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FRANCE CULTURE, Emission « La Grande Table » (16.02.2013) 24h Prison // A-t-on cessé de penser la prison après Michel Foucault ?

A l’occasion de la journée spéciale France Culture « 24h en prison : Surveiller, punir et après ?« .

Avec : Mathieu POTTE-BONNEVILLE; Christophe PROCHASSON; Geneviève FRAISSE

Foucault

Michel Foucault

Mathieu POTTE-BONNEVILLE :

« Surveiller et punir aura bientôt quarante ans. Ce livre est devenu un classique et c’est souvent une bonne excuse pour ne pas le lire. Il y a des travaux très importants aujourd’hui sur la prison, dans plusieurs disciplines (Gilles Chantraine, Loïc Wacquant). La réflexion a été alimentée par la recherche, la création de l’OIP. Sa charge critique reste singulière parce le geste théorique de Foucault reste très particulier dans la pensée : s’interroger sur la prison en découplant cette question soit de problèmes plus généraux (la justice, le sens général de la pénalité), soit d’ambition réformatrice plus immédiate. Il détachait la prison pour la penser en tant que telle, dans son histoire : comment s’est-elle mise en place, comment fonctionne-t-elle dans la société, comment elle jette une lumière sur la société. On s’installe de la question : on va penser en prison, agencement incroyablement stable et cette sorte d’immobilité qu’il faut penser. Pour Foucault, une réforme de la prison est possible à partir du moment où l’on installe cette question dans le débat intellectuel dans une atmosphère de critique permanente.

[…] Surveiller et punir n’est pas un livre d’histoire mais un étrange livre de combat. Il sort du groupe « Information Prison » et publie un livre qui offre un morceau de réflexion historique décroché de l’actualité immédiate. Il introduit un interstice entre les questions politiques et ce matériau discursif du passé que Foucault fait remonter pour montrer voilà ce qu’il en était et demandons-nous ce qui est en train de changer et ce que nous pouvons changer. Cet effet de coupure est consubstantiel au projet philosophique. Qu’est-ce qui s’est passé en 40 ans ? Le livre est intéressant à proportion de son décalage même qui nous ramène à notre présent.

[…] A propos d’histoire, il dit que l’ambition de reformer la prison est aussi ancienne que la prison elle-même. Sous ce couple immobile de la réforme et de la prison il y a des mutations qui pourraient aboutir à la disparition de la prison. Ce diagnostic est intéressant : la population  carcérale croît et les formes alternatives à l’incarcération se multiplient mais cela n’a pas aboutit à une disparition de la prison. Au contraire, elle est devenue le dépotoir de la crise de tous les autres milieux d’enfermement, à commencer par la psychiatrie. Il faut alors repenser une réforme qui n’accompagne pas ce devenir inexorable de la prison mais prenne en compte l’inflation carcérale. »

 

Christophe PROCHASSON : « Non, on n’a pas fini de penser la prison après Foucault. C’est certes une œuvre considérable, mais c’est aussi une œuvre qui a continué à vivre a travers d’autres auteurs. Faut-il s’interroger sur les façons dont on a pensé aujourd’hui la prison ? Gregory Salle par exemple, s’interroge : qu’est-ce que c’est que cette zone de non droit dans un Etat de droit ? Il y a ceux qui disent que la prison est d’abord un progrès, d’autres disent que la prison n’a pas les moyens de répondre à ses objectifs d’où ces volontés de réforme de la prison, ceux qui pensent qu’il y a une impossibilité d’accorder le droit avec l’univers carcéral et enfin certains affirment que la prison est irréformable, et enfin, ceux qui pensent que la prison est le lieu de la vérité de la société. Ces quatre façons d’entrer dans la prison ont été le moteur de beaucoup de recherches.

[…] Il y a toujours eu une ambigüité entre Foucault et les historiens car l’ordre de réalité qu’ils analysent est un peu différent. Chez Foucault, la prison sert à penser la société.

Si on restitue l’historie de la prison, on trouve trois fonctions distinctes : une fonction punitive, une fonction de rééducation et d’isolement. Ces trois termes vont guider l’histoire des prisons. »

Geneviève FRAISSE : « On se pose la question « et après ? » Ce livre se termine en 1840, il ouvre au penser carcéral.

[…] Il s’est passé quelque chose : le changement du fait, i.e. de quel type de crime il s’agit ? Il faut prendre la question de l’événementialisation à bras le corps. La population carcérale change et la question du sexe comme fait est tout d’un coup extrêmement présente. »

FRANCE CULTURE (14.02.2013) Emission « Le bien commun »: La prison, un lieu de soins : provocation ou réalité ?

La prison, un lieu de soins ? Ce titre sonne comme une provocation à l’heure où l’état de nos prisons fait régulièrement scandale. La prison est un lieu où l’on soigne, certainement, mais c’est somme toute une activité accessoire par rapport à la mission première de la prison qui est de contenir les corps des personnes qui y sont captives et de signifier la peine. Mais, se demandera-t-on, cette seconde fonction de la prison n’est-elle pas brouillée ? Que signifie la prison ? Ne nous en dit-elle pas plus sur nous-mêmes, qui sommes dehors, qu’à ceux qui s’y trouvent enfermés ?

La peine est un outil de communication sociale dont les innocents ne peuvent s’excepter. C’est pourquoi, à travers les soins dispensés en prison, c’est bien de l’état du corps social tout entier qu’il sera question dans l’entretien que je vous propose aujourd’hui avec le docteur Anne Lécu qui exerce en prison.

Invité(s) :
Anne Lécu, médecin en milieu pénitentiaire


FRANCE CULTURE (2013) Les prisons : inhumaines toujours?

février 16th, 2013 | Publié par crisostome dans HISTOIRE | MULTIMEDIA | PRISON - (0 Commentaire)

FRANCE CULTURE (16.02.2013) Concordance des temps: Les prisons : inhumaines toujours ?

panoptique_2En décembre dernier, l’équipe de Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de prévention de liberté – entendez, pour l’essentiel, des prisons – est sortie effarée, je cite le journal Le Monde, d’une visite à la maison des Baumettes à Marseille. Les observateurs ont constaté « l’effroyable odeur d’ordures et d’urine, des murs qui tombent en ruine, de l’eau qui ruisselle dans les bâtiments, des rats qui pullulent au point que les surveillants tapent des pieds pendant les rondes de nuit pour les éloigner. Ils ont trouvé un scorpion dans une flaque et surpris un détenu qui lapait l’eau des toilettes, lassé de réclamer depuis trois semaines qu’on répare le robinet de sa cellule. Un autre a fini par murmurer, vert de peur, qu’il était l’esclave, y compris sexuel, de ses deux codétenus. » Le contrôleur général a jugé ce naufrage assez épouvantable pour utiliser la procédure d’urgence prévue en cas « de violation grave des droits fondamentaux. » Mais les effets de cette décision demeurent, pour l’heure, fort incertains. Dans notre République, telle qu’elle est, ressurgissent régulièrement, comme par bouffées, des moments d’indignation et de honte devant une situation scandaleuse au pays des droits de l’homme. Une des dernières fois, ce fut en 2000, lorsque le médecin-chef à la prison de la Santé, Véronique Vasseur, publia un livre où elle dressait un bilan accablant des conditions de détention dans cet établissement.

Or, si l’on souhaite pouvoir échapper – peut-être… –  à une impression de fatalité, et retrouver une inspiration auprès de tous ceux qui, dans le passé, ont combattu cela, il est sûrement utile d’aller rechercher en arrière, jusqu’à l’Ancien Régime, si les prisons ont toujours été inhumaines et dans quelle mesure. J’ai la chance, dans la ligne de la série d’émissions consacrée à ce thème sur France Culture, de pouvoir le faire avec Michelle Perrot, bien connue ici grâce aux Lundis de l’Histoire, qui a consacré à ces questions (à l’origine en proximité de Michel Foucault) des travaux qui sont essentiels. Jean-Noël Jeanneney

FRANCE CULTURE (15/02/2013) Emission « Pas la peine de crier »: 24H en prison: Surveiller, punir et après? Responsabilité et incarcération des mineurs


serievideo7Aujourd’hui, un peu plus d’invités que de coutume autour de notre table. La juge pour enfants, Catherine Sultan, 
Nous avons ces derniers jours réfléchi à la définition que l’on pouvait donner de cet âge, à la représentation qu’en faisait l’art (le cinéma américain par exemple), aux souvenirs que  peuvent laisser cette époque, au rapport que l’adolescence entretient avec le savoir et l’apprentissage. Nous concluons cette semaine en posant la question du rapport à la loi cette fois. L’adolescence, si elle est ce temps de passage entre l’âge d’enfant et l’âge adulte, et qu’elle les contient tous les deux, elle est aussi cette accession à la responsabilité morale et physique des actes que l’on commet, notamment symbolisé par la majorité pénale. Comment la justice peut-elle prendre en compte, dans le même temps, l’enfant et l’adulte en devenir, à l’intérieur de l’adolescent qui agit ? Affirmer qu’il est sujet sans négliger la spécificité de mineur ? Nous le formulions lundi avec le philosophe Pierre Henri Tavoillot, la question du sens est primordiale dans cette période de préparation au passage du seuil de l’âge adulte et cette question du sens se modifie nécessairement, se radicalise lorsqu’elle est d’un coup conjuguée à  celle de l’indépendance. Elle induit que l’entreprise de justice ne puisse être séparée de l’entreprise de protection et d’éducation et questionne la société toute entière sur sa capacité à aménager l’autorité, à créer de bonnes conditions de transmission, à revoir son rapport au temps. Voilà pour la théorie. Depuis l’ordonnance  du 2 février 1945 à la façon dont la justice pour mineurs s’exerce aujourd’hui, nous allons tenter de discuter ces questions dans le concret.un éducateur et un pénitentiaire du Centre des Jeunes Détenus de Fleury Mérogis évoqueront les questions de  transmission du savoir et de responsabilité des adolescents, oui mais tout cela en prison.

Notre invitée cet après-midi, Catherine Sultan, juge pour enfant, est présidente du tribunal pour enfants de Créteil. Sur le plateau seront également présents Stanislas Lenack, éducateur rattaché à de la DPJJ (Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse), et un surveillant du CJD (Centre des Jeunes Détenus) de Fleury Merogis.

Le Journal de la culture (15/02/2013) La politique culturelle en prison donne-t-elle un sens à l’enfermement ?

FCDepuis deux ans, certaines opérations sont spectaculaires : fac-simile d’oeuvres du musée du Louvres à Poissy, peintures contemporaines de Mamadou Cissé à Fresnes, ou encore des lithographies originales de Matisse à Maubeuge en septembre dernier. Au delà de ces événements, la France a un modèle de culture en milieu carcéral unique au monde. Quand tout le monde s’intéresse à la récidive, comme cette politique s’exprime-t-elle aujourd’hui, envers ceux qui ne sortiront pas tout de suite ?

SAPROF (2009) Facteurs de protection liés au risque de violence, de Vogel V. et al., trad. française Guay J.P et al. 2011

Le SAPROF est un instrument qui a été spécifiquement conçu afin de permettre une évaluation structurée des facteurs de protection contre la violence. Développé avec une approche de jugement clinique structuré, le SAPROF se veut un complément aux autres outils visant l’évaluation du risque, comme le HCR-20, et offre une vision plus nuancée du risque de violence et de violence sexuelle. Le SAPROF vise à bonifier les pratiques actuelles en matière d’évaluation du risque de violence et contribue à proposer une vision dynamique de l’évaluation et ainsi permettre de mettre en place des stratégies d’intervention efficaces et accessibles.
Les résultats de recherches menées à la clinique Van der Hoeven aux Pays-Bas montrent de bonnes fidélité inter-juge et validité prédictive pour la récidive violente. De plus, le caractère dynamique du SAPROF fait de lui un instrument qui permet une planification et une mise en œuvre du traitement, en plus de permettre une gestion efficace du risque. Les utilisateurs du SAPROF dans un contexte de psychiatrie légale l’apprécient en raison de sa pertinence dans l’identification des cibles de traitement, de son utilité dans le suivi des étapes cruciales de l’intervention et de son rôle dans la communication du risque.
Vivienne de Vogel, Corine de Ruiter, Yvonne Bouman et Michiel de Vries Robbé (2007) ont originalement développé le SAPROF en néerlandais et ont préparé une version anglaise dès 2009. Afin de commander la documentation concernant le SAPROF, veuillez communiquer avec Forum Educatief à l’adresse suivante disc@forumeducatief.nl (www.forumeducatief.nl).

SAPROF, 17 items, À utiliser seulement en association avec le HCR-20 ou les outils d‘évaluation du risque structurés apparentés

Facteurs internes:

  •  Intelligence
  •  Attachement sécure dans l’enfance
  •  Empathie
  •  Habileté d’adaptation
  •  Maitrise de soi

Facteurs liés à la motivation:

  • Travail
  • Activités de loisir
  • Gestion des finances
  • Motivation au traitement
  • Attitudes envers l’autorité
  • Objectifs de vie
  • médication

• Facteurs externes:

  •  Réseau social
  • Relation intime
  • Soins professionnels
  • Conditions de vie
  • Contrôle externe

Feuille de cotation

Pour en savoir plus sur la définition des items, voir l’article de JP Guay et Michiel de Vries Robbié: L’évaluation des facteurs de protection à l’aide de la SAPROF

Claude-Olivier Doron (juin 2007) Gouverner la dangerosité : sur quelques légitimations de l’injonction de soin

Communication au colloque « La politique des faux semblants », Pratiques de la folie, juin 2007

Tout l’enjeu du travail thérapeutique va être justement convertir ce mode de rapport à soi sous un mode pulsionnel en un mode de rapport à soi sous un mode responsable et coder ce rapport à soi sous un mode pulsionnel comme une « résistance », une manière qu’a le sujet de se dédouaner de sa responsabilité, de « se trouver des excuses » ; on va impliquer à tout les niveaux le sujet dans le processus de soin et ainsi le responsabiliser. On désactive la problématique pulsionnelle pour passer à une problématique relationnelle. Cette position est très claire dans la prise en charge mise en place dans les SPIP et l’on comprend bien pourquoi. Le pulsionnel ne regarde absolument pas les CIP ; par contre, ils peuvent travailler sur le relationnel, où ils servent de médiateurs de la loi. « On essaye de leur faire admettre l’idée que s’ils ont agi mal, c’est qu’ils n’avaient pas suffisamment réfléchi à ce qu’ils faisaient […] leur problème, c’est l’intégration de la loi au sens fort du terme […] On s’efforce de rendre le sujet responsable de son acte, de la sanction et du suivi qui lui sont corrélatifs…

 

La présence, tout au long du suivi, d’une obligation sanctionnée par un dispositif judiciaire offre au sujet une forme « d’étayage » qui lui permet de persévérer dans sa thérapie. « La sanction ouvrant sur l’obligation, sous la forme d’une injonction pénale, prendra tout son sens : elle soutiendra le sujet dans son travail psychique, dans la peine qu’il prendra pour mettre en place puis partager les valeurs de ses contemporains. Ce travail , qui ne pourra se réaliser qu’avec un professionnel formé et averti, voit les termes de soin, de surveillance et de sanction devenir des partenaires indissociables. » En vérité, « le soin et la surveillance sont cousins germains. On conçoit mal un soin sans surveillance et une surveillance qui ne prenne pas soin sous une forme ou sous une autre. » Le thérapeute n’a donc pas à trop se préoccuper s’il occupe une fonction de surveillance ; elle coïncide plutôt qu’elle ne s’oppose à sa fonction de soignant. Quant au partage des informations entre justice et médecine, point si brûlant dans la prise en charge des AVS, il convient de l’envisager dans le cadre plus large du partage des informations entre soignants et la notion de « secret médical partagé » qui est l’un des principes décisifs de la prise en charge établi par l’ARTAAS. « On ne peut pas travailler seul avec ces sujets. ». En effet, le sujet est marqué par le clivage et le déni. Multiplier les points de vue, les instances d’observation et d’examen, autour de lui, constitue un moyen de briser ce clivage. C’est évident dans le transfert des informations entre justice et psychiatrie : le développement de « liens » entre justice et psychiatrie, dans le respect des limites déontologiques de chacun, facilite le travail thérapeutique en permettant de s’attaquer au clivage et au déni, en confrontant par exemple le sujet à la réalité des faits pour lesquels il a été condamné.

Gouverner la dangerosité

si le lien est brisé:DORON gouverner_la_dangerosite