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Des formations courtes pour prévenir la récidive alcool au volant ? Une étude de 10ans remet les pendules à l’heure

l’article suisse « Benefits of short educational programmes in preventing drink-driving recidivism: A ten-year follow-up randomised controlled trial » nous invite à interroger les actions proposées sur le terrain: stages, etc…

Conduire sous l’influence de l’alcool reste une cause majeure d’accidents routiers. En Suisse, comme ailleurs, une part importante des accidents mortels est liée à l’alcool. Mais comment prévenir efficacement la récidive chez les conducteurs sanctionnés pour la première fois ? Une équipe de chercheurs suisses a évalué l’impact de programmes éducatifs de durées différentes sur le risque de récidive… pendant 10 ans !

🎯 Objectif de l’étude

L’étude, menée dans le canton de Genève, visait à comparer l’efficacité de trois formats de formations sur les risques de l’alcool au volant destinées à des primo-délinquants (taux d’alcoolémie de 0.8 à 2.5 g/kg) :

  • Une série de 7 heures de cours sur une journée (format standard).

  • Une version de 4 heures, accompagnée d’un proche (ami, parent, conjoint).

  • Une formation brève de 2 heures.

🧪 Méthode

727 conducteurs ont été répartis au hasard dans l’un des trois groupes. Leur taux de récidive (nouvelle condamnation pour conduite en état d’ivresse) a été suivi via le registre national sur une durée de 10 ans. Un groupe témoin de 940 personnes n’ayant suivi aucun cours a aussi été suivi.

🔍 Résultats

✅ Les formations les plus courtes se révèlent plus efficaces à court terme :

  • Le cours de 2 heures réduit de 25 % le risque de récidive dans les 2 premières années après l’infraction (par rapport au format 7 heures).

  • Le cours de 4 heures avec un proche montre même une baisse de 47 % du risque.

❌ Mais ces effets disparaissent après deux ans : au-delà de cette période, aucun des formats ne montre d’impact significatif sur la récidive.

❗️ Pire encore : le format standard de 7 heures ne montre aucun effet clair sur le long terme, voire une tendance à augmenter la récidive par rapport à l’absence d’intervention !

📚 Ce qu’on peut en tirer

  • Plus long n’est pas forcément mieux : des formations trop longues peuvent entraîner de la lassitude, un rejet ou une banalisation du message entre participants.

  • Les messages courts, ciblés et motivants peuvent être plus percutants, notamment s’ils sont suivis rapidement après l’infraction.

  • Associer un proche peut renforcer l’engagement, mais cet effet s’estompe également avec le temps.

  • Un enjeu clé : agir vite et avec pertinence après l’infraction, pendant la fenêtre critique des deux premières années.

🧩 Conclusion

Cette étude démontre que les formations brèves sont plus efficaces à court terme pour prévenir la récidive d’alcool au volant, tandis que les formations longues classiques peuvent être contre-productives. Ces résultats appellent à repenser les politiques de prévention, en s’appuyant sur les données probantes plutôt que sur des intuitions ou traditions. L’éducation, oui — mais brève, bien pensée et dans le bon timing.

Deffenbacher Driving Anger Scale (Deffenbacher, Oetting & Lynch, 1994

 « L’échelle de colère au volant (DASL ; Deffenbacher, Oetting, & Lynch, 1994) a été développée pour évaluer la propension à se mettre en colère au volant. Les items de cette mesure ont été générés à la suite d’entretiens avec des professeurs et des étudiants sur les choses qui les mettent en colère lorsqu’ils sont au volant.

Les personnes interrogées sont invitées à imaginer que chaque situation décrite leur arrive réellement, puis à évaluer le degré de colère qu’elle provoquerait sur une échelle de 5 points (1 = pas du tout, 5 = beaucoup).

Une échelle de 33 items comprenant six sous-échelles (Gestes hostiles, 3 items [par exemple, « Quelqu’un vous klaxonne au sujet de votre conduite »] ; Conduite illégale, 4 items [par exemple, « Quelqu’un brûle un feu rouge ou un panneau d’arrêt »] ; Présence de la police, 4 items [par exemple, « Vous dépassez un radar de contrôle de vitesse »] ; Conduite lente, 6 items [par exemple, « Quelqu’un est lent à se garer et à s’arrêter »], « quelqu’un tarde à se garer et ralentit la circulation »] ; manque de courtoisie, 9 items [par exemple, “quelqu’un roule tout droit sur votre pare-chocs arrière”] ; et obstacles à la circulation, 7 items [par exemple, “vous êtes coincé dans un embouteillage”]) et une version abrégée de 14 items ont été construits à partir de l’ensemble original de 53 items.

Dans un échantillon d’étudiants, la fiabilité de l’échelle complète et de l’échelle courte était respectivement de 0,90 et 0,80, ce qui indique que les deux formes fournissent une mesure cohérente du trait général, la colère au volant. La corrélation entre la version courte et la version longue était de 0,95, ce qui indique que l’une ou l’autre des versions peut être utilisée lorsqu’un score total de colère au volant est nécessaire. »

Deffenbacher Driving Anger Scale_FR

driving Anger Scale_ENG

Deffenbacher Driving Anger Scale (Deffenbacher, Oetting & Lynch, 1994) – Short form

Instructions : Imaginez que chacune des situations décrites ci-dessous vous arrive réellement et évaluez le degré de colère qu’elle provoquerait.

Aucune

1

Pas Beaucoup

2

Un peu

3

Beaucoup

4

Vraiment beaucoup

5

 

1. Un véhicule se faufile entre les voitures.
2. Un véhicule lent sur une route de montagne ne s’arrête pas pour laisser passer les gens.
3. Quelqu’un recule devant vous sans regarder.
4. Quelqu’un brûle un feu rouge ou un panneau stop.
5. Vous passez devant un radar de contrôle de vitesse.
6. Quelqu’un accélère lorsque vous essayez de le dépasser.
7. Quelqu’un tarde à se garer et ralentit la circulation.
8. Vous êtes bloqué dans un embouteillage.
9. Quelqu’un fait un geste obscène à votre égard à propos de votre conduite.
10. Quelqu’un vous klaxonne à propos de votre conduite.
11. Un cycliste roule au milieu de la voie et ralentit la circulation.
12. Un policier vous arrête.
13. Un camion projette du sable ou des graviers sur la voiture que vous conduisez.
14. Vous roulez derrière un gros camion et vous ne pouvez pas le contourner.

Cotation : Additionnez les notes des 14 items.

Reference :

Deffenbacher, J.L., Oetting, E.R., & Lynch, R.S. (1994). Development of a Driving Anger Scale. Psychological Reports, 74, 83-91

 

Différence dans les comportements agressifs et risqués entre les conducteurs à forte colère et les conducteurs à faible  niveau de colère (J L Deffenbacher, 2000)

Les conducteurs hautement en colère commettent ces comportements agressifs significativement plus que les conducteurs peu énervés.

1. Ils se disputent davantage avec les passagers.
2. Ils se disputent avec les autres conducteurs.
3. Ils crient sur les autres conducteurs.
4. Ils font des gestes de colère et jurent sur les autres automobilistes.
5. Ils font clignoter leurs feux.
6. Ils klaxonnent les autres.
7. Ils coupent la route à d’autres conducteurs sous l’effet de la colère.
8. Ils percutent ou endommagent leur propre voiture sous l’effet de la colère.

Les conducteurs hautement en colère commettent ces comportements risqués significativement plus que les conducteurs peu énervés.

1. Ils roulent à moins de 30km/h au-dessus de la limite.
2. Ils roulent à plus de 30km/h au-dessus de la limite.
3. Ils doublent de manière dangereuse.
4. Ils changent de voie sans précaution.
5. Ils collent la voiture de devant.
6. Ils changent fréquemment de voie dans la circulation.
7. Ils prennent des changements de direction illégaux.
8. Ils conduisent de manière imprudente.
9. Il brûle les feux ou les panneaux de signalisation.
10. Ils s’engagent dans les carrefours quand le feu passe au rouge.

Deffenbacher, J. L., Huff, M. E., Lynch, R. S., Oetting, E. R., & Salvatore, N. F. (2000). Characteristics and treatment of high-anger drivers. Journal of Counseling Psychology, 47(1), 5–17

La délinquance routière est un contentieux de masse, aux dommages sociétaux considérables.

Mais elle reste un objet encore trop peu étudié par la criminologie.

Nonobstant, cette thématique ressurgit sous la forme d’un débat public sur le traitement de ces infractions, de ces infracteurs et des victimes.

La Première ministre a présidé, lundi 17 juillet 2023,  le Comité interministériel de la sécurité routière aux côtés du ministre de l’Intérieur et du garde des Sceaux.

À cette occasion, elle a annoncé 38 mesures qui permettront de :
  • faciliter la vie des usagers de la route,
  • améliorer nos dispositifs de prévention,
  • mieux détecter et sanctionner ceux qui conduisent sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool.

Tous les détails dans le dossier de presse:

https://www.gouvernement.fr/upload/media/content/0001/06/8381e64e55b9d25331bb94dbce99875ab320396b.pdf

 

Il me semble que le débat s’est aussi accéléré, outre l’affaire Palmade, avec la mort du fils du cuisinier étoilé Yannick ALENO, fauché alors qu’il était arrété à un stop, par un conducteur ivre et sans permis qui l’a percuté.

Une émission de France Inter était consacrée à cette affaire, avec la présence notamment de la mère de la victime et du VP de la ligue contre les violences routières  qui évoquait en juin dernier ce projet de qualification « d’homicides routiers »

Pour écouter cette émission très intéressante et  « nécessaire »  :

Lecteur audio
Vm
P

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/grand-bien-vous-fasse/grand-bien-vous-fasse-du-jeudi-01-juin-2023-3262152

Voici qqs extraits de l’argumentaire avancé sur le site de France Inter  :

« Tuer quelqu’un en roulant beaucoup trop vite, en ayant bu de l’alcool, en ayant consommé des stupéfiants, en consultant son portable, en adoptant des comportements virilistes ne relèvent absolument pas de l’homicide involontaire vous diront les proches des victimes de ces violences routières.

En 10 ans, 30 000 vies fauchées. Soit l’équivalent de la ville de Lens. Sans oublier les 200 000 blessés annuels dont 16 000 gravement.

Ce matin, je pense particulièrement à mon camarade de colonie de vacances, Patrice Bonfarnuzzo, tué par un chauffard, à l’âge de 14 ans, le 6 janvier 1989…

  • Comment expliquer tous ces comportements routiers qui tuent ?
  • Pourquoi des comportements virilistes causent autant de dégâts ?
  • Comment se mobiliser pour qu’existe enfin un homicide routier ?

Avec pour en parler :

Alain Mergier, consultant sociologue, sociologue et sémiologue Alain Mergier, fondateur du cabinet Wei.
Jean-Pascal Assailly, psychologue, expert pour le conseil national de sécurité routière, chargé de rechercher honoraire à l’Université Gustave Eiffel. Chargé de recherche en psychologie du développement, docteur en psychologie de l’enfant.
Lucile Peytavin conférencière et essayiste, auteure de « Le coût de la virilité, ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes » (éd. Anne Carrière, mars 2021).
Isabelle Mescam Alléno, Association Antoine Alléno Agir pour protéger nos enfants. Le 8 mai 2022, Antoine Alléno disparaissait tragiquement à l’âge de 24 ans, victime d’un acte de violence mortel qui n’aurait jamais dû être commis. Sa famille et ses proches ont décidé de transformer leur douleur en une énergie constructive, pour aider et agir.
Jean-Yves Lamant, vice-président de la Ligue contre la violence routière.

Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, la conduite en état d’ivresse reste la deuxième cause de mortalité sur les routes. Les excès de vitesse sont la première cause et dans les accidents mortels, 12 % des conducteurs contrôlés étaient positifs aux stupéfiants. Qu’est-ce qui pousse à rouler trop vite, à dépasser les vitesses maximales autorisées de façon inappropriée ? Les excès de vitesse ont de multiples causes, mais il y en a un en particulier qui conditionne tous les autres : les stéréotypes hommes/femmes attachés à la conduite.

84 % des accidents mortels sont provoqués par des hommes au volant

La vitesse s’est longtemps construite comme une expression même de la virilité, la vitesse en tant que jouissance et prise de risque pensées par les hommes au volant comme un facteur de virilité. C’est d’autant plus significatif que Lucile Peytavin nous apprend que 84 % des accidents mortels sont liés à la conduite d’un homme : « L’immense majorité des responsables de la violence routière sont des hommes. Le premier critère qui définit le profil des délinquants et des criminels routiers, c’est le sexe et dans l’immense majorité des cas, le sexe masculin. Et cela, quelle que soit la tranche d’âge, le milieu social, le niveau d’éducation, le plaisir de la vitesse, la voiture qui est conduite. C’est 75 % du total des accidents, 90 % des personnes condamnées pour conduite sans permis et 78 % des morts sur la route. Dans ces mêmes conditions, les femmes et sous l’emprise de l’alcool, ne vont pas prendre le volant« .

La masculinité toxique et le virilisme en cause

La route est depuis très longtemps le théâtre d’affirmation, d’éducation à la virilité et des stéréotypes hommes/femmes. La persistance invraisemblable aussi bien chez les hommes que chez les femmes, quels que soient les milieux sociaux et culturels, des représentations, stéréotypes où l’homme est considéré comme celui qui a la maîtrise du volant, et les femmes non. Or, nous explique le sociologue Alain Mergier, ce sentiment de maîtrise est un facteur de prise de risque considérable. Il pointe du doigt les comportements associés à des stéréotypes masculins comme la résistance à se faire doubler sur la route ou le fait de minimiser les effets de l’alcool sur la conduite : « L’automobile est un fétiche masculin. À partir de ce moment là, l’automobile devient une des façons de se construire en tant que masculin, en tant qu’homme« .

Selon Lucile Peytavin, tant que les politiques publiques n’auront pas cette variable-là en tête, la prévention, les mesures resteront inefficaces : « Il faut aller contre une éducation à la virilité, combattre les rapports de domination à la source, dès l’enfance, pour freiner les prises de risque au volant, comme dans la vie des hommes en général d’ailleurs puisqu’ils ont 2 à 3 fois plus de risques que les femmes de mourir de façon prématurée. Il y a, dès le départ, un comportement à risque que l’homme cultive depuis son enfance qu’il faut apprendre à défaire« .

 

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