Le trés productif département des services penitentiaires de Washington a publié un « formulaire d’entretien », a savoir une sorte de « fiche arrivant » destinée à relever un maximum d’informations et de commencer à structurer l’évaluation.
Outre la liste des items à explorer, il est proposé aux utlisateurs une stratégie de questionnement à travers des exemples de questions à poser.
CICC, Ian McPhail (2022) Pedophilia: Recent and emerging research
Conference of Ian McPhail, postdoctoral fellow in the Centre International de Criminologie Comparée (CICC) at the Université de Montréal
Résumé de la conférence
La pédophilie est un intérêt sexuel pour les enfants prépubères et constitue un facteur de risque important pour comprendre pourquoi certaines personnes commettent des infractions sexuelles contre des enfants. Dans cette conférence, les questions empiriques et conceptuelles fondamentales dans notre compréhension de la pédophilie sont identifiées et les résultats d’un programme de recherche abordant ces questions sont présentés. L’exposé examine la structure latente des intérêts pédophiles, l’efficacité des interventions thérapeutiques pour traiter les intérêts pédophiles et le rôle du stress lié à la stigmatisation dans la vie des personnes pédophiles. Les orientations futures de ce programme de recherche sont également discutées.
Ian McPhail est un psychologue agréé qui est actuellement boursier postdoctoral au Centre International de Criminologie Comparée (CICC) de l’Université de Montréal. Ses recherches au CICC portent sur la compréhension du processus de changement psychothérapeutique dans le traitement des délinquants sexuels. Le Dr McPhail a un programme de recherche actif qui se concentre sur la compréhension de la pédophilie et des facteurs de risque psychologiques de la délinquance sexuelle contre les enfants. Il est également un clinicien qui a travaillé dans une variété de milieux correctionnels, de santé mentale médico-légale et de santé mentale générale.
CICC (Dec 2021) Le désistement assisté en établissement carcéral : une réalité ou une fiction?
Le désistement assisté en établissement carcéral : une réalité ou une fiction? Point de vue des jeunes ayant fait l’objet d’une incarcération sur les interventions qu’ils ont reçues
Conférence co-organisée par le CICC et le (RÉ)SO 16-35 présentée le 1er décembre 2021 par Isabelle F.-Dufour, professeure titulaire au programme de psychoéducation de l’Université Laval.
Résumé
Dans le cadre du programme de recherche partenarial RÉ(SO) 16-35, nous avons interviewé 146 jeunes judiciarisés de 16 à 35 ans afin de comprendre quelles sont les interventions qui sont favorables (ou défavorables) à leurs processus de désistement du crime. Connu désormais sous les termes de désistement assisté (F-Dufour et Villeneuve, 2020) ces interventions doivent, entre autres, viser le développement d’une trame narrative qui soit conciliable avec le processus de désistement. Or, si l’on a quelques études qui portent sur le rôle des agents de probation dans ces processus (Farrall, 2002 ; Rex, 1999 ; F.-Dufour, 2016 ; Villeneuve, F.-Dufour et Farrall, 2020), on a très peu de littérature sur le rôle des intervenants carcéraux. Le but de cette présentation est donc d’illustrer le point de vue des 64 répondant.es de cet échantillon qui ont fait l’expérience de l’emprisonnement. On y verra : 1) comment les personnes qui ont été détenues ont perçu les services offerts ; 2) le rôle qu’ont joué ces interventions dans le développement d’une nouvelle trame narrative (le cas échéant) et 3) les impacts de ces interventions qu’ils perçoivent (ou pas) dans leurs processus de désistement du crime. Ces résultats, qui seront mis en parallèle avec les rares données disponibles ailleurs dans le monde sur les interventions de désistement assisté en milieu carcéral, pourront apporter des pistes d’interventions qui sont facilement conciliables avec celles déjà offertes en vue de faciliter la (ré)intégration sociocommunautaire des personnes qui ont été incarcérées, mais, surtout, de permettre l’amorce de leurs processus d’abandon de la criminalité.
Un certain nombre d’études ont conclu que le traitement des comportements délinquants sexuels réduit avec succès la récidive. Cependant, un certain nombre de méta-analyses ont également conclu que les preuves de l’efficacité du traitement des délinquants sexuels sont, au mieux, faibles, surtout en raison de modèles expérimentaux inadéquats. Quelles sont donc les composantes efficaces du traitement appuyées par des données empiriques, et que devrions-nous faire pour améliorer nos pratiques? Cette conférence donnera un aperçu des composantes et des données empiriques qui appuient (ou non!) leur utilisation dans le traitement. Les approches de traitement et les questions de réceptivité seront également abordées, car il s’agit de composantes intégrales dont il faut tenir compte lors de la conception et de la mise en œuvre d’un programme de traitement fondé sur des données empiriques conçu pour réduire la récidive sexuelle. La conférence se terminera par une discussion sur les implications et la nécessité de recherches futures.
Bas Vogelvang, Jo Clarke, Aleid Sperna, Nanne Vosters, Lori Button (2014). Resilience of Dutch probation officers: A critical need for a critical profession, European Journal of Probation , Vol. 6(2) 126 –146
« En ce qui concerne notre première question de recherche (facteurs influençant la résilience des agents de probation), l’enquête et les groupes de discussion ont permis de conclure que, pour les Agents de probation néerlandais, ce ne sont pas principalement les clients qui ont un impact négatif sur leur résilience. Il s’agit d’un résultat frappant de l’étude SPORE. La force de l’organisation de probation réside dans l’énorme engagement des agents de probation (AP) envers le client et le travail. Les AP ont choisi cette ligne de travail avec les délinquants, souvent sur la base de fortes valeurs personnelles et professionnelles liées à la prudence et au dévouement.
La résilience des travailleurs, mesurée dans cette étude par la satisfaction au travail et un style d’adaptation résilient, est principalement menacée, mais aussi développée et renforcée, par les caractéristiques de l’organisation et de l’équipe, ainsi que par les caractéristiques du travailleur lui-même.
Cette étude montre également clairement qu’il est important de ne pas se focaliser sur le niveau psychologique de l’individu, mais d’examiner également l’influence de l’équipe et de l’organisation sur la résilience.
En ce qui concerne notre deuxième question (pratiques efficaces ou prometteuses pour renforcer et entretenir la résilience), le service néerlandais de probation équipe bien ses employés pour qu’ils puissent faire face à des situations stressantes spécifiques, et la structure organisationnelle générale et la structure du travail aident les travailleurs à garder la maîtrise de leur travail. Ces deux aspects donnent aux travailleurs un sentiment d’autonomie, ce qui les prépare mieux à faire face à de nouveaux stress futurs. D’après les enquêtes et les groupes de discussion, nous devons également souligner l’importance d’une équipe résiliente et d’une organisation qui fournit à ces équipes le soutien approprié. C’est également un moyen efficace pour répondre aux préoccupations exprimées concernant la culture et la structure du travail.
En ce qui concerne notre troisième question, sur le soutien à la résilience, une série de recommandations détaillées ont été formulées à partir de l’analyse de l’enquête et des groupes de discussion. Elles ont été adoptées par la direction du service néerlandais de probation comme programme d’un plan d’action national sur la résilience des OP, à partir de 2014. À partir de ces recommandations, nous présentons ci-après une sélection de points généraux que nous considérons comme importants pour le lectorat international. Premièrement, pour améliorer la satisfaction au travail, nous recommandons d’aborder le climat organisationnel et l’environnement physique de travail: Le climat organisationnel et l’environnement physique de travail sont apparus comme les facteurs les plus prédictifs de la satisfaction au travail. Le climat organisationnel, mesuré par le C-SURV, mesure quatre facettes : le style de gestion, l’autonomisation, la charge de travail et la communication. La compréhension des caractéristiques du climat organisationnel devrait permettre aux dirigeants d’examiner les caractéristiques de leur propre organisation qui pourraient nécessiter une attention particulière pour améliorer la satisfaction au travail de leur personnel. Nous encourageons une évaluation détaillée du climat organisationnel par unité ou région.
L’environnement physique de travail a été mesuré à l’aide du PWESQ et a évalué la satisfaction à l’égard des installations, des caractéristiques du travail et du système et des caractéristiques du lieu de travail. Les items du PWESQ sont étroitement liés aux questions fréquemment soulevées par les répondants concernant les bons et les mauvais jours au travail, ce qui renforce l’importance de ces questions pour les agents de probation. L’attention et la correction des facteurs de l’environnement physique de travail qui sont sous-estimés pourraient avoir un impact positif disproportionné sur le bien-être des travailleurs et peuvent être considérés comme des gains rapides pour les dirigeants. Notre deuxième recommandation est de développer un pro forma psychologique pour le personnel de probation afin d’identifier les domaines personnels de force et de vulnérabilité. L’évaluation psychométrique des caractéristiques de résilience peut être utile pour permettre aux personnels de réfléchir à leur propre bien-être. Reconnaître comment différents styles d’adaptation et d’autres attributs peuvent avoir un impact sur la santé émotionnelle et la performance permet aux individus de développer des styles d’adaptation et de reconnaître quand et pourquoi ils peuvent être vulnérables. Un pro forma sur la résilience peut également servir de point de référence pour la supervision, permettant aux managers et autres cadres supérieurs de mieux soutenir les travailleurs de première ligne. Les superviseurs et les cadres devraient également être encouragés à surveiller leur propre bien-être. Troisièmement, pour améliorer la capacité d’adaptation, nous soulignons l’importance de la formation au détachement pour les agents de probation. Le détachement a été mesuré à l’aide des éléments pertinents du Coping Styles Questionnaire (Roger et al., 1993). Roger et al. décrivent le détachement comme la capacité de se désengager d’une émotion écrasante et de garder les choses en perspective. La recherche sur l’impact de la formation du personnel au détachement a donné des résultats encourageants (par exemple, Roger et Hudson, 1995), y compris des augmentations significatives de la satisfaction au travail, une réduction de l’absentéisme et la diminution de la rotation du personnel.
Ensuite, nous recommandons aux organisations de probation (et plus particulièrement à leur département des ressources humaines) de comprendre les niveaux d’exposition du personnel à un traumatisme potentiel. Cela permettrait de cibler de manière rentable les ressources pour soutenir le personnel dans ses efforts pour maintenir une performance élevée. S’il est reconnu que le risque d’exposition est élevé, la réalité peut être différente. Les informations relatives à la fréquence et à l’intensité des expositions aux traumatismes peuvent permettre une réponse organisationnelle proportionnée et adaptée. Notre cinquième recommandation est de considérer la valeur d’un partage approprié des informations personnelles sur le lieu de travail. Il a été prouvé que les traumatismes survenus en dehors du lieu de travail ont un effet négatif sur le bien-être au travail. C’est pourquoi il est souhaitable que les employeurs et les employés soient conscients des événements potentiellement traumatisants qui peuvent avoir un impact sur le bien-être et les performances. Il est clair que cette question doit être traitée de manière sensible, mais il est proposé que, traitées de manière appropriée, de telles procédures peuvent atténuer les malentendus potentiels et permettre la mise en œuvre d’infrastructures de soutien adéquates. Un certain nombre d’options sont disponibles, telles que des conseils spécialisés aux superviseurs, des pro formas de bien-être personnel régulièrement mis à jour, la formation de mentors par les pairs ou le recours à des programmes d’assistance aux employés. Notre dernière recommandation aux organisations de probation est d’œuvrer au développement d’une main-d’œuvre responsabilisée. Même si l’autonomisation, telle que mesurée dans ce projet, n’est pas apparue comme un prédicteur significatif de la résilience, il existe des preuves solides et complètes de son caractère central dans les professions critiques.
preuves de sa centralité dans les professions critiques. En outre, la mesure du climat organisationnel utilisée dans cette étude, et si clairement prédictive de la résilience, contient une mesure fiable de l’autonomisation. Par conséquent, les organisations peuvent être sûres qu’un personnel responsabilisé est un personnel résilient. Vous trouverez ci-dessous (voir le tableau 6) un certain nombre d’actions, glanées dans une série de documents et, dans de nombreux cas, soutenues par les données des groupes de discussion, que les organisations peuvent prendre pour promouvoir une bonne santé psychologique ».
L’autonomisation en pratique.
1. Fixez des objectifs inspirants et significatifs
2. Exprimez votre confiance dans vos subordonnés, ainsi que vos attentes en matière de performances.
3. Favoriser les occasions pour les subordonnés de participer à la prise de décision.
4. Fournir une autonomie par rapport aux contraintes bureaucratiques
5. Nommer des cadres qui utilisent le pouvoir de manière positive
6. Introduire des systèmes de récompense qui mettent en valeur les performances innovantes et inhabituelles.
7. Assurer la variété des tâches
8. Assurer la pertinence personnelle en effectuant des audits de compétences/tâches
9. Permettre et encourager une autonomie appropriée
10. Maintenir au minimum les niveaux de routine et de règles établies.
11. Fixer des objectifs de plus en plus difficiles mais atteignables.
12. Favorisez l’expérience indirecte – le fait de voir d’autres personnes similaires réussir peut être très motivant.
13. Utilisez la persuasion verbale telle que l’éloge
14. Aidez le personnel à gérer ses propres émotions par la formation, en définissant clairement les rôles, réduisant la surcharge d’informations et en offrant une assistance technique et administrative.
FRANCE CULTURE, Série documentaire LSD (2022) l’Inceste
La perception sociale et culturelle de l’inceste a évolué au fil des siècles. « Au Moyen Âge, l’inceste était considéré comme un acte consenti et non comme une violence sexuelle imposée à l’enfant. Dans la société patriarcale du XIXe siècle, on faisait peu de cas des atteintes à l’intégrité morale des enfants violentés. Le déni et la loi du silence dominaient. »
Mais comment la société n’a-t-elle pas saisi plus tôt l’impact de cette monstruosité ? Comment a-t-elle laissé faire l’inceste ?
On sait désormais qu’entre 5 et 10% des Français ont été victimes de violences sexuelles dans l’enfance, le plus souvent dans la sphère familiale. Pourtant, le système juridique est gravement défaillant. 70% des affaires d’inceste sont classées sans suite. De nombreuses autres aboutissent à un non-lieu. 1% seulement des auteurs d’inceste sont sanctionnés pénalement. Première cause, la lenteur des enquêtes, mais aussi la non-reconnaissance de la parole des victimes. Pourtant, il s’agit bien d’un crime. La caution du déni, l’aliénation parentale, sont des concepts qui marchent et des mécanismes qui disent aussi quelque chose de la société que l’on fait.
Aujourd’hui, la reconnaissance de cette violence incestueuse et l’affirmation de l’enfant comme sujet de droits nous feraient-elles espérer la fin de la domination et de la toute-puissance ? Va-t-on enfin être capable d’être dans la culture de la protection, d’anticiper les faits par le repérage systématique et de pouvoir recueillir la parole des victimes ? En immersion à la brigade de la famille, en pleine audition de victimes de la CIIVISE, au CHU de Montpellier, en prison ou autour d’une table familiale, les mots sont dits. Vont-ils enfin être entendus ?
Une série documentaire de Johanna Bedeau et Marie-Laure Ciboulet.
Épisode 1 : La loi du silence
L’inceste serait un « tabou », un acte interdit qui toucherait au sacré ou à l’impur et dont la transgression, rare, serait tenue secrète, au risque de polluer la société. »
Stop !• Crédits : mrs – Getty
La perception sociale et culturelle de l’inceste a évolué au fil des siècles. “ Au Moyen Âge, l’inceste était considéré comme un acte consenti et non comme une violence sexuelle imposée à l’enfant “. “ Dans la société patriarcale du XIXe siècle, on faisait peu de cas des atteintes à l’intégrité morale des enfants violentés. Le déni et la loi du silence dominaient “.
Mais comment la société n’a-t-elle pas saisi plus tôt l’impact de cette monstruosité ? Comment a-t-elle laissé faire ? Le philosophe Marc Crépon, explique que “notre imaginaire collectif, toutes nos institutions et depuis très, très longtemps reposent sur la croyance que la famille est un espace de protection“ et poursuit-il “c’est pour ça, que dans le cas de l’inceste, le poids du silence est plus terrible que nulle part ailleurs. Il y a un redoublement du silence parce que le piège est le suivant : non seulement la famille, cet espace-là, nous détruit, mais on se sent pris en otage de cette destruction elle-même en ne voulant pas du même coup détruire la famille“.
Aujourd’hui la reconnaissance de cette violence incestueuse et l’affirmation de l’enfant comme sujet de droits nous feraient-elles espérer la fin de la domination et de la toute-puissance ? Une toute-puissance dont témoignent les victimes : “ ce qui m’écrabouillait, c’était son pouvoir et son abus de pouvoir sur nous. Ça veut dire que lorsqu’il dépassait les bornes sexuellement, c’était de la même manière qu’il dépassait les bornes dans toutes les situations de la vie, “ et qu’analyse l’anthropologue Dorothée Dussy, “ l’inceste sert à inculquer de façon violente, mais massive et radicale les rapports de domination. “
Une plongée dans l’histoire de ce crime généalogique sous le poids du secret pour interroger la
manière dont il prospère dans les silences familiaux, les peurs des enfants et les sentiments destructeurs de culpabilité.
Un documentaire de Johanna Bedeau et Marie-Laure Ciboulet.
La caution du déni, l’aliénation parentale, des concepts qui fonctionnent et des mécanismes qui disent aussi quelque chose de la société que l’on fait.
On sait désormais qu’entre 5 et 10% des Français ont été victimes de violences sexuelles dans l’enfance, le plus souvent dans la sphère familiale. Pourtant, le système juridique est gravement défaillant. 70% des affaires d’inceste sont classées sans suite. De nombreuses autres aboutissent à un non-lieu. 1% seulement des auteurs d’inceste sont sanctionnés pénalement. Première cause, la lenteur des enquêtes comme le rappelle l’avocate Cécile De Oliveira : “ Là où la justice devrait être vraiment perfectible, c’est dans les délais de traitement de ces affaires“. Cette lenteur, comme en témoignent les victimes est une souffrance supplémentaire : “ Moi en l’occurrence, je suis mort émotionnellement. J’ai eu une anesthésie émotionnelle de 11 ans et demi, jusqu’à mes 34 ans au sortir du procès le 29 mai 2013. “
Un autre problème est la non-reconnaissance de la parole des victimes. Pourtant, il s’agit bien d’un crime, pour Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, “ la justice, actuellement, n’est pas capable ou ne veut pas protéger les petits enfants qui parlent d’inceste. “ Alors que rappelle-t-elle “ ce qui est fondamental au départ, c’est l’audition de l’enfant, parce que c’est par l’audition de l’enfant que le magistrat va décider ou non de poursuite “, par ailleurs, elle souligne l’importance de la formation des policiers : “ Il faut que les policiers, les gendarmes soient formés et je ne dis pas seulement formés, il faut qu’ils soient volontaires pour faire ça, qu’ils aient envie de le faire. “
Edouard Durand juge pour enfants et co-président de la CIIVISE, constate également un dérèglement au niveau judiciaire : “ La mise en pratique de la loi reste insuffisamment protectrice. L’immensité des classements sans suite des plaintes déposées pour des violences sexuelles faites aux enfants et le nombre extrêmement faible de condamnations montrent que les agresseurs bénéficient, quoiqu’on dise d’un système d’impunité. “
Mais pourquoi la justice française a tant de mal à croire les victimes ? Pourquoi lorsqu’une mère porte plainte, on ne la croit pas, et on la culpabilise ?
C’est l’histoire d’une mère qui est mal reçue par justice. Une très longue histoire parmi tant d’autres.
Un documentaire de Johanna Bedeau et Marie-Laure Ciboulet.
Quelle est la prise en charge possible pour des hommes considérés comme dangereux ?
Homme derrière une vitre de pluie• Crédits : Vandervelden – Getty
Au CHU de Montpellier, dans l’unité de soins Urgence et Post-Urgence Psychiatrique de l’hôpital Lapeyronie, des patients viennent en consultations spécialisées et répondent aux questions du Dr Lacambre.
Dans ce centre ressource pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles toute l’équipe tente d’apporter des soins pour les personnes présentant des déviances ou perversions sexuelles. Linda Tromeuleue, psychologue clinicienne évoque leur profil : “ Si je reste sur une approche psychologique, ce qui est constaté, c’est un problème narcissique de très, très grande envergure chez quasiment chacun d’entre eux, ce sont des sujets souvent très égocentriques, très centrés sur eux-mêmes, rigides, qui ne critiquent pas leur manière de voir et d’appréhender les choses. “ Par ailleurs, elle ajoute que ces sujets “ ont un rapport pathologique au secret. On pourrait même dire à la vérité. Si bien d’ailleurs que lorsque nous les prenons en charge, ils se taisent. Ils dissimulent, ils minimisent, ils banalisent. “
Outre les entretiens individuels et la thérapie de groupe certains sont aidés de médicaments anti-androgènes, ou via une reprise de parole avec la famille. Ouvert depuis une dizaine d’années, le service assiste à des demandes qui ne cessent d’augmenter, en 2021, plus de 400 personnes ont été suivies. Ainsi, le Dr Mathieu Lacambre explique : “ Il s’agit de patients qui sont orientés soit par la justice ou après une condamnation pour avoir commis une infraction à caractère sexuel depuis la cyber pédopornographie jusqu’à des agressions sexuelles sur mineurs ou des viols. Et puis, on a une petite portion congrue qui est en train d’augmenter progressivement, d’année en année, de patients qui viennent spontanément. “
En France, cette clinique de la prévention, au carrefour de la psychologie et de la criminologie, est compliquée à mettre en marche, tant il existe des réticences de la société à s’occuper des agresseurs comme le confirme la psychiatre Magali Bodon “ Bien sûr qu’il faut prendre en charge les auteurs pour qu’il y ait moins de récidives, qu’il y ait moins d’actes et moins de victimes. Mais, je crois que très honnêtement, il y a quelque chose de l’ordre d’une résistance. Ça passe moins bien de s’occuper des auteurs quand même. “
Un documentaire de Johanna Bedeau et Marie-Laure Ciboulet.
Épisode 4 : Enfin une prise de conscience collective
On dit souvent aux victimes d’inceste « il faut parler », mais n’est-ce pas d’abord à la société et aux professionnels de l’enfance de provoquer cette parole ?
Mains devant les yeux de l’homme et de femme surpris de bouche• Crédits : adl21 – Getty
Est-on en train de vivre un moment historique ? “ Va-t-on enfin être capable d’être dans la culture de la protection, d’anticiper les faits par le repérage systématique et de pouvoir recueillir la parole des victimes “ s’interroge Edouard Durand juge pour enfants et co-président de la CIIVISE. Va-t-on réussir à voir ce que l’on ne voulait pas voir : ces criminels incestueux qui comme le dénonce Pierre Levy Soussan expert psychiatre, “ ont réussi à s’invisibilité, ont profité de toutes les failles, y compris de l’idéologie : de l’idéologie de certains juges, de l’idéologie de certains élus. Ils ont abusé de nos points aveugles. Le tabou de la violence sexuelle parentale n’a d’égal que le totem du lien biologique. “
Dans un bureau du ministère de la santé, dans un foyer ou en pleine audition de victimes dans une ville de France, Edouard Durand et Nathalie Mathieu recueillent la parole pour mieux soigner et protéger. La société va-t-elle enfin prendre conscience de l’ampleur des violences sexuelles pendant l’enfance et la gravité des traumatismes éprouvés par les victimes ?
Au cœur de cette commission il y a le recueil des témoignages pour mieux protéger les victimes. Mais il y a aussi la construction d’un meilleur savoir, pour les pouvoirs publics et pour la société, pour mieux comprendre le phénomène et surtout mieux le repérer. Des enquêtes, des recherches, et un programme de prévention pour éviter que ne continue ce que constate la psychiatre Muriel Salmona : “ Tout est fait pour que les victimes ne puissent pas parler. La majorité des victimes de ces violences sexuelles sont hyper traumatisées. Avec des mécanismes de survie qui sont extrêmes, donc en état de choc traumatique continuel, “ une parole trop longtemps mise de côté comme en témoignent souvent les victimes : “ j_’ai quand même beaucoup parlé, beaucoup parlé, sans être entendu_“.
Telle sera la mission de la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants dans laquelle notre documentaire sera plongé.
Un documentaire de Johanna Bedeau et Marie-Laure Ciboulet.
Le traumatisme et le système nerveux : une perspective polyvagale (VOST)
On assiste à une épidémie de problèmes personnels et sociaux, notamment la dépendance, les maladies chroniques, l’anxiété, la dépression, le syndrome de stress post-traumatique et bien d’autres encore, qui trouvent tous leur origine dans les traumatismes, les expériences négatives vécues dans l’enfance, le stress chronique et, finalement, le dérèglement du système nerveux.
Ces dernières années, des recherches révolutionnaires en neurosciences ont fondamentalement modifié notre compréhension de l’impact des traumatismes sur les individus sur les plans psychologique, physiologique, émotionnel et social. À partir de là, plusieurs modalités de traitement nouvelles et très efficaces ont été mises au point au niveau clinique pour renforcer la résilience et favoriser la guérison des personnes aux prises avec des symptômes chroniques résultant d’un traumatisme non résolu.
La Trauma Foundation s’efforce de rendre ce travail plus accessible en développant et en soutenant directement des programmes, des initiatives et des recherches axés sur la guérison des traumatismes.
La théorie polyvagale est developpée par Stephen Porges (1994) , psychologue et neuroscientifique.
La théorie polyvagale est un ensemble de concepts évolutionnistes, neuroscientifiques et psychologiques non prouvés concernant le rôle du nerf vague dans la régulation des émotions, le lien social et la réponse à la peur.
Elle se concentre sur les antécédents autonomes du comportement, y compris l’appréciation du système nerveux autonome en tant que système, l’identification des circuits neuronaux impliqués dans la régulation des états autonomes et l’interprétation de la réactivité autonome comme adaptative dans le contexte de la phylogénie du système nerveux autonome des vertébrés.
Avant tout, la perspective polyvagale souligne l’importance des changements phylogénétiques dans les structures neuronales qui régulent le cœur et les changements phylogénétiques qui donnent un aperçu de la fonction adaptative de la physiologie et du comportement.
La théorie met l’accent sur l’émergence phylogénétique de deux systèmes vagaux : un ancien circuit cérébral et cordonal potentiellement mortel, impliqué dans des stratégies défensives d’immobilisation (par exemple : évanouissement, congélation, combat), Les réponses polyvagales ont fourni une nouvelle conceptualisation du système nerveux autonome qui met l’accent sur les mécanismes neurophysiologiques et les changements phylogénétiques dans la régulation neuronale des réponses psychologiques des nerfs crâniens à la colonne vertébrale, à la moelle épinière et aux aspects inférieurs du cerveau des mammifères.
Stephen Porges a été président de la Society for Psychophysiological Research et de la Federation of Behavioral, Psychological and Cognitive Sciences (aujourd’hui appelée Federation of Associations in Behavioral & Brain Sciences), un consortium de sociétés représentant environ vingt mille scientifiques spécialistes du comportement biologique.
Il a reçu une bourse du National Institute of Mental Health Research Scientist Development. Il a présidé le comité de recherche sur la santé maternelle et infantile du National Institute of Child Health and Human Development et a été chercheur invité au laboratoire d’éthologie comparative du National Institute of Child Health and Human Development.