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Prévalence des antécédents de victimisation sexuelle chez les délinquants sexuels

février 24th, 2025 | Publié par crisostome dans AICS
La question de la relation entre les abus sexuels subis dans l’enfance et le devenir agresseur sexuel est un sujet sensible et complexe, avec des implications importantes pour la prévention, le traitement et les politiques publiques. Les abus sexuels sur mineurs (ASM) sont un problème mondial, avec des prévalences estimées à environ 1 enfant sur 10 dans la population générale, selon des études comme celle de Darkness to Light (Prevalence of Child Sexual Abuse). Cependant, parmi les agresseurs sexuels, cette prévalence semble plus élevée, ce qui a conduit à l’hypothèse « victime-agresseur », suggérant un cycle d’abus.

Que dit la recherche?

  1. Méta-analyse de Jespersen et al. (2009): Cette étude, publiée dans Child Abuse & Neglect, a comparé les historiques d’abus sexuels chez 1 037 agresseurs sexuels adultes et 1 762 autres délinquants (Sexual abuse history among adult sex offenders and non-sex offenders: A meta-analysis). Les résultats montrent que les agresseurs sexuels sont 3,36 fois plus susceptibles d’avoir été abusés sexuellement enfants comparés à d’autres délinquants.
    • Nous avons observé une prévalence plus élevée d’antécédents d’abus sexuels chez les délinquants sexuels adultes que chez les non-délinquants sexuels (Odds Ratio=3,36, intervalles de confiance à 95% de 2,23-4,82). Les deux groupes ne diffèrent pas de manière significative en ce qui concerne les antécédents d’abus physiques (OR=1,50, 95% CI=0,88-2,56). La prévalence des antécédents d’abus sexuels était significativement plus faible chez les délinquants sexuels contre des adultes que chez les délinquants sexuels contre des enfants (OR=0,51, IC à 95%=0,35-0,74), alors que l’inverse a été constaté pour les abus physiques (OR=1,43, IC à 95%=1,02-2,02). L’hypothèse de l’abusé sexuel / abuseur sexuel est confirmée, en ce sens que les délinquants sexuels sont plus susceptibles d’avoir été abusés sexuellement que les autres délinquants, mais pas plus susceptibles d’avoir été abusés physiquement.

  1. Étude de Drury et al. (2019) : cette recherche a examiné une population quasi complète de clients correctionnels en liberté surveillée dans le Midwest des États-Unis (Childhood sexual abuse is significantly associated with subsequent sexual offending: New evidence among federal correctional clients).  
    • Résultats clés : Bien que 95 % des victimes d’agressions sexuelles ne deviennent pas agresseurs sexuels, les hommes victimes d’agressions sexuelles étaient plus de huit fois plus susceptibles que la population générale de commettre une infraction sexuelle.
  2. Étude prospective de Widom et Massey (2015): Cette étude a suivi prospectivement des cas documentés d’abus et de négligence dans l’enfance, comparés à un groupe témoin, jusqu’à un âge moyen de 51 ans. Elle a trouvé que les individus avec des historiques d’abus physique ou de négligence avaient un risque accru d’arrestation pour crimes sexuels, mais pour des antécédents d’agressions sexuelles, l’odds ratio ajusté de 2,13 n’était pas significatif (IC 95 % : 0,83-5,47).
    • Interprétation : Cette étude ne soutient pas l’hypothèse que les enfants abusés sexuellement sont particulièrement à risque de devenir agresseurs sexuels, contrairement aux victimes d’abus physique ou de négligence.
Pour estimer la prévalence, des calculs basés sur l’odds ratio de Jespersen et al. (2009) ont été effectués. Si la prévalence d’antécédents de victimisation par agression sexuelle parmi les autres délinquants est de 10 % (proche de la population générale selon RAINN, Children and Teens: Statistics), alors la prévalence parmi les agresseurs sexuels serait d’environ 27 %. Ces estimations varient, mais suggèrent que 20-30 % des agresseurs sexuels ont un historique de victimisation par agression sexuelle, ce qui est significativement plus élevé que dans la population générale.
Ces résultats soulignent l’importance de programmes de prévention et de soutien pour les victimes d’agressions sexuelles, mais il est crucial de noter que la majorité des victimes (95 % selon Drury et al.) ne deviennent pas agresseurs.
Cela indique que d’autres facteurs, comme les expériences de vie, les troubles de personnalité ou les environnements sociaux, jouent également un rôle. Les interventions devraient donc être multidimensionnelles, ciblant non seulement les victimes potentielles, mais aussi les facteurs de risque associés.
Résumé 
Étude
Année
Type d’étude
Échantillon
Résultats clés
Limites
Jespersen et al.
2009
Méta-analyse
1 037 agresseurs sexuels, 1 762 autres délinquants
OR = 3,36 pour l’ASM chez agresseurs sexuels vs autres délinquants
Hétérogénéité des études
Drury et al.
2019
Étude correctionnelle
Clients correctionnels fédéraux
Association significative entre ASM et infractions sexuelles, contrôles inclus
Population spécifique
Widom et Massey
2015
Étude prospective
908 cas, 667 contrôles
Pas d’association significative pour l’ASM, mais pour abus physique/négligence
Taille d’échantillon limitée
En conclusion, la recherche suggère que les agresseurs sexuels ont souvent été victimes d’agressions sexuelles pendant leur enfance, avec une prévalence estimée à 20-30 %, bien que cela varie selon les études et les sous-groupes. Cette association est plus marquée pour les hommes et les agresseurs contre des enfants, mais reste controversée, notamment pour les femmes. Ces résultats soulignent la nécessité d’une approche nuancée dans la prévention et le traitement, en tenant compte de la complexité des facteurs en jeu.
Sources:

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