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Haute Autorité de Santé (2011): Dangerosité psychiatrique : étude et évaluation des facteurs de risque de violence hétéro-agressive chez les personnes ayant des troubles schizophréniques ou des troubles de l’humeur


RAPPORT D’ORIENTATION DE LA COMMISSION D’AUDITION (Mars 2011)

Le concept de dangerosité ou de risque de violence : données contextuelles et historiques
La dangerosité est une notion complexe qui s’est développée au XIXesiècle (Garofalo 1885) et qui a repris de la vigueur dans les années 1980, en lien avec un sentiment d’insécurité sociale, politique et juridique ressenti par un certain nombre de citoyens. Le mot « dangerosité » renvoie au caractère dangereux, le terme « dangereux » étant défini comme ce qui constitue un danger. Le danger est ce qui menace ou compromet la sûreté, l’existence de quelqu’un ou de quelque chose. La dangerosité est une perception subjective, qui connaît des évolutions en fonction des temps et des lieux au regard des exigences variables du droit pénal positif et de la protection de la société. Il convient, lorsque l’on parle de dangerosité, d’évoquer la notion de violence. En effet, la dangerosité est habituellement abordée comme risque de violence et, dans les études internationales, la dangerosité est étudiée sous l’angle des passages à l’acte violents ou des condamnations pour actes violents. La violence est l’acte par lequel s’exerce la force, qu’elle soit physique ou morale. Pour l’OMS (1), qui en donne une définition plus large, il s’agit de « l’usage délibéré ou la menace d’usage délibéré de la force physique ou de la puissance contre soi-même, contre une autre personne ou contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque d’entraîner un traumatisme, un décès, un dommage moral, un maldéveloppement ou une carence ». Il existe une grande diversité de comportements violents. La plupart des études se fondent sur des définitions opérationnelles des actes violents comme par exemple : frapper avec un objet ou une arme sur autrui, menacer avec un objet ou une arme, casser des objets, frapper dans les murs, avoir été condamné pour homicide, etc. La violence doit être différenciée de l’agression et de l’agressivité, l’agression étant une attaque contre les personnes ou les biens, attaque violente, avec altération chez la victime de l’intégrité des fonctions physiques ou mentales, et l’agressivité une « intention agressive sans acte agressif ». Lors de l’audition publique organisée par la Fédération française de psychiatrie sur l’expertise psychiatrique pénale en janvier 2007, les recommandations sur l’évaluation de la dangerosité dans l’expertise ont défini la dangerosité psychiatrique comme une « manifestation symptomatique liée à l’expression directe de la maladie mentale » et la dangerosité criminologique comme « prenant en compte l’ensemble des facteurs environnementaux et situationnels susceptibles de favoriser l’émergence du passage à l’acte » (2,3). Ces définitions de la dangerosité ne sont pas des définitions juridiques. Aborder la dangerosité psychiatrique ne peut se faire sans le regard de l’histoire, le développement de ce concept se rejouant de façon récurrente depuis deux siècles, et sans la référence au droit. Mais l’abord clinique reste primordial. Il doit mettre en perspective les situations répétées de violence pour mieux les comprendre et prendre en considération l’avis des patients et de leur entourage. La démarche se veut essentiellement clinique et fondée sur une pratique attentive aux dimensions éthiques et déontologiques. Il convient de rappeler qu’est traitée ici l’exception, car les comportements violents ne concernent comme acteurs qu’une petite minorité de personnes souffrant de troubles mentaux, et que beaucoup plus fréquemment ces dernières en sont avant tout les victimes.

http://www.has-sante.fr

si le lien est brisé: evaluation_de_la_dangerosite_psychiatrique_-_rapport_dorientation

« Les programmes pour délinquants violents »  par Ralph C. Serin e t Denise L. Preston, Direction de la recherche, Service correctionnel du Canada »

 » Ce qui donne des résultats dans le système correctionnel, Revue  » FORUM – Recherche sur l’actualité correctionnelle » Volume 12, numéro 2 ,mai 2000

 La préoccupation relative aux délinquants violents s’est accentuée à la suite de l’insistance qu’on a mise sur l’évaluation du risque au cours des dix dernières années. Il ne faut donc pas s’étonner que, en plus des changements apportés aux peines et aux politiques, les administrations correctionnelles veillent maintenant au traitement et à la gestion des délinquants à risque élevé et des délinquants violents. Dans cet article, nous fixons notre attention sur les interventions et les programmes pour délinquants violents qui visent à réduire la récidive et qui peuvent être liés aux besoins particuliers de ces délinquants en matière de traitement plutôt qu’à la criminalité en général.

 

Orientations futures
Malgré la préoccupation à l’égard des délinquants violents, on s’étonne qu’il existe si peu de documentation
sur les traitements efficaces à leur i n t e n t i o n , particulièrement lorsqu’on fait la comparaison a v e c
d’autres groupes, comme les délinquants sexuels et ceux qui ont commis des actes de violence conjugale.
La plupart des études rapportent des effets positifs post-traitement, mais ceux-ci ont surtout été enregistrés dans les autoévaluations, sans se traduire par une amélioration des taux de récidive. Jusqu’à présent, l’évaluation de l’efficacité des traitements a été brouillée par la trop grande confiance accordée aux questionnaires d’autoévaluation, l’absence de groupes témoins et la difficulté à définir les délinquants violents. La multiplication des programmes pour délinquants violents repose implicitement sur l’espoir que ces programmes entraîneront une diminution de la récidive violente. Les résultats des programmes déjà
mis en œuvre sont encourageants, sans pour autant être entièrement probants. Mais les délinquants qui
terminent les programmes paraissent néanmoins plus susceptibles de réussir. Les études les plus
impressionnantes quant aux méthodes utilisées et aux résultats obtenus concernent des programmes qui
s’adressaient aux jeunes et qui comportaient une approche multisystémique. Il faudrait donc s’efforcer
de mieux intégrer les pratiques exemplaires tirées de ces programmes dans les programmes de traitement
pour les délinquants violents adultes. Les programmes destinés aux jeunes insistent davantage sur l’acquisition d’habiletés relatives à la dynamique familiale et à la résolution de problèmes, comparativement aux programmes pour adultes qui, eux, sont axés sur la maîtrise de la stimulation de la colère. Mais cette formule est en train de changer. En effet, les modèles conceptuels qui intègrent la stimulation, l’autocontrôle et le schéma cognitif s’avéreront peut-être fort utiles aux cliniciens qui s’efforcent d’offrir des programmes adaptés à un éventail de types de délinquants violents. Il s’agit là de la direction vers laquelle les administrations correctionnelles semblent vouloir s’orienter, c’est-à-dire accroître la diversité des programmes offerts. Quelle est l’incidence de l’intégration du traitement aux stratégies de gestion du risque dans le cas des délinquants violents ? Dans les programmes visant la prévention de la rechute, le cycle de délinquance fournit un mécanisme permettant de découvrir les antécédents ou les facteurs proximaux relatifs à l’usage que fait le délinquant de la violence. De plus, dans les programmes comportant des évaluations du risque détaillées, le traitement donne l’occasion de formuler des commentaires au sujet de la nature et de l’intensité de l’aide postpénale et de la surveillance dans la collectivité. Des règles explicites relatives aux décisions, pour protéger les cliniciens de leur optimisme sans bornes, pourraient favoriser l’intégration de traitements efficaces dans les stratégies de gestion du risque. On constate un consensus grandissant concernant les « bonnes » composantes d’un programme de traitement, les façons de résoudre le problème de la résistance au traitement et les méthodes permettant de démontrer l’efficacité d’un programme de traitement et les effets positifs qui en résultent. Tout aussi importants les uns que les autres, ces différents moyens sont de plus en plus appliqués à l’objectif de réduction de la délinquance violente.

http://www.csc-scc.gc.ca/text/pblct/forum/e122/122k_f.pdf

 

La presse.ca (juin 2012); Rapport d’enquête accablant sur l’Institut Pinel,  27 juin 2012

L’Institut Philippe-Pinel, où sont envoyés des criminels psychiatrisés comme Guy Turcotte, Karla Homolka et Valéry Fabrikant, souffre de dizaines de lacunes en matière de sécurité qui le laissent vulnérable aux tentatives d’évasion, aux prises d’otages et aux attaques contre le personnel soignant, révèle un rapport d’enquête obtenu par La Presse. «Il existe un faux sentiment de sécurité à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal», tranche le rapport de 175 pages, qui doit être déposé cette semaine. Le document a été rédigé par six enquêteurs issus des parties patronales, syndicales, ainsi que de l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur des affaires sociales. Il se penche sur la prise d’otages survenue à l’Institut, le 29 avril 2011. (…)

Confusion
Le rapport relève près d’une trentaine de causes qui ont mené au drame, notamment une baisse générale de la vigilance et la confusion du personnel quant aux fouilles. Des employés croyaient carrément qu’il leur était interdit de fouiller les patients. Des membres de la sécurité ont avoué aux enquêteurs «qu’on ne peut pas garantir la rigueur des fouilles». La possibilité de faire entrer à l’institut des morceaux de métal, l’accès aux bacs de recyclage pleins de matériaux, l’absence de ligne directrice en cas de prise d’otages, le manque de formation, de communication et de coordination sont aussi montrés du doigt. Les enquêteurs formulent plus d’une centaine de recommandations, notamment l’installation de contrôles rigoureux «comme dans les aéroports» afin de détecter toute arme. Ils suggèrent aussi l’amélioration de la formation, le remplacement de parties du mobilier pouvant servir à fabriquer une arme, et, au besoin, la fouille des cavités corporelles des patients. Le rapport est déposé au moment où l’Institut Philippe-Pinel se retrouve sans chef. Le dernier directeur général, Jocelyn Aubut, a remis sa démission le 14 juin dernier, après 34 ans au sein de l’établissement.

Lien: http://www.lapresse.ca

OIP (2012); Dedans Dehors n°76, mars-avril 2012; Prévention de la récidive : le retard français

Choix de la mesure pénale, évaluation des risques et des besoins, programmes et méthodes de suivi… A chaque moment du parcours d’une personne condamnée, les décisions prises peuvent être guidées par un critère d’efficacité sur la prévention de la récidive et la réinsertion. La France ne développe néanmoins aucune étude établissant « ce qui marche » et ignore superbement les résultats issus de 40 ans de recherche internationale. Conséquence : des lois contre-productives, des contresens sur l’évaluation des risques et des pratiques professionnelles artisanales.

Si la France se distingue d’autres pays occidentaux en matière de prévention de la récidive, c’est par le manque de recherche, la pauvreté des connaissances et donc la quasi-absence de repères rationnels pour guider tant les politiques pénales que les pratiques professionnelles. « Nous travaillons en aveugles », peut-on souvent entendre auprès des juges de l’application des peines (JAP) et des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP)(…)
Evaluations hasardeuses
En l’absence d’outils fondés sur une recherche solide, les évaluations de la « dangerosité » à la française empruntent non seulement à un concept douteux, mais sont aussi dénuées de fondement scientifique. Les méthodes cliniques (qui sont celles utilisées par les psychiatres en France) ont été désignées à maintes reprises par la recherche internationale comme « inefficaces non seulement à évaluer les risques de récidive, mais aussi à orienter la réponse pénale ou l’accompagnement », comme le souligne la juriste Martine Herzog-Evans. Les chercheurs qualifient l’évaluation clinique « d’informelle, subjective et impressionniste ». Ils lui reprochent de « manquer de spécificité dans la définition des critères utilisés » : les critères ne sont pas spécialement adaptés aux auteurs d’infractions pénales. En outre, les cliniciens « fonderaient leurs jugements sur des corrélations illusoires » et ne « tiendraient pas compte, à tort, des informations relatives à la situation et au milieu de vie ». Alors que des facteurs tels que l’absence d’emploi, le manque de loisirs et l’influence de « pairs » inscrits dans la délinquance apparaissent comme déterminants, ils sont largement passés sous silence dans les évaluations des psychiatres. C’est ainsi que des décisions telles qu’un placement en rétention de sûreté ou un refus d’aménagement de peine peuvent être prises sur des fondements fantaisistes au regard des données acquises par la recherche internationale sur la récidive, le tout dans une perspective de neutralisation ne connaissant plus beaucoup de limites en France. A titre d’exemple, l’absence de reconnaissance des faits ou d’empathie pour la victime constituent des critères dominants dans les pratiques françaises, alors qu’ils ne constituent pas des facteurs déterminants du risque de récidive.

http://www.oip.org/index.php/actualites/998

Michel Bénézech (2010) Préface du dossier « Maladie mentale et troubles de la personnalité » publié par l’IPJ

Michel Bénézech est psychiatre honoraire des hôpitaux, ancien chef de service SMPR de la maison d’arrêt de
Bordeaux-Gradignan, professeur de droit privé à l’Université de Bordeaux IV. Expert judiciaire honoraire, il a
été professeur associé des Universités en médecine légale et en droit privé. Spécialiste de renommée internationale en matière de psychiatrie criminelle, conseiller scientifique de la gendarmerie nationale, il est l’auteur de 500 publications scientifiques et coauteur d’une trentaine d’ouvrages.

La politique de l‟autruche est une spécialité bien de chez nous. Nous l‟avons déjà personnellement observée pour le SIDA et les dons de sang en milieu carcéral où il fallut attendre trois ans pour que les premiers textes réglementaires consacrés à l‟hygiène et à la prévention soient promulgués, alors que les statistiques internationales signalaient la fréquence élevée de la séropositivité VIH chez les détenus toxicomanes utilisant l‟héroïne par voie veineuse. Admettre la dangerosité de certains patients souffrant de troubles psychiatriques graves est du même ordre, celui du refus de la réalité, des connaissances scientifiques anciennes et contemporaines, des faits divers criminels impliquant comme auteurs des malades mentaux.  Faut-il rappeler que le droit romain classique cite déjà l‟exemple d‟Aelius Priscus, un furieux (furiosus), meurtrier de sa mère, vraisemblablement schizophrène, reconnu irresponsable mais devant être enfermé pour l‟empêcher de « nuire aux autres ». La longue histoire de la psychiatrie médico-légale est remplie de violences meurtrières perpétrées en tous temps et tous lieux par de malheureux « fous » et de dispositions restrictives les concernant. Le docteur Maudsley en 1874 (Le crime et la folie), le docteur Blanche en 1878 (Des homicides commis par les aliénés), le professeur Claude en 1932 (Psychiatrie médico-légale), les docteurs Porot et Bardenat en 1959 (Psychiatrie médico-légale) et 1960 (Anormaux et malades mentaux devant la justice pénale) ont tous rapporté en détail les relations complexes entre les troubles mentaux et les infractions violentes et non violentes. Mais oublions un peu le passé pour nous pencher sur la situation actuelle. N‟est-il pas extraordinaire qu‟en 2010 on pratique de manière identique les expertises psychiatriques pénales qu‟il y a trois siècles, à savoir le plus souvent un examen mental unique de quelques dizaines de minutes ! Cette « expertise » est censée dire le passé (les antécédents), le présent (l‟état mental lors des faits ou au moment de l‟examen) et le futur (la dangerosité potentielle).  Elle jouera un rôle important en cours d‟instruction, devant les assises, si la responsabilité totale ou partielle est retenue, pour l‟application des peines dans le cas où une mesure de mise en liberté est envisagée. Certes, vous me rétorquerez que la psychiatrie a beaucoup évolué dans ses concepts et ses classifications, que des contre- et des sur-expertises sont possibles, mais il n‟en est pas moins vrai que nous restons toujours dans le domaine du subjectif, des opinions philosophiques et de la formation professionnelle du ou des experts « psy » et surtout d‟un temps d‟examen forcément bref, même si dans les affaires les plus médiatisées les entretiens sont parfois répétés. Que dirait un bon père de famille si sa fille lui racontait vouloir épouser sans délai un garçon rencontré depuis seulement quelques dizaines de minutes à la terrasse d‟un café ? Il conseillerait sans aucun doute de ne pas se précipiter, de voir si leurs goûts s‟accordent, de prendre des renseignements sur le futur et sa famille, le mariage étant une chose sérieuse en dépit de la possibilité de divorcer… Et bien en cour d‟assises, il paraît normal, ordinaire, banal de juger une personne avec des expertises mentales (psychiatrique, psychologique) qui durent le temps d‟une ou deux consommations à la terrasse d‟un café !

 

Le problème d‟une évaluation sérieuse, aussi bien familiale, sociale, professionnelle, mentale, criminologique, d‟une personne mise en examen ou condamnée pour des faits criminels reste donc posé en dépit des avancées législatives actuelles. Tout individu auteur d‟une infraction majeure (homicide, violences graves, viol, acte pédophilique), complexe (amnésie des faits, usage de psychotropes, pluralité d‟auteurs ou de victimes) ou sérielle (récidivisme sur le même mode ou sur un mode différent) devrait faire l‟objet d‟une évaluation initiale approfondie de longue durée (quatre à six semaines au minimum) effectuée en milieu spécialisé par une équipe pluridisciplinaire disposant de la totalité des données judiciaires et médico-sociales le concernant. Cette évaluation scientifique et objective, utilisant obligatoirement des méthodes actuarielles, serait répétée aux moments clés de l‟évolution pénale de l‟individu, permettant, par comparaison des bilans successifs, de suivre son évolution et les résultats des mesures de traitement et de réinsertion qui lui seraient proposées ou ordonnées. En sus de la qualité des évaluations obtenues, on éviterait les cafouillages, les contradictions et les insuffisances des expertises mentales actuelles. Un autre domaine qui nécessiterait une réforme et une simplification législative est celui de la dangerosité sociale, dangerosité psychiatrique et criminologique étant en pratique totalement confondues. Rappelons qu‟environ 10 % des homicides en Europe sont commis par des patients psychotiques au moment des faits et que la grande majorité des auteurs d‟homicides tout venant souffrent d‟une ou plusieurs perturbations mentales mineures ou majeures : conduites addictives, troubles anxieux, troubles de la personnalité (psychopathie), troubles de l‟humeur (dépression), états psychotiques aigus ou chroniques (schizophrénie, paranoïa). C‟est à juste titre que la fréquence et la précocité des comportements violents ainsi que la co-morbidité psychiatrique sont considérées comme des facteurs multipliant le risque de passage à l‟acte ou de récidive criminelle. Selon notre avis personnel, il devrait exister dans notre droit une loi unique de défense et de réinsertion sociales qui concernerait le suivi régulier des mesures de sûreté et de soins ainsi que la prise en charge sociale, aussi bien dans la communauté qu‟en milieu fermé (établissements pénitentiaires, hôpitaux psychiatriques), des personnes évaluées comme dangereuses. Que ce soit en liberté, en prison ou à l‟hôpital psychiatrique, le problème de la dangerosité et de son traitement médico-socio-judiciaire est le même. Bien entendu, la dangerosité majeure ne concerne qu‟une minorité de délinquants et de malades présentant des troubles mentaux sévères, mais cette minorité active est à l‟origine d‟infractions variées souvent graves (violences parfois mortelles, incendies volontaires, agressions sexuelles). S‟il est juste que le « fou meurtrier » soit considéré comme irresponsable et non punissable, il n‟en demeure pas moins qu‟il doit rester aussi longtemps que nécessaire sous la surveillance attentive des autorités judiciaires, administratives et médicales. Il doit faire l‟objet de strictes mesures de sûreté avant son retour éventuel dans la société lorsque son état mental et son évaluation criminologique l‟autorisent et à la condition d‟un suivi obligatoire et régulier à l‟extérieur. Les mêmes principes de sécurité et de prévention de la récidive s‟imposent pour le criminel dangereux condamné, avant et après sa remise en liberté. N‟oublions jamais les victimes.

Voir le Dossier complet : Psychiatrie-IPJ-DEF.pdf

L’exécution de la peine privative de liberté,  Problèmes de politique criminelle
Anabela Miranda Rodrigues

Professeur à la Faculté de Droit de l’Université de Coimbra, Directrice du Centre d’Etudes Judiciaires , Portugal

Colloque  de la Fondation internationale pénale et pénitentiaire « L’exécution des sanctions privatives de liberté et les impératifs de la sécurité » 2006 , Budapest, Hongrie

L’identification des individus dangereux (risk offenders) est faite par des méthodes de type actuariel – on parle d’actuarial justice – la méthode de “l’analyse des risques” (risk assessment). Ceci suppose de prendre comme base des “indicateurs”, dont la quantification est le point de départ pour établir un pronostic sur le danger de certains groupes ou classes d’individus. La punition ne dépend ni de la nature du crime, ni de la personnalité du délinquant, mais bien de l’évaluation de son profil de risque, lequel détermine la durée du contrôle: plus ou moins prolongé selon le danger (…)
Le changement est substantiel: à l’inverse de la “vieille” pénologie, qui se basait sur l’individu et se préoccupait des causes de la perpétration du crime, ayant en vue sa “correction”, la “nouvelle” pénologie s’intéresse au groupe de risque auquel est dit appartenir l’individu, pour le rendre inoffensif, le surveiller et le contrôler. De nouvelles techniques pénologiques (surveillance électronique ou techniques statistiques) surgissent, qui ont pour objectif d’établir des niveaux de risque et de prévoir le danger, pour adapter ainsi le contrôle aux niveaux de risque présentés par un certain groupe d’individus. La culpabilité ayant été substituée par le danger, il est demandé à l’État de faire de la gestion du risque (du crime), en présumant que la société, ayant sacralisé la valeur sécurité, renonce à supporter un risque, quel que soit son pourcentage. Quand la culpabilité définit la frontière absolue de distribution des risques entre l’individu et la société, c’est sur cette dernière que retombe le risque de récidive. Inversement, la gestion efficace du risque que le nouveau abordage du crime requiert, implique qu’il retombe sur l’individu, le soumettant à une intervention de sécurité et de contrôle d’intensité maximale. La récidive est un facteur d’évaluation de l’efficacité du contrôle exercé sur l’individu – c’est le système comme tel qui est sujet à évaluation et non le succès ou l’échec d’un programme de traitement, de telle sorte qu’un haut taux de récidive est un signal positif que le système a la capacité de détecter. Cela implique une nouvelle orientation des instruments traditionnels (par exemple: probation ou liberté conditionnelle), qui ne sont plus vus comme moyens de réhabilitation individuels, mais bien comme des mesures efficaces de contrôle prolongé des individus. De cette création par le système de ses propres expectatives relativement à son accomplissement découle une auto‐limitation de son exposition à des indicateurs qu’il contrôle lui‐même: les gestionnaires du système peuvent assurer que leurs problèmes ont une solution.

http://fondationinternationalepenaleetpenitentiaire.org/

si le lien est brisé:

09. Budapest – Anabela Miranda Rodrigues

Accès à l’intégralité des articles du colloque:

http://fondationinternationalepenaleetpenitentiaire.org/

Anne Wyvekens (2010) La rétention de sûreté en France : une défense sociale en trompe-l’œil (ou les habits neufs de l’empereur)

Anne Wyvekens, Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques (CERSA/CNRS-Université Paris 2), Facultés universitaires Saint-Louis

La loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté (et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental) a fait couler beaucoup d’encre. Juristes et psychiatres s’accordent pour y voir un basculement dans la façon dont la loi pénale française envisage les rapports entre délinquance et trouble mental, entre sanction et soin. Les premiers, qu’ils en approuvent ou en déplorent le contenu, évoquent, qui une double révolution en droit pénal français (Pradel, 2008), qui une rupture en politique criminelle (Lazerges, 2008). Les assises mêmes du droit pénal sont en cause, n’hésite pas à affirmer un troisième auteur (Mayaud, 2008). Quant aux psychiatres, ils s’inquiètent d’une confusion extrême entre le soin et la peine et du risque de détourner la psychiatrie publique de sa mission qui est bien celle de soigner les malades mentaux (Senon, Manzanera, 2008).
Punir les malades mentaux ? Soigner les délinquants? Deux professions s’interrogent, s’inquiètent. Sans refaire l’histoire des rapports entre justice (pénale) et psychiatrie, à l’intersection des deux champs, dans celui, interdisciplinaire, de la réflexion criminologique, on voudrait proposer une lecture «transversale» de la loi, en posant la question de savoir si et dans quelle mesure on peut y voir non seulement la «découverte» de la dangerosité mais également la mise en œuvre d’une logique de défense sociale. La législation pénale française n’a jusqu’ici été que modérément influencée par cette doctrine d’inspiration positiviste. Toutefois, ces évolutions récentes, culminant dans la dite loi (25 février 2008), présentent un certain nombre de traits qui y renvoient nettement (I). À l’analyse, la « rupture» évoquée, bien réelle sur le plan des principes, renvoie moins à une politique qu’à une rhétorique dissimulant mal la difficulté de répondre à la question soulevée.

http://halshs.archives-ouvertes.fr/

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