Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
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Le crime (1/5)

Le crime politique

Sous l’Ancien Régime, tout crime est un outrage au souverain. Après la Révolution apparaît la figure du délinquant faisant alors ressortir les caractères propres du crime politique qui vise le corps du roi puis son corps symbolique jusqu’à prendre la forme d’attentats qui ciblent le corps social.

Qu’est-ce qu’un crime ?

Nous le savons tous sans véritablement le savoir. On se le représente le plus souvent comme un attentat à la vie d’autrui.

Il ne faut pas dire qu’un acte froisse la conscience commune parce qu’il est criminel, mais qu’il est criminel parce qu’il froisse la conscience commune. Emile Durkheim

Ainsi, supprimer la vie d’autrui peut être légal – sur un champ de bataille ou en pratiquant l’euthanasie. Le crime ne se réduit pas à un acte immoral – donner la mort – parce qu’il est lié à un contexte social et politique qui lui confère sa nature. Il existe une différence centrale entre le crime privé et le « crime légal » (Camus), entre le crime « encadré » et le crime solitaire, entre le crime individuel et égoïste et le crime collectif et altruiste, c’est-à-dire pour une cause. Entre ces catégories se joue un jeu subtil, chacune tentant de se différencier de l’autre, voire d’en dissimuler sa part maudite.

Derrière l’évidence morale de la réprobation unanime d’un acte, ne tarde pas à se profiler l’inquiétante fragilité de la notion de crime.

Extrait musical choisi par l’invité : « attentat verbal » par Grand corps malade.

BIBLIOGRAPHIE

Le crime (2/5)

Le crime contre l’humanité

Le crime de masse résulte d’une inversion monstrueuse de la légalité : la souveraineté non seulement ne protège plus mais devient meurtrière, massacrant une partie de son peuple, le tiers de justice se fait partisan voire bourreau lui-même. Comment s’en relever ?

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Déviance et société
la criminologie d’aujourd’hui
Jean Pinatel

Déviance ut Société. Genève, 1977, vol. I, No. 1 , p. 87-93
Tribune : Les criminologies
LA CRIMINOLOGIE D’AUJOURD’HUI
Jean PINATEL
Aujourd’hui, comme hier, l’objet de la criminologie est la genèse et la dynamique du crime. Il s’ensuit que la théorie criminologique doit fournir une définition du crime, susceptible de dégager le principe d’une approche ouvrant de vastes perspectives à une recherche conduite selon une méthodologie rigoureuse.
La question qui, à partir de là, se pose est celle des relations de la criminologie ainsi conçue avec la politique criminelle.
I. La théorie et les principes heuristiques de base A. La définition du crime et le domaine de la criminologie Crime, délit, infraction sont des termes équivalents du point de vue criminologique. L’essentiel est de bien délimiter le domaine qu’ils recouvrent. Ce qu’il faut préciser, une fois pour toutes, c’est que la criminologie ne confie pas au droit pénal le soin de délimiter son domaine. Pour qu’il y ait crime du point de vue criminologique, trois conditions sont nécessaires :
1. condition historique : il faut que le fait considéré ait été incriminé, sous des modalités variables, tout au long de l’histoire du droit pénal.
2. condition psycho-sociologique : il convient que ce fait soit considéré comme crime par les groupes qui constituent l’Etat moderne.
3. condition clinique : il faut que ce fait soit vécu comme crime par son auteur.
Dans cette perspective criminologique, le crime se traduit toujours
par l’aggression d’un membre du groupe contre des valeurs permanentes, acceptées par le groupe et dont la transgression exige un effort d’autolégitimation particulièrement intense de la part de l’infracteur.
Il suit de là que le domaine de la criminologie est restreint. En particulier, les actes et comportements qui varient dans le temps et l’espace (infractions liées à la morale sexuelle, crimes sans victime, phénomènes de déviance) ne lui appartiennent pas en propre.

B. L’approche de la genèse et de la dynamique du crime
Le principe de l’approche de la genèse et de la dynamique du crime peut être exposé à partir d’une allégorie géométrique dont j’ai trouvé l’idée chez MENDES CORREA. Imaginons un cône et plaçons au sommet l’acte criminel. Les facteurs biologiques et sociaux (du milieu personnel) en occuperont la circonférence basilaire, la périphérie de la base, la personnalité du délinquant sera au centre de la base, la situation criminelle dans laquelle le délinquant se trouve placé sera
localisée dans l’axe du cône. Des génératrices peuvent relier directement les facteurs biologiques et les facteurs du milieu personnel à l’acte délictueux, mais dans la majorité des cas, ces facteurs n’ont qu’une influence indirecte sur le crime par l’intermédiaire de la personnalité et de la situation. Il faut ajouter que ce cône est plongé dans la société globale d’où émanent des stimuli pouvant jouer une action inhibitrice ou favorisante sur les facteurs biologiques et du milieu personnel.
Ce qui résulte de cette allégorie géométrique, c’est que la personnalité du délinquant est au centre de l’approche de la dynamique du crime.

C Le modèle de la personnalité criminelle
L’instrument qui va permettre de développer cette approche est le modèle de la personnalité criminelle. Il faut préciser, afin d’éviter tout malentendu, que ce modèle ne renvoie pas à une variante anthropologique et fixiste — comme le type criminel lombrosien — . D’une part, il postule qu’il n’y a pas de différence de nature entre délinquant et non-délinquant. Seules des différences de degré ou de structure peuvent les distinguer, comme d’ailleurs elles peuvent permettre de différencier les délinquants entre eux. D’autre part, il admet que la personnalité est dynamique, qu’elle n’est jamais fixée mais toujours évolutive.
Le modèle de la personnalité criminelle a été élaboré, à partir d’une vaste exploration de la littérature criminologique. Cette exploration a permis de découvrir :

1. que certains traits de personnalité se retrouvaient dans toutes les recherches : ce sont Fégocentrisme, la labilité, l’indifférence affective et l’agressivité.
2. que d’autres traits de personnalité n’ont pas le même caractère d’universalité : ce sont les traits de tempérament (certains délinquants sont des actifs, d’autres des passifs), les aptitudes (physiques, intellectuelles, socio-professionnelles qui diffèrent selon les sujets) et les besoins (nutritifs, sexuels qui sont également affectés d’un fort coefficient de variabilité).
Ces résultats sont des faits. Ils sont susceptibles de vérification.
D. Les principes heuristiques de base
Ces faits ont été colorés d’une interprétation ayant des fins heuristiques. J’ai, en effet, posé en principe :

1. que Pégocentrisme, la labilité, l’indifférence affective et l’agressivité constituent le noyau central de la personnalité criminelle, qui détermine le passage à l’acte.
2. que les autres traits constituent les variantes ou variables de la personnalité criminelle et n’ont d’influence que sur les modalités du passage à l’acte, à savoir sa direction, sa réussite et ses motivations.
Ce faisant, j’ai doté la recherche criminologique d’un modèle spécifique permettant, d’une part, l’étude du passage à l’acte et, d’autre part, l’approche de la société globale. Il s’agit, en premier lieu, de mettre en lumière l’action et l’interaction des traits de personnalité dans le mouvement qui finit par se condenser dans l’acte criminel. Il s’agit, en second lieu, de dégager les aspects de la société globale susceptibles de favoriser et stimuler le jeu de ces mêmes traits à l’échelle individuelle.
Autrement dit, le modèle de la personnalité criminelle se situe à la charnière du clinique et du sociologique. Sur le plan clinique, il ouvre des perspectives de plus en plus fines d’analyse. Sur le plan sociologique, il permet de prendre en considération les déterminismes globaux. Sa portée heuristique n’a pas besoin, dans ces conditions, d’être soulignée.
II. La recherche à mener et la méthodologie à employer
Deux domaines doivent être distingués en ce qui concerne la recherche à mener et la méthodologie à employer, à savoir la criminologie pure et la criminologie sociale.
A. Criminologie pure
Le domaine de la criminologie pure est par excellence celui de la genèse et de la dynamique du crime. Quatre recherches doivent être menées à bien de ce point de vue.
a) Le déterminisme direct du crime
II se développe surtout à propos des actes subits et irréfléchis et met en jeu des mécanismes d’ordre psychophysiologique (colère) ou psychopathologique (alcoolisme, débilité, épileptoïdie) ou pathologique (psychose).
La recherche à mener et les méthodes à employer relèvent essentiellement de la psychiatrie criminelle, non de la criminologie pure.
Cette dernière n’est pas concernée par les types psychiatriquement définis.
b) La formation de la personnalité
II s’agit de saisir Faction et l’interaction des facteurs biologiques et du milieu personnel (inéluctable, occasionnel, choisi, subi) qui ont influencé la formation de la personnalité. La recherche peut être menée à partir d’une approche documentaire (dossiers), clinique (participation à l’observation) et expérimentale (grâce à des techniques actives, comme le psychodrame). Elle exige des précautions rigoureuses (élimination des biais tenant au langage, aux présupposés théoriques et aux
représentations sociales des praticiens). Autrement dit, les données ne doivent pas être prises telles qu’elles, mais épurées.
Du point de vue méthodologique, il faut appliquer ici la règle des niveaux d’interprétation (se limiter à rassembler les données se rapportant au sujet et laisser de côté celles concernant l’acte et le phénomène) et la règle de l’approche différentielle (il faut toujours un groupe-témoin de non-délinquants).
Sur le plan du traitement des données, il faut recourir à l’analyse statistique (analyse factorielle essentiellement) et à la présentation de biographies (études de cas).
c) Le passage à l’acte
A partir d’une situation déterminée (spécifique, non spécifique, mixte) se développe un processus criminogène (acte grave, de maturation criminelle). Ce qu’il faut rechercher c’est la spécificité de la réponse apportée par une personnalité à telle situation et la manifestation de cette personnalité dans les diverses étapes du passage à l’acte.
Autrement dit, la personnalité doit être étudiée dans le mouvement du passage à l’acte.
La règle méthodologique essentielle est celle de la primauté de la description. En dehors de l’observation directe des passages à l’acte survenus en institution, cette description ne peut être que rétrospective : c’est la grande différence entre la médecine et la criminologie. Elle repose sur l’analyse documentaire (dossier judiciaire, autobiographie du sujet) et l’investigation clinique (interview et questionnaire). Les précautions rigoureuses exigées dans l’approche de la formation de la personnalité se retrouvent nécessairement dans cette recherche. Quant au traitement des données, il doit essentiellement prendre la forme de biographies (études de cas).

d) L’influence de la société globale
Elle peut être mise en lumière par une double approche :
1. la première part de la personnalité et s’élève à la société globale;
elle recherche dans cette dernière l’existence de facteurs
susceptibles de favoriser le développement des traits personnels en
relation avec le passage à l’acte;
2. la seconde part de la société et redescend vers la personnalité; elle
recherche les mécanismes par lesquels les stimuli globaux
atteignent le milieu personnel et, à travers lui, la personnalité.
Pour ce qui concerne la première approche, il faut recourir
essentiellement à la technique de l’étude des cohortes, qui est susceptible par
la comparaison de plusieurs cohortes, de faire saisir les influences
différentes de la société globale à diverses périodes historiques.
Quant à la seconde, elle se présente avant tout et surtout comme
devant mettre en oeuvre une technique socio-culturelle de type
ethnologique appliquée à l’étude des milieux personnels et des sous-cultures
qui s’y rattachent.
L’approche statistique globale et le traitement des données qu’elle
dégage constituent dans les deux cas des explorations préalables.
En bref, sur le plan de la criminologie pure, il est possible de
prolonger la position théorique par des recherches effectives. Mais,
force est de reconnaître que les techniques dont nous disposons, ne
sont pas toujours à la hauteur des recherches que nous définissons.
B. Criminologie sociale
Elle se propose d’apporter un point de vue criminologique dans le
domaine de la pathologie sociale. Elle aborde ainsi des problèmes
généraux étudiés principalement sous l’angle de l’hygiène sociale
(alcoolisme, toxicomanies, pathologie mentale, suicide, conduites
homosexuelles et dérèglements de la vie sexuelle, prostitution, vagabondage)
ou dans la perspective de la science politique (violence, avortement,
accidents de la circulation et du travail, fraudes commerciales et
fiscales).
La méthode à suivre est la méthode différencielle. L’application du
modèle criminologique à ces phénomènes doit permettre de saisir dans
quelle mesure ils ressemblent et divergent des phénomènes délin-
quantiels fondamentaux.
Pour les techniques, il suffit de renvoyer à ce qui a été exposé à
propos de la criminologie pure.

III. Les relations avec la politique criminelle
Les relations de la criminologie avec la politique criminelle
existent dans trois champs définis : l’administration de la justice, le
traitement des délinquants et la prévention du crime.
A. Administration de la justice
L’étude de l’administration de la justice est dominée par les
techniques des sciences sociales : analyses de système, analyses de
contenu, interviews et simulations, sondages d’opinion. C’est grâce à ces
techniques que l’efficacité de l’institution, les idéologies qu’elle
véhicule, les comportements qui s’y développent (sentencing) et l’image
qu’elle reflète sont étudiés.
Ces techniques, utiles pour faire connaître le cadre des
applications criminologiques, sont insuffisantes pour mettre en lumière les
influences du milieu judiciaire (et policier) sur la personnalité des
délinquants. Elles doivent donc être complétées par un recours à la
psychologie judiciaire, aujourd’hui négligée, et aux techniques de
recherche clinique. Les processus d’étiquetage, de stéréotypie, de
stigmatisation doivent être envisagés dans cette optique clinique.
De ce point de vue, l’étude de l’administration de la justice
intéresse, non seulement la politique criminelle, mais la criminologie
pure (formation de la personnalité).
B. Traitement des délinquants
Le traitement des délinquants se propose d’exercer une influence
sur leur personnalité soit par des techniques d’entretien, soit par des
techniques de comportement. Il constitue un domaine, où des
découvertes fondamentales intéressant la criminologie pure peuvent être
faites. En particulier, le point de savoir quel est le degré d’évolution
d’une personnalité ne peut être décelé qu’à travers le traitement.
Cette recherche clinique, dont la recherche active et l’observation
clinique sont les clefs de voûte, est susceptible d’aller beaucoup plus
loin que les recherches déjà entreprises, comme, par exemple, la
recherche evaluative statistico-mathématique ou la recherche socio-culturelle
de type ethnologique menée à bien dans les prisons (communauté
carcérale).
Mais la clinique est surtout une pratique. A ce titre, des
instruments de diagnostic, de pronostic et de définition du programme de
traitement doivent être mis au point, à partir du modèle de la
personnalité criminelle. Ce dernier peut dès lors, devenir le support du concept
d’état dangereux.

En présence d’un délinquant déterminé le problème est toujours
de porter un jugement de valeur sur sa personnalité et d’émettre un
pronostic, compte tenu du traitement possible, quant à son
comportement ultérieur. C’est parce que le modèle de la personnalité criminelle
rend possible un diagnostic et un pronostic d’état dangereux que la
clinique criminologique peut fonctionner d’une manière non aléatoire.
C. Prévention du crime
C’est dans le domaine de la prévention du crime que les rapports
entre la criminologie et la politique criminelle sont susceptibles de
s’avérer les plus vastes.
La recherche qu’il convient d’entreprendre dans ce domaine doit
être basée sur le modèle de criminalité qui se développe. De ce point de
vue, l’on distingue trois grands modèles de criminalité : le modèle des
pays en voie de développement, où la criminalité est fille de la misère et
constitue une réaction biologique de survie, le modèle des pays en
guerre révolutionnaire, dans lesquels la criminalité est intégrée dans son
processus, le modèle post-industriel dans lequel l’organisation du crime
et le crime en col blanc coexistent avec la violence (violence ludique des
jeunes, violence dans la rue) et les délits liés à l’abus des drogues. Ces
trois modèles interfèrent et interréagissent, d’ailleurs, les uns sur les
autres. C’est dans la connaissance de ces modèles et de leur interaction
que réside l’objet même de la criminologie comparée.
Ce qui paraît s’imposer à nous, c’est que la politique sociale et
l’évolution politique dominent pour les deux premiers modèles
l’élaboration d’un programme de prévention. Mais ces orientations sont
insuffisantes pour ce qui concerne le troisième modèle, quel que soit, au
surplus, le régime politique en cause. C’est qu’en effet la criminalité
rattachée au développement économique et social est liée, non à un
type d’organisation politique et économique, mais au progrès fulgurant
du facteur scientifique et technique et à ses incidences d’ordre
physique, intellectuel et surtout moral. C’est parce que l’homme est
désorienté dans le monde que la science et la technique ont édifié, que
nos problèmes sont ce qu’ils sont.
Il est à peine besoin de souligner combien le modèle de la
personnalité criminelle est susceptible de mettre en lumière les aspects crimi-
nogènes de la société post-industrielle et de l’orienter vers la recherche
de nouvelles structures élaborées en partant de l’homme et de ses
besoins et susceptibles de contribuer à sa promotion.
Jean PINATEL
Société Internationale de Criminologie
4, rue de Mondovi
Paris 1er

La réforme AMOR

juillet 12th, 2018 | Publié par crisostome dans HISTOIRE - (0 Commentaire)

Mémoire de Louis Perreau (1991) 20e promotion de sous-directeurs pénitentiaire, mémoire dirigé par Christian Carlier, ENAP.

Découvrez le mémoire de Louis PERREAU sur la réforme AMOR

http://data.decalog.net/enap1/Liens/fonds/A1PER.pdf

Informations sur Paul AMOR:

Paul Amor, né le 17 octobre 1901 à Bône (Algérie) et mort le 26 août 1984 à Paris, est un magistrat et résistant français.

Premier directeur de l’Administration pénitentiaire nommé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il mène une importante réforme pénitentiaire visant à placer « l’amendement et le reclassement social du condamné » au cœur de la peine privative de liberté.

Jeunesse et études

Paul René Eliacin Amor naît le 17 octobre 1901 à Bône, aujourd’hui Annaba, en Algérie française. Issu d’une famille aisée, son père médecin et philanthrope lui transmet l’idée que l’environnement social d’un individu peut influer sur son comportement à l’égard des lois1.

Après avoir effectué son service national, il entreprend des études juridiques et obtient une licence de droit en 1925 puis un certificat de législation algérienne, de droit musulman et de coutumes indigènes en 1926. Il poursuit avec un diplôme d’études supérieures d’histoire du droit et de droit romain et un diplôme d’études supérieures de droit privé qui lui permettent de se prévaloir du titre de docteur en droit. Au cours de ses études, il devient avocat puis, le 15 août 1925, attaché au parquet général d’Alger.

En octobre 1926, il sollicite un poste de suppléant rétribué de juge de paix en Algérie. Après un voyage à Paris en septembre 1927, il obtient de la Chancellerie sa nomination à Blida. En septembre 1930, il devient juge de paix à part entière à Mondovi puis il est successivement nommé juge suppléant rétribué dans le ressort d’Alger en 1930, juge à Guelma en 1934 et substitut à Tizi-Ouzou en 1936. À cette époque, il conçoit pour les mineurs un système d’enquête sociale et une fiche de personnalité mis en place dans son arrondissement judiciaire.

Le 23 août 1937, il est nommé procureur de la République à Bayeux où le procureur général de Caen souligne ses qualités. Officier de réserve, il fait la campagne 1939-1940 dans le génie puis, après un bref passage comme délégué procureur à La Châtre en décembre 1940, reprend son poste de Bayeux le 14 novembre 1941.
Résistance, internement et évasion

Le 2 octobre 1943, Paul Amor est installé comme procureur à Laon. Il est mis en cause devant une cour martiale à propos d’une tentative d’évasion à la maison d’arrêt de Laon, survenue le 8 avril 1944, soupçonné d’avoir aidé un réseau de la Résistance2. Dénoncé, il est arrêté le 25 avril 1944 par l’intendant régional de police de Saint-Quentin et incarcéré à la maison d’arrêt de Laon. Il signe le registre d’écrou comme procureur de la République et non procureur de l’État français de Vichy1.

Après trois semaines, il est transféré à Paris et interné à la caserne des Tourelles depuis laquelle il organise des actions de résistance. Il signe de son nom un tract appelant à la révolte et s’évade seul avant de revenir chercher, le 13 août 1944, quinze de ses camarades menacés de déportation2.

Les autres résistants laonnois libérés de la prison de la Santé le 23 août 1944, il participe aux combats pour la Libération de Paris aux côtés des Francs-tireurs et partisans et de l’Organisation civile et militaire2.

Après la Libération
Le 1er septembre 1944, Paul Amor est nommé à titre provisoire avocat général près la cour d’appel de Paris et directeur de l’Administration pénitentiaire et des services de l’Éducation surveillée par François de Menthon, garde des Sceaux dans le premier gouvernement provisoire de la République française dirigé par le général de Gaulle. Sa nomination est confirmée le 30 septembre 19442.

Dès son arrivée à la Chancellerie, il se donne pour mission de réformer l’administration pénitentiaire durement affectée par le régime de Vichy afin d’améliorer le sort réservé aux détenus. Pour ce faire, il monte une commission composée de personnalités scientifiques compétentes présidée par l’avocat Jacques Charpentier, bâtonnier de Paris, et dont le secrétariat général est assuré par son ami Pierre Cannat.

Conscient des lacunes et des besoins de formation des personnels pénitentiaires, il inscrit dans sa réforme la nécessaire création d’une école technique spéciale par laquelle tout agent devra obligatoirement passer pour améliorer ses compétences. Le Centre d’études pénitentiaires et l’École pénitentiaire de Fresnes ouvrent ainsi respectivement en 1945 et 1946 afin de former le personnel des établissements ayant adopté le régime progressif3. Ces écoles sont les précurseurs de l’actuelle École nationale d’administration pénitentiaire située à Agen.

Considérant la lecture comme un outil de sa politique au service du reclassement, il contribue à la réorganisation des bibliothèques de prison.

Il est ensuite nommé représentant de la France à la Commission Internationale Pénale et Pénitentiaire à Berne 1947 et membre de la Commission de réforme du code d’instruction criminelle. En 1949, il est détaché à l’ONU comme chef de la Section de la Défense sociale, Division des activités sociales de l’Office européen des Nations unies. Avocat général puis premier avocat général près la Cour de cassation, il siège pendant huit ans (19 février 1959-19 février 1967) au Conseil supérieur de la magistrature, avant de prendre sa retraite le 17 octobre 1971.

 

FRANCE CULTURE (8/03/2018) Emission Matières à penser avec Antoine Garapon: Comment jugeait-on les fous au Moyen Âge

Nous restons pleins de préjugés sur le Moyen Âge, et encore plus lorsqu’il s’agit de justice et de folie. Contre de tels clichés, Maud Ternon montre que les juges médiévaux étaient très attachés à la preuve et plus sceptiques sur les théories de la possession qu’on ne le croit (Maud Ternon, Juger les fous au Moyen Âge dans les tribunaux royaux en France XIVe-XVe siècles, PUF, 2017).

Nicolas Derasse et Jean-Claude Vimont (2014) Observer pour orienter et évaluer. Le CNO-CNE de Fresnes de 1950 à 2010

Résumé

Au tout début des années cinquante, l’Administration pénitentiaire se dota d’un outil essentiel et primordial afin de réussir la Réforme pénitentiaire. Examiner la personnalité des détenus afin de mieux les orienter vers des établissements diversifiés était l’application concrète d’une philosophie pénale progressiste. L’article se propose de suivre l’histoire de cette institution pendant une soixantaine d’années, instititution qui a su évoluer au fil des politiques pénales afin de mettre en commun des compétences pluridisciplinaires pour orienter, mais aussi pour observer et évaluer des détenus condamnés à de longues peines. À partir des dossiers des détenus-stagiaires, il est possible également de révéler les non-dits de ces missions, les tâtonnements et les exclusions, les stéréotypes des observateurs comme les évolutions de la population observée. Individualiser les peines pour réinsérer au mieux fut l’objectif initial tout en préservant la société des risques de récidive. Préserver la société de la dangerosité de certains récidivistes semble la préoccupation contemporaine.

https://criminocorpus.revues.org/2728

https://criminocorpus.revues.org/pdf/2728

Jean PINATEL (1952) Traité de science pénitentiaire

Pinatel

Jean Pinatel

« Traitement pénitentiaire des « caractériels »:

C’est encore vers la Belgique qu’il faut se tourner. Dans un article fondamental intitulé « existe t-il un traitement du déséquilibre mental à réactions antisociales? », le Dr Vervneck constate que dans les 5 premières années de l’application de la réforme sociale, 76 seulement sur 503 déséquilibrés libérés à l’essai étaient retombés dans la délinquance. Il esquissait ensuite ce que devait être le programme de rééducation et de redressement des caractériels:

  • a) Formation de la volonté; régularité dans le travail; fermeté dans les décisions prises; obéissance; discipline;
  • b) Maîtrise des instincts, notamment de la vie sexuelle et des réactions impulsives;
  • c) Contrôle de l’imagination (crédulité; suggestibilité; mythomanie);
  • d) Education de l’émotivité: apprendre à supporter avec calme les émotions et les ennuis;
  • e) Formation au jugement: apprendre à réfléchir avant de passer à l’action;
  • f) Développement de l’affectivité et du sens moral: interêt porté à la famille; sincérité , confiance, dignité, sentiment de justice,; associer pour les enfants l’action religieuse à l’enseignement moral;
  • g) Rééducation sociale: conduite; devoirs; vertus (respect des engagements et des droits d’autrui, entraide, tolérance, respect de l’autorité)

(…) Le traitement devra être organisé avec une réadaptation progressive à la vie sociale. (pp 525)

PINATEL_1952_traité elementaire de science pénitentiaire

REVUE DE SCIENCE CRIMINELLE ET DE DROIT PÉNAL COMPARÉ (1952) , CHRONIQUE DE CRIMINOLOGIE par Jean PINATEL Inspecteur général de l’Administration, Secrétaire Général de la Société Internationale de Criminologie.

Il est aujourd’hui admis que le diagnostic de responsabilité ne présente point de valeur scientifique et que la criminologie doit s’orienter vers d autres horizons. L’un d’entre eux est le diagnostic de personnalité : depuis que la notion de responsabilité décline, celle de personnalité monte. (…) Pourtant ce mouvement enthousiaste et unanime vient d’être sérieusement , sinon arrêté du moins  troublé dans sa marche ascendante par M. E. de Greeff qui, à Bruxelles, s’est déclaré adversaire de l’introduction de cet examen dans la procédure judiciaire. Il a ajouté que si quelqu’un à l’heure actuelle affirme « qu’il peut faire des examens définitifs, on peut le considérer comme incompétent et dangereux », car, « dans ce domaine, les choses importantes changent encore tous les jours ».

Pinatel_Revue_science_criminelle_4_1952.pdf