, a déclaré au Blethen Main Newspapers que les programmes de dressage de chiens pour détenus donnent à ces derniers « l’occasion de regarder à l’extérieur d’eux-mêmes et d’apprendre à donner de façon désintéressée ». Bien que l’impact des programmes de dressage de chiens pour détenus sur la récidive n’ait pas fait l’objet d’études formelles, une telle transformation chez un détenu offre une excellente occasion d’introspection et sert de motivation puissante pour avancer dans sa vie et réussir à l’extérieur à sa sortie de prison.

Selon le site Web du projet « Prison Dog », les détenus « apprennent la responsabilité, la patience, la tolérance, ainsi qu’à être de bons dresseurs avec gentillesse et amour » et les chiens servent de « pont entre les détenus et les gardiens » et contribuent à apporter un « sentiment général de calme dans l’environnement institutionnel ». C’est ce qui s’est passé au Joseph Harp Correctional Center, un établissement de moyenne sécurité situé à Lexington, dans l’Oklahoma. Le programme a permis de réduire le nombre d’incidents agressifs dans la prison et d’observer un changement marqué chez les détenus chroniquement déprimés et reclus. Les responsables de la prison ont examiné les effets des chiots sur leur unité de santé mentale en comptant le nombre d’incidents agressifs quatre mois avant l’arrivée des chiots dans la prison et en le comparant au nombre d’incidents agressifs quatre mois après l’instauration du programme. Selon l’article de 1991 de Corrections Today, « Pet Therapy : Program Lifts Spirits, Reduces Violence in Institution’s Mental Health Unit », par Marcia Haynes, il y a eu un total de 68 incidents agressifs dans les quatre mois précédant l’arrivée des chiots, dont 12 étaient des altercations physiques. Quatre mois après l’arrivée des chiots dans la prison, il n’y a eu que 39 incidents agressifs, dont seulement six étaient des altercations physiques. Cela représente une diminution de 43 % du nombre total d’incidents agressifs. Bien que le personnel de la prison ait noté qu’un nouveau psychologue engagé pendant la durée de l’étude avait été bénéfique pour les détenus de l’établissement, l’article indique qu’il ne pouvait pas nier que les chiots avaient eu un impact profond sur la baisse des niveaux d’agression dans la prison.

Un dernier point de discussion concerne les avantages que les programmes d’élevage de chiots en prison peuvent apporter aux détenus qui cherchent un emploi après leur incarcération. Outre les compétences de base en dressage de chiens qu’ils acquièrent, les détenus peuvent acquérir des compétences plus poussées et chercher un emploi en dehors de la prison en travaillant avec des animaux. Après avoir travaillé avec des chiots au Coleman Federal Correctional Complex en Floride, une détenue purgeant une peine de 16 mois pour fraude bancaire a obtenu un certificat d’assistance vétérinaire et a l’intention d’obtenir un certificat de technicien vétérinaire de deux ans après sa libération. Avec de telles preuves de réussite, il est clair qu’un programme de dressage de chiens pour détenus bien géré peut être une expérience bénéfique pour les détenus, les établissements pénitentiaires et la société dans son ensemble.(Todd Harkrader; Tod W. Burke; Stephen S. Owen (2004) Pound Puppies: The Rehabilitative Uses of Dogs in Correctional Facilities)

 

Développement de l’Empathie

Selon les travaux de Furst (2006), interagir avec des animaux permettrait aux personnes incarcérées de restaurer leur capacité à créer des liens émotionnels sains. Les animaux agissent comme des catalyseurs d’empathie, un élément clé potentiel pour réduire les risques de récidive.

Les résultats de l’enquête ont révélé que la plupart des États disposent de PAP (prison-based animal programs) et que la plupart d’entre eux utilisent un service communautaire faisant appel à des chiens. Les participants sont essentiellement des hommes et la plupart des programmes ont été mis en œuvre après 2000. Les personnes interrogées ont, dans leur grande majorité, une perception positive des PAP. Le problème le plus fréquemment identifié est la réticence du personnel pénitentiaire à mettre en œuvre les PAP. (…) Lorsqu’on leur a demandé s’ils recommanderaient ce type de programme à d’autres administrateurs de prison, 60 des 61 répondants (98,4 %) ont répondu par l’affirmative. Un suivi auprès du directeur de l’établissement qui a répondu par la négative a révélé qu’il « aime le programme, mais qu’il ne génère pas de revenus, donc cela dépend de ce que vous attendez du programme » (communication personnelle, 8 avril 2005).
Dans une question ouverte, on a demandé aux répondants d’indiquer comment le programme profite aux détenus qui y participent. L’avantage le plus souvent cité est le sentiment de responsabilité que procure le fait de s’occuper d’un animal dépendant (f = 40). Une question ouverte demandait aux répondants d’identifier les aspects négatifs associés au programme – pour les détenus, le personnel ou l’établissement. La plupart (f = 42 ; 60,0 %) n’ont signalé aucun aspect négatif associé au PAP. L’aspect négatif du programme le plus souvent mentionné était la résistance du personnel à l’égard du PAP (f = 8 ; 10,1 %). Les difficultés liées aux animaux (f = 7 ; 8,9%), telles que la peur qu’ils inspirent aux gens et le désordre et le bruit qu’ils peuvent créer, et le manque de ressources (f = 7 ; 8,9%), y compris d’espace et de personnel, sont les autres aspects négatifs des programmes les plus fréquemment cités. Les contraintes ou les difficultés liées à l’administration d’un programme au sein d’un établissement fermé (f = 5 ; 6,3 %) ont également été mentionnées par les répondants.

(…) Non seulement certains des plus de 2 millions de personnes incarcérées pourraient en bénéficier, mais les programmes qui associent des détenus à des animaux sans abri permettent également d’aider un nombre démesuré d’animaux. Les animaux sans abri et les détenus sont tous deux des « populations jetables », abandonnées par une société qui ne se préoccupe pas de leur sort (et préfère qu’ils soient gardés à l’abri des regards). L’entraide entre les détenus et les animaux dans le cadre d’une relation symbiotique aboutit à une situation gagnant-gagnant. Le détenu et l’animal en bénéficient, mais aussi la communauté dans son ensemble.  Gennifer Furst (2006) Prison-Based Animal Programs: A National Survey

 

Preuves par les Méta-Analyses

Une revue systématique publiée dans Frontiers in Psychology (Kamioka et al., 2014) a évalué 27 études sur la médiation animale. Les conclusions soulignent des effets positifs sur la santé mentale, l’estime de soi et la gestion du stress, des facteurs déterminants pour une réinsertion réussie.

Dans un environnement d’étude limité aux personnes qui aiment les animaux, la TTA (thérapie assistée par l’animal) peut être un traitement efficace pour les troubles mentaux et comportementaux tels que la dépression, la schizophrénie et les dépendances à l’alcool et aux drogues, et est basé sur une approche holistique par le biais de l’interaction avec les animaux dans la nature.

Un exemple Concret : Le Prison Pet Partnership Program (États-Unis)

Ce programme, créé en 1981, associe des détenues à l’éducation de chiens d’assistance. Résultats ? Un taux de récidive inférieur de 20% chez les participantes, par rapport à la moyenne de l’état (The recidivism rate for program participants is less than 3% compared to Washington State’s rate of 22.2%).

Pourquoi y croire ?

La médiation animale ne se substitue pas aux approches traditionnelles, mais elle offre un levier complémentaire pour travailler l’humain « par » l’humain. Et si l’avenir de la justice pénale passait aussi par… des pattes et des museaux ?

https://www.youtube.com/shorts/HC0Q76s-vQs

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