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Une sanitarisation du pénal ?La mobilisation de la maladie dans des procès pénaux

par Lara Mahi ; Sociologie, philosophie et socio-anthropologie politiques (SOPHIAPOL), Université Paris Ouest Nanterre-La Défense, Revue française de sociologie2015/4 (Vol. 56)

Résumé

Cet article interroge l’intégration d’une approche sanitaire dans les décisions judiciaires à travers l’analyse des procédés par lesquels justiciables, magistrats et avocats mobilisent des événements de santé au cours de procès pénaux. À partir d’observations conduites pendant un an dans les trois sections d’une chambre de comparution immédiate et de la constitution d’une base de données issue de ces observations (n = 290), nous montrons que la maladie est un registre d’exploration pour les magistrats qui, poursuivant une logique d’individualisation de la peine, incitent les justiciables à révéler un « problème de santé ». Ceux qui révèlent être malades sont ensuite systématiquement questionnés sur leur engagement dans une prise en charge médicale. Les analyses de régression font apparaître que cette dernière détermine fortement la sanction pénale. Les justiciables engagés dans une démarche de soins sont « protégés » de la prison tandis que ceux qui ne se soignent pas y sont plus souvent directement conduits à l’issue de leur procès. Ces résultats et l’analyse des procédés argumentatifs par lesquels ces « problèmes de santé » sont mobilisés au cours des débats d’audience mettent en évidence les attentes à partir desquelles les juges construisent leurs décisions, qui prennent la forme de trois impératifs normatifs pesant sur l’ensemble des justiciables et conduisant à une surincarcération des plus désaffiliés d’entre eux, parmi lesquels les malades qui ne se soignent pas.

http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RFS_564_0697

Jean PINATEL (1952) « Les délinquants mentalement anormaux », Traité de science pénitentiaire

LES DELINQUANTS MENTALEMENT ANORMAUX

Chapitre II

PinatelLe problème des délinquants anormaux constitue, sur le terrain de la défense sociale, un centre d’intérêt primordial. C’est qu’en effet, il se relie, d’une part, à la lutte contre la grande criminalité dans la mesure où celle-ci est l’œuvre des délinquants de tempérament et d’autre part, à la lutte contre la délinquance d’habitude, dans la mesure où des individus catalogués aujourd’hui comme délinquants d’habitude sont des anormaux.

Le délinquant mentalement anormal n’est pas un malade, il ne rentre pas dans Je cadre de la définition de l’article 64 du Code pénal, il ne relève pas de l’hôpital psychiatrique.

Dans ces conditions, il ne saurait être acquitté, mais au contraire, une mesure pénale doit être prise contre lui. Mais il est évident que cette mesure pénale doit revêtir un caractère particulier, elle doit être une mesure de sûreté.

Ces données du problème paraissaient devoir s’imposer à tous, lors­qu’elles ont, été remises en question sous l’influence de deux mouvements. Le premier est d’origine judiciaire et a pour objet de faire entrer les malades mentaux dans le cadre du droit pénal, grâce à la notion de mesure de sûreté. Cette solution, si elle était admise, ne  constituerait pas — loin de là — un progrès de la civilisation, et d’ailleurs, en pratique, on serait bien obligé de laisser les malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques.

Le deuxième, lui, est sans aucun doute d’une origine différente. Il se présente avant tout comme voulant sauvegarder la notion de responsabilité dans le domaine de la défense sociale. Aussi bien, deman­de-t-il que l’on inflige à l’anormal une peine, avec cette réserve que le traitement pénitentiaire doit être subi sous un régime spécial.

Cette position qui, sur le terrain de l’opportunité, a F avantage de respecter les assises traditionnelles du droit pénal français, présente, du point de vue théorique, lincontestable défaut de contribuer à mélanger les notions de peine et de mesure de sûreté. Or, cette confusion est des plus dangereuses, car l’expérience prouve que La peine se dénature au contact de la mesure de sûreté. Si l’on veut sauver la peine, et partant, l’idée de responsabilité, il faut au contraire séparer ce qui doit être séparé et prévoir des institutions différentes selon que l’on veut réprimer, c’est-à-dire avoir en vue parfois la prévention individuelle, mais toujours la prévention collective, ou traiter, c’est-à-dire n’avoir en vue que la prévention individuelle.

La méconnaissance de ces notions provoque une décadence de la peine par le jeu de la théorie de la responsabilité atténuée. Celle-ci, sous le couvert d’individualisation de la peine, énerve la répression en faisant aux anormaux un traitement de faveur, sans pour cela leur être d’une utilité quelconque. La prison, dans l’hypothèse la plus favorable, ne peut que ne pas empirer l’état de l’anormal. Le plus souvent, elle l’aggrave. Il suffit de songer à l’exemple du pervers sexuel dans le cadre du problème de la vie sexuelle dans les prisons, pour qu’il soit inutile de s’appesantir davantage là-dessus.

À l’inverse, lorsque le souci de l’exemplarité l’emporte, des peines sévères sont prononcées’ contre des individus pour lesquels le problème de la responsabilité — en admettant qu’il se pose pour eux — se présente sous des aspects très particuliers.

Ainsi apparaît à l’évidence la nécessité absolue du dualisme des institutions pénales. Or, la distinction nécessaire de la peine et de la mesure de défense sociale exige l’organisation de l’observation scien­tifique des délinquants, préalablement à toute décision judiciaire, la mise au point d’un régime pénal et pénitentiaire particulier pour les anormaux. On peut, enfin, considérer qu’au problème des délinquants mentalement anormaux se rattachent ceux de l’eugénisme, de l’alcoolisme et de la prostitution.

(suite…)

psychopathe_1Susanne Preusker est psychologue et psychothérapeute . En 2009, elle était chef du département de thérapie sociale pour les délinquants sexuels dans une prison de haute sécurité. Elle a donc travaillé en particulier avec les délinquants violents .

Durant son mandat , elle a été  prise en otage pendant sept heures sous la menace d’un couteau et violée à plusieurs reprises par un de ses patients le 7 Avril 2009 dans la prison  JVA Straubing.  L’homme avait été son patient pendant quatre ans.

Auparavant, il avait déjà agressé plusieurs femmes et pris en otage des officiers de prison. Après cet acte, les contrôles et les mesures de sécurité ont été renforcées dans la prison. L’auteur a été finalement condamné en mai 2010 à 13 ans et neuf mois d’ emprisonnement.

Susanne Preusker raconte son histoire dans le livre Sept heures en Avril .

Susanne Preusker s’est suicidée en 2018 à l’âge de 58 ans

 

Voir aussi:

Stephen Porter/Michael Woodworth: « Ce qui est intéressant avec les psychopathes, c’est qu’ils sont capables de masquer leurs dysfonctionnements et sont très habiles »

 

THE GUARDIAN (23/11/14) UK’s mentally ill people more likely to be found in jail than hospital

Each decade in Britain appears to contain a symbolic, heinous murder – a crime so awful that it reflects a nation’s pathologies as well as its fears. In the 1990s, the death of James Bulger, a two-year-old who was abducted from a Merseyside shopping centre before being tortured and killed, led to the age of criminal responsibility being changed.

The next decade began with the case of 10-year-old Damilola Taylor, who bled to death after being assaulted on a south London stairwell, presaging years of concern over the rise of such attacks.

This month has seen a gruesome case which again holds up a mirror to the state of Britain. The events that led to Matthew Williams, found eating the face and eyeball of a 22-year-old woman he had lured into his room at Caerphilly’s Sirhowy Arms hotel, can be used to give a diagnosis of one of society’s most visceral ills: that prisons, not hospitals, are the place to find the mentally disturbed.

There are about 16,000 mental health beds in the NHS, while the Centre for Mental Health estimates that about 21,000 people behind bars – a quarter of the total prison population – have bipolar disorder, depression or personality disorders.

Prisons also disproportionately house those who have the most serious mental illnesses. About a quarter of women and 15% of men in prison reported psychotic episodes. The rate among the general public is about 4%.

Williams, who had had paranoid schizophrenia since he was a teenager, had been released from jail two weeks before the attack. He appeared to be a man lost, prey to delusions and hallucinations that had haunted him for years.

It’s certainly what his mother, Sally Ann Williams, thought. Interviewed by the BBC days after the murder, she claimed her son had been unable to access the medication he needed to keep his condition in check. She argued that her son, who died after police fired a Taser at him to try to force him away from his victim, should have been in hospital rather than living with little or no supervision in the community.

None of this surprises Jeremy Coid, professor of forensic psychiatry at Queen Mary University of London. He points out that less than 25% of prisoners who screen positive for psychosis subsequently received an appointment with a mental health professional after release. In a paper last year he said that failing to effectively screen prisoners’ mental health inevitably led to tragedy.

He told the Guardian: “Our work, which looked at 1,000 cases, showed released prisoners with schizophrenia are three times more likely to be violent than other prisoners, but only if they receive no treatment or follow-up support from mental health services.”

It did not have to be like this. In the dying days of the last Labour administration, ministers produced the Bradley report – a blueprint for reform of the criminal justice system and healthcare to ensure that prisoners did not languish behind bars without help. Ministers had been spurred into action by a series of hard-hitting warnings from charities such as the Prison Reform Trust, which pointed out that a third of prisons frequently saw prisoners who were too ill to be in jail.

However, the Bradley report was shelved by this government, which instead has brought about huge upheavals in the prison service and the NHS. In the past three years the public prison service has seen its budget cut by £263m and is struggling to cope with the loss of more than 12,500 (28%) of its staff since 2010 at a time of an ever-rising prison population. Probation services that will oversee the “medium and low risk” released prisoners are to be privatised.

At the same time the health service has undergone radical change. Budgets have been outstripped by patient demand, especially in mental health. In the summer the Royal College of Psychiatrists warned that NHS mental health services were “running dangerously close to collapse”. Analysis by the Health Service Journal found that there were now 3,640 fewer nurses and 213 fewer doctors working in mental health compared with two years ago.

Juliet Lyons of the Prison Reform Trust wants an independent inquiry into the issue of prisoner mental health, saying that the proposed “serious further offence review” into the Williams case does not go far enough.

Retrouvez l’intégralité de l’article sur le site du Guardian

James Bonta, Julie Blais, Holly A. Wilson (2013) Prédiction du risque de récidive chez les délinquants atteints de troubles mentaux 

Sécurité publique du Canada;  Synthèse quantitative 2013-01

Résumé

Les délinquants atteints de troubles mentaux posent un problème important au personnel médico‑légal et correctionnel chargé de s’occuper d’eux de façon sécuritaire et humaine. Comme dans le cas des délinquants non atteints de troubles mentaux, il est important de reconnaître que les délinquants atteints de troubles mentaux ne présentent pas tous le même risque et qu’il faut s’efforcer de différencier les délinquants à faible risque des délinquants à risque élevé. La théorie de la personnalité générale et de l’apprentissage socio-cognitif (PGASC) appliquée au comportement criminel (Andrews et Bonta, 1994, 2010) a grandement influencé l’élaboration de l’évaluation du risque et des besoins chez les délinquants généraux. Cette théorie s’appuie sur huit catégories de risques ou besoins qui sont centrales à la prédiction du comportement criminel : antécédents criminels, compagnons favorisant la criminalité, attitudes et éléments cognitifs favorisant la criminalité, personnalité antisociale, études et emploi, relations familiales ou conjugales, toxicomanie et loisirs. Fait notable, la théorie de la PGASC se caractérise par l’absence de variables liées à la santé mentale qui occupent une place importante dans les modèles cliniques des délinquants atteints de troubles mentaux. La présente méta‑analyse évalue la validité prédictive relative des catégories de risques ou besoins de la théorie de la PGASC et les variables tirées de la perspective clinique. Selon notre conclusion générale, les facteurs de risque/besoins de la théorie de la PGASC permettent de mieux prédire la récidive générale et la récidive violente que les facteurs cliniques (à l’exception de la personnalité antisociale/psychopathie).

 Prédiction du risque de récidive chez les délinquants atteints de troubles mentaux

Encinas de Munagorri Rafael (1999) La recevabilité d’une expertise scientifique aux États-Unis;  Revue internationale de droit comparé. Vol. 51 N°3. Juillet-septembre. pp. 621-632.


Résumé:

Quelles sont les règles de preuve qui gouvernent la recevabilité d’une expertise scientifique ?

Au terme d’une évolution en trois étapes, la Cour Suprême des États-Unis a posé des conditions de recevabilité qui conduisent les juges à apprécier les connaissances scientifiques des experts.

url :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1999_num_51_3_1825

rorschachLe tournant décisif de ces dernières années est l’arrêt Daubert rendu le 28 juin 1993 par lequel la Cour Suprême des États-Unis a bouleversé les conditions de recevabilité d’une expertise scientifique. Le sens du revirement est clair : alors que les juges pouvaient s’en remettre à ce qui est généralement admis par les spécialistes en un domaine donné, ils sont désormais invités à s’assurer que les experts appelés devant les tribunaux présentent les garanties scientifiques suffisante. (…) Quelles sont les garanties que doit présenter un  expert, et à quels moyens les juges disposent-ils pour s’assurer de la fiabilité de l’expertise ? Quels sont les contours et le domaine de l’expertise scientifique ? Est-elle une expertise particulière à laquelle s’applique un régime spécial ou constitue-t-elle le droit commun de l’expertise ? De manière plus générale, on peut se demander comment les juges parviennent à concilier la recherche de la vérité des faits avec l’ incertitude générée par l’évolution des connaissances. Au-delà de problèmes relatifs au droit de la preuve, il s’agit aussi de prendre en compte les nouvelles articulations entre la science et le droit, la connaissance et la décision, le savoir et le pouvoir. On ne fera ici que signaler le mouvement du droit positif amorcé aux États-Unis. Il consiste à rendre plus restrictives les conditions par lesquelles une expertise scientifique est recevable devant les tribunaux. (…)

En conclusion, il est possible de présenter l’évolution des conditions de recevabilité d’une expertise scientifique aux États-Unis à partir de l’attitude des juges à l’égard de la science. Au cours d’une première période qualifiée de pragmatique, alors que les sciences appliquées restent discrètes dans la vie quotidienne, les juges ne font qu’apprécier la compétence de l’expert sur le plan professionnel. Attitude d’indifférence à l’égard de la science dont ils peuvent se permettre de tout ignorer. Au cours d’une seconde période où la science prospère sous la bannière d’un progrès devenu accessible et visible sur le plan matériel, les juges doivent apprécier si les connaissances de l’expert correspondent à celle généralement admises par la communauté de spécialistes. Attitude de confiance où ils doivent s’informer de l’état positif des connaissances scientifiques. Au cours de la période la plus récente, où la science et les technologies sont omniprésentes, les juges doivent apprécier la validité des connaissances scientifiques utilisées par l’expert. Attitude critique qui suppose de disposer d’une culture scientifique élémentaire. En définitive, au cours de ces trois périodes définies à gros traits, les conditions de recevabilité se cumulent plus qu’elles ne se substituent les unes aux autres. Pour conserver leurs prérogatives sur les faits, les juges semblent devoir s’investir dans une compréhension de plus en plus approfondie de la science . Au-delà de l’évolution, il importe de bien prendre en compte l’élan mutuel par lequel la compréhension entre juristes et scientifiques est appelée à s’établir. Est-il besoin de rappeler, par delà leurs traditions et utopies respectives, que le droit et la science participent de l’unité de la culture ?

Lire l’article sur Persee.fr

Lire aussi: Daubert Asks the Right Questions: Now Appellate Courts Should Help Find the Right Answers (suite…)

La très (très) intéressante communication de Martine Herzog Evans du colloque du CHU de Rennes et du CRIAVS de Bretagne est en ligne sur son site! Merci à elle!

Cette communication est intitulée « Quelle place pour l’évaluation dans l’injonction de soins ». Intervention sur: La perception par les JAP de l’expertise. Une recherche empirique » 

A l’écoute de cette communication, outre les problèmes logistiques posés, l’expertise psychiatrique peut-elle rester l’Alpha et l’Oméga de l’évaluation dans le champ pénal?  Quelle place l’institution, et en particulier le SPIP, peut-elle prendre dans cette pratique de l’évaluation, auprès notamment des magistrats? Et avec quels outils?

Presentation Evans Rennes Jan 31 2014

http://herzog-evans.com/wp-content/uploads/2012/08/Communication-Evans-Colloque-Rennes-31-Jan-2014.mp3