Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
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📚Au Québec, les premiers tribunaux spécialisés en matière de violences sexuelles et conjugales au monde se mettent en place.
👉Objectif : mieux accueillir les victimes de ce type de violences, qui dans la majorité des cas craignent de porter plainte auprès de la police. ✅Accompagnement spécialisé, formation
des intervenants, aménagement d’espaces “sécurisants”… Plus question pour les victimes d’être confrontées au regard et à la présence de leurs agresseurs présumés.

FRANCE CULTURE (2022)Émission LSD, « Viole-és, une histoire de dominations »

Épisode 1/4 : Poser ses mots

Lundi 10 octobre 2022 (première diffusion le lundi 7 décembre 2020)

Ici, après, des victimes cherchent à formuler le trauma.

« C’est en même temps ce qui me défigure et ce qui me constitue”, écrit Virginie Despentes dans « King-Kong Théorie » pour qualifier son viol.

Mathilde, Baptiste, Marcia & Sol, des victimes de viol ont la parole, elles racontent l’après, les chemins semés d’embûches, les traumatismes — après l’amnésie parfois —, l’isolement social, mais aussi l’ampleur des violences hétérosexistes, l’inertie des pouvoirs publics, leurs luttes et la colère, qu’elles réhabilitent.

Épisode 2/4 : Rompre les silences

Mardi 11 octobre 2022 (première diffusion le mardi 8 décembre 2020)

Des mythes résonnent comme des injonctions au silence pour les minorités : le violeur noir ou arabe, l’homosexuel-pédophile, la lesbienne qui regrette, la conjointe et la prostituée forcément consentantes, la femme handicapée forcément reconnaissante… À elles de dire “moi aussi”.

En octobre 2017, en 24h, plus de 2 millions de femmes témoignent en ligne des violences sexuelles qu’elles ont subi. Leurs récits sont réunis par un “mot-dièse”, #Metoo. L’onde de choc est mondiale. Depuis, d’autres vagues ont déferlé : #Metoo dans le sport, dans la musique, la cuisine… Mais Mathilde Forget précise « Ce n’est pas la parole qui se libère. C’est l’écoute qui est en train d’évoluer, d’être interrogée et interpellée. Il faut continuer. Elle est exigeante, cette écoute. Elle est fuyante, mais il faut l’entraîner ».

Les minorités sexuelles et racisées et les victimes d’inceste et/ou de violences dans l’enfance, sont proportionnellement surreprésentées parmi les victimes de violences à caractère sexuel. Les écouter, c’est comprendre les rouages d’un système où le viol n’est pas affaire de sexe ou de sexualité, mais de pouvoir. Matthieu Foucher constate que “Dans beaucoup de cas, la famille choisit la famille plutôt que de protéger la personne qui a été victime de ces violences”

Épisode 3/4 : Fabriquer d’autres récits

Mercredi 12 octobre 2022 (première diffusion le mercredi 9 décembre 2020)

Celles et ceux qui s’expriment ont fabriqué d’autres récits, proposés d’autres imaginaires. En racontant leurs réalités, elles et ils reprennent le pouvoir sur des narrations longtemps confisquées.

“Les premières années après le viol, surprise pénible : les livres ne pourront rien pour moi” écrit Virginie Despentes dans King-Kong Théorie, mais d’autres récits s’écrivent comme celui d’Annie Ernaux “Pourquoi je vais employer le terme « consenti » ? Ce terme de consentir va devenir depuis #MeToo le verbe clé”.

Annie Ernaux a longtemps craint de mourir avant d’avoir écrit son roman Mémoire de fille, “le trou inqualifiable, le texte toujours manquant”. Dans ce documentaire, elle emploie le terme “viol”, qu’elle a longtemps refusé, pour décrire l’expérience vécue par La fille de 58, “Quand vous prononcez ces mots, maintenant j’en vois l’ampleur, l’ampleur de la violence, l’inadmissible. Vous avez raison et maintenant, j’ai raison de dire viol ».

Épisode 4/4 : Se défendre

Jeudi 13 octobre 2022 (première diffusion le jeudi 10 décembre 2020)

Interroger la lutte contre le viol, émergé dans les années 70, et penser, comme cela a été fait dès les prémices de cette lutte féministe, des alternatives au système pénal et carcéral.

Depuis les années 70, le viol est devenu un sujet féministe, et politique à part entière. La loi reconnaît le viol comme un crime. Pourtant, seulement 1/10e des plaintes aboutit à une condamnation, et la correctionnalisation, la requalification des viols en “agressions sexuelles” est légion.

Les failles de la justice en matière de lutte contre les violences sexuelles sont régulièrement dénoncées, comme le précise Marcia Burnier “La justice a une vision du viol complètement déconnectée de la réalité et arrive très peu à punir. 1% des violeurs vont en prison, ça laisse quand même 99% de victimes qui n’obtiennent pas la réparation via le processus judiciaire.” et Mathilde Forget rajoute “En fait, mon intimité n’a jamais été protégée jusqu’ici. Et maintenant, qu’on va le condamner, lui, on va faire ça caché. Je ne comprends pas le projet.”

Le témoin du vendredi : Emilienne Mukansoro, thérapeute au Rwanda (FRANCE INTER , 24 mai 2019)

Au Rwanda les ténèbres tombèrent en avril 1994 et durèrent jusqu’à la fin de juillet. Emilienne Mukansoro vécut ces mois terrée dans les herbes. Quand elle en sortit, il ne restait de sa famille que ses deux petites sœurs, son mari, ses filles. Comment dire adieu à tant de personnes en même temps ?

Dessin d'un enfant réfugié rwandais ayant survécu au génocide des Tutsis
Dessin d’un enfant réfugié rwandais ayant survécu au génocide des Tutsis © Getty / Reza

Notre invitée d’aujourd’hui rappelle à raison une année-clé, qui a annoncé le génocide de 1994 : en 1973-1974, eurent déjà lieu des massacres terribles qui se firent écho du Burundi voisin au Rwanda. A d’autres dates, antérieures, avaient déjà retenti des signaux d’alarme : 1959, 1964… En fait, dès avant l’indépendance de 1962, avait été mise en place une politique délibérément ethniciste dont la responsabilité incombe largement à l’Eglise catholique, toute puissante au Rwanda. Le souci, légitime, était de promouvoir la majorité des habitants mais il se trouvait que celle-ci était composée de hutus qu’on commença à opposer aux tutsi – une minorité accusée de cumuler les privilèges quand elle ne préparait pas au communisme. Leur apparence physique leur était particulièrement reprochée : il était dit d’eux qu’ils étaient trop grands, trop élancés, trop beaux – comme on disait des juifs d’Europe qu’ils étaient laids.

Emilienne Mukansoro dit néanmoins que la vie fut longtemps tranquille pour sa famille. Au début de 1994, elle enseignait, était mariée et avait deux filles.

Les ténèbres tombèrent en avril 1994 et durèrent jusqu’à la fin de juillet. C’était il y a vingt-cinq ans. Ce n’est pas une douleur d’il y a vingt-cinq ans, c’est une douleur de vingt-cinq ans.

Emilienne Mukansoro vécut ces mois terrée dans les  herbes. Quand elle en sortit, il ne restait de sa famille que ses deux petites sœurs, son mari, ses filles. Comment dire adieu à tant de personnes en même temps ? Et pas un corps à enterrer.

Les survivants ne revivent pas s’ils restent seuls. Surtout dans un pays où la famille est si importante qu’on peut difficilement concevoir une veuve, un orphelin laissés à eux-mêmes.

Le pays des Mille Collines n’avait pas de psychiatres. Progressivement, Emilienne Mukansoro est devenue thérapeute. D’abord dans une pièce où elle recevait sur deux chaises placées côte à côte ou même sur une natte. Puis elle a fait naître des groupes de parole, sur le modèle défini par Nassan Munyadamutsa. Elle poursuit maintenant un travail dédié exclusivement aux femmes victimes de violences sexuelles. Elle chiffre le nombre des morts du génocide à un million – en cent jours ! Et elle estime celui des viols entre 200 et 500.000.

Colloque international Le Génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 au Centre de la Mémoire d’Oradour sur Glane les 23 et 24 mai 2019

Bibliographie :

Hélène DumasLe Génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda Le Seuil

Jean Hatzfeld Récits des marais rwandais Le Seuil

Jean Hatzfeld Un papa de sang Gallimard

Laurent Larcher Rwanda, ils parlent témoignages pour l’histoire Le Seuil

Revue Esprit – Mai 2019 J’habite un ailleurs dont il n’y a pas d’exil. Vingt-cinq ans après le génocide des Tutsi du Rwanda par Amélie Faucheux et Emilienne Mukansoro

Les invités
  • Emilienne MukansoroRescapée du génocide des Tutsi du Rwanda, thérapeute spécialiste des violences sexuelles

Les victimes : la montée en puissance des victimes directes de crimes (1/5)

Du choc à la solidarité

Cette première série tentera de baliser, à partir de témoignages, le chemin qui conduit de la passivité à une activité politique ou judiciaire, de la commotion à la raison, de la solitude morale à la solitude active. Ce soir, en compagnie d’Alain Boulay, président fondateur de l’APEV.

Après le crime, la victime. La victime désigne étymologiquement l’animal sacrifié, symbole de passivité absolue, et exprime aujourd’hui la condition de celui qui est affecté par la violence du crime. La condition de victime consiste en effet toujours en une diminution d’être. La blessure risque de devenir ontologique et de se transmettre de génération en génération. C’est pourquoi la victime renvoie à deux réalités : à des personnes affectées directement dans leur chair et leur esprit mais aussi à des groupes victimes d’injustices historiques. Dans le premier cas, elle ouvre droit à une réparation juridique, dans le second elle offre une ressource politique. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de consacrer deux semaines à la question de la victime en examinant comment l’on passe d’une réalité brute, brutale, dévastatrice à une signification sociale et politique.

Cette première série tentera de baliser, à partir de témoignages, le chemin qui conduit de la passivité, qui réduit au silence, à une activité politique ou judiciaire, de la commotion à la raison, de la solitude morale à la solidarité active. Ce parcours s’articule autour d’un moment de justice qui agit comme opérateur de vérité, fixateur de mémoire et convertisseur du temps. Du temps vif du ressentiment, la victime peut connaître le temps apaisé du souvenir, le déni de son existence faisant place à une reconnaissance du tort.

Il n’était pas possible de commencer cette première semaine autrement qu’en donnant la parole à une victime ; en l’occurrence à Alain Boulay, un père dont la fille a été assassinée et qui a fondé, avec sa femme, l’association Aide aux Parents d’Enfants Victimes pour aider les parents ayant connu le même sort et faire reconnaître dans les institutions pénales la juste place de la victime, ni toute-puissante, ni infantilisée.

Ce qu’on a voulu, c’était réfléchir à ce qui nous était arrivé. Autant on le faisait par rapport à la victime, ce qu’elle pouvait ressentir, autant je l’ai fait par rapport aux institutions, parce qu’on se disait : « Est-ce que les institutions répondent vraiment aux besoins des victimes ? », « Est-ce que la justice répond aux besoins des victimes ? ». Et très vite on s’est rendus compte que la justice n’était pas faite pour les victimes, elle était faite pour les auteurs. (…) On voulait que la justice s’intéresse aussi aux victimes. (Alain Boulay)

Les attentats ont énormément fait changer les choses. Mais, tout de même, on a eu, fin des années 90, début des années 2000, beaucoup de réflexions sur les agressions sur enfants, sur la pédophilie, sur les viols. Il y a eu beaucoup de choses (campagnes sur les femmes battues), qui ont fait prendre conscience à la société, aux magistrats, aux policiers, de toutes ces victimes et de ce qu’elles pouvaient vivre. (Alain Boulay)

>>> Site de l’APEV

Extrait musical choisi par l’invité : « Le Monde est Stone » interprété par Fabienne Thibeault « Starmania » (1978). 

Les victimes : la montée en puissance des victimes directes de crimes (2/5)

Réparer les corps

Cette première série tentera de baliser, à partir de témoignages, le chemin qui conduit de la passivité à une activité politique ou judiciaire, de la commotion à la raison, de la solitude morale à la solitude active. Ce soir, avec le docteur Neema Rukunghu, chirurgienne à l’hôpital Panzi en RDC.

Aussi bien dans l’ex-Yougoslavie que dans l’Afrique des grands lacs, nombre de théâtres de conflits actuels le démontrent : le corps de la femme est devenue une arme de guerre. Par leurs viols, les miliciens non seulement saccagent des corps mais détruisent le corps social. La violence sexuelle n’a plus rien à voir avec le plaisir de soudards mais elle est administrée à des fins stratégiques. Le docteur Nadine Neema Rukunghu, chirurgienne pratiquant dans un hôpital dans l’est de la République démocratique du Congo, répare les corps des survivantes mais aussi les accompagne jusqu’au retour dans leur communauté.

Le corps de la femme est considéré comme une arme, c’est un terrain de bataille, les gens se battent sur le corps de la femme. (…) Violer une femme, une mère, le chef parfois, devant toute sa tribu, toute sa communauté, (…) c’est détruire tout le tissu social, complètement, et donc forcer cette population à fuir, à être nulle. (…) C’est stratégique, c’est étudié pour que les impacts aient des conséquences qui sont parfois pareilles que celles des armes lourdes, parfois même plus fortes car ce sont des choses qui vont continuer de génération en génération. (Dr. Neema Rukunghu)

Les victimes : la montée en puissance des victimes directes de crimes (3/5)

Survivre après le 13 novembre

Cette première série tentera de baliser, à partir de témoignages, le chemin qui conduit de la passivité à une activité politique ou judiciaire, de la commotion à la raison, de la solitude morale à la solitude active. Ce soir, avec Arthur Dénouveaux, président de l’association Life for Paris.

Les attentats du 13 novembre ont suscité nombre d’associations comme Life for Paris, que préside actuellement Arthur Dénouveaux et dont le but est d’aider à survivre à un attentat ; car le goût de la vie, de la musique, de la diversité est le meilleur démenti apporté à ceux qui portent la mort en eux.

Finalement, il y a un grand détachement vis-à-vis de toutes ces questions militaires, et politiques, sur la manière dont le terrorisme se combat. Pour nous, le combat c’est nous, c’est de revivre, et c’est un « nous » qui englobe toute la société : comment est-ce que « nous » (on) se rediffuse au milieu de tout le monde. (Arthur Dénouveaux)

Quand vous vous retrouvez à la première réunion avec les juges d’instruction, des parents posent des questions sur la manière dont est mort leur enfant. Le juge répond : « Écoutez, moi, j’ai les auteurs, j’enquête sur les causes, les circuits de financement, je ne m’attache pas aux causes précises de chacun, vous pouvez aller voir le rapport d’autopsie ». Le juge, ce faisant, est probablement dans son rôle. Mais les victimes sont en droit d’attendre des réponses, et il manque sûrement un lieu d’échange entre l’État, qui sait beaucoup de choses, et les victimes, les parents de victimes, qui en savent très peu. (Arthur Dénouveaux)

Les victimes : la montée en puissance des victimes directes de crimes (4/5)

De la défiance à la reconnaissance

Cette première série tentera de baliser, à partir de témoignages, le chemin qui conduit de la passivité à une activité politique ou judiciaire, de la commotion à la raison, de la solitude morale à la solitude active. Ce soir, en compagnie de Denis Salas, magistrat et essayiste.

Les juges ont d’abord montré une certaine défiance à l’égard des victimes dans lesquelles ils voyaient des trouble-fête dans un processus déjà délicat. Parce que la victime est paradoxalement menacée aujourd’hui d’une protection mal placée, trop intéressée par des politiques par exemple. D’où un nouveau mandat donné à l’institution judiciaire pour travailler avec elles, entendre leur plainte, et repenser les fondamentaux de l’audience. C’est le défi qu’analyse Denis Salas dans son dernier livre (La foule innocente, Desclée de Brouwer, 2018).

Très souvent quand il y a une non-réponse à la violence, ou un excès de réponse à la violence, (…) les victimes n’ont plus d’espace de reconnaissance, de parole judiciaire où ils peuvent exprimer une plainte. Et à ce moment-là, le récit littéraire devient le lieu où ils vont déposer cette plainte. (…) La littérature fait partie de cette audience que les victimes attendent pour qu’on leur rende justice. (Denis Salas)

  • A propos de terroristes lors de leur procès :

Ils prennent la parole, ils s’expriment, ils se défendent, ils minimisent souvent leurs actes ; ils connaissent leurs droits, ils savent protester. Ce jeu-là, ils l’utilisent, ils entrent à l’intérieur (de ce jeu), et c’est peut-être une première étape pour les désolidariser de leur groupe d’appartenance et de leur idéologie salafiste. (Denis Salas)

Choix musical de l’invité : « Imagine » de John Lennon

Les victimes : la montée en puissance des victimes directes de crimes (5/5)

Victimes et mémoire

Cette première série tentera de baliser, à partir de témoignages, le chemin qui conduit de la passivité à une activité politique ou judiciaire, de la commotion à la raison, de la solitude morale à la solitude active. Ce soir, avec Denis Peschanski, historien, directeur de recherche au CNRS.

Les crimes de masse « qu’on ne peut ni juger, ni pardonner » ont donné lieu à un travail de mémoire spécifique. L’historien Denis Peschanski a fait de la mémorialisation son objet d’études en se penchant d’abord sur la mémoire de la société française de la Seconde Guerre Mondiale. Il travaille aujourd’hui à un projet de grande ampleur sur les victimes des attentats du 13 novembre en montrant ce que les neurosciences peuvent apporter à la compréhension du psycho-trauma des victimes.

En Normandie, en trois mois, vous avez eu bien plus de morts et de destructions que la région en a connues pendant toute l’occupation. Avec un très léger problème, c’est que les bombes étaient larguées par les copains qui venaient vous libérer. (…) Ca n’a aucun sens. Aucune utilité sociale. On ne peut pas en donner de récit qui soit intégrable dans une mémoire collective de la société française. Ce qui fait que vous avez une sorte de terrible opposition entre un choc individuel très profond dans toutes les familles normandes (…) et l’absence de prise en charge par le collectif, par l’Etat. Et cette tension-là est assez dramatique. (Denis Peschanski)

Je me dis, avançons une hypothèse, (…) qui va devenir un guide pour les années de recherche qui vont suivre (…) : il est impossible de comprendre pleinement ce qui se passe dans les mémoires collectives si on ne prend pas en compte les dynamiques cérébrales des mémoires individuelles, et inversement, il est impossible de comprendre pleinement ces dynamiques de la mémoire si on ne prend pas en compte l’impact du social. (Denis Peschanski)

INTERVENANTS
  • Historien, directeur de recherche au CNRS et co-responsable du programme 13-Novembre.

1/4 Une histoire de la justice restaurative

 

https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/10177-21.11.2017-ITEMA_21500569-0.mp3

Condamnés-victimes : un dialogue possible (1/4)

En France c’est à la fin des années 2000 que François Goetz tente la première expérience française de justice restaurative. Il ne s’agit plus seulement de « surveiller et punir », mais de reconstruire le lien social.

Selon le Conseil Économique et Social de l’ONU, « la Justice restaurative est constituée par tout processus dans lequel la victime et le délinquant participent ensemble activement à la résolution des problèmes découlant de cette infraction, généralement avec l’aide d’un facilitateur ». La Justice restaurative, de plus en plus répandue en France, fait une percée remarquable au point d’être inscrite dans la loi du 15 août 2014 par l’ancienne Ministre Christiane Taubira : « chercher à créer les conditions du dialogue entre le condamné et la victime. » Ce processus offre aux participants la possibilité de réparer les souffrances qui n’ont pas été prises en compte durant le procès pénal.

Ce que la justice restaurative offre en plus et en complémentarité à la réponse pénale, c’est un espace de parole. Un espace où les uns et les autres, auteurs et victimes […] vont enfin pouvoir poser les questions du pourquoi – pourquoi moi, pourquoi lui – et du comment : comment je vais réintégrer ma famille, réintégrer ma communauté, réintégrer ma vie brisée par le fait infractionnel. Robert Cario

La justice restaurative n’est pourtant pas nouvelle. Les tribus aborigènes et les communautés amérindiennes la pratiquent traditionnellement pour ressouder les liens détruits par une injure, ou un crime grave au sein d’une communauté. Même si de nombreux systèmes traditionnels de justice ont été affaiblis ou ont disparus à cause de la colonisation, certains fonctionnent encore en Afrique ou en Océanie aujourd’hui, essentiellement dans les zones rurales.

La justice pénale ne répond pas aux victimes. Elle répond à la société. […] La justice pénale, criminelle, c’est la justice de l’Etat. La justice restauratrive, c’est la justice des gens. Catherine Rossi

En France, c’est à la fin des années 2000 que François Goetz – à l’époque directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) des Yvelines – tente la première expérience française. En participant à une conférence sur la justice restaurative organisée par France victimes, il écoute Jean Jacques Goulet, ancien coordinateur des rencontres détenus victimes au Québec, qui présente le dispositif. Pour lui, c’est l’outil indispensable qu’il cherche pour prévenir la récidive et faire prendre conscience à l’auteur de la gravité des faits. Deux ans après et malgré les obstacles, la première rencontre détenus victimes voit le jour à la centrale de Poissy.

2/4 Réparer ceux qui restent

 

Condamnés-victimes : un dialogue possible (2/4)

Une expérience inédite : les rencontres Détenus-Victimes. Ils se rencontrent à la Maison Centrale de Poissy, pour 6 séances, au rythme d’une fois par semaine pendant plus de deux mois encadrés par des médiateurs et des membres de la communauté.

Les personnes détenus et les personnes victimes ne se connaissent pas, ils n’ont pas de liens directs, mais ont commis ou subi le même type de faits.

Ce qui s’est passé à la première séance, après avoir été atterré par le premier crime, on a fait une pause-café, on s’est levé, on est allé à une machine à café un petit peu plus loin. On était un peu en retrait, en osait pas. […] Roméo, le plus jeune des détenus, est venu carrément me parler […] comme une pause-café normale entre collègues. Et là, je suis allée me rasseoir, tout était passé. Je n’ai plus jamais eu peur. J’ai plus jamais été atterré. » (Une personne victime)

C’est une expérience rare, parce qu’il n’est pas courant que des condamnés à de lourdes peines puissent parler sans témoins, rare que des condamnés s’adressent directement à des victimes. C’est aussi un processus bouleversant pour ceux qui s’y engagent, visant la reconstruction des personnes, et un dialogue improbable qui offre aux participants la possibilité de réparer les souffrances qui n’ont pas été prises en compte durant le procès pénal.

« Auparavant, pendant le temps de l’instruction, on est conditionné par nos avocats, à ne pas parler. C’est ce que je trouve dommage à un procès d’assises, c’est qu’on ne puisse pas vraiment… parce que nous-mêmes, on peut le vivre mal parce qu’il y a des choses qu’on voudrait pourvoir dire, et qu’on arrive pas à dire. Je pense qu’à un procès d’assises, les victimes ne pourront jamais avoir de réponses. La cour d’assise, c’est une pièce de théâtre. (…) On est tellement conditionné qu’on ne peut pas s’exprimer comme en temps normal.» (Une personne détenue)

En l’absence de tout enjeu judiciaire, et après condamnation, cette rencontre met face à face deux souffrances. Ils se rencontrent à la Maison Centrale de Poissy, pour 6 séances, au rythme d’une fois par semaine pendant plus de deux mois encadrés par des médiateurs et des membres de la communauté.

C’est à titre exceptionnel que nous avons été autorisés à poser nos micros autour de leur table.

Avec :

Nadège Bezard, animatrice des rencontre détenus victimes à Poissy

Marguerite, membre de la communauté

Martine, Stéphanie, Pascale, José, Christophe et Stéphane, participants des rencontres

Une série documentaire de Johanna Bedeau et Angélique Tibau

Condamnés-victimes : un dialogue possible (3/4)

3/4 Les rencontres

 

Des drames qui ont précipités des familles dans le deuil et la douleur. Qu’ils soient du « bon ou du mauvais côté de l’histoire », les deux camps sont profondément marqués et doivent assimiler la perte d’un être cher.

Autour de la table les mots de l’un amènent les confidences de l’autre. José a été condamné pour homicide et purge sa peine à la centrale de Poissy. Stéphanie a été traumatisée par l’assassinat du père de son enfant et tente de se reconstruire. Christophe lui a pris perpétuité et entame sa vingtième année de prison. Quant à Alain il a accepté de participer aux rencontres pour aborder des questions restées en suspens après l’assassinat de son fils Fabien.

Des drames qui ont précipités des familles dans le deuil et la douleur. Qu’ils soient du « bon ou du mauvais côté de l’histoire », les deux camps sont profondément marqués et doivent assimiler la perte d’un être cher. Un dialogue inédit offre aux participants la possibilité de réparer les souffrances de chacun.

D’une séance à l’autre, certains finiront par lever le secret sur leur passage à l’acte, quand d’autres oseront poser des mots sur ce qu’ils ont vécu.

Avec :

  • Pierrette Poncela, Professeur émérite de droit pénal, Directrice du Centre de Droit Pénal et de Criminologie
  • Alain, Stéphanie, José, Christophe Stéphane et Pascale, participants des rencontres
  • Nadège Bezard, animatrice des rencontre détenus victimes et Mathias

Merci à L’AP

Une série documentaire de Johanna Bedeau et Angélique Tibau 

Condamnés-victimes : un dialogue possible (4/4)

4/4 Ni oubli, ni pardon

 

Pour les victimes et les condamnés qui participent à ces rencontres détenus-victimes, quelles seront les conséquences à long terme ?

Ces dernières années, nous avons vu des organismes multinationaux comme les Nations Unies, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne confirmer fortement le potentiel de la justice restaurative. Les pays et les gouvernements sont de plus en plus nombreux à soutenir le développement et l’expansion des programmes de justice restaurative en les finançant, et en les intégrant dans leur système de justice pénale. Quelles que soient les expériences de justice restaurative, au Canada, en Afrique du Sud en Belgique ou en France des questions reviennent sans cesse… : est-il possible, après un conflit ou un génocide, de rendre justice et de construire un nouvel ordre politique acceptable par ceux qui viennent de s’entretuer ? L’impact traumatique est-il réellement mesuré ? La peur du crime comme expérience vécue s’estompera-t-elle à l’écoute des infracteurs ? Est-ce que c’est seulement le temps qui fait que l’on pardonne ou ne pardonne-t-on jamais ?

Avec :

  • Sandrine Lefranc, chargée de recherche CNRS, Institut des Sciences sociales du Politique
  • Stéphane Parmentier, professeur Université catholique de Louvain, Belgique
  • Robert Cario, criminologue et fondateur de l’institut français pour la justice restaurative
  • Noémie Micoulet, chargée de mission formation et communication (IFJR)
  • Pierrette Poncela, Professeur émérite de droit pénal, Directrice du Centre de Droit Pénal et de Criminologie
  • Antonio Buonatesta, directeur de Médiante Belgique
  • Catherine Vanbellinghen, Médiatrice chez mediante
  • Reda, Christian et Stéphanie
  • Murielle Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie

Jessica LADD, TED Talk Feb 2016 : The reporting system that sexual assault survivors want

We don’t have to live in a world where 99 percent of rapists get away with it, says TED Fellow Jessica Ladd. With Callisto, a new platform for college students to confidentially report sexual assault, Ladd is helping survivors get the support and justice they deserve while respecting their privacy concerns. « We can create a world where there’s a real deterrent to violating the rights of another human being, » she says.

psychopathe_1Susanne Preusker est psychologue et psychothérapeute . En 2009, elle était chef du département de thérapie sociale pour les délinquants sexuels dans une prison de haute sécurité. Elle a donc travaillé en particulier avec les délinquants violents .

Durant son mandat , elle a été  prise en otage pendant sept heures sous la menace d’un couteau et violée à plusieurs reprises par un de ses patients le 7 Avril 2009 dans la prison  JVA Straubing.  L’homme avait été son patient pendant quatre ans.

Auparavant, il avait déjà agressé plusieurs femmes et pris en otage des officiers de prison. Après cet acte, les contrôles et les mesures de sécurité ont été renforcées dans la prison. L’auteur a été finalement condamné en mai 2010 à 13 ans et neuf mois d’ emprisonnement.

Susanne Preusker raconte son histoire dans le livre Sept heures en Avril .

Susanne Preusker s’est suicidée en 2018 à l’âge de 58 ans

 

Voir aussi:

Stephen Porter/Michael Woodworth: « Ce qui est intéressant avec les psychopathes, c’est qu’ils sont capables de masquer leurs dysfonctionnements et sont très habiles »