Le Programme de prévention de la délinquance par les sports, les arts et la culture (PPDSAC) , du gouvernement du Québec,met en lumière un enjeu central de la criminologie : comment agir en amont pour contourner les parcours de délinquance chez les jeunes vulnérables?
Offrir aux jeunes de 12 à 18 ans en situation de vulnérabilité un accès à des activités culturelles, artistiques et sportives structurées, afin de renforcer des facteurs de protection et retarder ou éviter l’entrée dans des trajectoires délinquantes.
Créer un lien de confiance à travers des activités positives, en servant de modèle et en proposant un encadrement individuel
Soutenir des organisations locales avec des subventions allant jusqu’à 100 000 $ par an pendant trois ans, pour un investissement total de 2,25 M $ entre 2022 et 2025 .
📚 Pourquoi c’est pertinent en criminologie :
Cette approche de prévention développementale s’inscrit clairement dans une logique de facteurs protecteurs, qui contrecarrent l’effet de la spirale délinquante en favorisant la résilience.
À l’instar des études canadiennes et internationales, les programmes fondés sur la durée, l’intensité, la qualité et l’implication communautaire montrent les meilleurs résultats.
La multiplicité des approches (sport, arts, culture, écriture, théâtre) permet de répondre aux divers besoins identitaires des jeunes tout en évitant les effets pervers d’un encadrement trop homogène .
💡 Exemples concrets :
À Montréal‑Nord, la Coopérative Multisports plus met en œuvre un programme combinant sport et culture pour favoriser l’engagement et prévenir les comportements à risque .
À Drummondville, des jeunes placés dans un centre de réadaptation participent à un projet pilote parrainé par le Drummondville Olympique, qui leur ouvre un lien social et une réinsertion progressive via le sport .
À Saint‑Léonard, un partenariat entre une Maison de jeunes et un club de basketball offre des ateliers artistiques, culturels et sportifs pour capter l’intérêt de jeunes en situation d’isolement ou de risque .
🔍 Ce que cela signifie pour les professionnels :
Le modèle PPDSAC illustre une prévention primaire et secondaire efficace en criminologie : agir avant ou dès les premiers signes de vulnérabilité au lieu d’intervenir a posteriori.
Il invite à penser la délinquance comme un phénomène socialement contextualisé, impacté par les conditions matérielles, les relations de groupe et l’engagement personnel.
Il rappelle aussi l’importance de combiner crédibilité théorique, méthodologie rigoureuse, mobilisation communautaire et évaluation empirique.
Ce type de programme fournit un modèle inspirant pour tous les acteurs de la prévention criminelle — chercheurs, intervenants, décideurs politiques, professionnels du sport et du social – qui cherchent à combiner rigueur criminologique, éthique et impact concret sur le terrain.
« La prison est une école du crime » : un vieil adage conforté par une étude publiée en 2024 à partir d’un échantillon norvégien. Analysant 140 000 séjours carcéraux, cette recherche dévoile comment les interactions entre détenus alimentent la récidive et créent des réseaux criminels durables. Voici 4 enseignements clés pour repenser la gestion carcérale.
+1.5% de risque de récidive sous 5 ans quand l’expérience criminelle moyenne des pairs augmente d’un écart-type.
+6%du nombre d’infractions commises (effet « marge intensive »).
Pics à la sortie : L’influence des pairs est maximale la 1ère année post-détention (voir graphique ci-dessous), puis décline.
2. L’effet « parrain »
Les « criminels chevronnés » (top 10% en expérience) exercent une influence disproportionnée :
+0.7% de récidive par écart-type d’exposition à ces profils.
Un effet indépendant de l’expérience moyenne des pairs.
Profil type : Jeunes, faible éducation, spécialisés dans les crimes contre les biens (77% des arrestations).
« Ces ‘experts’ agissent comme des mentors illicites, transmettant savoir-faire et connexions » .
3. La fabrique des réseaux criminels
La co-détention génère des liens durables :
+38% de probabilité de co-délinquance future après un séjour commun.
Effet amplifié par la recherche de profils « qui nous ressemblent » ou « qui nous sont proches » (homophilie) :
Pairs de même commune : +76% d’effet réseau
Pairs de même nationalité : +68%
Les prisons ouvertes (prisons sans barreaux) sont des incubateurs : liberté de mouvement = interactions accrues .
4. Publics vulnérables et paradoxes
Primo-délinquants et auteurs d’infractions routières :
Jusqu’à +7.5% de récidive à 1 an (vs +3.2% en moyenne).
Effet « diversification » :
Les auteurs de violences/trafic développent de nouvelles spécialités (crimes économiques, stupéfiants) sous influence.
Paradoxe norvégien : Le modèle réputé « humain » (prisons ouvertes) renforce les effets de pairs négatifs .
💡 Implications politiques
1. Segmenter les affectations : Isoler les « criminels chevronnés » et protéger les profils vulnérables (primo-entrants).
2. Surveiller les interactions dans les prisons ouvertes.
3. Développer des contre-réseaux : Programmes pro-sociaux exploitant la dynamique de groupe.
4. Réévaluer les courtes peines : La forte rotation carcérale multiplie les expositions à pairs négatifs.
La prison norvégienne, pourtant modèle de réhabilitation, révèle un angle mort : les interactions entre détenus peuvent systématiser la criminalité. Une piste ? Transformer les « effets de pairs » en levier de réinsertion, via un ciblage fin des groupes.
Conduire sous l’influence de l’alcool reste une cause majeure d’accidents routiers. En Suisse, comme ailleurs, une part importante des accidents mortels est liée à l’alcool. Mais comment prévenir efficacement la récidive chez les conducteurs sanctionnés pour la première fois ? Une équipe de chercheurs suisses a évalué l’impact de programmes éducatifs de durées différentes sur le risque de récidive… pendant 10 ans !
🎯 Objectif de l’étude
L’étude, menée dans le canton de Genève, visait à comparer l’efficacité de trois formats de formations sur les risques de l’alcool au volant destinées à des primo-délinquants (taux d’alcoolémie de 0.8 à 2.5 g/kg) :
Une série de 7 heures de cours sur une journée (format standard).
Une version de 4 heures, accompagnée d’un proche (ami, parent, conjoint).
Une formation brève de 2 heures.
🧪 Méthode
727 conducteurs ont été répartis au hasard dans l’un des trois groupes. Leur taux de récidive (nouvelle condamnation pour conduite en état d’ivresse) a été suivi via le registre national sur une durée de 10 ans. Un groupe témoin de 940 personnes n’ayant suivi aucun cours a aussi été suivi.
🔍 Résultats
✅ Les formations les plus courtes se révèlent plus efficaces à court terme :
Le cours de 2 heures réduit de 25 % le risque de récidive dans les 2 premières années après l’infraction (par rapport au format 7 heures).
Le cours de 4 heures avec un proche montre même une baisse de 47 % du risque.
❌ Mais ces effets disparaissent après deux ans : au-delà de cette période, aucun des formats ne montre d’impact significatif sur la récidive.
❗️ Pire encore : le format standard de 7 heures ne montre aucun effet clair sur le long terme, voire une tendance à augmenter la récidive par rapport à l’absence d’intervention !
📚 Ce qu’on peut en tirer
Plus long n’est pas forcément mieux : des formations trop longues peuvent entraîner de la lassitude, un rejet ou une banalisation du message entre participants.
Les messages courts, ciblés et motivants peuvent être plus percutants, notamment s’ils sont suivis rapidement après l’infraction.
Associer un proche peut renforcer l’engagement, mais cet effet s’estompe également avec le temps.
Un enjeu clé : agir vite et avec pertinence après l’infraction, pendant la fenêtre critique des deux premières années.
🧩 Conclusion
Cette étude démontre que les formations brèves sont plus efficaces à court terme pour prévenir la récidive d’alcool au volant, tandis que les formations longues classiques peuvent être contre-productives. Ces résultats appellent à repenser les politiques de prévention, en s’appuyant sur les données probantes plutôt que sur des intuitions ou traditions. L’éducation, oui — mais brève, bien pensée et dans le bon timing.
« La théorie des deux voies se fonde, entre autres, sur une étude longitudinale de la prévalence de la criminalité chez 1 000 jeunes néo-zélandais (« Les mille enfants de Dunedin » ou « Étude de Dunedin »).
Le premier groupe d’adolescents, le plus important, présentait le degré habituel d’anomalies comportementales à l’adolescence. Le comportement déviant des sujets de ce groupe était limité à une courte période de l’adolescence. Les chercheurs ont donc qualifié ce groupe de « délinquant limité à l’adolescence ».
Le second groupe, nettement moins nombreux, présentait des anomalies comportementales et un comportement délinquant depuis la petite enfance et tout au long de la vie. Pendant la phase d’adolescence, ces anomalies comportementales servent de modèles aux « délinquants limités à l’adolescence » et induisent la délinquance. Les chercheurs appellent ce groupe de délinquants multiples tout au long de la vie « délinquant persistant tout au long de la vie ».
Moffitt attribue les anomalies comportementales du groupe des délinquants persistants à des déficits neurologiques. En revanche, le groupe des délinquants limités à l’adolescence ne présente pas de déficits neurologiques ; leur comportement antisocial est causé par le contact avec des pairs délinquants.
Théorie
Le point de départ des considérations sur la théorie des deux voies est l’observation que l’âge des suspects dans les statistiques criminelles ne correspond pas à la distribution normale. De nombreuses personnes traversent une phase d’adolescence marquée par un comportement antisocial et éventuellement criminel. Les statistiques criminelles montrent que les taux de criminalité les plus élevés concernent la tranche d’âge des 17 ans. Le taux de criminalité des personnes âgées d’une vingtaine d’années est inférieur de 70 %. Pour la plupart des gens, le comportement déviant se limite à une phase relativement courte de la vie, qui caractérise la transition vers l’âge adulte (adolescence). Terrie Moffitt décrit ce type de délinquant comme un délinquant limité à l’adolescence.
Délinquant limité à l’adolescence et délinquant persistant tout au long de la vie
Contrairement au délinquant limité à l’adolescence, les statistiques criminelles montrent des individus qui attirent l’attention de manière répétée, voire tout au long de leur vie, en raison de leur comportement déviant et criminel. Moffitt décrit ces personnes comme des délinquants persistants tout au long de leur vie. Les taux de criminalité ne reflètent que les déviances enregistrées par la police. Toutefois, même avant cet enregistrement statistique par les autorités chargées de l’application de la loi, une augmentation du comportement antisocial peut être détectée chez les personnes appartenant à ce deuxième type de délinquant. Le comportement antisocial et déviant du délinquant persistant au cours de sa vie est dû à un dysfonctionnement neuropsychologique. Chez environ 5 % de tous les enfants, des anomalies massives du comportement social sont déjà perceptibles à l’âge du jardin d’enfants et de l’école maternelle en raison de ce trouble. Les parents de ces enfants « déficients » sont surchargés de tâches éducatives et incapables d’y remédier de manière éducative. Les mesures éducatives défaillantes nuisent à la relation parent-enfant ; les liens affectifs sont alors perçus comme moins sûrs et les enfants sont de plus en plus souvent rejetés. Les anomalies comportementales se répercutent donc sur toute la durée de la vie des personnes concernées et vont d’un comportement antisocial au jardin d’enfants et de problèmes scolaires à des anomalies criminelles à l’adolescence et à l’âge adulte.
Le fossé de la maturité et le mimétisme social
Le comportement déviant du délinquant limité à l’adolescence est structurellement conditionné et découle de la disproportion entre l’autonomie exigée et les chances légales de réaliser ces aspirations à l’autonomie. Certains actes et comportements, comme conduire une voiture ou consommer des drogues (légales), marquent le passage à l’âge adulte. Cependant, ces actions sont généralement interdites aux adolescents. Il en résulte un décalage (gap) entre le statut souhaité d’adulte, de membre mature de la société et les chances de réalisation accordées (voir : théorie de l’anomie).
Au cours de cette phase, les membres du groupe du parcours de vie ouvrent constamment la porte à l’influence et agissent comme des modèles (drogues, sexe et autonomie) en raison de leurs modes de vie différents. L’orientation à court terme du délinquant limité à l’adolescence vers le mode de vie déviant du délinquant persistant du parcours de vie peut être décrite comme un mimétisme social. Dès que les adolescents atteignent l’âge auquel ils ont légalement accès aux objets, actions et comportements du monde des adultes (c’est-à-dire lorsque le fossé de la maturité a été comblé), le mode de vie déviant du délinquant persistant perd de son attrait.
Implications pour la politique pénale
Selon la théorie des deux voies, une prédisposition neuropsychologique combinée à des conditions environnementales individuelles est responsable d’un comportement antisocial et déviant qui peut durer toute la vie. Environ 5 % des personnes sont affectées par ce « défaut », mais elles sont également responsables d’une grande partie de la criminalité (moyennement grave). Il en découle l’implication, en matière de politique pénale, d’identifier les 5 % de la population affectés par un dépistage systématique. Des mesures sociothérapeutiques pourraient compenser le faible soutien apporté par les parents. Étant donné que les comportements antisociaux peuvent déjà être détectés au début de l’adolescence, un dépistage approprié et des mesures thérapeutiques à l’âge de l’école maternelle et de l’école primaire sont concevables. Des programmes correspondants existent (mais sans recours explicite à la théorie des deux voies) à Hambourg, par exemple.
Appréciation critique et pertinence
La théorie des deux voies de Terrie Moffitt est l’une des théories de la criminalité les mieux accueillies de ces dernières années. Pour son travail, Mme Moffitt a reçu le prix de Stockholm en criminologie en 2007 .
La force de la théorie réside certainement dans sa complexité. Ainsi, la théorie intègre les hypothèses des approches de la théorie de l’apprentissage et du contrôle, ainsi que les travaux criminologiques sur les modèles de carrière (cf. par exemple la théorie des liens sociaux, la théorie générale de la criminalité, la théorie de l’apprentissage social, la théorie de la gradation des âges). En outre, la théorie repose sur une base de données empirique. Enfin, le succès de la théorie peut également reposer sur le recours à des facteurs biologiques explicatifs du comportement criminel. D’une part, cette explication correspond à la tendance généralement observée d’une médicalisation des problèmes sociaux, d’autre part, elle ouvre une possibilité de prévention de la déviance. La criminalité (ou plus précisément : le déviant) devient ainsi une variable calculable qui peut être déterminée par des tests de dépistage et qui peut être traitée par des programmes thérapeutiques.
La taxonomie binaire de Moffitt fait cependant l’objet de critiques. Dans d’autres études, d’autres parcours criminels ont été identifiés en plus des deux groupes mentionnés ici, ce qui contredit l’hypothèse de Moffitt. Cela vaut aussi bien pour les personnes qui manifestent un comportement antisocial à un âge précoce, mais pour lesquelles la carrière criminelle ne se consolide pas «childhood-onset desisters », que pour celles dont la carrière criminelle ne commence qu’à l’âge adulte « adult-onset offenders ».
Enfin, les résultats de l’étude de Sampson et Laub sur la théorie de la gradation en fonction de l’âge contredisent la théorie des deux voies. La poursuite par Sampson et Laub des personnes test de l’étude des années 1920 du couple Glueck a montré qu’une fin lente des carrières criminelles avec l’augmentation de l’âge est la règle (désistance de la criminalité).
Le Psychological Inventory of Criminal Thinking Styles (PICTS) est un instrument d’auto-évaluation de 80 questions conçu pour évaluer les schémas cognitifs favorisant la délinquance.
Le PICTS vise à identifier et à évaluer les schémas cognitifs spécifiques associés aux comportements délinquants. Il aide les professionnels à comprendre les processus de pensée sous-jacents qui contribuent aux actes délinquants, ce qui permet de concevoir des interventions et des stratégies de traitement efficaces. Le PICTS évalue huit styles distincts de pensée délinquante
Recherche/validation: Les données recueillies auprès d’hommes (N = 450) et de femmes (N = 227) délinquants indiquent que les échelles de pensée, de validité et de contenu du PICTS présentent une cohérence interne et une stabilité test-retest modérées à moyennement élevées. Les méta-analyses des études dans lesquelles le PICTS a été administré révèlent qu’en plus d’être en corrélation avec les mesures de la criminalité passée, plusieurs des échelles de pensée et de contenu du PICTS sont capables de prédire l’adaptation future/le résultat de la libération à un niveau faible mais statistiquement significatif, et deux échelles (En, CUR) sont sensibles au changement assisté par le programme au-delà de ce que les sujets de contrôle atteignent spontanément. La structure factorielle du PICTS est ensuite examinée à l’aide d’une analyse factorielle exploratoire et confirmatoire, dont les résultats indiquent la présence de deux facteurs majeurs et de deux facteurs mineurs. (The Psychological Inventory of Criminal Thinking Styles (PICTS): a review and meta-analysis – PubMed (nih.gov) )
Découvrez ici la synthèse des 8 styles de pensée du PICTS réalisé par le psychologue forensique Lars Bang Madsen (Lars Madsen est le directeur clinique du Forensic Clinical Psychology Centre. Sa formation et ses compétences lui ont permis de travailler dans des contextes cliniques, communautaires et carcéraux en Australie et au Royaume-Uni en tant que psychologue clinicien et légiste).
L’une des études les plus célèbres en psychiatrie est celle menée sur les détenus de la prison de Concord au début des années 1960. Un groupe de chercheurs de Harvard, dirigé par Timothy Leary, a traité un groupe de détenus avec de la psilocybine, une drogue dérivée de champignons hallucinogènes. Ils voulaient savoir si les drogues hallucinogènes, associées à une thérapie, pouvaient rendre les détenus moins susceptibles de commettre des crimes à l’avenir.
Quelque temps après la libération du groupe de prisonniers, les chercheurs ont annoncé des résultats surprenants. Il était prévu qu’environ 64 % des prisonniers reviendraient au bout de six mois. Or, seuls 25 % d’entre eux sont revenus. Qui plus est, au lieu d’être incarcérés pour de nouveaux délits, la plupart d’entre eux étaient de retour en prison en raison de violations techniques de leur liberté conditionnelle. Lorsque Leary a continué à suivre le groupe de prisonniers, le taux de récidive est resté nettement inférieur au niveau attendu. Il semblait que les drogues psychoactives pouvaient faire une énorme différence dans le taux de récidive, et peut-être créer une société plus pacifique.
Cela n’a pas fait l’affaire des autorités, et il s’est avéré que cela n’aurait pas dû être le cas. Un examen à long terme de l’étude, réalisé dans les années 1990, révèle que certaines libertés ont été prises dans l’analyse des données. Bien qu’une partie seulement des dossiers ait pu être récupérée, ces dossiers constituent un échantillon aléatoire du groupe d’origine et peuvent représenter l’expérience initiale. D’une part, il semble que Leary ait comparé le taux de réincarcération des prisonniers traités 10 mois après leur libération à celui d’autres groupes 30 mois après leur libération. Rien ne prouve non plus que l’équilibre entre les nouveaux délits et les violations techniques de la liberté conditionnelle soit ce que Leary prétendait qu’il était. Il n’a compté que les raisons pour lesquelles les personnes étaient retournées en prison au départ – et si elles étaient en liberté conditionnelle, elles étaient toujours enregistrées comme retournant en prison en raison d’une violation de la liberté conditionnelle, même si cette violation de la liberté conditionnelle constituait un nouveau délit.
Mais une nouvelle recherche menée par Doblin R (1998, U d’Harvard) a relancé les investigations sur la recherche initiale de Timothy Leary (Rick Doblin (1998) Journal of Psychoactive Drugs, Dr. Leary’s Concord Prison Experiment: A 34-Year Follow-up Study, Kennedy School of Government, Harvard University, Published online: 06 Sep 2011.)
Résumé
Cette étude est un suivi à long terme de l’expérience de la prison de Concord, l’une des études les plus connues dans la littérature sur la psychothérapie psychédélique. L’expérience de la prison de Concord a été menée de 1961 à 1963 par une équipe de chercheurs de l’Université Harvard sous la direction de Timothy Leary. L’étude originale consistait à administrer une psychothérapie de groupe assistée par la psilocybine à 32 prisonniers dans le but de réduire les taux de récidive. Cette étude de suivi a consisté en une recherche dans les dossiers du système de justice pénale de l’État et du gouvernement fédéral de 21 des 32 sujets initiaux, ainsi qu’en des entretiens personnels avec deux des sujets et trois des chercheurs : Timothy Leary, Ralph Metzner et Gunther Weil. Les résultats de l’étude de suivi indiquent que les affirmations publiées sur l’effet du traitement étaient erronées. Cette étude de suivi confirme l’accent mis dans les rapports originaux sur la nécessité d’intégrer la psychothérapie assistée par la psilocybine avec les détenus dans un plan de traitement global comprenant des programmes de soutien de groupe non médicamenteux après la libération. Malgré les efforts considérables de l’équipe expérimentale pour fournir un soutien après la libération, ces services n’ont pas été suffisamment disponibles pour les sujets de cette étude. La question de savoir si un nouveau programme de psychothérapie de groupe assistée par la psilocybine et des programmes post-libération permettraient de réduire de manière significative les taux de récidive est une question empirique qui mérite d’être abordée dans le cadre d’une nouvelle expérience.
CONCLUSION
L’échec de la Concord Prison Experiment à générer une réduction des taux de récidive ne doit pas être considéré comme une preuve de l’absence de valeur des psychédéliques en tant que compléments à la psychothérapie chez les criminels. Au contraire, l’échec de l’expérience de la prison de Concord devrait mettre fin au mythe des psychédéliques comme des balles magiques, dont l’ingestion conférerait automatiquement une sagesse aux criminelset créerait un changement durable après une seule ou même une seule fois. de la sagesse et créer un changement durable après une seule ou même quelques expériences.
Un changement de personnalité peut être plus probable après une expérience psychédélique cathartique et perspicace, mais seul un travail soutenu après la disparition de la drogue permettra d’ancrer et de consolider tout mouvement vers la guérison et le changement de comportement. Les expériences psychédéliques ne sont pas suffisantes en elles-mêmes pour produire un changement durable. Leary, qui a écrit sur l’importance du cadre, le savait mieux que quiconque : « La principale conclusion de notre étude pilote de deux ans est que les programmes institutionnels, aussi efficaces soient-ils, comptent peu une fois que l’ex-détenu se retrouve dans la rue. Les pressions sociales auxquelles ils sont confrontés sont si écrasantes qu’elles rendent le changement très difficile ». (Leary 1969).
Leary a pris le temps, lors de l’entretien de suivi mené peu avant sa mort, de réitérer ce qu’il avait précédemment affirmé être la principale leçon de l’expérience de la prison de Concord : la clé d’une réduction à long terme des taux de récidive pourrait être la combinaison de l’administration avant la libération d’une psychothérapie de groupe assistée par la psilocybine avec un programme complet de suivi après la libération, sur le modèle des groupes des Alcooliques Anonymes, afin d’offrir un soutien aux prisonniers libérés. Bien entendu, il est probable que les programmes de suivi après la libération soient bénéfiques pour toutes les personnes libérées de prison, qu’elles aient bénéficié d’une psychothérapie de groupe assistée par la psilocybine, d’une aide aux toxicomanes, d’une formation professionnelle, d’un traitement psychologique non médicamenteux, de tout autre programme visant à réduire la récidive, ou même d’aucun traitement du tout. En raison des effets psychologiques profonds de la psilocybine, un programme post-libération pour les sujets ayant reçu de la psilocybine pourrait être différent, tant dans son contenu que dans son importance, des programmes destinés aux sujets ayant reçu d’autres interventions. La question de savoir si un nouveau programme de psychothérapie de groupe assistée par la psilocybine et des programmes postlibération permettraient de réduire de manière significative les taux de récidive est une question empirique qui mérite d’être abordée dans le cadre d’une nouvelle expérience.
Evaluation du programme PARCOURS: William ARBOUR (2021) Peut-on prévenir la récidive derrière les barreaux ? Données probantes d’un programme comportemental
Le programme PARCOURS a été évalué par une équipe de recherche indépendante, et a mesuré une diminution de la récidive de 18%. Un excellent début!
Alors que la recherche sur chaque aspect du comportement criminel se développe, les chercheurs ont encore beaucoup à apprendre sur la psychologie criminelle et l’esprit humain, y compris ses motivations. Les experts du champ de la psychologie criminelle font de grands progrès dans la compréhension de la logique du crime, et pourtant les effets de l’incarcération sur les détenus, l’une des méthodes de punition les plus courantes, restent flous et peu étudiés. Le crime et les condamnations pénales sont hautement circonstanciels, et il est donc presque certain que les détenus vivront l’incarcération de manière différente, pour le meilleur ou pour le pire.
Malgré une foule de conséquences négatives possibles de l’institutionnalisation, y compris l’influence négative des pairs criminels, les activités prosociales et positives offertes dans certains milieux carcéraux peuvent offrir un environnement plus sûr et plus stable aux détenus. Ainsi, la détention peut offrir l’opportunité de prendre part à des programmes permettant d’aiguiser et d’acquérir de nouvelles compétences, de recevoir un soutien de groupe ou une thérapie individuelle, et d’entreprendre un processus interne de réflexion. Parcours est un tel exemple de programme significatif dans lequel les détenus peuvent s’engager pendant leur incarcération.
Dans cet article, j’ai évalué les effets de Parcours, un programme comportemental mis en place dans les prisons au Québec, Canada. En exploitant le caractère aléatoire de l’affectation des détenus aux agents de probation, j’ai pu dériver des estimations causales de l’effet du programme sur la récidive. J’ai trouvé des effets importants, négatifs et significatifs sur la récidive. Cet article met en évidence également que les jeunes détenus sont les plus susceptibles de se conformer à la recommandation du programme. Ce résultat est significatif puisque les jeunes détenus sont largement considérés comme les plus à risque (Doleac, 2019). Ainsi, cibler les jeunes détenus a le potentiel d’accélérer les effets positifs d’un tel programme en, notamment, réduisant la probabilité d’une incarcération coûteuse. Les résultats suggèrent que les facteurs criminogènes ciblés par le programme (responsabilité, attitudes envers la criminalité et la victimisation) étaient le principal canal de causalité. Cette étude démontre que le renforcement de ces traits décisionnels pourrait, presque entièrement, dissuader certains délinquants de commettre de nouveaux crimes. Dans les circonstances où les participants récidivent, il a été démontré que le délit ultérieur est retardé de plusieurs mois. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si les programmes de réinsertion, en d’autres termes, les programmes dispensés lors de la détention, sont prometteurs pendant le processus de réintégration. Les programmes de réinsertion pourraient être essentiels pour assurer la continuité de l’acquisition des compétences comportementales.
Pour l’avenir, davantage de données sont nécessaires pour déterminer l’hétérogénéité des effets des traitements. Par exemple, on ne sait toujours pas comment les problèmes spécifiques des délinquants autochtones sont abordés par le programme, ni si les délinquantes peuvent bénéficier de leur participation. D’autres types de mesures, comme l’approche éducative ou la thérapie de santé mentale, gagneraient également en crédibilité grâce à des recherches plus poussées.
Il semble y avoir une grande lacune dans le champ de la recherche criminelle concernant non seulement la prévention du crime, mais aussi dans le traitement des criminels à la fois pendant la détention et après la prise en charge. Des preuves supplémentaires pour d’autres types de programmes, de cadres et de profils de participants sont nécessaires dans un effort d’amélioration des politiques encourageant une réinsertion réussie. Pour l’instant, le grand avantage des programmes comme Parcours, tel que démontré par cet article, est qu’il nous rapproche de la prévention de la récidive derrière les barreaux.