Nicole Maestracci (04/02/2013) Récidive : « Les peines alternatives à la prison sont de vraies peines », (Article à voir sur Rue 89)
Extraits:
Nicole Maestracci est le visage de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, lancée en septembre par la ministre de la Justice. Pourtant, la magistrate rechigne à l’incarner. Elle dit « nous » et pas « je ». Précise, plusieurs fois, que ce n’est pas elle qui décide. Que si elle préside bien le comité d’organisation de la conférence, ce n’est pas son avis qui prévaut, mais celui du jury (…)
Certains pays, comme la Suède, prévoient des libérations conditionnelles systématiques. Là-bas, le condamné sort de toute façon aux deux tiers de la peine. L’évaluation ne sert pas à décider s’il doit sortir, mais à déterminer le contenu du suivi. La différence, c’est qu’en Suède, un conseiller d’insertion et de probation suit entre 25 et 35 cas par an. En France, c’est plutôt de 80 à 130 dossiers. Ce n’est pas tout à fait la même chose (…)
Quel bilan faites-vous des travaux de la conférence de consensus jusqu’à présent ?
Au départ, la conférence se heurtait à un certain scepticisme, parce que c’est une méthode très inhabituelle dans le monde judiciaire. C’était assez difficile à comprendre. Ce processus fait intervenir beaucoup de gens, c’est un pari sur l’intelligence collective et le croisement des regards.
Tous les professionnels avaient le souci de débattre et de contribuer, de trouver des solutions. Ils ont aussi exprimé un sentiment de perte de sens, due à l’impression de gérer des flux et à la surcharge de travail. Des magistrats et fonctionnaires nous ont dit : « A la fin de la journée, on ne sait plus ce qui est important et ce qui ne l’est pas ».
En France, on dispose de beaucoup de mesures, soit en pré-sentenciel (les réponses pénales apportées par le parquet), soit en post-sentenciel. Mais au fond, même si on peut avoir le sentiment que telle ou telle mesure est plus ou moins efficace, les connaissances des acteurs sont très empiriques. On ne dispose pratiquement d’aucune évaluation sur la prison ou sur les mesures alternatives en milieu ouvert.
L’importation de la conférence de consensus, issue du monde médical, dans le domaine de la justice, témoigne-t-elle d’une mutation de la répression vers le soin ?
J’y verrais plutôt l’idée que pour mener une politique pénale, on doit se fonder sur des données scientifiques, même s’il ne s’agit pas là de sciences dures mais de sciences humaines et sociales. Il y a toujours une part d’humain et d’émotion dans l’accompagnement de quelqu’un. Néanmoins, on a suffisamment de données aujourd’hui pour dire : ce n’est pas possible de continuer comme ça.
Aujourd’hui, tous les textes successifs ont rendu l’accès aux mesures d’aménagement plus difficile pour les récidivistes. Résultat, les récidivistes, qui sont les personnes les plus en risque de récidive, bénéficient le moins des mesures propres à réduire les risques. C’est une absurdité, une contradiction relevée par beaucoup des intervenants qu’on a entendus.
http://www.rue89.com/2013/02/04/recidive-les-peines-alternatives-la-prison-sont-de-vraies-peines-239076