Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
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Jean Poupart, Jean Dozois et Michèle Lalonde, Criminologie, vol. 15, n° 2, 1982, p. 7-25.

« L’expertise de la dangerosité »

L’habitude de recourir à l’expertise professionnelle repose sur les deux grandes doctrines qui ont donné naissance au système pénal occidental. Dans l’optique du droit pénal classique, il fallait, pour établir la culpabilité, que le juge puisse déterminer le degré de responsabilité morale du criminel. Toutefois, cette tâche s’avérait difficile pour certaines catégories de délinquants, tels les anormaux mentaux, et c’est sans doute à cette difficulté que les psychiatres doivent leur venue dans l’appareil de justice. Ces derniers avaient dès lors la mission d’aider le juge à évaluer la part de responsabilité que l’individu pouvait avoir de ses actes. L’avènement de la doctrine positiviste à la fin du XIXe siècleest venu renforcer le statut de l’expertise professionnelle. Selon la philosophie positiviste, il ne suffisait pas de délimiter la responsabilité du délinquant; il fallait surtout préciser son degré de dangerosité de manière à s’assurer que ce dernier soit mis hors d’état de nuire par des mesures de neutralisation, ou de réhabilitation. Le psychiatre se voyait ainsi assigner une double fonction : en plus de conseiller le juge sur la responsabilité du délinquant, il se devait également de le renseigner sur les risques sociaux de ce dernier et sur les meilleures dispositions à prendre.

http://www.erudit.org/revue/CRIMINO/1982/v15/n2/017157ar.pdf

ou si le lien est brisé:

L’expertise de la dangerosité POUPART 1982

Philippe Bessoles (dir.) , Criminalité et récidive, Évaluation. Clinique. Thérapeutique. Interculturel
« Hors collection Psychologie »

La récidive criminelle au carrefour des épistémologies cliniques, juridiques et médico-légales, Philippe Bessoles
Introduction
L’ouvrage que nous avons le plaisir de diriger s’inscrit dans l’héritage d’une collaboration déjà ancienne avec chacun des universitaires et professionnels de la clinique, du juridique et du médical contribuant à la recherche du phénomène criminel récidivant. Cet ouvrage prolonge une dynamique ancienne de travaux interuniversitaires que le Conseil scientifique de l’université Pierre Mendès France a bien voulu soutenir par le
biais du séminaire transversal sur le thème « Récidive et criminalité » (2005-2006). Ce partenariat fructueux nous a conduit à institutionnaliser ces échanges avec les universités de Nice II Sophia Antipolis (professeur Claude Miollan), Paris VII (professeur Mareike Wolf-Fédida) et Liège en Belgique (professeur Christian Mormont).  Il nous amène depuis quelques années à échanger nos interrogations de travail et à partager certains de nos enseignements. Ainsi, notre partenariat se concrétise depuis trois ans maintenant avec l’échange d’enseignants en clinique expertale entre le DESS d’expertise de l’université de Liège (Belgique) et le master Clinique option victimologie et psychocriminologie de l’université Grenoble II. Il s’ouvre aujourd’hui sur des collaborations internationales en clinique interculturelle et humanitaire en Asie du Sud-Est (Cambodge, Thaïlande, Laos, Viêt-nam, Timor. MM. Grégoire Rochigneux et Pierre Le Roux), Océan Indien (Dr Gilles Beullier. Île de la Réunion), Pacifique Sud (Polynésie, Mme Lucette Taero) et en Amérique latine (OMS. OCHA Mmes Patricia Lavagne et Raquel Zurita, Bolivie et Équateur, professeur D. Maldavsky, Argentine) à propos de la criminalité organisée et le trafic d’êtres humains. Cette collaboration interuniversitaire de recherche s’efforce de coordonner les champs épistémologiques de la clinique, du juridique, du médical, du culturel, de l’humanitaire dans ses capacités à tisser des liens heuristiques pour la connaissance des facteurs et processus criminels récidivants. Elle illustre la volonté des collaborateurs de cet ouvrage
à clarifier et à discuter les référentiels propres à leur champ de recherche dans un souci de lisibilité et de rigueur scientifique.

PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE Criminalité sexuelle et récidive, Philippe BESSOLES

Le degré de dangerosité, particulièrement flou à circonscrire tant sur le plan sémiologique que sur le plan psychopathologique, semble cependant un critère majeur pour les magistrats quand à leurs décisions d’incarcération ou de placement en structure psychiatrique (C.Mormont, 2003). La dangerosité d’une personne semble consister à sa propension à commettre des actes dangereux à l’encontre d’autrui ou de lui même. Certains auteurs ajoutent à cette définition très générique la notion d’imprévisibilité et d’incontrôlabilité (P. Scott 1977, J. A. Monahan 1981, J. A. Monahan et H. J. Steadman, 1994), incluent les menaces sans passages à l’acte (S. A. Shah, 1981, N. Walker, 1996) ou encore l’assimilent simplement à une infraction contre les personnes et les biens (C. Debuys, 1984). Deux pondérations majeures ajoutent à la complexité de la problématique : . Nous savons que les prédictions de dangerosité sont parfaitement aléatoires (C. Montandon, 1979, J. Proulx, 1993, 1996, 1999). Les travaux de J. A. Monahan (rapportés par C. Montandon, 1979 puis par C. Mormont, 2003) « indiquent que les fausses prédictions de dangerosité varient entre 54 et 99 %, que les méthodes de prédiction soient des examens psychiatriques, des tests psychologiques, des indicateurs comportementaux ou des analyses multivariées ». D’autres recherches (V. L. Quincey, 1984, D. A. Crighton, 1997, G. J. Towl et coll., 1997) montrent que « les malades mentaux ne commettent pas plus de faits de violence que la population ordinaire ». La notion de dangerosité n’est pas non plus indépendante des normes et valeurs psycho-sociales et socio-politiques, du caractère surdéterminé de ses actes médico-légaux, de la multiplicité et du caractère composite de sa psycho-genèse,… Comme le souligne C. Mormont (1988, 2003) « la dangerosité peut présenter un caractère immédiat et critique ou être une disposition dont l’actualisation peut survenir même après un long délai ». Il serait hasardeux dans un tel contexte de prédire les risques de récidive d’une criminalité quelle que soit sa qualification et, à partir de là, élaborer des stratégies y compris thérapeutiques sans avoir au préalable clarifier a minima les enjeux à l’œuvre. Sur le plan clinique, les référentiels nosographiques ajoutent à cette complexité. Les notions de « psychopathies », « paraphilies », « états-limites », « perversions », « sujets anti-sociaux », etc. complexifient l’analyse et l’évaluation des risques. Le pronostic s’avère, de fait, dépendre plus d’une probabilité incertaine ou aléatoire. La revue bibliographique montre 12 –que des individus estimés dangereux n’adoptent jamais de conduites délictueuses ni criminelles (« faux positifs ») une fois leur incarcération accomplie ; alors que d’autres (« faux négatifs ») ne présentant pas de facteurs de risques particuliers (qui restent à préciser) commettent des délits dès leur libération.

 http://www.champsocial.com/extrait-Victime-Agresseur_Tome_4,548.pdf?champsocial_panier=c9b67163c523521d436ae24701a8323f

André Normandeau et Maurice Cusson, criminologues, École de criminologie, Centre international de criminologie comparée, Université de Montréal

“Une criminologie francophone en Amérique depuis 1960: bilan et perspectives” (1996) 

Au début des années ’60, le Québec fut, dans bien des domaines, et certainement dans celui des universités, la région du monde témoignant d’un taux de développement comptant parmi les plus élevés. La marginalité, le caractère exceptionnel de la société québécoise en a été encore accentué : tout ou presque y a été possible. De nouveaux projets foisonnaient, les esprits étaient insatiables après la grande tranquillité des décennies précédentes. 11 y eut ainsi une rencontre unique entre la marginalité personnelle de Denis Szabo et la communauté québécoise. Son propre éclectisme intellectuel s’est épanoui dans un milieu en quête d’une nouvelle image de lui-même. Bâtir une nouvelle société prête à toutes les expériences pour s’aménager : voilà un de ces rares moments privilégiés de l’histoire où une telle aventure peut se transformer dans un projet collectif réaliste. C’est ainsi que la criminologie québécoise des années ’60, sous le souffle de son fondateur, Denis Szabo, s’est par la suite développée au rythme du champignon, à
l’image de la société québécoise des années ’60 et ’70 et de sa « Révolution tranquille »

La criminologie_francophone_depuis_1960

Marie-Andrée Bertrand, criminologue, Centre international de criminologie comparée, Université de Montréal , avec la collaboration de Louise L. Biron, Concetta Di Pisa, Andrée B. Fagnan et Julia McLean

PRISONS POUR FEMMES (1998) 

Des recherches antérieures ont conclu que les centres de détention pour femmes à travers le monde présentaient cinq problèmes majeurs :
1 – l’absence discriminatoire de programmes de formation et de travail; 2 – des mesures de sécurité excessives; 3 – des édifices qui ne
permettent pas le classement des détenues; 4 – la rareté d’unités pour les mères et les enfants; 5 – une localisation des établissements carcéraux qui contribue à la dislocation des liens familiaux. Plus important encore, la majorité des femmes emprisonnées pourraient être « gardées » autrement. Les cinq auteures de Prisons pour femmes ont étudié vingt-quatre prisons dans huit pays différents, les unes fermées, les autres ouvertes, observant des unités pour les mères et les enfants (en Allemagne, en Finlande et en Grande-Bretagne) ; des prisons entièrement mixtes (au Danemark) ; des ateliers et des classes mixtes (en Allemagne et en Finlande) ; des programmes d’études complets et interactifs (au Minnesota et en Angleterre), trois prisons autogérées (au Danemark et en Angleterre), le recours généralisé à la prison ouverte (au Danemark).
La conclusion est simple : 1 – 85% des condamnées pourraient être « gardées » autrement qu’en prison fermée; 2 – il existe des mesures rendant moins inéquitables les conditions de vie des femmes en prison ; on les trouve réunies à la Prison de Shakopee, au Minnesota. Si l’emprisonnement s’impose, la preuve existe qu’on peut le faire mieux, à moindre coût et avec de meilleurs résultats.

prisons_pour_femmes_partie 1

prisons_pour_femmes partie 2

Marquis Cesare Bonesana BECCARIA, Économiste et criminaliste italien (1738-1794) ,

Traité des délits et des peines (1764) 

D’après la traduction de l’Italien par M. Chaillou de Lisy, bibliothécaire, et publiée à Paris en 1773.

Ce sont ces lois, restes des siècles les plus barbares, que j’examine dans cet ouvrage, eu égard à la jurisprudence criminelle : c’est aux arbitres de la félicité publique que j’ose exposer les désordres dont elles sont la source ; le vulgaire, peu éclairé et impatient, ne sera point séduit par le style dont je les décris. Si je me suis livré à la recherche ingénue de la vérité, si je n’ai pas craint de m’élever au-dessus des opinions reçues, je dois cette heureuse hardiesse au gouvernement doux et éclairé sous lequel je vis. La vérité plait aux grands monarques, aux bienfaiteurs de l’humanité qu’ils gouvernent ; ils l’aiment, surtout quand elle est mise dans tout son jour par un philosophe obscur, quand elle se peint, non sous les traits du fanatisme, mais avec les couleurs de l’amour du bien, de ce zèle pur qui ne s’élève que contre la force tyrannique ou l’intrigue insidieuse, et que la raison fait toujours contenir. Pour qui les examinera dans tous leurs développements, les désordres qu’entraînent nos lois sont la satire et sont l’ouvrage des siècles passés, plutôt que du nôtre ou de ses législateurs, Si quelqu’un veut donc m’honorer de sa critique, qu’il commence par bien saisir l’objet de cet ouvrage, qui, loin d’avoir pour but de diminuer l’autorité légitime, ne servira qu’à l’augmenter encore, si l’opinion est plus puissante sur les hommes que la force, si la douceur et l’humanité sont faites pour consacrer les droits et l’exercice du pouvoir. Mais, comme les critiques malentendues qu’on a publiées contre moi sont fondées sur des notions confuses, elles me forcent d’interrompre un moment les réflexions que j’offrais aux lecteurs éclairés pour fermer enfin à jamais la bouche au zèle timide qui s’égare, et à la méchanceté envieuse qui distille les poisons de la calomnie sur quiconque aime la vérité, et cherche à la montrer aux hommes.

http://classiques.uqac.ca/classiques/beccaria/traite_delits_et_peines/beccaria_delits_et_peines.pdf

Maurice Cusson, Pierre Tremblay, Louise L.-Biron, Marc Ouimet et Rachel Grandmaison
CRIMINOLOGUES, ÉCOLE DE CRIMINOLOGIE, UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

“LA PRÉVENTION DU CRIME » ; « Guide de planification et d’évaluation” (août 1994)

La prévention est comme la vertu : personne n’est contre. Et tout le monde y contribue à divers degrés : les services policiers, les municipalités, les écoles, les groupes communautaires, la sécurité privée, les gouvernements…. En fait, tous les citoyens et toutes les entreprises adoptent un minimum de mesures de prudence qui relèvent de la prévention du crime. Mais que savons-nous de l’efficacité de cette activité multiforme ? Au Québec, nous n’en savons pas grand-chose ou, plus précisément, nous en savons ce que nous apprennent les recherches réalisées ailleurs : aux États-Unis, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Australie… Dans ces pays, maints projets de prévention ont subi le test d’une évaluation scientifique. Plusieurs ont passé l’épreuve avec succès, plusieurs autres ont échoué. Grâce à des évaluations répétées, un savoir s’accumule sur ce qui « marche » et ce qui ne « marche » pas en la matière. Curieusement, la francophonie est passée à côté de ce mouvement. Il est pratiquement impossible d’y trouver des évaluations scientifiques de programmes de prévention du crime. Le premier but de ce texte est de stimuler le développement de ce type de recherche.

http://classiques.uqac.ca/contemporains/ouimet_marc/guide_evaluation_projets/guide_evaluation_projets.pdf