Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
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Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier référent, président de la Fédération française des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (FFCRIAVS) (https://www.ffcriavs.org/).

Lorsqu’on est enfant et qu’un adulte vient faire effraction dans votre sexualité, ça laisse toujours des traces, avec différentes modalités. De manière schématique, si vous avez des capacités de résilience, c’est-à-dire la faculté d’amortir les éléments traumatiques, vous pouvez mettre ça de côté. Et puis vous allez grandir avec malgré tout des reviviscences et des petits symptômes qui vont venir réinterroger votre sexualité à l’âge adulte, et ça va venir vous gêner. Un peu comme une espèce d’épine, une écharde, ou un caillou dans la chaussure qui va vous empêcher malgré tout d’avancer correctement de manière harmonieuse dans votre propre sexualité. (Mathieu Lacambre)

Soutenez le projet : http://www.pedo.help

Dans la même idée l’excellent site https://manhattancbt.com/pocd/ sur les POCD (Pedophilic obsessive-compulsive disorder (POCD) ou Trouble obsessionnel-compulsif pédophile).

Le POCD est un nom informel pour les TOC dont le symptôme principal est l’obsession pédophile. Il s’agit d’un sous-type de trouble obsessionnel-compulsif (TOC). Le POCD est parfois considéré comme une version du trouble obsessionnel « pur » ou purement obsessionnel. Les TOC comportent généralement des obsessions et des compulsions. L’appellation « O pur» est utilisée pour les rares patients qui ne semblent pas avoir de compulsions. (Remarque : la recherche montre qu’une personne qui a des obsessions mais pas de compulsions visibles est susceptible d’avoir des compulsions inobservables ou mentales. Le concept de « O pur » est donc probablement un mythe). Les POCD  s’accompagnent souvent de compulsions. Celles-ci peuvent être intérieures, extérieures ou les deux à la fois. Les personnes atteintes de POCD décrivent souvent leurs obsessions comme démoralisantes. Elles souffrent beaucoup de honte et de doute et peuvent se sentir isolées. Les personnes souffrant de POCD ne se confient généralement pas à leurs proches. En effet, lorsqu’elles le font, elles sont souvent rassurées par des paroles gentilles, telles que « Oh, tu n’as pas à t’inquiéter. Je suis sûr que tu n’es pas une de ces personnes. Ne t’inquiétes pas pour cela ». Parfois, ces réponses sont utiles, mais seulement pour un court instant. D’autres fois, les réponses de ce type sont tellement déconnectées de l’anxiété et de l’inquiétude de la personne qu’elles semblent impossibles à croire. La personne souffrant de TOC se sent alors incomprise et honteuse.

En 1985, Jack Lang avait lancé les activités culturelles dans les prisons. Plus de 30 ans plus tard, la culture est un outil essentiel dans les 188 établissements pénitentiaires de France pour la réinsertion des détenus et la prévention de la récidive. Reportage à la prison des femmes de Versailles.

A la maison d'arrêt pour femmes de Versailles, chaque mardi, des activités culturelles sont proposées à la soixantaine de détenues.
A la maison d’arrêt pour femmes de Versailles, chaque mardi, des activités culturelles sont proposées à la soixantaine de détenues. Crédits : BEAUGRAND Véronique 23 nov 2011 PHOTOPQR/LE PARISIEN – Maxppp

La maison d’arrêt de Versailles est située en plein centre ville. Depuis 10 ans, le festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés y programme, chaque année, au mois de mai, un concert dans l’enceinte même de l’établissement. Ce mardi après midi, c’est la chanteuse italienne Kicca, coup de coeur du festival, qui est venue enchanter les oreilles d’une quinzaine de détenues. Pour l’une d’elles, âgée de 56 ans, c’est une vrai respiration.

Au départ, l’accueil est réservé mais, grâce à l’énergie des musiciens, les détenues se mettent à battre la mesure, taper des mains. Puis elles vont chanter et même pour l’une d’entre elles se mettre à danser. Autour, les portes et les verrous de la prison, le crachin incessant des talkies-walkies des surveillantes, une femme qui se met à hurler dans les étages. Mais le concert continue. Le reportage de Cécile de Kervasdoué :

Concert de jazz à la maison d’arrêt de Versailles
Kicca et son guitariste Hervé Samb venus donner un concert à la maison d'arrêt pour femmes de Versailles
Kicca et son guitariste Hervé Samb venus donner un concert à la maison d’arrêt pour femmes de Versailles Crédits : Cécile de Kervasdoué – Radio France

On est là pour leur apporter une heure de liberté par la musique. Elles sont détenues, oui, mais c’est avant tout des êtres humains et la culture est un droit pour tous.

La chanteuse Kicca et son guitariste Hervé Samb

Si le droit à la culture a été réaffirmé en 1998 en France, la culture s’est depuis fait une place dans les établissements pénitentiaires. 67 coordinateurs culturels proposent ainsi une fois par semaine des activités culturelles de pratique ou de découverte d’oeuvres. Au même titre que le travail psychologique ou la formation professionnelle, la culture en prison est considérée comme un outil essentiel de réinsertion et de prévention de la récidive.

Si on ne fait rien pour préparer la sortie des détenus, ils se retrouvent à nouveau devant la justice.

Laure Thomas, directrice pénitentiaire d’insertion et de probation au service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) des Yvelines.

Au Canada, ce modèle a permis de réduire la récidive de 63%. En France, il fonctionne avec les financements des ministères de la Justice et de la Culture. Mais aussi, surtout, si les structures culturelles locales jouent le jeu. C’est le cas en Île-de-France, où elles sont très nombreuses. C’est moins vrai en province.

Les victimes : la montée en puissance des victimes directes de crimes (1/5)

Du choc à la solidarité

Cette première série tentera de baliser, à partir de témoignages, le chemin qui conduit de la passivité à une activité politique ou judiciaire, de la commotion à la raison, de la solitude morale à la solitude active. Ce soir, en compagnie d’Alain Boulay, président fondateur de l’APEV.

Après le crime, la victime. La victime désigne étymologiquement l’animal sacrifié, symbole de passivité absolue, et exprime aujourd’hui la condition de celui qui est affecté par la violence du crime. La condition de victime consiste en effet toujours en une diminution d’être. La blessure risque de devenir ontologique et de se transmettre de génération en génération. C’est pourquoi la victime renvoie à deux réalités : à des personnes affectées directement dans leur chair et leur esprit mais aussi à des groupes victimes d’injustices historiques. Dans le premier cas, elle ouvre droit à une réparation juridique, dans le second elle offre une ressource politique. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de consacrer deux semaines à la question de la victime en examinant comment l’on passe d’une réalité brute, brutale, dévastatrice à une signification sociale et politique.

Cette première série tentera de baliser, à partir de témoignages, le chemin qui conduit de la passivité, qui réduit au silence, à une activité politique ou judiciaire, de la commotion à la raison, de la solitude morale à la solidarité active. Ce parcours s’articule autour d’un moment de justice qui agit comme opérateur de vérité, fixateur de mémoire et convertisseur du temps. Du temps vif du ressentiment, la victime peut connaître le temps apaisé du souvenir, le déni de son existence faisant place à une reconnaissance du tort.

Il n’était pas possible de commencer cette première semaine autrement qu’en donnant la parole à une victime ; en l’occurrence à Alain Boulay, un père dont la fille a été assassinée et qui a fondé, avec sa femme, l’association Aide aux Parents d’Enfants Victimes pour aider les parents ayant connu le même sort et faire reconnaître dans les institutions pénales la juste place de la victime, ni toute-puissante, ni infantilisée.

Ce qu’on a voulu, c’était réfléchir à ce qui nous était arrivé. Autant on le faisait par rapport à la victime, ce qu’elle pouvait ressentir, autant je l’ai fait par rapport aux institutions, parce qu’on se disait : « Est-ce que les institutions répondent vraiment aux besoins des victimes ? », « Est-ce que la justice répond aux besoins des victimes ? ». Et très vite on s’est rendus compte que la justice n’était pas faite pour les victimes, elle était faite pour les auteurs. (…) On voulait que la justice s’intéresse aussi aux victimes. (Alain Boulay)

Les attentats ont énormément fait changer les choses. Mais, tout de même, on a eu, fin des années 90, début des années 2000, beaucoup de réflexions sur les agressions sur enfants, sur la pédophilie, sur les viols. Il y a eu beaucoup de choses (campagnes sur les femmes battues), qui ont fait prendre conscience à la société, aux magistrats, aux policiers, de toutes ces victimes et de ce qu’elles pouvaient vivre. (Alain Boulay)

>>> Site de l’APEV

Extrait musical choisi par l’invité : « Le Monde est Stone » interprété par Fabienne Thibeault « Starmania » (1978). 

Les victimes : la montée en puissance des victimes directes de crimes (2/5)

Réparer les corps

Cette première série tentera de baliser, à partir de témoignages, le chemin qui conduit de la passivité à une activité politique ou judiciaire, de la commotion à la raison, de la solitude morale à la solitude active. Ce soir, avec le docteur Neema Rukunghu, chirurgienne à l’hôpital Panzi en RDC.

Aussi bien dans l’ex-Yougoslavie que dans l’Afrique des grands lacs, nombre de théâtres de conflits actuels le démontrent : le corps de la femme est devenue une arme de guerre. Par leurs viols, les miliciens non seulement saccagent des corps mais détruisent le corps social. La violence sexuelle n’a plus rien à voir avec le plaisir de soudards mais elle est administrée à des fins stratégiques. Le docteur Nadine Neema Rukunghu, chirurgienne pratiquant dans un hôpital dans l’est de la République démocratique du Congo, répare les corps des survivantes mais aussi les accompagne jusqu’au retour dans leur communauté.

Le corps de la femme est considéré comme une arme, c’est un terrain de bataille, les gens se battent sur le corps de la femme. (…) Violer une femme, une mère, le chef parfois, devant toute sa tribu, toute sa communauté, (…) c’est détruire tout le tissu social, complètement, et donc forcer cette population à fuir, à être nulle. (…) C’est stratégique, c’est étudié pour que les impacts aient des conséquences qui sont parfois pareilles que celles des armes lourdes, parfois même plus fortes car ce sont des choses qui vont continuer de génération en génération. (Dr. Neema Rukunghu)

Les victimes : la montée en puissance des victimes directes de crimes (3/5)

Survivre après le 13 novembre

Cette première série tentera de baliser, à partir de témoignages, le chemin qui conduit de la passivité à une activité politique ou judiciaire, de la commotion à la raison, de la solitude morale à la solitude active. Ce soir, avec Arthur Dénouveaux, président de l’association Life for Paris.

Les attentats du 13 novembre ont suscité nombre d’associations comme Life for Paris, que préside actuellement Arthur Dénouveaux et dont le but est d’aider à survivre à un attentat ; car le goût de la vie, de la musique, de la diversité est le meilleur démenti apporté à ceux qui portent la mort en eux.

Finalement, il y a un grand détachement vis-à-vis de toutes ces questions militaires, et politiques, sur la manière dont le terrorisme se combat. Pour nous, le combat c’est nous, c’est de revivre, et c’est un « nous » qui englobe toute la société : comment est-ce que « nous » (on) se rediffuse au milieu de tout le monde. (Arthur Dénouveaux)

Quand vous vous retrouvez à la première réunion avec les juges d’instruction, des parents posent des questions sur la manière dont est mort leur enfant. Le juge répond : « Écoutez, moi, j’ai les auteurs, j’enquête sur les causes, les circuits de financement, je ne m’attache pas aux causes précises de chacun, vous pouvez aller voir le rapport d’autopsie ». Le juge, ce faisant, est probablement dans son rôle. Mais les victimes sont en droit d’attendre des réponses, et il manque sûrement un lieu d’échange entre l’État, qui sait beaucoup de choses, et les victimes, les parents de victimes, qui en savent très peu. (Arthur Dénouveaux)

Les victimes : la montée en puissance des victimes directes de crimes (4/5)

De la défiance à la reconnaissance

Cette première série tentera de baliser, à partir de témoignages, le chemin qui conduit de la passivité à une activité politique ou judiciaire, de la commotion à la raison, de la solitude morale à la solitude active. Ce soir, en compagnie de Denis Salas, magistrat et essayiste.

Les juges ont d’abord montré une certaine défiance à l’égard des victimes dans lesquelles ils voyaient des trouble-fête dans un processus déjà délicat. Parce que la victime est paradoxalement menacée aujourd’hui d’une protection mal placée, trop intéressée par des politiques par exemple. D’où un nouveau mandat donné à l’institution judiciaire pour travailler avec elles, entendre leur plainte, et repenser les fondamentaux de l’audience. C’est le défi qu’analyse Denis Salas dans son dernier livre (La foule innocente, Desclée de Brouwer, 2018).

Très souvent quand il y a une non-réponse à la violence, ou un excès de réponse à la violence, (…) les victimes n’ont plus d’espace de reconnaissance, de parole judiciaire où ils peuvent exprimer une plainte. Et à ce moment-là, le récit littéraire devient le lieu où ils vont déposer cette plainte. (…) La littérature fait partie de cette audience que les victimes attendent pour qu’on leur rende justice. (Denis Salas)

  • A propos de terroristes lors de leur procès :

Ils prennent la parole, ils s’expriment, ils se défendent, ils minimisent souvent leurs actes ; ils connaissent leurs droits, ils savent protester. Ce jeu-là, ils l’utilisent, ils entrent à l’intérieur (de ce jeu), et c’est peut-être une première étape pour les désolidariser de leur groupe d’appartenance et de leur idéologie salafiste. (Denis Salas)

Choix musical de l’invité : « Imagine » de John Lennon

Les victimes : la montée en puissance des victimes directes de crimes (5/5)

Victimes et mémoire

Cette première série tentera de baliser, à partir de témoignages, le chemin qui conduit de la passivité à une activité politique ou judiciaire, de la commotion à la raison, de la solitude morale à la solitude active. Ce soir, avec Denis Peschanski, historien, directeur de recherche au CNRS.

Les crimes de masse « qu’on ne peut ni juger, ni pardonner » ont donné lieu à un travail de mémoire spécifique. L’historien Denis Peschanski a fait de la mémorialisation son objet d’études en se penchant d’abord sur la mémoire de la société française de la Seconde Guerre Mondiale. Il travaille aujourd’hui à un projet de grande ampleur sur les victimes des attentats du 13 novembre en montrant ce que les neurosciences peuvent apporter à la compréhension du psycho-trauma des victimes.

En Normandie, en trois mois, vous avez eu bien plus de morts et de destructions que la région en a connues pendant toute l’occupation. Avec un très léger problème, c’est que les bombes étaient larguées par les copains qui venaient vous libérer. (…) Ca n’a aucun sens. Aucune utilité sociale. On ne peut pas en donner de récit qui soit intégrable dans une mémoire collective de la société française. Ce qui fait que vous avez une sorte de terrible opposition entre un choc individuel très profond dans toutes les familles normandes (…) et l’absence de prise en charge par le collectif, par l’Etat. Et cette tension-là est assez dramatique. (Denis Peschanski)

Je me dis, avançons une hypothèse, (…) qui va devenir un guide pour les années de recherche qui vont suivre (…) : il est impossible de comprendre pleinement ce qui se passe dans les mémoires collectives si on ne prend pas en compte les dynamiques cérébrales des mémoires individuelles, et inversement, il est impossible de comprendre pleinement ces dynamiques de la mémoire si on ne prend pas en compte l’impact du social. (Denis Peschanski)

INTERVENANTS
  • Historien, directeur de recherche au CNRS et co-responsable du programme 13-Novembre.

Ear Hustle brings you the stories of life inside prison, shared and produced by those living it.

Deux détenus de la prison d’État de San Quentin en Californie veulent faire entendre la réalité de leur quotidien, de l’intérieur. Earlonne Woodset Antwan Williams, qui servent respectivement des peines de 31 et 15 ans d’emprisonnement, ont lancé le 14 juin un podcast avec l’aide de l’artiste américaine Nigel Poor. Tous les trois se sont rencontrés lors d’un cours de photographie donné par l’artiste au sein de la prison.

Il s’agit d’une série de dix épisodes intitulée « Ear Hustle » – diminutif familier d’ »eavesdropping » qui signifie « écouter en douce » – diffusée sur le réseau anglophone Radiotopia. Le podcast se positionne déjà dans « le top 5 des programmes audio les plus téléchargés sur iTunes aux États-Unis« , comme le rapporte Courrier International. 

 « L’équipe travaille depuis le laboratoire multimédia de San Quentin, pour produire des histoires qui peuvent être difficiles, souvent drôles et toujours honnêtes, offrant une vision plus nuancée des personnes vivant au sein du système carcéral américain. » peut-on lire dans le descriptif du projet.

« Cellies« , le premier de la série, parle des compagnons de cellule, et raconte l’enfer que peuvent vivrent certains détenus, terrorisés par la personne qui partage leur espace. Earlonne Woods témoigne : « Je dormais le dos au sol avec un œil ouvert. »

Chaque épisode doit être validé par les autorités. Le deuxième raconte l’histoire « d’un homme qui a du payer le prix fort pour obtenir la loyauté de son gang ». D’autres thèmes tel que la mode, les animaux de compagnie, l’isolement, la famille, sont abordés dans le reste de la série. 

EPISODE 1: CELLIES

Finding a roommate can be tough. Finding someone to share a 4′ x 9′ space with is a whole ‘nother story.

EPISODE 2: MISGUIDED LOYALTY

While the perceived thrill and glamour of gang life are often too strong to resist, the hard consequences of this seduction can last a lifetime.

 

tous les podcasts sont  découvrir ici

 

Reportage en immersion à l’École Nationale de l’Administration Pénitentiaire, à Agen, avec les quelque 1.700 élèves surveillants, formés cet automne pour six mois. L’afflux de candidats est record, malgré la menace terroriste, qui figure d’ailleurs parmi les cours majeurs.

« N’oubliez pas votre cadre légal par rapport à la légitime défense, si je dois riposter, faut que ce soit nécessaire… »

Au milieu d’un groupe d’élèves surveillants plus ou moins musclés, nus pieds sur un tatami, le formateur, 15 ans d’expérience à la prison de Fresnes, enseigne comment parer les coups, en cas d’agression au couteau par un détenu. « Je vois le couteau, déjà, je montre mes mains. Pas de veines face à lui, parce que là, il peut couper. Donc simultanément, je vais enlever mon bassin, bloquer, frapper. A partir de là, il va aller au sol, sur le ventre. Et on finit, hyperflexion du poignet, pour récupérer le couteau. «  Les élèves répètent l’exercice en boucle. « Là, ce que je leur apprends, c’est le cas extrême », explique le formateur. « Si jamais ils sont obligés de se défendre, c’est une des défenses. C’est comme les gestes de premier secours. Et nous, notre priorité, c’est la maîtrise de l’individu, donc c’est vraiment un travail en équipe, maîtriser pour arriver au menottage. » Un bruit strident retentit dans une autre salle de l’école. Le cours suivant porte sur la détection des objets interdits en prison. Magnétomètre en main, face au portique de sécurité, une enseignante détaille comment détecter tous les objets interdits en détention : armes à feu, stupéfiants, nourriture, argent, et téléphone. « Pourquoi le téléphone c’est interdit ? », interroge la prof. « Parce qu’ils risquent de communiquer avec l’extérieur ! »répond du tac au tac. « Téléphoner pour appeler sa maman, c’est pas grave », rappelle l’enseignante. « Mais il y a les risques d’évasion ! », renchérit un élève.

L’évasion spectaculaire de Redoine Faïd a marqué tous les élèves, à la moyenne d’âge de 28 ans, aux profils très divers : certains ont le baccalauréat, d’autres sont d’anciens légionnaires. Damien, lui, est un sportif de haut niveau, champion de marche athlétique. « En fait, mon souhait, ce serait de devenir moniteur sportif par la suite, pour pouvoir permettre aux détenus de se réinsérer à travers le sport. Moi, j’ai un vécu personnel et j’ai remarqué que des personnes qu’on disait destinées à devenir des « voyous », c’est à travers le sport que ça leur a permis d’évoluer en tant qu’homme ».

La directrice, Sophie Bleuet voudrait que tous les élèves retiennent surtout des valeurs d’humanisme.

« La valeur phare, c’est celle de l’exemplarité, pour inspirer le respect aux détenus »

Un véritable incendie se déclenche dans une cellule factice. Les élèves surveillants, un peu paniqués, apprennent à manier l’extincteur…

Dans les prisons françaises, il y a deux départs de feu par jour, souvent provoqués par des détenus désespérés. Apprendre à repérer les risques de suicide est aussi devenu un cours central à l’École nationale de l’administration pénitentiaire, où sont formés, à la fois les surveillants, les directeurs de prison, et les conseillers d’insertion et de probation.

1/4 Une histoire de la justice restaurative

 

https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/10177-21.11.2017-ITEMA_21500569-0.mp3

Condamnés-victimes : un dialogue possible (1/4)

En France c’est à la fin des années 2000 que François Goetz tente la première expérience française de justice restaurative. Il ne s’agit plus seulement de « surveiller et punir », mais de reconstruire le lien social.

Selon le Conseil Économique et Social de l’ONU, « la Justice restaurative est constituée par tout processus dans lequel la victime et le délinquant participent ensemble activement à la résolution des problèmes découlant de cette infraction, généralement avec l’aide d’un facilitateur ». La Justice restaurative, de plus en plus répandue en France, fait une percée remarquable au point d’être inscrite dans la loi du 15 août 2014 par l’ancienne Ministre Christiane Taubira : « chercher à créer les conditions du dialogue entre le condamné et la victime. » Ce processus offre aux participants la possibilité de réparer les souffrances qui n’ont pas été prises en compte durant le procès pénal.

Ce que la justice restaurative offre en plus et en complémentarité à la réponse pénale, c’est un espace de parole. Un espace où les uns et les autres, auteurs et victimes […] vont enfin pouvoir poser les questions du pourquoi – pourquoi moi, pourquoi lui – et du comment : comment je vais réintégrer ma famille, réintégrer ma communauté, réintégrer ma vie brisée par le fait infractionnel. Robert Cario

La justice restaurative n’est pourtant pas nouvelle. Les tribus aborigènes et les communautés amérindiennes la pratiquent traditionnellement pour ressouder les liens détruits par une injure, ou un crime grave au sein d’une communauté. Même si de nombreux systèmes traditionnels de justice ont été affaiblis ou ont disparus à cause de la colonisation, certains fonctionnent encore en Afrique ou en Océanie aujourd’hui, essentiellement dans les zones rurales.

La justice pénale ne répond pas aux victimes. Elle répond à la société. […] La justice pénale, criminelle, c’est la justice de l’Etat. La justice restauratrive, c’est la justice des gens. Catherine Rossi

En France, c’est à la fin des années 2000 que François Goetz – à l’époque directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) des Yvelines – tente la première expérience française. En participant à une conférence sur la justice restaurative organisée par France victimes, il écoute Jean Jacques Goulet, ancien coordinateur des rencontres détenus victimes au Québec, qui présente le dispositif. Pour lui, c’est l’outil indispensable qu’il cherche pour prévenir la récidive et faire prendre conscience à l’auteur de la gravité des faits. Deux ans après et malgré les obstacles, la première rencontre détenus victimes voit le jour à la centrale de Poissy.

2/4 Réparer ceux qui restent

 

Condamnés-victimes : un dialogue possible (2/4)

Une expérience inédite : les rencontres Détenus-Victimes. Ils se rencontrent à la Maison Centrale de Poissy, pour 6 séances, au rythme d’une fois par semaine pendant plus de deux mois encadrés par des médiateurs et des membres de la communauté.

Les personnes détenus et les personnes victimes ne se connaissent pas, ils n’ont pas de liens directs, mais ont commis ou subi le même type de faits.

Ce qui s’est passé à la première séance, après avoir été atterré par le premier crime, on a fait une pause-café, on s’est levé, on est allé à une machine à café un petit peu plus loin. On était un peu en retrait, en osait pas. […] Roméo, le plus jeune des détenus, est venu carrément me parler […] comme une pause-café normale entre collègues. Et là, je suis allée me rasseoir, tout était passé. Je n’ai plus jamais eu peur. J’ai plus jamais été atterré. » (Une personne victime)

C’est une expérience rare, parce qu’il n’est pas courant que des condamnés à de lourdes peines puissent parler sans témoins, rare que des condamnés s’adressent directement à des victimes. C’est aussi un processus bouleversant pour ceux qui s’y engagent, visant la reconstruction des personnes, et un dialogue improbable qui offre aux participants la possibilité de réparer les souffrances qui n’ont pas été prises en compte durant le procès pénal.

« Auparavant, pendant le temps de l’instruction, on est conditionné par nos avocats, à ne pas parler. C’est ce que je trouve dommage à un procès d’assises, c’est qu’on ne puisse pas vraiment… parce que nous-mêmes, on peut le vivre mal parce qu’il y a des choses qu’on voudrait pourvoir dire, et qu’on arrive pas à dire. Je pense qu’à un procès d’assises, les victimes ne pourront jamais avoir de réponses. La cour d’assise, c’est une pièce de théâtre. (…) On est tellement conditionné qu’on ne peut pas s’exprimer comme en temps normal.» (Une personne détenue)

En l’absence de tout enjeu judiciaire, et après condamnation, cette rencontre met face à face deux souffrances. Ils se rencontrent à la Maison Centrale de Poissy, pour 6 séances, au rythme d’une fois par semaine pendant plus de deux mois encadrés par des médiateurs et des membres de la communauté.

C’est à titre exceptionnel que nous avons été autorisés à poser nos micros autour de leur table.

Avec :

Nadège Bezard, animatrice des rencontre détenus victimes à Poissy

Marguerite, membre de la communauté

Martine, Stéphanie, Pascale, José, Christophe et Stéphane, participants des rencontres

Une série documentaire de Johanna Bedeau et Angélique Tibau

Condamnés-victimes : un dialogue possible (3/4)

3/4 Les rencontres

 

Des drames qui ont précipités des familles dans le deuil et la douleur. Qu’ils soient du « bon ou du mauvais côté de l’histoire », les deux camps sont profondément marqués et doivent assimiler la perte d’un être cher.

Autour de la table les mots de l’un amènent les confidences de l’autre. José a été condamné pour homicide et purge sa peine à la centrale de Poissy. Stéphanie a été traumatisée par l’assassinat du père de son enfant et tente de se reconstruire. Christophe lui a pris perpétuité et entame sa vingtième année de prison. Quant à Alain il a accepté de participer aux rencontres pour aborder des questions restées en suspens après l’assassinat de son fils Fabien.

Des drames qui ont précipités des familles dans le deuil et la douleur. Qu’ils soient du « bon ou du mauvais côté de l’histoire », les deux camps sont profondément marqués et doivent assimiler la perte d’un être cher. Un dialogue inédit offre aux participants la possibilité de réparer les souffrances de chacun.

D’une séance à l’autre, certains finiront par lever le secret sur leur passage à l’acte, quand d’autres oseront poser des mots sur ce qu’ils ont vécu.

Avec :

  • Pierrette Poncela, Professeur émérite de droit pénal, Directrice du Centre de Droit Pénal et de Criminologie
  • Alain, Stéphanie, José, Christophe Stéphane et Pascale, participants des rencontres
  • Nadège Bezard, animatrice des rencontre détenus victimes et Mathias

Merci à L’AP

Une série documentaire de Johanna Bedeau et Angélique Tibau 

Condamnés-victimes : un dialogue possible (4/4)

4/4 Ni oubli, ni pardon

 

Pour les victimes et les condamnés qui participent à ces rencontres détenus-victimes, quelles seront les conséquences à long terme ?

Ces dernières années, nous avons vu des organismes multinationaux comme les Nations Unies, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne confirmer fortement le potentiel de la justice restaurative. Les pays et les gouvernements sont de plus en plus nombreux à soutenir le développement et l’expansion des programmes de justice restaurative en les finançant, et en les intégrant dans leur système de justice pénale. Quelles que soient les expériences de justice restaurative, au Canada, en Afrique du Sud en Belgique ou en France des questions reviennent sans cesse… : est-il possible, après un conflit ou un génocide, de rendre justice et de construire un nouvel ordre politique acceptable par ceux qui viennent de s’entretuer ? L’impact traumatique est-il réellement mesuré ? La peur du crime comme expérience vécue s’estompera-t-elle à l’écoute des infracteurs ? Est-ce que c’est seulement le temps qui fait que l’on pardonne ou ne pardonne-t-on jamais ?

Avec :

  • Sandrine Lefranc, chargée de recherche CNRS, Institut des Sciences sociales du Politique
  • Stéphane Parmentier, professeur Université catholique de Louvain, Belgique
  • Robert Cario, criminologue et fondateur de l’institut français pour la justice restaurative
  • Noémie Micoulet, chargée de mission formation et communication (IFJR)
  • Pierrette Poncela, Professeur émérite de droit pénal, Directrice du Centre de Droit Pénal et de Criminologie
  • Antonio Buonatesta, directeur de Médiante Belgique
  • Catherine Vanbellinghen, Médiatrice chez mediante
  • Reda, Christian et Stéphanie
  • Murielle Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie

Le crime (1/5)

Le crime politique

Sous l’Ancien Régime, tout crime est un outrage au souverain. Après la Révolution apparaît la figure du délinquant faisant alors ressortir les caractères propres du crime politique qui vise le corps du roi puis son corps symbolique jusqu’à prendre la forme d’attentats qui ciblent le corps social.

Qu’est-ce qu’un crime ?

Nous le savons tous sans véritablement le savoir. On se le représente le plus souvent comme un attentat à la vie d’autrui.

Il ne faut pas dire qu’un acte froisse la conscience commune parce qu’il est criminel, mais qu’il est criminel parce qu’il froisse la conscience commune. Emile Durkheim

Ainsi, supprimer la vie d’autrui peut être légal – sur un champ de bataille ou en pratiquant l’euthanasie. Le crime ne se réduit pas à un acte immoral – donner la mort – parce qu’il est lié à un contexte social et politique qui lui confère sa nature. Il existe une différence centrale entre le crime privé et le « crime légal » (Camus), entre le crime « encadré » et le crime solitaire, entre le crime individuel et égoïste et le crime collectif et altruiste, c’est-à-dire pour une cause. Entre ces catégories se joue un jeu subtil, chacune tentant de se différencier de l’autre, voire d’en dissimuler sa part maudite.

Derrière l’évidence morale de la réprobation unanime d’un acte, ne tarde pas à se profiler l’inquiétante fragilité de la notion de crime.

Extrait musical choisi par l’invité : « attentat verbal » par Grand corps malade.

BIBLIOGRAPHIE

Le crime (2/5)

Le crime contre l’humanité

Le crime de masse résulte d’une inversion monstrueuse de la légalité : la souveraineté non seulement ne protège plus mais devient meurtrière, massacrant une partie de son peuple, le tiers de justice se fait partisan voire bourreau lui-même. Comment s’en relever ?