FRANCE CULTURE (16.02.2013) Concordance des temps: Les prisons : inhumaines toujours ?
En décembre dernier, l’équipe de Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de prévention de liberté – entendez, pour l’essentiel, des prisons – est sortie effarée, je cite le journal Le Monde, d’une visite à la maison des Baumettes à Marseille. Les observateurs ont constaté « l’effroyable odeur d’ordures et d’urine, des murs qui tombent en ruine, de l’eau qui ruisselle dans les bâtiments, des rats qui pullulent au point que les surveillants tapent des pieds pendant les rondes de nuit pour les éloigner. Ils ont trouvé un scorpion dans une flaque et surpris un détenu qui lapait l’eau des toilettes, lassé de réclamer depuis trois semaines qu’on répare le robinet de sa cellule. Un autre a fini par murmurer, vert de peur, qu’il était l’esclave, y compris sexuel, de ses deux codétenus. » Le contrôleur général a jugé ce naufrage assez épouvantable pour utiliser la procédure d’urgence prévue en cas « de violation grave des droits fondamentaux. » Mais les effets de cette décision demeurent, pour l’heure, fort incertains. Dans notre République, telle qu’elle est, ressurgissent régulièrement, comme par bouffées, des moments d’indignation et de honte devant une situation scandaleuse au pays des droits de l’homme. Une des dernières fois, ce fut en 2000, lorsque le médecin-chef à la prison de la Santé, Véronique Vasseur, publia un livre où elle dressait un bilan accablant des conditions de détention dans cet établissement.
Or, si l’on souhaite pouvoir échapper – peut-être… – à une impression de fatalité, et retrouver une inspiration auprès de tous ceux qui, dans le passé, ont combattu cela, il est sûrement utile d’aller rechercher en arrière, jusqu’à l’Ancien Régime, si les prisons ont toujours été inhumaines et dans quelle mesure. J’ai la chance, dans la ligne de la série d’émissions consacrée à ce thème sur France Culture, de pouvoir le faire avec Michelle Perrot, bien connue ici grâce aux Lundis de l’Histoire, qui a consacré à ces questions (à l’origine en proximité de Michel Foucault) des travaux qui sont essentiels. Jean-Noël Jeanneney

En décembre dernier, l’équipe de Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de prévention de liberté – entendez, pour l’essentiel, des prisons – est sortie effarée, je cite le journal Le Monde, d’une visite à la maison des Baumettes à Marseille. Les observateurs ont constaté « l’effroyable odeur d’ordures et d’urine, des murs qui tombent en ruine, de l’eau qui ruisselle dans les bâtiments, des rats qui pullulent au point que les surveillants tapent des pieds pendant les rondes de nuit pour les éloigner. Ils ont trouvé un scorpion dans une flaque et surpris un détenu qui lapait l’eau des toilettes, lassé de réclamer depuis trois semaines qu’on répare le robinet de sa cellule. Un autre a fini par murmurer, vert de peur, qu’il était l’esclave, y compris sexuel, de ses deux codétenus. » Le contrôleur général a jugé ce naufrage assez épouvantable pour utiliser la procédure d’urgence prévue en cas « de violation grave des droits fondamentaux. » Mais les effets de cette décision demeurent, pour l’heure, fort incertains. Dans notre République, telle qu’elle est, ressurgissent régulièrement, comme par bouffées, des moments d’indignation et de honte devant une situation scandaleuse au pays des droits de l’homme. Une des dernières fois, ce fut en 2000, lorsque le médecin-chef à la prison de la Santé, Véronique Vasseur, publia un livre où elle dressait un bilan accablant des conditions de détention dans cet établissement.
Aujourd’hui, un peu plus d’invités que de coutume autour de notre table. La juge pour enfants, Catherine Sultan, Nous avons ces derniers jours réfléchi à la définition que l’on pouvait donner de cet âge, à la représentation qu’en faisait l’art (le cinéma américain par exemple), aux souvenirs que peuvent laisser cette époque, au rapport que l’adolescence entretient avec le savoir et l’apprentissage. Nous concluons cette semaine en posant la question du rapport à la loi cette fois. L’adolescence, si elle est ce temps de passage entre l’âge d’enfant et l’âge adulte, et qu’elle les contient tous les deux, elle est aussi cette accession à la responsabilité morale et physique des actes que l’on commet, notamment symbolisé par la majorité pénale. Comment la justice peut-elle prendre en compte, dans le même temps, l’enfant et l’adulte en devenir, à l’intérieur de l’adolescent qui agit ? Affirmer qu’il est sujet sans négliger la spécificité de mineur ? Nous le formulions lundi avec le philosophe Pierre Henri Tavoillot, la question du sens est primordiale dans cette période de préparation au passage du seuil de l’âge adulte et cette question du sens se modifie nécessairement, se radicalise lorsqu’elle est d’un coup conjuguée à celle de l’indépendance. Elle induit que l’entreprise de justice ne puisse être séparée de l’entreprise de protection et d’éducation et questionne la société toute entière sur sa capacité à aménager l’autorité, à créer de bonnes conditions de transmission, à revoir son rapport au temps. Voilà pour la théorie. Depuis l’ordonnance du 2 février 1945 à la façon dont la justice pour mineurs s’exerce aujourd’hui, nous allons tenter de discuter ces questions dans le concret.un éducateur et un pénitentiaire du Centre des Jeunes Détenus de Fleury Mérogis évoqueront les questions de transmission du savoir et de responsabilité des adolescents, oui mais tout cela en prison.