Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
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RAPPORT AP 1950: Centre d’observation et de triage de Fresnes (p20)

FresnesJusqu’ici les détenus condamnés à de longues peines étaient dirigés sur tel ou tel établissement au hasard des transferts et des places disponibles, sans qu’il puisse être tenu compte d’éléments individuels que l’Administration ignorait la nature et la durée de la condamnation constituaient leur seule étiquette. Il n’y avait d’exception (et seulement dans une faible mesure) que pour ceux envoyés dans les établissements réformés. Pour parer à cette lacune, un centre général de triage a été ouvert à FRESNES le 15 août 1950 dans le quartier cellulaire jadis aménagé pour les transférés et qui reçut avant la guerre, en affectation provisoire, les mineures prévenues ou condamnées. Plus de cent cellules permettent de diriger sur ce centre est de conserver à l’isolement pendant six semaines les hommes condamnés destinés à purger leur peine en maison centrale, aussitôt qu’ils peuvent être retirés des maisons d’arrêt.
L’étude de chaque cas est alors poussée activement par une équipe comprenant un médecin psychiatre, un interne de médecine générale et un psychotechnicien. Tous autres examens nécessités par l’état de santé physique ou mentale de l’individu sont faits, soit à l’hôpital des prisons de FRESNES qui est voisin, soit dans les services spécialisés de la capitale.
Une fois ce dépistage achevé et en outre le détenu sommairement jugé au point de vue tant de ses possibilités de travail que de sa conduite ultérieure et des difficultés qu’il est susceptible de donner pendant le cours de sa détention, une commission détermine dans quel établissement il sera envoyé. Sans doute, la spécialisation des maisons où s’exécutent les longues peines n’est-elle pour le moment qu’ébauchée. Le centre de triage aura cependant l’avantage d’aider à  améliorer cette spécialisation et d’en hâter la réalisation. Il mettra, en outre, mieux en valeur l’importance numérique des diverses catégories – non plus pénales, mais humaines – de condamnés et éclairera l’Administration sur l’existence de catégories non soupçonnées, ainsi que sur l’acuité de toutes sortes de problèmes jusqu’ici d’autant plus mal résolus qu’ils étaient moins connus.Pour le moment, il ne saurait être question de faire passer tous les condamnés par le centre, en raison de l’impossibilité de recevoir plus de 80 détenus à la fois. On peut espérer y -parvenir dans l’avenir, 240 condamnés y ont été examinés d’août â décembre 1950.

Le rapport complet (rapport AP 1950)

CRIMINOCORPUS (14 décembre 2013) Reportage à la prison de Fresnes (1945-46)

Découvrez les photos étonnantes de la prison de Fresnes (1945-46) , publiées sur Criminocorpus  
7 épreuves argentiques (240 x 180). Tampons au verso « Lynx, agence photographique de la presse » et « Femmes Françaises » (journal hebdomadaire de l’Union des Femmes Françaises), légendes au crayon. Collection Philippe Zoummeroff.

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Toutes les photos sur http://criminocorpus.org/sources/16843/

PROJET D’ENSEMBLE DE RÈGLES MINIMA POUR LE TRAITEMENT DES DÉTENUS (06/07/1951) élaboré par la Commission Internationale Pénale et Pénitentiaire à la demande de l’Organisation des Nations Unies

Avant les RPE et les REP… 

CPI48. a) Le traitement des personnes condamnées à une peine privative de liberté doit avoir pour but, dans la mesure où la durée de la peine le permet, de créer en elles la volonté et les aptitudes qui leur permettront, après leur libération, de vivre en respectant la loi et de se subvenir à elles-mêmes ;
b) A cet effet, il faut recourir notamment à l’instruction, à la formation professionnelle, au développement physique et à l’éducation du caractère moral, en tenant compte des exigences individuelles de chaque détenu. Il convient de tenir compte du passé social et criminel du condamné, de ses capacités et aptitudes physiques et mentales, de ses dispositions personnelles, de la longueur de sa peine et de ses perspectives de reclassement ;
c) Pour chaque détenu condamné à une peine suffisamment longue, le directeur de l’établissement doit recevoir, aussitôt que possible après l’admission de celui-ci, des rapports complets sur ces divers aspects du condamné. Ces rapports doivent toujours comprendre celui d’un médecin, si possible spécialisé en psychiatrie, sur la condition physique et mentale du détenu.

Classification
52. Les buts de la classification doivent être :
a) D’éviter la contamination en écartant les détenus qui, en raison de leur passé criminel ou de leurs mauvaises dispositions, exerceraient une influence fâcheuse sur leurs codétenus ;
b) De répartir les détenus en groupes afin de faciliter leur traitement

53. Il faut disposer, dans la mesure du possible, d’établissements séparés ou de quartiers distincts d’un établissement pour le traitement des différents groupes de détenus.

Individualisation
54. Dès que possible après l’admission et après une étude approfondie des nécessités individuelles d’un détenu condamné à une peine d’une certaine durée, un programme de traitement doit être préparé pour lui,  à la lumière des données dont on dispose sur ses besoins, ses capacités et son état d’esprit.

Récompenses
55. Il faut instituer dans chaque établissement un système de récompenses adapté aux différents groupes de détenus et aux différentes méthodes de traitement, afin d’encourager la bonne conduite, de développer le sens de la responsabilité et de stimuler l’intérêt et la coopération des détenus à leur traitement.

ONU (1951) régles minima pour le traitement des detenus

Voir aussi rapports annuels de l’administration pénitentiaire (1950-1984)

Voir aussi: ONU_Ensemble_de_regles_minima_pour_traitement_des_détenus 1955

VERS UNE DÉTENTION ÉDUCATIVE (juillet 1951) Rapport sur le Centre national d’orientation de Fresnes
Présenté le 26 juillet 1951 au Congrès de Gôteborg (Suède) par le Révérend Père VERNET, Aumônier du Centre d’orientation, Membre de la Société internationale de psychotechnique

Les enquêtes sociales apportent donc des éléments intéressants dont certains ne seraient pas fournis par le sujet. Mais il est bon de s’assurer, en cours d’entretien, de l’exactitude des données de l’enquête. L’entretien, (comme tout entretien dans un examen psychotechnique) doit apporter par l’étude de l’histoire personnelle, familiale, sociale du sujet, du passé scolaire et professionnel, des renseignements sur le développement « longitudinal » de personnalité (les tests n’apportant des indications que sur l’aspect présent et momentané de la personnalité). Il peut permettre ainsi, par la compréhension des événements passés, la prédiction des attitudes et des comportements futurs (et cela est particulièrement important pour les délinquants).
Contrairement à ce qui est fait habituellement pour les non-délinquants, aucune note n’est prise pendant l’entretien. En effet, le fait d’écrire devant le sujet occasionne un blocage plus ou moins total et renforce certainement la tendance au mensonge : « Les écrits restent… faisons-nous plus jolis que nous sommes». Dans l’ensemble, les délinquants se prêtent de bonne grâce à l’entretien, une fois mis en confiance. Cette mise en confiance est parfois très difficile à obtenir. D’une manière générale, l’entretien ne doit jamais apparaître au détenu sous la forme d’un interrogatoire, ce qui lui rappellerait « l’instruction » de son affaire et le mettrait immédiatement sur ses gardes. Au contraire, l’interview doit être conduit de façon à donner au sujet l’impression d’être engagé dans une conversation impromptue avec quelqu’un dont les bonnes intentions sont évidentes. Dans ce même ordre d’idées, le psychotechnicien évite de parler du délit au début de l’entretien : il n’en sera question que dans l’ordre chronologique des faits rapportés.
Un aspect important de l’entretien est l’étude de la motivation (la motivation étant comprise comme « l’ensemble des facteurs qui rendent compte de tout acte, tout mouvement, toute pensée»). Etude particulièrement importante chez les sujets qui vont « apprendre » un métier : qu’est-ce qui les a déterminés à choisir ce métier plutôt qu’un autre ? Etude également importante chez les détenus qui vont «exercer» un métier : pourquoi préféreraient-ils exercer tel métier ? est-ce parce qu’il ressemble à celui qu’ils exerçaient précédemment ? ou bien est-ce simplement pour avoir des conditions de détention meilleures ? C’est souvent cette dernière motivation qui se fait jour. L’entretien doit permettre également de savoir quels sont les projets d’avenir du sujet : quel métier a-t-il l’intention d’exercer après sa détention ? en a-t-il la possibilité ?

Vers une detention educative, Rapport sur le CNO 1951

 

Du grain à moudre (27.09.2012) Va-t-on vider les prisons de leur sens ?

« Nos prisons sont pleines, mais vides de sens. » Si toutes les phrases ciselées pour les politiques ne méritent pas, loin s’en faut, qu’on s’y arrête, celle-ci fait exception.

« Nos prisons sont pleines mais vides de sens » : le propos est signé Christiane Taubira, la garde des Sceaux, bien décidée semble-t-il à s’emparer d’une question fondamentale et pourtant peu explorée ces dernières années : celle du sens donné à l’emprisonnement.

La semaine dernière, la ministre de la Justice présentait sa circulaire de politique pénale en conseil des ministres. Avec pour consignes adressées au Parquet de limiter le recours aux peines plancher, de faire de l’aménagement des peines une priorité de politique pénale, et surtout de ne décider du placement en détention qu’en dernier recours.

L’objectif est simple : désengorger les prisons : 66 000 détenus aujourd’hui pour 57 000 places. Mais aussi rendre les sanctions plus efficaces. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, les chiffres en attestent. 63% des détenus, qui sortent sans avoir bénéficié d’aménagement de peine, récidivent dans les 5 ans. Il est de plus en plus question aujourd’hui de solutions alternatives, de prisons ouvertes, de peines de probation.

« Va-t-on vider les prisons de leur sens ? »

Invité(s) :
Jean-Michel Dejenne, premier Secrétaire National du Syndicat National des Directeurs Pénitentiaires (SNDP)
Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté
Martin Legros, rédacteur en chef de Philosophie Magazine

Avec Bernard Stiegler, philosophe, qui a lui-même passé cinq ans en prison à la fin des années 70. Il raconte comment la philosophie s’est imposée à lui à force de lectures dans sa cellule, et comment cette expérience a nourri sa réflexion sur la notion d’enfermement.

PIERRE CANNAT (1949) centre d’études de Fresnes; Douzième leçon; L’observation du détenu

Centre-etudes-penit-FresnesJuin 1946 : ouverture aux prisons de Fresnes d’un Centre d’études pénitentiaires P. CANNAT est l’animateur de ce centre d’études qui reçoit en 1946 et en 1947 en deux promotions, tous les sous-directeurs.

Entre 1945 et 1950 moins de mille agents auront bénéficié d’un passage à l’école créée à Fresnes, en priorité il s’agit des éducateurs et des surveillants des établissements réformés et de quelques sous-directeurs ou chefs de détention qui sont chargés de transmettre ce qu’ils ont appris aux surveillants. (voir l’article de criminocorpus)

« Les synthèses des éducateurs des centres d’observation ou de semi-liberté sont toutes rédigées sur un même modèle que Pierre Cannat a professé lors de ses cours au centre d’études de Fresnes. Il s’inspire des recommandations de la Commission internationale pénale et pénitentiaire qui, en 1937, avait proposé un dossier réunissant toutes les données sur un individu et du formulaire général mis en place en ­Belgique » (JC Vimont, « l’observation des relégués en France »).

Pierre Cannat proposera aux assistantes sociales les premières « grilles » d’analyse ou « plans de rapport » (voir Leçon 12) empruntes des théories criminologiques de l’époque (Pinatel, Bachet…).

 

Si l’on veut deviner l’avenir du délinquant – et le deviner pour le rectifier – il faut bien connaître le passé ; car c’est le passé qui explique le délit, Ce délit est rarement une circonstance fortuite. (Cela arrive avec certains crimes passionnels notamment). Généralement le délit a sa source dans la manière de vivre du sujet.Il est des individus que leur mode d’existence conduit immanquablement `a la prison, et le Surveillant-chef de certaines maisons d’arrêt de petites villes où tout le monde se connait, ne doit guère avoir de surprises quand les gendarmes sonnent à sa porte. Si l’on veut redresser, ce qui importe alors c’est moins le fait délictuel que le mode de vie du condamné (…)

Un schéma d’enquête peut être adressé aux Assistantes chargées de ce travail, mais à la condition que les enquêteuses s’en servent comme d’un plan général pour leur rapport, et non pas comme d’un questionnaire dont il suffirait de remplir les interlignes. Ce qui importe, en effet, tout autant que les éléments positifs apportant aux observateurs des certitudes, c’est une silhouette générale du détenu jugé dans la vie libre, dans son milieu naturel.

P_CANNAT(1949) Leçon 12: l’observation du détenu (plans des synthèses d’observation en annexe)

Voir aussi: JC VIMONT(2009) L’observation des relégués en France (1947_1970)

Si le lien est brisé: chs-691-vol-13-n-1-l-observation-des-relegues-en-france-1947-1970

FRANCE CULTURE; Emission « Le bien commun » (28.03.2013) « Foucault, retour sur l’aveu »

Invité(s) : Bernard Harcourt

A la fin de sa vie, Michel Foucault est revenu sur la question de l’aveu dans la justice pénale près de vingt ans après la série de conférences à Rio sur « la vérité et les formes juridiques » et bien sûr après le très célèbre « Surveiller et punir ». Il l’a fait dans une série de conférences données en Belgique qui viennent d’être éditées sous le titre : « Mal faire, dire vrai : fonction de l’aveu en justice » par les soins de Fabienne Brion et Bernard Harcourt.

Bernard Harcourt est professeur de sociologie à l’université de Chicago. On lui doit d’importants ouvrages sur le profiling ou la justice actuarielle.