La relation entre les formulations et les mesures actuarielles du risque
« Les mesures actuarielles du risque sont fondées sur une analyse corrélationnelle – généralement prédictive. En tant que telles, elles n’offrent pas de modèle causal clair permettant d’expliquer pourquoi une personne a délinqué de la manière dont elle l’a fait. Ward (e.g. Ward et Fortune 2016) a soutenu que le risque dynamique doit être clairement conceptualisé comme étant
des processus causaux découlant de la théorie. Dans la formulation des cas, ces processus causaux doivent être placés dans un récit de développement, qui est lui-même un compte rendu de multiples processus causaux en interaction.
Le fait qu’un facteur particulier soit en corrélation avec une nouvelle condamnation ne signifie pas qu’il s’agit d’un facteur causal.
Afin d’établir les raisons de la corrélation, les questions suivantes doivent être posées :
- Le facteur observé est-il un marqueur d’un autre facteur ou processus plus directement lié au résultat ?
- Le facteur est-il un médiateur du lien entre un autre facteur et la délinquance ?
- Le facteur modère-t-il le lien entre un autre facteur et la délinquance ?
Aux fins de la formulation, ce qui est nécessaire est un mécanisme de risque clair reliant un facteur à la causalité du comportement . Les facteurs de risque en tant que tels sont peu utiles s’ils ne sont pas traduits en processus de causalité contextualisés ou en mécanismes de risque. Pour illustrer cela, Andrews et Bonta (2003), les « huit facteurs centraux » de risque/besoin associés à la délinquance sont sont énumérés ci-dessous et chacun d’entre eux est associé à des exemples de mécanismes de risque liés à des expériences développementales clés. »
Exemples de mécanismes de risque tenant compte du développement et liés au modèle RBR
Besoins criminogènes Identifiés dans le modèle RBR (Andrews et Bonta 2003) | Exemple d’antécédents développementaux et mécanismes de risque associés à chaque besoin | Interventions possibles |
Attitudes procriminelles (pensées, valeurs et sentiments qui soutiennent le comportement délinquant) | Les abus violents ou sexuels précoces sont liés à une préoccupation de longue date
de vengeance et d’l’hypervigilance à la recherche d’une éventuelle violence dans contexte actuel. Croyances qui valident la violence et les comportements abusifs comme moyen de satisfaire des besoins de vengeance. Croyances dans le fait que la violence est un moyen d’éviter d’autres victimisation. Croyance en la légitimité et l’efficacité de la violence de l’apprentissage social dans des contextes familiaux abusifs. Ces croyances ont un impact sur les choix quant à la façon de gérer les situations ambiguës et la satisfaction des besoins. |
Travail sur les traumatismes et les réactions au traumatisme à l’aide d’une approche par étapes (par exemple Courtois et Ford 2009). Désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires (EMDR) pour les pensées et souvenirs intrusifs. Développer des stratégies pour se sentir en sécurité qui n’impliquent pas de violence.
Veiller à ce que les auteurs soient signalés aux services sociaux et à la police afin que, si possible des poursuites puissent être engagées (afin d’éviter d’autres victimes et d’offrir un sentiment de justice). L’exploration des liens entre les expériences de victimisation et celles des victimes qu’ils ont faites. Stratégie des choix (par exemple Bush 1995) |
Personnalité antisociale (faible maîtrise de soi, hostilité, aventureux recherche du plaisir, mépris des autres, insensibilité)
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Traumatisme ayant un impact sur :
· L’absence d’avenir (Kerig et Becker 2010) lié à une perspective à court terme ; · l’engourdissement émotionnel (Kerig et Becker 2010) lié à un manque de sensibilité aux 1°) émotions liées à la pensée et au comportement (par exemple, l’anxiété d’anticipation ou la compassion pour soi dans le futur) 2°) liées à la compassion pour autrui ; 3°) une préoccupation de générer des sensations en raison de l’expérience de l’engourdissement permanent |
Travail sur les traumatismes à l’aide de l’EMDR (Shapiro), la thérapie des schémas (par exemple Young et al. 2006)
ou la thérapie CAT (Cognitive Analytic Therapy) (par exemple Pollock et Stowell-Smith 2006). Thérapie centrée sur la compassion (par exemple Gilbert et Procter 2006) |
Associés procriminels / pairs antisociaux | Ne pas faire confiance aux adultes ou aux personnes qui n’ont pas les mêmes antécédents que soi – par exemple, en raison d’antécédents d’abus violents, de traumatismes institutionnels, traumatismes de trahison (Chakhssi et al. 2014). | Travailler à l’établissement de relations avec un groupe de pairs non délinquants.
Renforcer le sentiment d’appartenance par le biais du travail et de l’éducation. |
Réussite sociale
(éducation, emploi)
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La capacité de penser et de réfléchir au point de vue des autres nécessite une expérience d’attachement pour se développer (par exemple Fonagy et Target 1997). L’absentéisme scolaire, la dysrégulation émotionnelle. La maltraitance infantile altère le développement normal du cerveau et des voies neuronales (par exemple, Teicher et al. 2002, 2003), ce qui augmente le risque de troubles cognitifs plus tard dans la vie (Lupien et al. 2009). | L’offre de possibilités pour atteindre leurs objectifs dans un contexte de soutien « étayé ». L’utilisation d’interventions relationnelles pour favoriser la capacité de mentalisation.
Utiliser la formation aux compétences cognitives et les pratiquer. |
Famille/conjugalité
(instabilité conjugale, mauvaises compétences parentales, criminalité)
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Traumatismes liés au développement de l’attachement, perte, rejet, éclatement de la famille, etc. conduisant à des styles d’attachement problématiques.
Ceux-ci conduisent ensuite à une cascade de mauvaises relations à un stade ultérieur de la vie. La délinquance dans le contexte de ruptures et perturbations de l’attachement qui agissent comme un déclencheur important de l’« absence d’avenir » et de l’« abandon » des valeurs liées l’engagement dans le « contrat social ». |
Intervention portant sur le style d’attachement en utilisant, par exemple un reparentage limité (Young et al. 2006) ou des interventions à long terme fondées sur l’attachement à long terme.
Psycho-éducation sur l’attachement Réparation des ruptures relationnelles (e.g. Safran et al. 2011) |
Addiction | La maltraitance des enfants a été fortement liés aux troubles liés à l’addiction dans une série de populations (par exemple, Dube et al. 2006 ; Ducci et al. 2009 ; Enoch 2011).
L’abus de substances comme stratégie pour gérer la dysrégulation émotionnelle liée à un traumatisme. L’abus de substances comme réponse à la négligence, et exposition conséquente à l’abus de substances valorisée par le groupe de pairs. |
Intervenir pour traiter les difficultés liées aux traumatismes afin que l’automédication » ne soit pas requise (par exemple, EMDR).
Travailler à trouver des groupes de soutien et des activités sociales saines. Travailler sur la réaction émotionnelle aux expériences d’exclusion sociale. |
Loisirs/récréation (manque d’activités prosociales) | Négligence dans le contexte développemental entraînant un répertoire significativement limité en matière compétences de plaisir, de relaxation et de loisirs. | Fourniture d’opportunités structurées pour s’engager dans une gamme de loisirs et d’activités récréatives et de soutien.
Les compétences du bonheur telles que l’apprentissage de la manière d’apprécier les choses et l’appréciation en pleine conscience de moments de récréation. |
Source: The Wiley Handbook of What Works in Violence Risk Management, Theory, Research and Practice, Edited by J. Stephen Wormith, Leam A. Craig, and Todd E. Hogue (2020)
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