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A quoi servent les activités en détention?

De nombreuses recherches confirment en effet que ces actions, combinées à un accompagnement global, réduisent significativement la récidive. Elles transforment les trajectoires en offrant des alternatives concrètes à la marginalisation et de ce fait confirment leur pertinence dans les politiques pénales modernes[1].

Ces actions agissent sur de multiples dimensions :

  • Réduction de l’oisiveté : Les activités structurées limitent les comportements destructeurs en détention (Bouffard et al., 2000).
  • Création de capital social : Les relations positives avec encadrants ou pairs renforcent les réseaux de soutien post-incarcération (Sampson & Laub, 1993).
  • Approche holistique : Combattre les inégalités d’accès à l’éducation, à la culture ou au sport permet de s’attaquer aux racines de la délinquance (Théorie des opportunités différentielles, Cloward & Ohlin, 1960).

Activités ludiques en prison ? L’exemple du Yoga en Milieu Pénal, un Outil Puissant pour la Réhabilitation

Et si la clé pour réduire la récidive et favoriser la réinsertion se trouvait aussi dans une pratique millénaire , qui a dès lors toute sa place en détention ?

De plus en plus d’études soulignent l’impact du yoga et de la pleine conscience dans les systèmes pénitentiaires. Voici pourquoi cette approche mérite notre attention

Les preuves scientifiques parlent d’elles-mêmes:

Muirhead, Fortune (2016) Yoga in prisons: A review of the literature
« Il a été démontré que le yoga améliore certaines variables clés liées à la délinquance (par exemple, l’impulsivité, l’agression), ainsi que des variables qui pourraient améliorer la capacité des délinquants à participer à des traitements visant spécifiquement à réduire leur risque de comportement criminel (par exemple, la dépression, l’attention, la régulation émotionnelle). (source: sciencedirect.com)

🇬🇧 Une étude menée par l’Université d’Oxford (2013) sur 100 détenus a montré que la pratique régulière du yoga réduisait significativement le stress, l’anxiété et les comportements agressifs, tout en améliorant la régulation émotionnelle (Source : prisoners-doing-yoga-may-see-psychological-benefits).

🇺🇲 Le Prison Yoga Project, fondé en 2002, a documenté des témoignages de participants soulignant une meilleure gestion des conflits et un regain d’estime de soi, essentiels pour une réinsertion réussie. (source: prisonyoga.org/ )

🇸🇪Une recherche suédoise (Kerekes et al. 2017; Yoga in Correctional Settings: A Randomized Controlled Study) conclue que : « Par rapport au groupe témoin, les participants aux cours de yoga ont fait état d’une amélioration significative de leur bien-être émotionnel et d’une diminution de leur comportement antisocial après 10 semaines de yoga. Ils ont également amélioré leurs performances au test informatisé qui mesure l’attention et le contrôle des impulsions. »

🇦🇺Une recherche Australienne (Bartels et al. 2019) sur le yoga en prison conclue que: « Nos résultats indiquent que les participants ont tiré des avantages statistiquement et cliniquement significatifs du programme, comme en témoignent les améliorations de leurs niveaux de dépression, d’anxiété, d’estime de soi, d’orientation vers un objectif, d’affect négatif et de non-acceptation. Ils ont également fait état d’une amélioration de la flexibilité, du sommeil et de la relaxation, d’une réduction de la douleur et d’une amélioration de leur bien-être mental, déclarant que le programme leur avait permis de se sentir « calmes » et « en paix ».

Dans un système souvent axé sur la punition, intégrer des approches holistiques comme le yoga permet de :

✅ Réduire les tensions et les violences en détention.
✅ Préparer les individus à réintégrer la société avec des outils émotionnels solides.
✅ Aborder la réhabilitation sous un angle préventif.

Et que dit la recherche sur la médiation animale en milieu pénal ?

Sur le plan de la recherche, les programmes sont tellement différents qu’il est difficile de les comparer réellement, et d’en tirer des meta-analyses méthodologiquement solides. Mais les résultats accumulés depuis des années sont prometteurs !

Réduction des Comportements Violents

Une étude menée par Harkrader, Burke et Owen (2004) dans des établissements pénitentiaires américains a démontré que les détenus participant à des programmes de dressage canin présentaient une diminution significative des actes violents et un renforcement de leur sens des responsabilités. Ces activités favoriseraient également l’acquisition de compétences sociales essentielles pour la vie en communauté.

« Grâce à ces programmes de dressage de chiens, les détenus apprennent la responsabilité, la patience, la tolérance et les compétences en tant que dresseurs d’animaux. Les chiens constituent également un lien entre les détenus et les gardiens et réduisent les conflits entre les détenus et le personnel. » (Todd Harkrader; Tod W. Burke; Stephen S. Owen (2004) Pound Puppies: The Rehabilitative Uses of Dogs in Correctional Facilities)

Les chevaux, étant particulièrement sensibles au langage non-verbal, exigent des participants une forme de cohérence émotionnelle. Cette caractéristique permet de travailler sur la régulation émotionnelle, un déficit souvent observé chez les personnes ayant commis des actes délictueux. L’étude de Burgon (2016) a démontré que les participants développaient progressivement une meilleure reconnaissance et gestion de leurs émotions négatives comme la colère ou la frustration.

Développement de l’Empathie

Selon les travaux de Furst (2006), interagir avec des animaux permettrait aux personnes incarcérées de restaurer leur capacité à créer des liens émotionnels sains. Les animaux agissent comme des catalyseurs d’empathie, un élément clé potentiel pour réduire les risques de récidive. (Gennifer Furst (2006) Prison-Based Animal Programs: A National Survey)

Par ailleurs, le travail en groupe autour des chevaux favorise la coopération et l’apprentissage du travail d’équipe. L’étude longitudinale de Hemingway et al. (2015) a mis en évidence comment des détenus initialement isolés développaient progressivement des capacités de collaboration à travers des tâches collectives liées aux soins des équidés.

Impact sur la récidive

La revue des études (19) sur le sujet menée par Bachi (2013) montre clairement des résultats encourageants qui nécessitent d’être consolidés :

  • Trois études ont mis en évidence une réduction des taux de récidive. Un examen des dossiers du service de probation (Chianese, 2010) a révélé que les filles qui ont participé à un programme de médiation animal  récidivaient deux fois moins que les filles qui n’avaient pas été exposées à un chiot. Celles qui ont récidivé n’ont été accusées que de violations de la probation et n’ont pas commis de nouveaux délits.
  • le programme carcéral équin « Wild Mustang Program (WMP) » au Nouveau Mexique, a également fait état d’une réduction des taux de récidive parmi les 56 hommes participant au programme (Cushing & Williams, 1995). Seulement 25 % des participants ont récidivé contre un taux de récidive moyen de 38,12 % dans l’État. Il s’agissait d’une à méthodes mixtes, composée d’entretiens qualitatifs et de méthodes quantitatives
  • Ann Hemingway & Kezia Sullivan ont mis en évidence (Grande Bretagne) une diminution des violences domestqiues post intervention avec médiation équine. (Reducing the incidence of domestic violence: An observational study of an equine-assisted intervention) (“Des réductions significatives de la violence domestique et du statut d’enfant dans le besoin ont été constatées pour les familles dont un ou plusieurs membres ont suivi et achevé l’intervention assistée par la médiation équine”)

Les chercheurs attribuent ces effets positifs à plusieurs facteurs: l’acquisition de compétences transférables (patience, constance, responsabilité), le développement d’une relation significative, et l’expérience valorisante d’être en position de « soignant » plutôt que de personne à problèmes.

[1] Voir par exemple Meek & Lewis (2014) ; UNOCOC (2020), Andrews et Bonta (2010)).

Unité de prise en charge des auteurs d’infractions sexuelles à Fresnes (FRANCE CULTURE, Emission SUR LES DOCKS, 9/12/2010)

Fresnes dans un lieu entre hôpital et prison des détenus condamnés pour infractions à caractère sexuel ont la possibilité d’intégrer au sein de l’UPH (unité psychiatrique d’hospitalisation) un programme de soins pour six mois. Ces infracteurs sexuels peuvent avoir été arrêtés pour des actes sur majeurs ou sur mineurs. En ce qui concerne les mineurs il existe en France depuis le 8 juillet 2005 un fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infraction sexuelle ou violente créé par la loi Perben II (article 48) de 2004. Sont qualifiées d’infractions : meurtre ou assassinat d’un mineur avec viol, torture ou actes de barbarie, mais encore viol, agression, atteinte sexuelle, proxénétisme à l’égard d’un mineur, recours à la prostitution d’un mineur, récidive de ces mêmes actions. L’infraction doit faire encourir une peine d’emprisonnement d’au moins 5 ans. Au 30 octobre 2008 ce fichier répertoriait selon la CNIL 43.408 personnes.Fresnes est le seul service de psychiatrie en détention à proposer des soins spécialisés de type hospitalier pour infracteurs sexuels, ce qui est réalisé depuis 1994.La session thérapeutique que Sur les Docks accompagne est la cinquième du genre, inspirée d’un modèle canadien elle a été élaborée dans le service du Docteur Bodon Bruzel. Le premier volet concerne sous le titre « connais toi, toi même » les trois premiers mois de cette session.

Avec : Magali Bodon-Bruzel , psychiatre ;Florent Gatherias , psychologue ;Isabelle , Gwenaëlle , Brigitte , Nadia , infirmières ;Brigitte Guédon , psychiatre, psychanalyste ;Bruno Hauron , Directeur du centre pénitentiaire de Fresnes;Ronan Melcus , surveillant, gradé responsable de l’UPH,et les patients. En lien avec l’administration pénitentiaire et l’hôpital Paul Guiraud

production : Irène Omélianenko réalisation : François Teste

Unité de prise en charge des auteurs d’infractions sexuelles à Fresnes, EPISODE 2 (FRANCE CULTURE, Emission SUR LES DOCKS 12/08/11)

« Je souhaiterais avoir votre accord pour subir une ablation des testicules par chirurgie. Je sais que cela se fait au Canada et c’est sans appel. De toute façon, à mon âge actuel (63 ans) je n’en souffrirai pas et cela empêchera mes tendances envers les enfants ».En 2009 cette lettre à Nicolas Sarkozy était signé Francis Evrard, condamné à 18 ans pour le viol de deux petits garçons puis récidiviste. Au Canada à l’institut Philippe Pinel dans la région de Montréal existe depuis 1979 une autre façon de concevoir la prévention de la récidive et c’est sur ce modèle que travaille depuis trois ans à la maison d’arrêt de Fresnes l’équipe du Docteur Magali Bodon-Bruzel. Durant six mois un soin est proposé à ceux qu’on appelle les infracteurs sexuels qu’ils soient agresseurs d’adultes ou de mineurs. Nous avons suivi cette expérience et après une phase de travail sur soi les détenus s’engagent trois mois plus tard sur la prévention de la récidive proprement dite.

Avec : Magali Bodon-Bruzel , psychiatre ;Florent Gatherias , psychiatre ;Isabelle , Gwenaëlle , Brigitte , infirmières ;Brigitte Guédon , psychiatre, psychanalyste ;Bruno Hauron , directeur du centre pénitentiaire de Fresnes ;Ronan Melcus , surveillant, gradé responsable de l’UPH,et les patients.En lien avec les autorisations de l’administration pénitentiaire et l’hôpital Paul Guiraud

production : Irène Omélianenko réalisation : François Teste

Film sur la Formation dans l’exécution des peines: Un film en trois épisodes, prenant le point de vue de trois enseignant·e·s, montre comment des cours sont donnés aux personnes incarcérées dans les établissements de détention. Le projet du film a été mis en œuvre par la Communication. Le tournage s’est déroulé dans la prison de Pfäffikon (Zurich), l’établissement pénitentiaire de Soleure et l’Établissement de détention fribourgeois (site de Bellechasse)

Comment faire naître des idées saines chez le détenu ?

(Leçon pénitentiaire sur la « rééducation des détenus », 1949, dispensée alors à l’école nationale supérieure de l’administration pénitentiaire, précurseur de l’ENAP. On y découvre notamment la philosophie d’intervention et la conception de la fonction de l’éducateur pénitentiaire de l’époque.  )

Pierre Cannat 1903-1998

Pierre Cannat 1903-1998

« La rééducation morale doit se faire par des contacts de sympathie entre le détenu et une personne chargée de lui apporter ce qui lui manque. Il faut énormément parler aux détenus. Jamais on ne consacrera : assez de temps, assez d’efforts assez bonnes volontés diverses à cette tâche qui est au centre même de toute transformation morale.

« Tout contact entre deux personnes a une portée éducative positive ou négative, parfois insignifiante il est vrai, rarement négligeable pour qui sait analyser les mystérieux facteurs d’influence qui, se combinant ou s’opposant, s’entrecroisent dans l’infinie variété des rapports sociaux.  Je le rencontre… Je vais parler… Il va parler… Je vais prendre une attitude… il prendra une attitude… et pas là inévitablement lorsque nous nous séparerons il y aura quelque chose de changé dans l’absolu de nos personnes. Effrayante responsabilité de chacun envers chacun pour qui a le cœur d’y songer. » (HENRY, article 1947 sur la portée éducative de l’action du JE)

Non seulement il faut se garder d’abandonner le détenu à ses pensées, mais il importe de lui suggérer des idées, de lui apporter des sujets de réflexion. Lucas disait encore : « il faut préparer leur esprit à l’ordre d’idées vers lequel on veut appeler et concentrer l’activité de leur réflexion ». Ce qui a manqué à ces délinquants, quand ils étaient dans la vie libre, c’est souvent l’influence éducative, bienfaisante, d’un ami bien choisi, d’une personne de bonne moralité capable de prendre sur eux l’ascendant.    

Dans les maisons centrales, chaque détenu doit être pris en charge au point de vue moral par une sorte de guide dont le rôle consiste à lui rendre fréquemment visite, à le suivre tout le long de sa peine pour orienter ses pensées, à gagner sa confiance, à le soutenir dans ses chutes, à l’exalter dans ses efforts, à lui parler de sa libération et de ses projets au-delà de la prison. Cet éducateur doit devenir son confident et son ami.

Il faut pour cela disposer d’un certain nombre de fonctionnaires spécialisés entre lesquels sont répartis les détenus dès leur arrivée dans l’établissement et leur mise à l’isolement cellulaire. Libéré de tout autre souci, il doit concentrer toute son activité sur les détenus dont il a la responsabilité, préparer soigneusement à l’avance les conversations qu’il aura, dans les cellules, avec chacun d’eux, demeurer longuement avec ses détenus et par un roulement régulier apporter de cellule en cellule l’apaisement de son contact.

Dégagé de tout rôle disciplinaire, uniquement préoccupé de capter par des moyens honorables la sympathie de ses détenus — on ne saurait tolérer de lui ni connivence ni démagogie – il doit être pour les délinquants que leur crime n’a pas encore entièrement noyés, la bouée de sauvetage dans le naufrage. »

 P_CANNAT_L14_reeducation_des_detenus_1949.pdf

The mission of the REFORM Alliance is to dramatically reduce the number of people who are unjustly under the control of the criminal justice system – starting with probation and parole.

To win, we will leverage our considerable resources to change laws, policies, hearts and minds.

 

https://reformalliance.com

https://youtu.be/xeaEtmFWMnI

FRANCE CULTURE (29/11/2018) La grande table:  Comment rendre une justice « humaine » ?

Peut-on défendre tout le monde? Quels représentations derrière le mot « monstre », qui nous sert à qualifier les pires criminels? Et pourquoi ne pas les défendre? Avec Thierry Illouz, avocat, romancier, dramaturge, auteur de « Même les monstres » (Iconoclaste, 2018)

Réflexion sur les figures du bien et du mal, sur les principes de justice, et d’injustice, avec l’avocat pénaliste, Me Thierry Illouz, qui publie Même les Monstres (L’Iconoclaste, 2018).

Quand « défendre, c’est épuiser l’idée du mal », chercher le pourquoi de l’acte, se mettre à hauteur d’homme, faire montre d’empathie. Car l’avocat, et c’est là ce qu’on  lui reproche souvent, prend parti pour celui qu’il défend. Alors, pour qui prend-t-il parti lorsqu’il défend un criminel, un « monstre », déjà étiqueté et condamné par l’opinion avant même de comparaître?

Je pense qu’un acte seul n’existe pas. Il est toujours dans un système de corrélation avec l’histoire des gens. J’essaye d’apporter des visages, de dévoiler, de démasquer.
(Thierry Illouz)

Car, pour Thierry Illouz, l’indulgence n’est pas une faiblesse, et le mot monstre, terme « élastique » dont on ne sait pas où il commence ni où il finit, ne saurait se justifier. Défendre des criminels et non des crimes, ne pas oublier que, parfois, avant d’être bourreau, ils ont pu être victime.

[Le mot « monstre » permet de dire :] « quelle que soit ma vie, je ne suis pas ça ». Nous sommes aussi cela, nous contenons cette possibilité.
(Thierry Illouz)

Thierry Illouz porte une analyse mêlée d’expérience personnelle, entre psychanalyse de la robe et dénonciation, en appelant aux outils du droit et de la littérature. Auteur de romans, dont La nuit commencera (Buchet Chastel, 2014), prix Simenon, en 2015, et de pièces de théâtre, dont A ma troisième robe, joué en 2012 au Théâtre du Rond-Point à Paris avec François Morel, il distingue bien les deux genres, les planches et le prétoire, rejette la justice-spectacle et continue de plaider pour la défense des monstres.

J’ai un parcours, une histoire, comme tout le monde. Elle communique avec mon travail d’avocat.
(Thierry Illouz)

Extraits sonores : 

  • Pascale Robert Diard : « On ne peut plus qualifier quelqu’un de monstrueux » (L’humeur vagabonde, 26/10/2006)
  • Eric Dupond-Moretti à la Matinale de France Inter (03/11/18)
  • Sur la fin du procès de Michel Fourniret (Journal de France Inter, 28/05/2008)

 

En France, la justice est-elle à deux vitesses, favorise-t-elle les puissants ? « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » écrivait La Fontaine dans Les Animaux malades de la peste. Quatre siècles plus tard, la justice reste-t-elle plus clémente avec les puissants qu’avec les plus pauvres ?

https://www.franceculture.fr/droit-justice/la-justice-est-elle-moins-severe-pour-les-puissants

 

Les Idées Claires : y a-t-il une justice à deux vitesses ?