FRANCE INTER (2018) LES BOBINOS DE THOMAS LEGRAND, mercredi 7 mars 2018
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Sophie a été surveillante pénitentiaire dans plusieurs centres de détention. Épuisée par un travail dangereux, des collègues machistes et un environnement misérable, elle a tenté d’en finir avec la vie.
Bilal avait vingt ans. En juillet dernier, il voulait venir à Marseille voir la mer. Quarante-huit heures après son arrivée, le jeune homme bipolaire et dépressif était mis en garde à vue pour « apologie du terrorisme », puis incarcéré aux Baumettes pour outrage et rébellion. Il s’est pendu le soir même dans sa cellule.
Deux histoires de prison qui tue.
Vous faites face aussi aux détenus qui se suicident. Vous devez intervenir correctement, parce que vous n’êtes pas médecin pour dire qu’il est décédé, donc il faut faire un massage cardiaque. Or, quand il faut faire un massage cardiaque à un cadavre, c’est psychologiquement pas évident. Dans les faits vous êtes toute seule, pour la direction il faut être « dans les clous » et que tout reste « propre ».
Sophie, ancienne surveillante pénitentiaire.
Reportage : Maud de Carpentier
Réalisation : Milena Aellig
Introduite en France par la Loi du 15 août 2014, la justice restaurative mise sur les rencontres entre détenus et victimes pour apaiser les souffrances, panser les plaies laissées béantes par le procès pénal et, in fine, restaurer le lien social. Une expérience bénéfique pour tous. Car aussi longue soit la peine, les détenus ont vocation un jour à réintégrer notre société.
Et si la prison abîme l’homme, le dialogue avec les victimes, lui, restaure l’humanité. Un préalable essentiel pour ne plus recommencer.
Pratique ancestrale venue des Inuits et des Maoris, réintroduite dans le monde anglo-saxon dans les années 70 et expérimentée en France à la maison centrale de Poissy depuis 2010, la justice restaurative offre une autre vision de la politique pénale. Une autre vision que l’illusion du tout carcéral.
Rencontre avec des détenus et des victimes qui ont tenté l’expérience. Ce reportage a été sélectionné pour le prix Grandes Ondes, dans le cadre du Festival Longueur d’ondes qui a lieu ce week-end à Brest (30 janvier au 4 février 2018). Un reportage de Charlotte Perry.
Voilà deux semaines que les prisons françaises sont secouées par les mobilisations des surveillants réclamant plus de sécurité.
Et c’est vrai que, surpeuplée par près de 70 000 détenus, avec des taux d’incarcération historiquement hauts et 61 % de récidive, c’est toute l’institution pénitentiaire qui est aujourd’hui tiraillée entre deux tendances contradictoires : remplir les prisons ou essayer de les vider.
Alors « Comme un bruit qui court » a passé deux jours dans les locaux du Service Pénitentiaire d’Insertion et Probation de St Denis (SPIP), avec quelques-uns des 3000 conseillers qui – s’ils font moins de bruit que les gardiens de prison – ont pour mission délicate le « SAV » des 250 000 personnes sous main de justice en France.Sorties de prison, T.I.G. (Travaux d’Intérêt Général), sursis, bracelet électronique et peines alternatives (qui divisent par deux le taux de récidive)… Ici on est dans le dur du réel, avec chaque jour, des histoires humaines compliquées où, en plus de punir, il faut essayer de réparer les hommes et la société, loin des discours de fermeté ou de laxisme des uns et des autres… Un reportage de Giv Anquetil.
« Comparaison n’est pas raison » rappelle avec justesse Franz Schultheis : la comparaison est en effet chose difficile. Toujours située, elle met en miroir deux réalités résultant d’histoires sociales différentes et suggère que les objets comparés pourraient être les révélateurs d’un illusoire « modèle » national. La comparaison proposée dans cette thèse ne sera pas une comparaison « terme à terme » qui analyserait les situations française et allemande à l’aune de modèles prédéfinis mais une comparaison « méthodologique » : l’éclairage de la situation allemande permettra de mettre à l’épreuve les représentations sociales françaises. Il s’agira de déconstruire le problème social des « prisons asiles » en France. Ma thèse montrera que ce problème social résulte d’une construction sociale pétrie de représentations devenues évidentes, qui s’interposent comme un voile « entre les choses et nous, et qui nous les masque d’autant mieux qu’on le croit plus transparent » (Lenoir). C’est pour lever ce voile que je propose de porter le regard sur l’Allemagne, pays dans lequel la défense sociale s’est matérialisée dès le début du XXème siècle en un dispositif cohérent. La comparaison avec la situation allemande permettra ainsi de mettre en perspective les transformations à l’œuvre en France, qui participent, comme le montrera cette thèse, à produire un dispositif similaire de défense sociale, c’est-à-dire un dispositif qui tente d’allier protection de la société et traitement des individus identifiés comme « dangereux ». Ces transformations seront saisies en un point du système pénal – les prisons de Grünstadt (Allemagne) et de Tourion (France) – où j’étudierai ces tensions constantes entre soigner et punir.
Ces paradoxes se traduisent pour ces différents professionnel·le·s du soin et de la peine en des dilemmes moraux permanents, que les institutions carcérales françaises et allemandes cherchent à résoudre en tentant d’ordonner les pratiques professionnelles autour d’un mode d’intervention sur autrui unique, univoque et uniforme, qui mettrait le traitement au service d’un programme de réhabilitation psycho-criminologique. Au nom de cette ambition, qui s’inscrit dans une recherche d’efficience institutionnelle, il s’agit, en France comme en Allemagne, d’améliorer la coordination des acteurs professionnels et la circulation des informations relatives aux personnes détenues. La comparaison franco-allemande permet ici de réfléchir aux enjeux de l’institutionnalisation du care : en France, l’analyse montre ainsi que la place accordée aux soins psychiatriques a paradoxalement pour effet de freiner la mise en place d’un suivi plus pénitentiaire ; en Allemagne au contraire, le solide ancrage de ce suivi individualisé rend difficile l’instauration de relations de soins dégagée d’un objectif de réhabilitation psycho-criminologique.
Question paradoxale posée ce matin, alors que nos sociétés liquides n’ont jamais autant vanté le changement, encouragé la mobilité, incité à casser nos habitudes, nos routines pour devenir un individu libre et heureux.
Changer, c’est « rendre autre ou différent, synonyme, modifier », d’après Le Robert. Changer c’est faire le deuil d’une autre possibilité
Et puis changer de c’est « abandonner, quitter une chose ou une personne pour une autre du même genre » comme par exemple changer de voiture ou de coiffure. Est-il plus facile de changer de voiture ou de changer profondément ses habitudes ?
Nous verrons qu’il est difficile de renoncer à nos habitudes, celles qui nous ancrent dans une zone de confort Mais comment durablement changer dans les meilleures conditions possibles ? Comment installer durablement un changement dans notre cerveau qui peut se révéler très conservateur en dépit de sa plasticité ? Et d’ailleurs est-on vraiment obligé de changer ?
Et vous, craignez-vous le changement ou au contraire est-ce pour vous une seconde nature ?
avec: Martin Legros, philosophe, rédacteur en chef de Philosophie Magazine ; James Teboul, professeur à l’Insead et au Collège des ingénieurs Et Philippe Damier, professeur de neurologie au CHU de Nantes, pour leur livre Neuroleadership, le cerveau face à la décision et au changement ed.Odile Jacob
Déradicalisation (Ecole de Journalisme De Grenoble-mars 2017)
EDITO
Depuis 2011 et le début de la révolution syrienne, des centaines de Français, issus de tout le territoire et de toutes les classes sociales, sont partis mener le djihad en zone irako-syrienne. En janvier 2015, avec les attentats de l’Hyper-cacher et de Charlie-hebdo, le pays découvre que le fanatisme religieux peut aussi le frapper directement au coeur, par la main de ses propres citoyens.
Le gouvernement, lui, ne réagit que fin 2014.
Ainsi il y aurait, en France, des individus voire des groupes d’individus « radicalisés » ? Il s’agirait donc de les déradicaliser. Mais est-ce vraiment si simple ? « Déradicalisation, ça ne veut rien dire ! », rabroue-t-on sèchement au Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalité (CIPDR). N’est-ce pourtant pas ce même comité qui a mis en place le premier centre réservé à cette « discipline », en Indre-et-Loire ? Lorsque l’on se plonge dans la stratégie française pour lutter contre le radicalisme religieux, c’est avant tout un immense flou que l’on constate. La France a réagi tard, trois ans après les premiers départs pour le Shâm – terre promise dans l’islam –, et dans la précipitation, car il fallait agir vite après des attentats ayant ému le pays entier. Des spécialistes auto-proclamés ont été pris au sérieux et financés pendant de longs mois, la stratégie carcérale a connu plusieurs allers-retours, les établissements scolaires sont restés livrés à eux-mêmes devant ce phénomène…
Étudiants à l’École de journalisme de Grenoble (EJDG), nous nous sommes saisis de ce sujet pendant plusieurs mois. Nous nous sommes entretenus avec les principaux acteurs de la « déradicalisation » en France, avec les meilleurs experts du phénomène djihadiste, avec les familles de jeunes personnes embrigadés. Nous avons enquêté, tourné le regard vers chaque lieu où la lutte contre le radicalisme est menée, regardé par-delà les frontières comment nos voisins réagissent à ce même défi.
Ici et ailleurs, celui-ci est immense. Et commence par un problème sémantique. Lorsqu’on emploie le terme
« radicalité », parle-t-on de radicalité politique, religieuse, idéologique, sectaire ? Selon la réponse apportée à cette question, la stratégie est très différente. Et les spécialistes du sujet eux-mêmes ne s’accordent pas sur cette réponse. Alors pas étonnant qu’entre coups de com’, gros chèques, sales échecs et vrais efforts, le gouvernement se soit pris plus d’une fois les pieds dans le tapis. Et avance à tâtons en essayant tout autant d’être efficace que de rassurer la population.
Vous le sentez, le sujet est miné, pas toujours facile à couvrir. Alors à nous de le déminer, et à vous de le découvrir.
Déradicalisation-science po Grenoble