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Outils d’Évaluation/Dépistage de la Violence Conjugale


Approuvés par le Domestic Assault and Battery Advisory Board (1ᵉʳ juillet 2018)

Approved_DVEval_Assessment_Tools_7-1-2018

Légende des catégories :

  • R = Évaluation des risques

  • S = Abus de substances

  • M = Santé mentale

  • C = Combiné (Abus de substances/Santé mentale ou les trois)

  • O = Autre

  • V = Informations sur la victime


Tableau des outils approuvés

Type Nom de l’outil Description Qualifications requises Coût Plus d’informations
R Danger Assessment (DA) Aide à déterminer le risque de meurtre d’une femme par son partenaire. Nécessite une formation pour le score pondéré. Disponible en plusieurs langues. Basé sur le rapport de la victime. Formation en ligne (payante possible) Gratuit (copyright détenu par l’auteur) DANGER ASSESSMENT-5 (DA-5)_FR
R Domestic Violence Inventory (DVI) Outil pour évaluer les auteurs de violences conjugales (155 items, 30 min). Mesure : Véracité, Violence, Contrôle, Alcool, Drogues, Gestion du stress. Aucune formation Payant (en ligne) https://www.domestic-violence-inventory.com/dvi.html
R Domestic Violence Screening Instrument (DVSI/DVSI-R) Questions sur les antécédents criminels (violences, violations d’ordonnances). Facteurs : emploi, séparation récente, présence d’enfants. Approche statistique (sans jugement clinique). Aucune formation Sous copyright (autorisation requise) Contact : Joseph.DiTunno@iaud.et.gov

Domestic-Violence-Screening-Inventory-Revised-DVSI-R.pdf

R Idaho Risk Assessment of Dangerousness (IRAD) Identifie les risques futurs et indices de létalité. 7 domaines : antécédents, menaces de mort/suicide, séparation, comportement contrôlant, contact policier, abus d’alcool/drogues. Aucune formation Gratuit (en ligne) Idaho domestic fact sheet_FR

Idaho domestic violence supplement_FR

262RiskAssessme_00000002800.pdf

ICA-23.002-IRAD-Card-Rev-2023.pdf

Risk-Assessment-Interactive-Form.pdf

R Ontario Domestic Assault Risk Assessment (ODARA) Outil actuariel (13 facteurs) : menaces, isolement de la victime, antécédents violents, enfants en commun, violences pendant la grossesse, etc. Formation en ligne (payante possible) Gratuit (autorisation requise) ODARA_feuille_cotation
R Spousal Assault Risk Appraisal Guide (SARA) Checklist pour évaluer les facteurs de risque chez les auteurs de violences familiales. Sources multiples. Formation disponible (payante possible) Payant (en ligne) COTATION SARA
S Global Appraisal of Individual Needs (GAIN-I) Évaluation biopsychosociale complète (diagnostic, traitement). Axé sur l’abus de substances (AXIS I). Formation requise Payant (varie) GAIN%20I%205.7.0%20full.pdf
S GAIN Short Screener (GAIN-SS) Dépistage rapide (5 min) des troubles de santé comportementale. Aucune formation Payant (varie) GAIN-SS%20Manual.pdf
S Substance Abuse Subtle Screening Inventory (SASSI) Détecte les troubles liés aux substances (items subtils et explicites). Échelles de validité/défensivité. Formation disponible Payant https://www.pearsonclinical.ca/
S Adult Substance Use Survey (ASUS-R) Enquête d’auto-évaluation (alcool/drogues). Inclut santé mentale et non-conformité sociale/légale. Module de formation en ligne (payant)
S Addiction Severity Index (ASI) Entretien semi-structuré (7 domaines : médical, emploi, drogues, alcool, légal, familial, psychiatrique). Aucune Gratuit echelle_asi-annexe_2_des_recommandations.pdf
S Drug Abuse Screening Test (DAST) Dépiste les problèmes liés aux drogues (versions : DAST-10/20/28). Combinable avec l’AUDIT. Aucune Gratuit DAST-10-drug-abuse-screening-test.pdf
S Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT) Identifie la consommation dangereuse d’alcool. Administration écrite/orale. Aucune Gratuit questionnaire-audit
S CAGE / CAGE-AID Dépistage ultra-bref de l’alcoolisme (CAGE) ou des drogues (CAGE-AID). Aucune Gratuit questionnaires-dautodepistage/consommation-problematique-cage-aid
S Michigan Alcohol Screening Test (MAST) Outil ancien (1971) pour identifier les buveurs dépendants. Aucune Gratuit depistage-des-problemes-dalcool
M Personality Inventory for DSM-5 (PID-5) Auto-évaluation des traits de personnalité (25 facettes : anhéronie, hostilité, impulsivité, etc.). Professionnel qualifié Gratuit APA_DSM5_The-Personality-Inventory-For-DSM-5-Full-Version-Adult.pdf
M PID-5 Brief Form (PID-5-BF) Version courte du PID-5 (5 domaines : affect négatif, détachement, etc.). Professionnel qualifié Gratuit APA_DSM5_The-Personality-Inventory-For-DSM-5-Brief-Form-Adult.pdf
C Millon Clinical Multiaxial Inventory (MCMI-IV) Évalue les difficultés émotionnelles/interpersonnelles (25 échelles). Aligné sur le DSM-5. Diplôme avancé + formation Payant https://onlinelibrary.wiley.com
C Minnesota Multiphasic Personality Inventory (MMPI-2) Test de personnalité pour diagnostiquer les troubles mentaux (567 items). Diplôme avancé + formation Payant https://www.pearsonclinical.fr
C DSM-5 Level 1 Cross-Cutting Symptom Measure Mesure transdiagnostique (23 questions, 13 domaines : dépression, anxiété, etc.). Professionnel qualifié Gratuit https://www.psychiatry.org
C Domestic Violence Risk Appraisal Guide (DVRAG) Échelle actuarielle (14 facteurs). Combinée au score PCL-R. Professionnel qualifié Gratuit (autorisation requise) Violences conjugales : un outil d’évaluation, la DVRAG
C Hare Psychopathy Checklist-Revised (PCL-R) Évalue la psychopathie et risque de récidive (20 items). Diplôme avancé + formation Payant Psychopathy Checklist-Revised (PCL-R)
C Hare PCL-Screening Version (PCL-SV) Version de dépistage du PCL-R (12 items). Diplôme avancé + formation Payant
C Personality Assessment Inventory (PAI) Test multifonction (22 échelles : dépression, anxiété, agression). Diplôme avancé + formation Payant https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38461694/
O Stalking Assessment and Management (SAM) Évalue le harcèlement criminel (nature, facteurs de risque/vulnérabilité). Aucune formation Payant

SAMkodschema.pdf

Stalking Assessment and Management_FR

O Violence Risk Appraisal Guide (VRAG) Mesure du risque de violence générale (12 items, inclut PCL-R). Professionnel qualifié Gratuit (autorisation requise) VRAG-R-scoring-sheet-1.pdf
O Buss-Perry Aggression Questionnaire (AGQ) Questionnaire sur 4 dimensions de l’agression (29 items). Aucune formation Gratuit Questionnaire d’Agression de Buss & Perry (1993)
O Experiences in Close Relationships (ECR-R) Évalue l’attachement adulte (36 items). Formation requise Gratuit Attachment-ExperienceinCloseRelationshipsRevised
O Level of Service Inventory-Revised™ (LSI-R) Prédit la récidive et succès en probation (54 items). Aucune formation Payant (varie)
O Inventory of Offender Risk, Needs, Strengths (IORNS) Mesure les risques statiques/dynamiques et forces (130 items). Diplôme/licence sanitaire Payant https://www.nzcer.org.nz
O Patient Health Questionnaire (PHQ) Dépistage des problèmes physiques, dépression, anxiété, troubles alimentaires. Aucune formation Gratuit PHQ9_French_for_France
O Intimate Justice Scale Détecte les abus psychologiques/physiques (15 items). Aucune formation Gratuit IJS – The Intimate Justice Scale

Intimate Justice Scale _FR

V Psychological Malreatment Toward Women Scale (PMTW) Mesure la maltraitance psychologique (58 items). Auto-évaluation par la victime Gratuit (autorisation requise) Psychological Maltreatment of Women Inventory (PMWI)_ Tolman_combined with instrument
V HITS Outil de dépistage (Hurt, Insult, Threaten, Scream). Auto-évaluation par la victime Gratuit HITS_eng
V Women’s Experiences with Battering (WEB) Mesure l’expérience des victimes (non les comportements de l’agresseur). Auto-administré ou en entretien Gratuit ÉCHELLE des EXPÉRIENCES DES FEMMES AVEC LA VIOLENCE CONJUGALE_FR

E.9-Relationship_Assessment_Tool_Instructions

scrn-pw-web.pdf


Note importante :
Une formation et/ou un diplôme spécifique peuvent être requis pour l’administration et l’interprétation de ces outils. Les évaluateurs doivent respecter les exigences éthiques, légales et de formation propres à leur juridiction.

La strangulation non fatale dans les violences conjugales

La strangulation non fatale est une forme de violence conjugale encore sous-estimée dans les pratiques judiciaires, médicales et sociales, malgré son rôle critique comme indicateur de risque d’homicide. L’étude menée par Nancy Glass et al., publiée dans The Journal of Emergency Medicine, met en lumière l’importance de reconnaître cet acte comme un marqueur prédictif de tentatives ou d’homicides réussis contre des femmes victimes de violences conjugales.

La strangulation : un risque létal souvent invisible

L’étude révèle que 43 % des femmes assassinées par leur partenaire et 45 % des victimes d’une tentative d’homicide avaient subi au moins un épisode antérieur de strangulation non fatale, contre seulement 10 % des femmes victimes d’abus sans tentative d’homicide. Cette donnée indique que la strangulation est l’un des prédicteurs les plus puissants d’un passage à l’acte létal.

Pourquoi est-ce grave ? Parce que cet acte :

  • Ne laisse souvent aucune trace visible immédiate.
  • Peut entraîner des séquelles neurologiques, psychologiques ou respiratoires sévères.
  • Est sous-déclaré par les victimes qui n’en mesurent pas toujours la gravité.

Facteur aggravant reconnu dans le risque d’homicide

Après contrôle des autres facteurs de risque, les auteurs montrent que le fait d’avoir été étranglée augmente :

  • par 7,5 fois le risque d’homicide ;
  • par 6,7 fois le risque de tentative d’homicide.

L’importance de ce facteur est telle qu’il surpasse d’autres variables sociodémographiques (âge, niveau d’éducation, emploi, situation conjugale).

Des variations sont toutefois observées selon l’ethnicité : le risque relatif est plus élevé chez les femmes blanches et latinas comparativement aux femmes afro-américaines — bien que pour toutes les catégories, la strangulation reste un indicateur significatif de danger.

Implications pour les pratiques professionnelles

Les résultats de l’étude appellent une adaptation immédiate des pratiques en criminologie et dans le traitement des violences conjugales :

1. Détection systématique par les intervenants

Médecins urgentistes, policiers, travailleurs sociaux doivent systématiquement poser la question de la strangulation, même en l’absence de signes physiques apparents.

2. Évaluation renforcée du risque létal

La strangulation doit déclencher une procédure d’évaluation du danger accru (ex : outil Danger Assessment) et des mesures de protection renforcées (hébergement d’urgence, mise à l’abri, intervention judiciaire rapide).

3. Documentation médico-légale précise

Les professionnels de santé doivent consigner précisément les signes cliniques (troubles de la voix, œdèmes cervicaux, pétéchies…) pour alimenter les dossiers judiciaires et renforcer les poursuites pénales.

4. Formation des professionnels de justice et de santé

L’étude encourage le développement de modules spécifiques pour les forces de l’ordre et le personnel médical afin d’améliorer l’identification et la prise en charge des cas de strangulation.

5. Renforcement des cadres juridiques

Des États américains (comme l’Idaho) ont déjà criminalisé la strangulation comme délit spécifique, même sans lésion apparente. Une telle évolution législative est recommandée ailleurs, y compris en Europe, pour reconnaître la gravité de cet acte.

Conclusion

L’étude démontre que la strangulation non fatale n’est pas un simple geste de violence parmi d’autres, mais un prédicteur clinique et criminologique de premier plan pour les homicides conjugaux. Ce constat doit pousser les professionnels de santé, de justice, de police et de probation à ajuster leurs pratiques de détection, de protection des victimes et d’intervention judiciaire.

En matière de prévention des féminicides, ignorer un tel signal d’alerte serait une erreur lourde de conséquences.

Glass N, Laughon K, Campbell JC, Block CR, Hanson G, Sharps PW, Taliaferro E. Non-fatal strangulation is an important risk factor for homicide of women. J Emerg Med. 2008;35(3):329-335.

Le défi invisible : prédire la récidive en violences conjugales
En 2004, une chercheuse canadienne bouleverse un domaine où l’intuition clinique régnait encore : l’évaluation du risque de récidive chez les auteurs de violences conjugales.

Son nom ? Dr N. Zoe Hilton. Son outil ? L’ODARA (Ontario Domestic Assault Risk Assessment), un instrument actuariel bref qui transforme la protection des victimes .

Zoé Hilton : parcours d’une pionnière
Professeure de psychiatrie à l’Université de Toronto et chercheuse au Waypoint Centre for Mental Health Care, Zoé Hilton cumule les distinctions :

  • Prix d’innovation du Gouverneur général 2025 pour l’ODARA
  • Prix d’impact du président de l’Université de Toronto (2025)
  • Plus de 6 000 citations scientifiques sur les risques violences domestiques et la psychopathie

Son credo : « Transformer la recherche en outils concrets pour les policiers, juges et intervenants sociaux » .

L’ODARA décrypté : 13 questions qui changent tout
Issu de l’analyse statistique de 589 dossiers policiers suivis pendant 5 ans, l’ODARA évalue 13 facteurs clés

ODARA_feuille_cotation

  • Précision inédite : Aire sous la courbe (AUC) = 0.77 – bien supérieure aux méthodes cliniques (AUC ≈ 0.58)
  • Rapidité : Moins de 15 minutes pour compléter le questionnaire
  • Basé sur des données policières : Accessible sans expertise psychiatrique

L’impact sur le terrain : policiers, tribunaux, victimes

Dans la police
Depuis 2023, 1 800 policiers ont été formés à l’ODARA via des programmes en ligne. Résultat : « Les agents identifient 3x plus rapidement les cas à haut risque, permettant des interventions ciblées avant la récidive » (Extrait d’une étude de la Gendarmerie royale du Canada – 2024)

 Dans les tribunaux
Une étude sur 1,421 hommes suivis par la justice montre que l’ODARA permet de :

  • Hiérarchiser les intensités de traitement : Thérapies brèves pour les bas risques, interventions intensives pour les scores élevés
  • Cibler les besoins criminogènes : Traits antisociaux (OR=1.80), toxicomanie (OR=1.40)

Une innovation collaborative

L’ODARA est né d’un partenariat inédit :

  • Chercheurs universitaires
  • Services de police de l’Ontario
  • Centres de santé mentale

« Cette synergie a permis de transformer des données brutes en protocoles opérationnels » – Hilton (2025)

Critiques et limites : ce que l’ODARA ne résout pas

1. Risque de stigmatisation : Un score élevé ne signifie pas une condamnation à vie (seulement 10-15% de récidive à 5 ans)
2. Variables dynamiques ignorées : L’outil original n’évalue pas l’emploi, le soutien social ou l’engagement thérapeutique
3. Biais de genre : Conçu pour les hommes agresseurs envers des femmes

La réponse de Hilton:
– Intégration des outils STABLE-2007 pour les facteurs dynamiques
– Adaptation pour les violences LGBTQ+ via le projet CELIA

L’avenir : le projet CELIA et au-delà

En 2023, Zoé Hilton lance une initiative pancanadienne pour :

✅ Standardiser l’évaluation du risque: Langage commun entre polices municipales/provinciales
✅ Intégrer le contrôle coercitif : « Ignorer ces signes non physiques, c’est rater des occasions de sauver des vies » – Hilton
✅ Valider l’ODARA sur les femmes et minorités de genre

Trois leçons clés :
1️⃣ Les outils actuariels ne remplacent pas l’expertise humaine – ils l’éclairent
2️⃣ L’innovation en criminologie exige des partenariats durables entre chercheurs et praticiens
3️⃣ Évaluer le risque, c’est aussi identifier des chemins de réinsertion

Probation et techniques de négociation

juin 6th, 2025 | Publié par crisostome dans VIOLENCE - (0 Commentaire)

Les négociateurs de crise (FBI, Gendarmerie – comme le GIGN ou le RAID) utilisent des techniques sophistiquées pour désamorcer des situations extrêmes (prises d’otages, barricadés, personnes suicidaires). Ces compétences sont parfaitement transposables et hautement pertinentes pour les conseillers pénitententiaires d’insertion et de probation (CPIP) gérant des personnalités difficiles, souvent dans des contextes tendus ou conflictuels.

1. L’Écoute Active & l’Empathie Stratégique :

Police : Comprendre les émotions, besoins et motivations profondes du sujet (même inavouables : reconnaissance, respect, désir d’être entendu, peur). Reformuler pour montrer une compréhension authentique.
Transposition Probation :

  • Écouter sans jugement les doléances, frustrations ou récits souvent déformés des PPSMJ (Personnes Placées Sous Main de Justice).
  • Identifier les besoins sous-jacents (logement, soins, reconnaissance, sécurité) derrière les comportements agressifs ou l’évitement.
  • Reformuler : « Si je comprends bien, vous vous sentez injustement traité par cette décision du juge, c’est ça ? » Cela désamorce et crée un lien.

2. Créer un lien (Building Rapport) :

  • Police : Établir un lien de confiance humain, même minime. Trouver des points communs (familiaux, géographiques, intérêts) pour humaniser l’échange.
  • Transposition Probation :
    • Construire une relation professionnelle mais humaine sur la durée. Montrer un intérêt sincère (sans familiarité excessive) pour la personne au-delà du dossier.
    • Utiliser des éléments de la vie de la personne (progrès, famille, projets) pour renforcer le lien et la motivation au changement.
    • Capitaliser sur les petits succès pour renforcer la confiance.

3. La Communication Non-Verbale et Para-Verbale :

  • Police : Contrôler sa propre voix (calme, rythme lent, ton bas), posture (ouverte, non menaçante). Observer finement les signaux de stress, de mensonge ou d’ouverture chez l’interlocuteur.
  • Transposition Probation :
    • Adopter une posture ouverte et un ton calme et posé, même face à l’agressivité verbale. Éviter les gestes brusques ou fermés (bras croisés).
    • Observer les signes de stress, de dissimulation ou de détresse chez la personne suivie pour adapter son approche (proposer une pause, changer de sujet temporairement, approfondir une inquiétude).
    • Utiliser le silence de manière stratégique pour inciter la personne à parler.

4. La Gestion des Émotions (de soi et de l’autre) :

  • Police : Rester calme et rationnel face à la colère, la peur ou la détresse extrême du sujet. Ne pas prendre les insultes personnellement. Désamorcer l’escalade émotionnelle.
  • Transposition Probation :
    • Auto-contrôle : Gérer sa propre frustration ou peur face aux menaces, insultes ou comportements provocants. Respirer, prendre du recul.
    • Désescalade verbale : Reconnaître l’émotion : « Je vois que cette situation vous met très en colère ». Proposer des alternatives : « On peut en parler maintenant calmement, ou reporter cet entretien à demain matin, qu’en pensez-vous ? ». Éviter le contre-argumentaire frontal lors des pics émotionnels.
    • Validation émotionnelle : Reconnaître la légitimité du sentiment (« C’est compréhensible que vous soyez frustré par cette obligation ») sans nécessairement valider le comportement.

5. L’Art du Questionnement Stratégique :

  • Police :Poser des questions ouvertes pour faire parler le sujet, comprendre sa logique et ses limites. Éviter les questions fermées (« oui/non ») ou accusatoires. Utiliser « Comment ? », « Quoi ? », « Parlez-moi de… ».
  • Transposition Probation :
    •  Privilégier les questions ouvertes pour explorer les difficultés, les motivations, les perspectives : « Comment envisagez-vous de trouver un emploi avec cette obligation ? », « Qu’est-ce qui vous semble le plus difficile dans ce suivi ? »
    • Éviter les interrogatoires ou les questions pièges. Chercher à comprendre le point de vue et la logique (même dysfonctionnelle) de la personne.

6. La Recherche de Solutions Gagnant-Gagnant (Win-Win) :

  • Police : Trouver une issue qui préserve la vie/santé de tous et offre une « porte de sortie honorable » au sujet (ex : se rendre pour être traité médicalement, revoir son enfant).
    Transposition Probation :

    • Travailler avec la personne, pas contre elle. Rechercher des compromis réalistes et respectueux du cadre judiciaire : « Je comprends que le couvre-feu à 20h est très contraignant pour votre formation. Pouvons-nous voir avec le juge s’il est possible de l’adapter les soirs de cours, moyennant un justificatif ? »
    •  Co-construire des objectifs et des plans d’action. Donner un sentiment de contrôle et de choix (même limité) augmente l’adhésion.

7. La Gestion du Temps et de la Pression :

  • Police : Ralentir le rythme, créer du temps pour désamorcer l’urgence et la pression. Éviter les ultimatums contre-productifs.
  • Transposition Probation :
    • Ne pas céder à la pression immédiate d’une demande ou d’une menace. Prendre le temps de réfléchir, consulter, proposer un délai : « Je ne peux pas prendre cette décision maintenant.
    • Je dois en discuter avec mon responsable/le juge. Revenez me voir jeudi. »
    • Gérer les attentes : être clair sur les délais de traitement et les limites de son pouvoir.

8. L’Analyse des Besoins et Motivations :

  • Police : Identifier les besoins fondamentaux (sécurité, appartenance, estime, contrôle) qui sous-tendent les actions du sujet.
  • Transposition Probation :
    • Comprendre ce qui motive réellement la personne difficile (éviter la prison ? retrouver ses enfants ? obtenir un soin ? prouver sa valeur ?). Adapter le discours et les solutions à ces motivations profondes.
    • Utiliser ces motivations comme leviers pour l’engagement dans le suivi et le changement.

9. L’Établissement des Limites Claires (Cadrage) :

  • Police : Rappeler calmement mais fermement les réalités (présence des forces, conséquences inéluctables de la violence) et le cadre non-négociable (ex : libération des otages).
  • Transposition Probation :
  • Rappeler avec calme et fermeté le cadre légal et les conséquences inéluctables du non-respect des obligations : « Je comprends votre refus, mais je dois vous rappeler que le non-respect de cette obligation de soin entraînera un signalement au juge, avec un risque de révocation de votre mesure. »
  • Être intransigeant sur les limites tout en restant ouvert sur les moyens de les respecter.

10. L’Utilisation de la « Voix du Bon Sens » / Raisonnement Réaliste :

  • Police : Amener subtilement le sujet à considérer les conséquences négatives de ses actes et la faisabilité peu réaliste de ses exigences.
  • Transposition Probation :
  • Aider la personne à prendre conscience des conséquences contre-productives de ses comportements difficiles : « Si vous insultez chaque intervenant, comment voulez-vous qu’ils vous aident à trouver un logement ? »
  • Questionner pour faire émerger la réflexion : « Quelles pourraient être les conséquences si vous ne vous présentez pas à votre rendez-vous avec l’assistante sociale ? »

Points Clés de Transposition & Précautions :

  • Temps long vs. Crise : Le CPIP travaille sur la durée. La « négociation » est continue, basée sur une relation construite. La patience et la cohérence sont primordiales.
  • Objectif Différent : Il ne s’agit pas de sauver des vies physiques immédiates, mais de prévenir la récidive, protéger la société et favoriser la réinsertion (sauver des vies sociales).
  • Pouvoir Différent :Le CPIP n’a pas une équipe d’intervention en soutien. Son pouvoir est lié au cadre judiciaire et à sa capacité d’influence et de signalement.
  • Éthique et Confiance : La relation de confiance est le socle du suivi en probation. Les techniques ne doivent JAMAIS être utilisées pour manipuler, mais pour désamorcer les conflits, faciliter la communication et promouvoir des solutions constructives dans l’intérêt de la réinsertion et de la sécurité publique.
  • Travail d’Équipe : Comme les négociateurs, les CPIP doivent travailler en étroite collaboration avec leurs collègues, leur hiérarchie, les juges, les travailleurs sociaux et les soignants. Les débriefings après des incidents critiques sont essentiels.
  • Formation Continue : Une formation spécifique et régulière à la communication en contexte difficile, à la désescalade verbale et à la gestion des personnalités difficiles/agressives est indispensable.

Boîte à outils

Boite à outils pour gérer les interactions difficiles, désamorcer les conflits, établir un rapport constructif et influencer positivement les personnes suivies vers le respect du cadre et l’engagement dans leur parcours de réinsertion.

Mirroring (Miroir)

Répéter les derniers mots ou l’idée principale de l’interlocuteur, sous forme de question ou de simple écho

  • Employer les mêmes expressions
  • Prendre la même position sur sa chaise

Effet recherché :

  • ­Créer un sentiment de compréhension et de connexion
  • ­Inciter l’autre à développer davantage son discours

Exemple en service de probation (accueil physique) :

  • ­Probationnaire agressif : « Vous ne m’avez pas averti que ma CPUP était absente? » → Agent : « Pas averti à temps ? »
  • ­L’usager complète : « Oui, je viens de l’apprendre et j’ai déjà perdu ma journée ! »

Labeling (Étiquetage des émotions)

Nommer, étiqueter l’émotion pour valider son émotion

Effet recherché :

  • ­Rouler avec la resitance, montrer de l’empathie
  • ­Inviter à la discussion plutôt qu’à l’escalade

Exemple en gestion téléphonique :

  • ­Appel agressif : « Vous m’agacez ! Vous ne comprenez rien!» → Agent : « J’ai l’impression que vous êtes très frustré et que la situation vous met en colère. »
  • ­Réponse possible : « Oui, je suis en colère parce que j’ai l’impression qu’on me prend pour un imbécile.»

Comment formuler :

  • ­« Il semble que… » / « J’ai le sentiment que… » / « On dirait que… »
  • ­Éviter les « Je sais que vous êtes… » ou « Vous êtes en colère… » péjoratif

Questions Ouvertes

Questions commençant par « Comment » ou « Qu’est-ce que » qui impliquent la personne dans la recherche de solution

Effet recherché :

  • ­Donner à l’autre un sentiment de contrôle et d’autonomie
  • ­Orienter la réflexion vers la résolution du problème

Exemples spécifiques :

  • ­« Comment pourrions-nous organiser un nouveau rendez-vous qui vous convienne mieux ? »
  • ­« Qu’est-ce qui, selon vous, pourrait nous aider à clarifier les pièces manquantes pour votre dossier ? »
  • ­« Comment puis-je faire en sorte que vous vous sentiez entendu aujourd’hui ? »

Application pratique :

  • ­Remplacer le « Pouvez-vous … » (fermé) par « Comment … ? » (ouvert)
  • ­Forcer l’interlocuteur à réfléchir (« Comment peut-on avancer ? » plutôt que « Quand voulez-vous revenir ?»)

Audit des Accusations

Anticiper et verbaliser les critiques ou reproches potentiels que l’interlocuteur peut avoir: « je sais que vous doutez de… »

Effet recherché :

  • ­Désamorcer à l’avance les objections avant que l’autre ne les exprime
  • ­Montrer que vous comprenez ses craintes, même si elles ne sont pas encore exprimées

Exemple en probation (accueil physique ou téléphonique) :

  • ­Agent : « Vous pensez qu’on ne tient pas assez compte de votre emploi du temps et que nous contrôlons mal nos plannings… »
  • ­Probationnaire : « Oui, c’est exactement ça, j’ai perdu ma journée à cause de vos erreurs ! »

Points clés :

  • ­Faire l’audit AVANT d’exposer la solution concrète
  • ­Ne pas dramatiser ou donner l’impression de se justifier excessivement
  • ­Formuler des phrases courtes et factuelles du type : « Vous avez le sentiment que…», « Vous craignez que… »

Résumé et Reformulation

Récapitulatif structuré de ce que l’interlocuteur a exprimé (faits, émotions, besoins) avant de proposer une solution

Effet recherché :

  • ­Vérifier la compréhension mutuelle
  • ­Montrer que vous avez écouté attentivement
  • ­Préparer la transition vers la résolution

Exemple en entretien téléphonique :

  • ­Faits : « Vous attendez cette convocation depuis trois semaines. »
  • ­Émotions : « Vous vous sentez frustré et en colère que votre temps soit gaspillé. »
  • ­Besoin : « Vous avez besoin d’une date précise aujourd’hui. »
  • ­Proposition de solution : « ex: Je vais appeler le service concerné, et je reviendrai vers vous d’ici dix minutes avec la date. »
  • Astuces :
    • ­Utiliser des connecteurs logiques simples (D’abord…, Ensuite…, Enfin…)
    • ­Rester concis : ne pas répéter mot à mot, mais organiser les idées en phrases courtes»

Nudge et probation

juin 4th, 2025 | Publié par crisostome dans VIOLENCE - (0 Commentaire)

Théorie du Nudge : Le « Coup de Pouce » Comportemental

Développée par Richard Thaler (Prix Nobel d’économie 2017) et le juriste Cass Sunstein dans leur ouvrage Nudge: Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness (2008), la théorie du nudge (« coup de coude » ou « coup de pouce ») repose sur l’idée que des incitations douces et non contraignantes peuvent orienter les décisions individuelles ou collectives vers des comportements bénéfiques, sans restreindre la liberté de choix. Elle s’inscrit dans le champ de l’économie comportementale, intégrant la psychologie à l’analyse économique

1. Nudges basés sur les normes sociales en probation

  • Mécanisme :   Exploiter la tendance humaine au conformisme pour influencer les comportements.
  • Exemple: Dans une chambre d’hôtel, un message indiquant « pour le bien de la planète ne demandez pas le changement de vos serviettes » vs « dans cet hôtel 75 % des clients ayant séjourné dans cette chambre ont fait le choix de réutiliser leur serviette » = Une augmentation de 36% d’adoption du comportement attendu avec les normes combinées (GOLDSTEIN, Noah J., Robert B. CIALDINI et Vladas GRISKEVICIUS. 2008, « A room with a Viewpoint : Using Social Norms to Motivate Environmental Conservation in Hotels », in Journal of Consumer Research, Volume 35, n°3 (Octobre 2008)
  • Exemple concret : Dans des courriers de rappel aux probationnaires, inclure des messages du type : « 9 probationnaires sur 10 respectent leurs obligations sans incident »*. Cette formulation renforce positivement la norme sociale de conformité, réduisant les risques de récidive ou de comportements agressifs en créant une pression sociale positive. Des programmes de probation aux États-Unis et au Royaume-Uni ont utilisé ce principe pour améliorer le respect des rendez-vous et diminuer les violations.

2. Aménagements architecturaux « apaisants » en milieu carcéral

  • Mécanisme : Agir sur l’environnement physique pour réduire les stimuli agressifs via le système 1 (pensée intuitive et émotionnelle).
  • Applications :
    • Couleurs et lumières : Utiliser des teintes pastel et un éclairage naturel dans les cellules ou espaces communs pour diminuer l’anxiété.
    • Signalétiques visuelles : Installer des images évoquant la paix (paysages, symboles de méditation) dans les zones de tension potentielle (réfectoires, coursives).
    • Choix musicaux : Diffuser une musique calme dans les zones d’attente ou de conflit pour abaisser le stress.
  • Effet : Ces modifications, testées dans des prisons européennes, ont montré une réduction des altercations liées à la frustration environnementale.

3. Choix par défaut pour faciliter la réinsertion

  • Mécanisme : Orienter discrètement vers des options bénéfiques en capitalisant sur l’**inertie décisionnelle**.
  • Exemples en probation :
    • Inscriptions automatiques : Proposer par défaut des programmes de gestion de la colère ou de médiation, avec une option de désinscription simple plutôt que d’exiger une démarche active d’adhésion.
    • Rappels comportementaux : Envoyer des SMS automatiques avant des rendez-vous stressants (ex. : rencontre avec une victime) : « Prenez 3 respirations profondes avant d’entrer – 85 % des participants trouvent cela utile ».
  • Résultat : Augmentation de la participation aux thérapies anti-violence et réduction des abandons.

4. Feedback immédiats et renforcement positif

  • Mécanisme : Utiliser des récompenses symboliques pour ancrer des comportements non violents via le système 2 (pensée réflexive) .
  • Cas pratiques :
    • « Cartes de progression » en prison : Remettre aux détenus des cartes visualisant leurs jours sans incident violent, avec des avantages gradués (temps de visite accru, accès à des activités).
    • Applications de probation : Notifier des badges virtuels (« 7 jours de coopération réussie ! ») pour renforcer l’auto-efficacité.
  • Impact : Ces dispositifs, inspirés des « nudges verts », transforment l’abstention de violence en succès tangible, stimulant la motivation intrinsèque.

5. Nudges de transparence pour renforcer la légitimité perçue

  • Mécanisme : Lutter contre la défiance envers les institutions, source de violence, via une information claire et justifiée .
  • Applications en milieu pénal :
    • Explications des décisions : Joindre aux convocations ou sanctions une note détaillant pourquoi une mesure est prise (ex. : « Votre placement en isolement vise à protéger les autres détenus après l’incident X – voir l’article 12 du règlement »).
  • Bénéfice : Ces pratiques atténuent le sentiment d’injustice, facteur clé de l’agressivité en contexte autoritaire.

Des formations courtes pour prévenir la récidive alcool au volant ? Une étude de 10ans remet les pendules à l’heure

l’article suisse « Benefits of short educational programmes in preventing drink-driving recidivism: A ten-year follow-up randomised controlled trial » nous invite à interroger les actions proposées sur le terrain: stages, etc…

Conduire sous l’influence de l’alcool reste une cause majeure d’accidents routiers. En Suisse, comme ailleurs, une part importante des accidents mortels est liée à l’alcool. Mais comment prévenir efficacement la récidive chez les conducteurs sanctionnés pour la première fois ? Une équipe de chercheurs suisses a évalué l’impact de programmes éducatifs de durées différentes sur le risque de récidive… pendant 10 ans !

🎯 Objectif de l’étude

L’étude, menée dans le canton de Genève, visait à comparer l’efficacité de trois formats de formations sur les risques de l’alcool au volant destinées à des primo-délinquants (taux d’alcoolémie de 0.8 à 2.5 g/kg) :

  • Une série de 7 heures de cours sur une journée (format standard).

  • Une version de 4 heures, accompagnée d’un proche (ami, parent, conjoint).

  • Une formation brève de 2 heures.

🧪 Méthode

727 conducteurs ont été répartis au hasard dans l’un des trois groupes. Leur taux de récidive (nouvelle condamnation pour conduite en état d’ivresse) a été suivi via le registre national sur une durée de 10 ans. Un groupe témoin de 940 personnes n’ayant suivi aucun cours a aussi été suivi.

🔍 Résultats

Les formations les plus courtes se révèlent plus efficaces à court terme :

  • Le cours de 2 heures réduit de 25 % le risque de récidive dans les 2 premières années après l’infraction (par rapport au format 7 heures).

  • Le cours de 4 heures avec un proche montre même une baisse de 47 % du risque.

Mais ces effets disparaissent après deux ans : au-delà de cette période, aucun des formats ne montre d’impact significatif sur la récidive.

❗️ Pire encore : le format standard de 7 heures ne montre aucun effet clair sur le long terme, voire une tendance à augmenter la récidive par rapport à l’absence d’intervention !

📚 Ce qu’on peut en tirer

  • Plus long n’est pas forcément mieux : des formations trop longues peuvent entraîner de la lassitude, un rejet ou une banalisation du message entre participants.

  • Les messages courts, ciblés et motivants peuvent être plus percutants, notamment s’ils sont suivis rapidement après l’infraction.

  • Associer un proche peut renforcer l’engagement, mais cet effet s’estompe également avec le temps.

  • Un enjeu clé : agir vite et avec pertinence après l’infraction, pendant la fenêtre critique des deux premières années.

🧩 Conclusion

Cette étude démontre que les formations brèves sont plus efficaces à court terme pour prévenir la récidive d’alcool au volant, tandis que les formations longues classiques peuvent être contre-productives. Ces résultats appellent à repenser les politiques de prévention, en s’appuyant sur les données probantes plutôt que sur des intuitions ou traditions. L’éducation, oui — mais brève, bien pensée et dans le bon timing.

Pourquoi utiliser l’entretien motivationnel avec les mineurs délinquants ?

1. Une réponse adaptée à l’ambivalence adolescente

Les adolescents en conflit avec la loi présentent fréquemment une ambivalence quant à leurs comportements et à la nécessité de changer. L’EM, en facilitant l’exploration de cette ambivalence, permet au jeune de prendre conscience de ses motivations profondes et de ses valeurs, favorisant ainsi un engagement plus authentique dans un processus de changement. 

2. Renforcement de l’alliance thérapeutique

L’établissement d’une relation de confiance est essentiel dans l’accompagnement des mineurs délinquants. L’EM, par son approche empathique et non jugeante, favorise la création d’une alliance thérapeutique solide, condition sine qua non pour un travail efficace.

3. Efficacité démontrée dans divers contextes

Des études ont montré que l’EM est efficace dans la réduction des comportements à risque chez les adolescents, notamment en matière de consommation de substances, de comportements violents ou de récidive. Son intégration dans les programmes de réhabilitation pour mineurs délinquants a permis d’améliorer l’engagement des jeunes et les résultats des interventions.


Comment mettre en œuvre l’entretien motivationnel auprès des mineurs délinquants ?

1. Adapter l’approche au développement adolescent

Il est crucial de tenir compte des spécificités du développement cognitif et émotionnel des adolescents. Cela implique d’utiliser un langage accessible, de respecter leur besoin d’autonomie et de valoriser leurs compétences et réussites.

2. Intégrer l’EM dans une approche multidisciplinaire

L’EM peut être combiné avec d’autres approches, telles que les thérapies cognitivo-comportementales, pour renforcer son efficacité. Cette intégration permet d’aborder les différentes dimensions des problématiques rencontrées par les mineurs délinquants.

3. Former les professionnels à l’EM

Pour une mise en œuvre efficace, il est essentiel que les intervenants soient formés aux principes et techniques de l’EM. Des formations spécifiques sont disponibles pour les professionnels travaillant avec des adolescents en difficulté

Extrait de « l’EM avec des adolescents et les jeunes adultes » (Naaar-king & Suarez 2011):

« PLUS DE 150 000 ADOLESCENTS SONT INCARCÉRÉS chaque année aux Etats-Unis d’Amérique. Les jeunes sous main de justice ont de multiples problèmes de santé mentale, en particulier l’usage de substances psycho-actives (SPA). Des prévalences élevées d’usage de substances ont été relevées chez les détenus, particulièrement pour l’alcool et le cannabis (McClelland, Elkington, Teplin & Abram, 2004). De même, les troubles psychiatriques sont fréquents chez ces adolescents (Teplin, Abram, McClelland, Dulan & Mericle, 2002), parmi lesquels les troubles anxieux, psycho-affectifs et ceux du comportement (Teplin, 2001). Enfin, ces adolescents sont engagés dans des troubles comportementaux variés qui les mettent, ainsi que leur entourage, en risque de développer divers dommages graves.
Les adolescents confrontés à la justice sont à haut risque pour deux situations, celle de la conduite sous l’emprise de l’alcool ou d’une autre substance (CEA/AS), et celle d’être le passager d’un conducteur sous l’emprise de l’alcool ou d’une autre substance (PCEA/AS) (Stein & al., 2006). Une étude portant sur 130 adolescents incarcérés indiquait que 58 % et 81 % d’entre eux avaient
respectivement connu l’une ou l’autre de ces deux situations dans les 12 derniers mois, les substances envisagées étant l’alcool et/ou le cannabis (Stein, 2004). Une autre étude montrait que 95 % des détenus adolescents avaient eu une expérience de sexe non protégé (vaginal ou anal) (Teplin, Mericle, McClelland & Abram, 2003).
On a montré que les adolescents incarcérés, lorsqu’on les compare avec des adolescents non incarcérés, utilisent les préservatifs de façon insuffisante (Nagamune & Bellis, 2002 ; Rickman, Lodico & DiClemente, 1994), échangent plus des services sexuels contre de la drogue (Wood & Shoroye, 1993), et ont plus souvent une activité sexuelle sous l’influence d’un produit (Otto-Salai, Gore-Felton, McGarvey & Canterbury II, 2002). Quoiqu’on sache le besoin de soin visant l’usage de produits (et les comportements à risque qui s’y rapportent) par les adolescents incarcérés, ceux-ci s’engagent peu dans les services qui leur sont proposés (Melnick, De Leon, Hawke, Jainchill & Kressel, 1997 ; Nissen, 2006 ; Prochaska et al. 1994).
De surcroît, il est fréquent qu’il n’y ait pas de service proposé (Nissen, 2006 ; Thornberry, Tolnay, Flanagan & Glynn, 1991 ; Young, Dembo & Henderson, 2007). De même, aucune offre de soin n’est, la plupart du temps, proposée aux familles d’adolescents sous main de justice (Young et al. 2007), et quand il en existe une, les familles ne montrent guère d’investissement dans ces programmes (Perkins-Dock, 2001). Enfin, au-delà de ces manques d’offre et d’engagement dans les traitements, il faut rappeler le tempo de l’action judiciaire : beaucoup d’adolescents ne sont détenus que pour quelques jours, et les sorties sont quelquefois inattendues.

POURQUOI L’EM ?
L’EM peut être bref, il s’applique à des adolescents à un moment où ils ont intérêt au changement, est cohérent avec la phase du développement des adolescents qui se débattent avec la question de l’autonomie, et fait jouer des mécanismes mentaux considérés comme importants pour le changement (par exemple, le sentiment d’efficacité personnelle).
Etant bref, l’EM est adapté pour les situations de travail où les ressources sont faibles. Il est aussi indiqué pour les gens qui montrent un haut niveau de colère ou d’agressivité, sentiments Le système judiciaire spécialisé que l’on retrouve fréquemment dans le système pénal (Karno & Longabaugh, 2004 ; Waldron, Slesnick, Brody, Turner & Peterson, 2001). Par exemple, pas moins de 40 % des adolescents manifestent un niveau important de colère au moment de leur incarcération (Stein, Slavet, Gingras & Gloembeske, 2004). »