Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
Header

Encinas de Munagorri Rafael (1999) La recevabilité d’une expertise scientifique aux États-Unis;  Revue internationale de droit comparé. Vol. 51 N°3. Juillet-septembre. pp. 621-632.


Résumé:

Quelles sont les règles de preuve qui gouvernent la recevabilité d’une expertise scientifique ?

Au terme d’une évolution en trois étapes, la Cour Suprême des États-Unis a posé des conditions de recevabilité qui conduisent les juges à apprécier les connaissances scientifiques des experts.

url :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1999_num_51_3_1825

rorschachLe tournant décisif de ces dernières années est l’arrêt Daubert rendu le 28 juin 1993 par lequel la Cour Suprême des États-Unis a bouleversé les conditions de recevabilité d’une expertise scientifique. Le sens du revirement est clair : alors que les juges pouvaient s’en remettre à ce qui est généralement admis par les spécialistes en un domaine donné, ils sont désormais invités à s’assurer que les experts appelés devant les tribunaux présentent les garanties scientifiques suffisante. (…) Quelles sont les garanties que doit présenter un  expert, et à quels moyens les juges disposent-ils pour s’assurer de la fiabilité de l’expertise ? Quels sont les contours et le domaine de l’expertise scientifique ? Est-elle une expertise particulière à laquelle s’applique un régime spécial ou constitue-t-elle le droit commun de l’expertise ? De manière plus générale, on peut se demander comment les juges parviennent à concilier la recherche de la vérité des faits avec l’ incertitude générée par l’évolution des connaissances. Au-delà de problèmes relatifs au droit de la preuve, il s’agit aussi de prendre en compte les nouvelles articulations entre la science et le droit, la connaissance et la décision, le savoir et le pouvoir. On ne fera ici que signaler le mouvement du droit positif amorcé aux États-Unis. Il consiste à rendre plus restrictives les conditions par lesquelles une expertise scientifique est recevable devant les tribunaux. (…)

En conclusion, il est possible de présenter l’évolution des conditions de recevabilité d’une expertise scientifique aux États-Unis à partir de l’attitude des juges à l’égard de la science. Au cours d’une première période qualifiée de pragmatique, alors que les sciences appliquées restent discrètes dans la vie quotidienne, les juges ne font qu’apprécier la compétence de l’expert sur le plan professionnel. Attitude d’indifférence à l’égard de la science dont ils peuvent se permettre de tout ignorer. Au cours d’une seconde période où la science prospère sous la bannière d’un progrès devenu accessible et visible sur le plan matériel, les juges doivent apprécier si les connaissances de l’expert correspondent à celle généralement admises par la communauté de spécialistes. Attitude de confiance où ils doivent s’informer de l’état positif des connaissances scientifiques. Au cours de la période la plus récente, où la science et les technologies sont omniprésentes, les juges doivent apprécier la validité des connaissances scientifiques utilisées par l’expert. Attitude critique qui suppose de disposer d’une culture scientifique élémentaire. En définitive, au cours de ces trois périodes définies à gros traits, les conditions de recevabilité se cumulent plus qu’elles ne se substituent les unes aux autres. Pour conserver leurs prérogatives sur les faits, les juges semblent devoir s’investir dans une compréhension de plus en plus approfondie de la science . Au-delà de l’évolution, il importe de bien prendre en compte l’élan mutuel par lequel la compréhension entre juristes et scientifiques est appelée à s’établir. Est-il besoin de rappeler, par delà leurs traditions et utopies respectives, que le droit et la science participent de l’unité de la culture ?

Lire l’article sur Persee.fr

Lire aussi: Daubert Asks the Right Questions: Now Appellate Courts Should Help Find the Right Answers (suite…)

FRANCE CULTURE, Emission « la grande table » (05/03/2014) La punition est-elle la condition de notre liberté ?

Une réflexion iconoclaste sur un « impensé » de la justice qui serait la punition. Une réflexion dissensuelle, traversée d’idéologie, sur le sens de la punition, de la peine et de sa (ses) forme(s) possible(s)…

jaffelinEmmanuel Jaffelin, philosophe, professeur au lycée Lakanal de Sceaux, fait paraître Apologie de la punition chez Plon, après avoir publié en 2010 un Eloge de la gentillesse (François Bourin Editeur).

La philosophe Bérénice Levet, spécialiste d’Hannah Arendt, professeur au Centre Sèvres et à l’Ecole Polytechnique, viendra discuter les thèses de cet ouvrage.

« Dans l’humiliation, on commence à travailler sur soi, dans un regard bienveillant. Dans l’humiliation, il y a un cheminement vers le pardon, vers la réconciliation.

La norme, c’est le pardon ».

 

Invité(s) : Emmanuel Jaffelin, agrégé de philosophie

La très (très) intéressante communication de Martine Herzog Evans du colloque du CHU de Rennes et du CRIAVS de Bretagne est en ligne sur son site! Merci à elle!

Cette communication est intitulée « Quelle place pour l’évaluation dans l’injonction de soins ». Intervention sur: La perception par les JAP de l’expertise. Une recherche empirique » 

A l’écoute de cette communication, outre les problèmes logistiques posés, l’expertise psychiatrique peut-elle rester l’Alpha et l’Oméga de l’évaluation dans le champ pénal?  Quelle place l’institution, et en particulier le SPIP, peut-elle prendre dans cette pratique de l’évaluation, auprès notamment des magistrats? Et avec quels outils?

Presentation Evans Rennes Jan 31 2014

http://herzog-evans.com/wp-content/uploads/2012/08/Communication-Evans-Colloque-Rennes-31-Jan-2014.mp3

 

A lire sur  « Le soleil » via lapresse.ca 

Chut! Ne le dites pas trop fort. Il existe un programme des plus particuliers dans l’univers des pénitenciers fédéraux. Saviez-vous qu’une mère peut rencontrer le gendre meurtrier qui lui a enlevé sa fille? Ou qu’un jeune homme victime d’inceste durant son enfance peut échanger avec son bourreau, son père? Le tout sous les auspices de médiateurs «hautement qualifiés» embauchés par Service correctionnel Canada. Trop controversé, le programme ne jouit pas d’une grande publicité… Incursion dans la justice alternative.

 >> «Je ne l’ai pas fait pour demander pardon»
Monsieur X ressemble à n’importe quel homme qui approche de la retraite. Monsieur X, c’est monsieur Tout-le-monde. À la différence qu’il s’est fait pincer pour agression sexuelle sur des mineurs. Et qu’à sa sortie de prison, il a entrepris une médiation avec une victime. Nous sommes finalement face à lui. Voilà un moment que Le Soleil tentait de recueillir son témoignage. Monsieur X a pris le temps de soupeser la requête. «Ma peur qu’il y ait des retombées pour les victimes est extrême. Ils ont assez souffert», confie-t-il. «C’est assez. Ils ont vécu des choses… Parce que même si ça s’est passé il y a un certain nombre d’années, ça reste chez ces gens-là, ça reste dans leur famille. C’est assez.» Pour lui aussi, une sortie publique pourrait avoir des conséquences. Pas sûr qu’un employeur ou un propriétaire serait compréhensif. Il comprend que la société le stigmatise. Monsieur X plaide le droit à la réhabilitation : «Ce n’est pas vrai qu’un agresseur va toujours rester un criminel dangereux.» C’est donc après avoir obtenu des garanties sur son anonymat qu’il a accepté de nous rencontrer en terrain neutre, à L’Interface, un organisme de justice alternative de Lévis. Le bureau, planté à deux pas du quai du traversier reliant la capitale, est dirigé par un des rares médiateurs spécialisés dans les dossiers de crimes graves, Luc Simard; celui-ci assiste à l’échange.

La peine de probation avant la peine de probation… dans les années 50!

Un texte sur l’introduction en France de l’institution de la probation a été soumis au comité des économies par son rapporteur de l’administration pénitentiaire, M. PINATEL, inspecteur de l’administration. On ne peut que le reprendre ici :

ARTICLE PREMIER. — Lorsqu’un prévenu n’a pas été auparavant condamné à une peine criminelle ou à une peine correctionnelle de plus de trois mois d’emprisonnement, les cours et tribunaux pourront, tout en rendant immédiatement effectifs les amendes, restitutions et dommages-intérêts, suspendre le prononcé de la peine principale d’emprisonnement correctionnel qui est encourue et ordonner qu’il soit soumis, à titre d’épreuve, à une mesure de liberté surveillée. La durée de cette mesure ne pourra, en aucun cas, excéder ‘cinq années.
ART. 2. — La décision qui accorde l e bénéfice de la liberté surveillée prescrit que l’intéressé est placé sous la surveillance ‘d’un délégué et est tenu d’observer les conditions imposées par le jugement ou l’arrêt. En cas de non-observation de ces conditions, la juridiction est saisie à nouveau sur réquisition du parquet. Elle peut modifier les conditions fixées ou prononcer la déchéance de la mesure de liberté surveillée. Dans ce dernier cas, elle statue au fond quant à la peine principale d’emprisonnement correctionnel.
ART. 3. — La non-déchéance de la mesure de liberté surveillée entraîne à son expiration relaxe pure et simple quant à la peine principale d’emprisonnement correctionnel.
ART. 4. — Un règlement d’administration publique déterminera les conditions d’application de la présente loi et, notamment, le statut des délégués.

L’AP, à travers Charles Germain, DAP après Paul Amor, était alors porteuse de projets de réformes très ambitieuses…

sur la criminologie:

  • « Le directeur d’un établissement doit être pleinement formé et qualifié pour sa tâche (…) Les directeurs devraient avoir une bonne culture générale et il y aurait intérêt à faire appel à des hommes ayant une formation universitaire en particulier dans le domaine de la criminologie et de la sociologie.
  • Les directeurs (…) devraient, avant d’entrer en fonction, recevoir une formation théorique et étudier de façon pratique le travail à effectuer dans une prison, étant entendu qu’un diplôme ou un titre universitaire sanctionnant des études dans ce domaine peut être considéré comme une formation théorique nécessaire »

Charles GERMAIN, DAP

La réforme des institutions pénitentiaires (1952)

Sur la Probation:

Rapport AP 1952: « Propositions de réformes »

RÉDUCTION DE LA POPULATION PÉNALE:  LA PROBATION (Extrait, p 153)

Il est bien évident que, si le coût de l’administration pénitentiaire n’est pas exactement proportionnel au nombre des détenus dont elle a charge, des variations sensibles de la population pénale font varier dans le même sens les dépenses que sa garde occasionne.
La première réforme qui s’impose à l’esprit est donc de s’efforcer de réduire le nombre des prisonniers. Nous laisserons de côté le procédé politique des amnisties  pour n’envisager que des moyens relevant du droit commun. Ceux-ci sont au moins de cinq ordres :
1° La réduction des détentions préventives ; mais c’est là une réforme d’ordre judiciaire.
2° Les grâces : geste de pardon qui ne peut qu’aider au succès de la réforme pénitentiaire comme ultime récompense mais qui, distribuées massivement, mathématiquement, par remises gracieuses de fractions des peines encourues, iraient à l’encontre même de leur but humanitaire. Ce serait la libération aveugle de détenus restés pervertis ou sans ressources, ce qui pénalement revient au même puisque c’est autant de « la misère que des mauvais instincts que naît la récidive. Il convient donc de n’accorder que des remises individuelles de peine sur le vu des dossiers préparés par les établissements pénitentiaires et qui permettent d’apprécier : Le relèvement moral du détenu ; Ses possibilités d’hébergement et de travail ; En bref, ses chances de réadaptation sociale. Et alors, ce moyen de diminuer le nombre des prisonniers ne sera négligeable ni moralement, ni pratiquement.
3° Les libérations conditionnelles : Aux termes de la législation en vigueur, les condamnés aux travaux forcés sont exclus du bénéfice de la libération conditionnelle. Cette exclusive, qui s’expliquait au temps de la transportation, ne se comprend plus depuis 1938 puisque les peines correctionnelles de plus d’un an, celles de réclusion et les travaux forcés, à l’intérieur d’une même maison centrale, se subissent dans des conditions similaires. La commission des réformes pénitentiaires avait émis un vœu pour que le bénéfice de la libération conditionnelle soit étendu à toutes les peines temporaires. C’est aussi celui que nous avons exprimé dans nos conclusions du chapitre sur la réforme pénitentiaire. Un projet de loi en ce sens a été- déposé sur le bureau de l’assemblée nationale.
4° La transportation ; mais son échec à tous points de vue la fit abolir en 1938. Il semble difficile aujourd’hui de la rétablir ; en tout cas, les problèmes qu’elle pose devraient être entièrement repensés.
5° L’institution de la probation : vocable et système en usage dans les pays anglo-saxons où le délinquant, passible d’une courte peine d’emprisonnement, se voit relaxer par le juge qui, tout en rendant immédiatement effectifs les amendes, restitutions et dommages-intérêts, suspend le prononcé de la peine privative de liberté. En revanche, le bénéficiaire de cette relaxe est placé en liberté surveillée pour une période déterminée. La probation est, en somme, un système de « condamnation suspendue », distinct du sursis qui est un système de « condamnation conditionnelle ». L’avantage est que si le sursitaire peut transformer à son profit l’adage : « pas vu, pas pris », en « pas revu, pas repris », le bénéficiaire de la probation placé sous surveillance spéciale devra donner la preuve de son amendement ou du moins de sa bonne conduite, s’il veut éviter de revenir devant le juge pour s’entendre condamner à la peine primitivement méritée. D’ailleurs, d’une manière générale, il faut exprimer le souhait que, se ralliant aux vœux des organismes scientifiques internationaux, notre pays cherche à abandonner ou à réduire au maximum les peines de prison de courtes durées qui n’ont plus de sens, déclassent sans châtier et constituent la plus sûre école de récidive.

(suite…)

Rapport DAP 1970 : Les attributions des assistants sociaux et des éducateurs

Tiens tiens… Etude du comportement? Tenue du dossier de personnalité? Participation aux réunions de synthèse et commissions de classement? A l’application des « régimes dans chaque cas particulier » ? Peut-on encore continuer à opposer travail éducatif et approche criminologique? 

educateurspenitentiaires1970

Dans les prisons pourvues en éducateurs et assistants sociaux, ces fonctionnaires constituent le service socio-éducatif placé sous l’autorité du chef d’établissement auquel il appartient de coordonner l’action de ces personnels au sein de l’équipe de traitement.
Les membres du service socio-éducatif participent aux réunions de synthèse au cours desquelles sont examinées, grâce à un échange constant d’informations et de points de vue, les problèmes posés par la situation des entrants, l’application des régimes dans chaque cas particulier et la préparation de la sortie des détenus libérables à une date rapprochée. Au sein du service socio-éducatif les attributions suivantes sont dévolues aux éducateurs et aux assistants sociaux (voir tableau page en regard).
Dans les prisons dépourvues d’assistants sociaux mais disposant d’un personnel éducatif, les missions relevant du service social sont assumées par les éducateurs. A l’inverse, dans les établissements où il n’y a pas d’éducateurs, les assistants sociaux, outre leurs fonctions propres et dans la limite du temps dont ils disposent, peuvent prendre en charge des tâches dévolues au service éducatif. Les attributions complémentaires ainsi conférées aux éducateurs et assistants sociaux sont déterminées par les chefs d’établissement ou par le directeur régional. On relèvera, en définitive, que les dispositions contenues dans la circulaire du 15 juin 1970 constituent la conséquence logique de la finalité commune de l’action des éducateurs et des assistants sociaux.

 Le rapport complet (Rapport général de l’AP  sur l’exercice 1970)

FRANCE CULTURE; Emission » le bien commun » (23/01/2014) Albert Camus : pour une justice sans jugement

Les théories contemporaines de la justice réduisent souvent celle-ci à l’exercice d’un jugement, un jugement qui vise à une équivalence juste entre la faute et le châtiment, le dommage et son indemnisation, le tort et sa réparation. Au risque de refouler ce que l’on pourrait appeler la « part maudite » du jugement qui n’a d’autre possibilité que de reconduire le mal, que de répliquer par la souffrance de la peine à la violence du crime, que de stigmatiser, d’exclure et de séparer.

Que faire de cette part intraitable du jugement qui menace de défigurer la justice ?

Cette question n’a cessé de hanter Albert Camus, après tant d’autres comme Kafka et bien sûr Nietzsche. Comment non seulement imaginer mais mettre en œuvre une justice sans jugement ?

C’est la question dont traite un livre qui vient de sortir, qui revisite l’œuvre d’Albert Camus sous ce prisme : « Qui témoignera pour nous ? Albert Camus face à lui-même ».

 Invité(s) : Paul Audi, philosophe