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FRANCE 3 (17/09/2012) Reportage à l’UMD de Sarreguemines,   « l’évaluation de la dangerosité et du risque de récidive en France » 

Le docteur alexandre Baratta est psychiatre, praticien hospitalier en Unité pour Malades Difficiles (UMD), il travaille également en maison d’arrêt, en centre de soins pour toxicomanes et remplit des missions d’expertises auprès de la cour
d’appel de Metz.

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Haute Autorité de Santé (2011): Dangerosité psychiatrique : étude et évaluation des facteurs de risque de violence hétéro-agressive chez les personnes ayant des troubles schizophréniques ou des troubles de l’humeur


RAPPORT D’ORIENTATION DE LA COMMISSION D’AUDITION (Mars 2011)

Le concept de dangerosité ou de risque de violence : données contextuelles et historiques
La dangerosité est une notion complexe qui s’est développée au XIXesiècle (Garofalo 1885) et qui a repris de la vigueur dans les années 1980, en lien avec un sentiment d’insécurité sociale, politique et juridique ressenti par un certain nombre de citoyens. Le mot « dangerosité » renvoie au caractère dangereux, le terme « dangereux » étant défini comme ce qui constitue un danger. Le danger est ce qui menace ou compromet la sûreté, l’existence de quelqu’un ou de quelque chose. La dangerosité est une perception subjective, qui connaît des évolutions en fonction des temps et des lieux au regard des exigences variables du droit pénal positif et de la protection de la société. Il convient, lorsque l’on parle de dangerosité, d’évoquer la notion de violence. En effet, la dangerosité est habituellement abordée comme risque de violence et, dans les études internationales, la dangerosité est étudiée sous l’angle des passages à l’acte violents ou des condamnations pour actes violents. La violence est l’acte par lequel s’exerce la force, qu’elle soit physique ou morale. Pour l’OMS (1), qui en donne une définition plus large, il s’agit de « l’usage délibéré ou la menace d’usage délibéré de la force physique ou de la puissance contre soi-même, contre une autre personne ou contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque d’entraîner un traumatisme, un décès, un dommage moral, un maldéveloppement ou une carence ». Il existe une grande diversité de comportements violents. La plupart des études se fondent sur des définitions opérationnelles des actes violents comme par exemple : frapper avec un objet ou une arme sur autrui, menacer avec un objet ou une arme, casser des objets, frapper dans les murs, avoir été condamné pour homicide, etc. La violence doit être différenciée de l’agression et de l’agressivité, l’agression étant une attaque contre les personnes ou les biens, attaque violente, avec altération chez la victime de l’intégrité des fonctions physiques ou mentales, et l’agressivité une « intention agressive sans acte agressif ». Lors de l’audition publique organisée par la Fédération française de psychiatrie sur l’expertise psychiatrique pénale en janvier 2007, les recommandations sur l’évaluation de la dangerosité dans l’expertise ont défini la dangerosité psychiatrique comme une « manifestation symptomatique liée à l’expression directe de la maladie mentale » et la dangerosité criminologique comme « prenant en compte l’ensemble des facteurs environnementaux et situationnels susceptibles de favoriser l’émergence du passage à l’acte » (2,3). Ces définitions de la dangerosité ne sont pas des définitions juridiques. Aborder la dangerosité psychiatrique ne peut se faire sans le regard de l’histoire, le développement de ce concept se rejouant de façon récurrente depuis deux siècles, et sans la référence au droit. Mais l’abord clinique reste primordial. Il doit mettre en perspective les situations répétées de violence pour mieux les comprendre et prendre en considération l’avis des patients et de leur entourage. La démarche se veut essentiellement clinique et fondée sur une pratique attentive aux dimensions éthiques et déontologiques. Il convient de rappeler qu’est traitée ici l’exception, car les comportements violents ne concernent comme acteurs qu’une petite minorité de personnes souffrant de troubles mentaux, et que beaucoup plus fréquemment ces dernières en sont avant tout les victimes.

http://www.has-sante.fr

si le lien est brisé: evaluation_de_la_dangerosite_psychiatrique_-_rapport_dorientation

Michel Bénézech (2010) Préface du dossier « Maladie mentale et troubles de la personnalité » publié par l’IPJ

Michel Bénézech est psychiatre honoraire des hôpitaux, ancien chef de service SMPR de la maison d’arrêt de
Bordeaux-Gradignan, professeur de droit privé à l’Université de Bordeaux IV. Expert judiciaire honoraire, il a
été professeur associé des Universités en médecine légale et en droit privé. Spécialiste de renommée internationale en matière de psychiatrie criminelle, conseiller scientifique de la gendarmerie nationale, il est l’auteur de 500 publications scientifiques et coauteur d’une trentaine d’ouvrages.

La politique de l‟autruche est une spécialité bien de chez nous. Nous l‟avons déjà personnellement observée pour le SIDA et les dons de sang en milieu carcéral où il fallut attendre trois ans pour que les premiers textes réglementaires consacrés à l‟hygiène et à la prévention soient promulgués, alors que les statistiques internationales signalaient la fréquence élevée de la séropositivité VIH chez les détenus toxicomanes utilisant l‟héroïne par voie veineuse. Admettre la dangerosité de certains patients souffrant de troubles psychiatriques graves est du même ordre, celui du refus de la réalité, des connaissances scientifiques anciennes et contemporaines, des faits divers criminels impliquant comme auteurs des malades mentaux.  Faut-il rappeler que le droit romain classique cite déjà l‟exemple d‟Aelius Priscus, un furieux (furiosus), meurtrier de sa mère, vraisemblablement schizophrène, reconnu irresponsable mais devant être enfermé pour l‟empêcher de « nuire aux autres ». La longue histoire de la psychiatrie médico-légale est remplie de violences meurtrières perpétrées en tous temps et tous lieux par de malheureux « fous » et de dispositions restrictives les concernant. Le docteur Maudsley en 1874 (Le crime et la folie), le docteur Blanche en 1878 (Des homicides commis par les aliénés), le professeur Claude en 1932 (Psychiatrie médico-légale), les docteurs Porot et Bardenat en 1959 (Psychiatrie médico-légale) et 1960 (Anormaux et malades mentaux devant la justice pénale) ont tous rapporté en détail les relations complexes entre les troubles mentaux et les infractions violentes et non violentes. Mais oublions un peu le passé pour nous pencher sur la situation actuelle. N‟est-il pas extraordinaire qu‟en 2010 on pratique de manière identique les expertises psychiatriques pénales qu‟il y a trois siècles, à savoir le plus souvent un examen mental unique de quelques dizaines de minutes ! Cette « expertise » est censée dire le passé (les antécédents), le présent (l‟état mental lors des faits ou au moment de l‟examen) et le futur (la dangerosité potentielle).  Elle jouera un rôle important en cours d‟instruction, devant les assises, si la responsabilité totale ou partielle est retenue, pour l‟application des peines dans le cas où une mesure de mise en liberté est envisagée. Certes, vous me rétorquerez que la psychiatrie a beaucoup évolué dans ses concepts et ses classifications, que des contre- et des sur-expertises sont possibles, mais il n‟en est pas moins vrai que nous restons toujours dans le domaine du subjectif, des opinions philosophiques et de la formation professionnelle du ou des experts « psy » et surtout d‟un temps d‟examen forcément bref, même si dans les affaires les plus médiatisées les entretiens sont parfois répétés. Que dirait un bon père de famille si sa fille lui racontait vouloir épouser sans délai un garçon rencontré depuis seulement quelques dizaines de minutes à la terrasse d‟un café ? Il conseillerait sans aucun doute de ne pas se précipiter, de voir si leurs goûts s‟accordent, de prendre des renseignements sur le futur et sa famille, le mariage étant une chose sérieuse en dépit de la possibilité de divorcer… Et bien en cour d‟assises, il paraît normal, ordinaire, banal de juger une personne avec des expertises mentales (psychiatrique, psychologique) qui durent le temps d‟une ou deux consommations à la terrasse d‟un café !

 

Le problème d‟une évaluation sérieuse, aussi bien familiale, sociale, professionnelle, mentale, criminologique, d‟une personne mise en examen ou condamnée pour des faits criminels reste donc posé en dépit des avancées législatives actuelles. Tout individu auteur d‟une infraction majeure (homicide, violences graves, viol, acte pédophilique), complexe (amnésie des faits, usage de psychotropes, pluralité d‟auteurs ou de victimes) ou sérielle (récidivisme sur le même mode ou sur un mode différent) devrait faire l‟objet d‟une évaluation initiale approfondie de longue durée (quatre à six semaines au minimum) effectuée en milieu spécialisé par une équipe pluridisciplinaire disposant de la totalité des données judiciaires et médico-sociales le concernant. Cette évaluation scientifique et objective, utilisant obligatoirement des méthodes actuarielles, serait répétée aux moments clés de l‟évolution pénale de l‟individu, permettant, par comparaison des bilans successifs, de suivre son évolution et les résultats des mesures de traitement et de réinsertion qui lui seraient proposées ou ordonnées. En sus de la qualité des évaluations obtenues, on éviterait les cafouillages, les contradictions et les insuffisances des expertises mentales actuelles. Un autre domaine qui nécessiterait une réforme et une simplification législative est celui de la dangerosité sociale, dangerosité psychiatrique et criminologique étant en pratique totalement confondues. Rappelons qu‟environ 10 % des homicides en Europe sont commis par des patients psychotiques au moment des faits et que la grande majorité des auteurs d‟homicides tout venant souffrent d‟une ou plusieurs perturbations mentales mineures ou majeures : conduites addictives, troubles anxieux, troubles de la personnalité (psychopathie), troubles de l‟humeur (dépression), états psychotiques aigus ou chroniques (schizophrénie, paranoïa). C‟est à juste titre que la fréquence et la précocité des comportements violents ainsi que la co-morbidité psychiatrique sont considérées comme des facteurs multipliant le risque de passage à l‟acte ou de récidive criminelle. Selon notre avis personnel, il devrait exister dans notre droit une loi unique de défense et de réinsertion sociales qui concernerait le suivi régulier des mesures de sûreté et de soins ainsi que la prise en charge sociale, aussi bien dans la communauté qu‟en milieu fermé (établissements pénitentiaires, hôpitaux psychiatriques), des personnes évaluées comme dangereuses. Que ce soit en liberté, en prison ou à l‟hôpital psychiatrique, le problème de la dangerosité et de son traitement médico-socio-judiciaire est le même. Bien entendu, la dangerosité majeure ne concerne qu‟une minorité de délinquants et de malades présentant des troubles mentaux sévères, mais cette minorité active est à l‟origine d‟infractions variées souvent graves (violences parfois mortelles, incendies volontaires, agressions sexuelles). S‟il est juste que le « fou meurtrier » soit considéré comme irresponsable et non punissable, il n‟en demeure pas moins qu‟il doit rester aussi longtemps que nécessaire sous la surveillance attentive des autorités judiciaires, administratives et médicales. Il doit faire l‟objet de strictes mesures de sûreté avant son retour éventuel dans la société lorsque son état mental et son évaluation criminologique l‟autorisent et à la condition d‟un suivi obligatoire et régulier à l‟extérieur. Les mêmes principes de sécurité et de prévention de la récidive s‟imposent pour le criminel dangereux condamné, avant et après sa remise en liberté. N‟oublions jamais les victimes.

Voir le Dossier complet : Psychiatrie-IPJ-DEF.pdf

Dr Daniel ZAGURY (2001) Place et évolution de la fonction de l’expertise psychiatrique
5ème Conférence de consensus de la Fédération Française de Psychiatrie Psychopathologies et traitements actuels des auteurs d’agressions sexuelles)

L’EXPERTISE DE PRÉ-LIBÉRATION CONDITIONNELLE
Si l’expertise psychiatrique diligentée en cours d’instruction est essentiellement rétrospective, centrée sur l’état mental au moment des faits, l’expertise de pré-libération est surtout une expertise prospective [38]: elle ambitionne d’être une évaluation longitudinale à la foi s clinique, psychodynamique et criminologique. Elle est diachronique (la saisie d’un ensemble de  processus après les faits), plus que synchronique (l’état  psychique au temps de l’infraction). On a suffisamment reproché à l’examen psychiatrique d’avoir des prétentions excessives (notamment pronostiques), à l’issue d’un examen unique, photographie à un moment donné, pour ne pas souligner cette spécificité de l’examen de prélibération, qui se rapproche ainsi de la visée de la démarche clinique en situation thérapeutique.  Sa réalisation nécessite la mise à disposition du dossier pénal et des expertises antérieures. Il faudra refuser de faire cette expertise lorsque ces documents ne sont pas transmis à l’expert, car ce défaut ampute sa mission de l’essentiel. Il ne pourrait pas évaluer le cheminement du condamné depuis le début de  l’instruction. L’analyse de l’état dangereux post délictuel repose sur la comparaison de ce qu’il est au temps de l’examen et de ce qu’il était au moment de l’infraction, en reconstruisant les étapes de son parcours. C’est dire que la qualité des premières expertises conditionne dans une large mesure la qualité de l’appréciation clinique ultérieure. L’expert s’attachera à cerner l’incidence respective des facteurs situationnels, contextuels et propres à la personnalité du sujet, qui ont facilité la commission de l’infraction. La  prépondérance du circonstanciel est souvent un élément favorable du pronostic. L’enchaînement des séquences criminelles, une fois analysé à l’aide du dossier pénal, des expertises initiales, des dires du sujet, l’expert évaluera la prise de conscience de l’intéressé : Qu’a-t-il à dire aujourd’hui de son acte, avec le recul ? A-t-il pris la mesure de la gravité des faits commis ? Invoque-t-il de façon projective ou réductrice un facteur extrinsèque ? (« C’est l’alcool… La drogue… Le chômage… Ma femme… La déprime… Le destin… ») Se maintient-il en position de victime de l’acte dont il a été l’auteur ? Entrevoitil la complexité des processus ? Comment se situe-t-il désormais par rapport aux faits commis ? Par quelles étapes est-il passé ? etc. L’expert explorera de façon systématique la position subjective du condamné à l’égard de sa victime : Regrets de façade ou processus plus authentique de culpabilité, de reconnaissance du préjudice qu’il a fait subir ? L’impact du procès, la perception de chacun de ses acteurs sera abordée. L’expert s’attachera à reconstituer les étapes des processus de défense et d’adaptation à la situation carcérale. Un certain degré « d’hibernation », d’isolement, dans la première partie d’une longue peine, avec refus de toute remise en cause n’est pas en soi inquiétante, comme le montre l’expérience des soins en prison. C’est là une attitude fréquente. (suite…)

Denis Lafortune (10/07/2012) Gestion du risque, rétablissement, interventions psychosociales et médicaments

Denis Lafortune;  École de criminologie. Université de Montréal

La gestion du risque que présente le délinquant est un élément central de l’intervention correctionnelle. En santé mentale, la perspective du «rétablissement» vise plutôt le soutien des personnes et, dans la mesure du possible, leur intégration sociale. Entre les deux, s’insèrent diverses interventions psychosociales et psychopharmacologiques, mais surtout le jugement professionnel des intervenants et leur capacité à «formuler les cas».

Maladie mentale et milieu judiciaire: un cours de Anne Crocker en 2008

Anne Crocker

Chercheuse, Institut Douglas
Directrice, Thème de recherche, Services, politiques et santé des populations, Institut Douglas
Directrice adjointe, Politiques et échange des connaissances, Institut Douglas
Professeure agrégée, Département de psychiatrie, Université McGill

Anne Crocker, Ph.D., chercheuse, donne un cours dans le cadre de l’École Mini Psy 2008.

  • Connaître l’état de la judiciarisation de la maladie mentale en Amérique du Nord, et plus particulièrement au Canada
  • Comprendre les enjeux que cette judiciarisation soulève
  • Explorer les pistes de solutions, tel que le projet de Tribunal pénal de Montréal.

HAS (Haute Autorité de Santé): Dangerosité psychiatrique : étude et évaluation des facteurs de risque de violence hétéro-agressive chez les personnes ayant des troubles schizophréniques ou des troubles de l’humeur (Mars 2011)

A la demande du Ministère de la Santé, la HAS a organisé une audition publique sur l’évaluation de la dangerosité psychiatrique. Il s’agissait d’aborder la dimension psychiatrique de la dangerosité et de son évaluation pour aider la prise en charge des patients dans un objectif de prévention des passages à l’acte violent par une meilleure prise en compte de la clinique.

Cette audition a permis, au terme d’un débat contradictoire, d’objectiver des positions et des perspectives professionnelles partagées entre les médecins concernés, au premier rang desquels les psychiatres, en précisant dans le contexte des troubles schizophréniques et des troubles de l’humeur :

  • la notion de dangerosité psychiatrique et son contexte
  • l’épidémiologie et les facteurs de risque généraux et spécifiques
  • l’évaluation de la dangerosité et les premiers recours en cas de signes d’alerte

Documents

Qu’attendre des travaux sur l’évaluation de la dangerosité psychiatrique ?

Dangerosité psychiatrique, repérer les signes d’alerte pour prévenir les actes de violence.
Interview de Mme Claude Finkelstein, membre de la commission d’audition – présidente de la FNAPSY (Fédération Nationale des Patients en Psychiatrie)

Dangerosité psychiatrique, comment le travail de la commission a-t-il été mené?

Dangerosité psychiatrique, repérer les signes d’alerte pour prévenir les actes de violence.
Interview du Pr. Jean Louis Senon, président de la commission d’audition – psychiatre au CHU de Poitiers

Dangerosité psychiatrique, quels sont les signaux d’alertes chez le patient ?

Dangerosité psychiatrique, repérer les signes d’alerte pour prévenir les actes de violence.
Interview du Pr. Jean Louis Senon, président de la commission d’audition – psychiatre au CHU de Poitiers

Schizophrénie, troubles de l’humeur, quelle prise en charge clinique ?

Dangerosité psychiatrique, repérer les signes d’alerte pour prévenir les actes de violence.
Interview du Pr. Jean Louis Senon, président de la commission d’audition – psychiatre au CHU de Poitiers