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Prévenir les abus sexuels sur les enfants

juillet 22nd, 2024 | Publié par crisostome dans AICS - (0 Commentaire)

Donald Findlater réfléchit à ce qu’il faudrait faire pour éradiquer les abus sexuels sur les enfants (source: voir sur son site l’article complet).

Perspectives théoriques

Les « quatre préconditions préalables aux abus sexuels sur enfants » de David Finkelhor (1984) décrivent un processus qui implique :

  • la motivation à l’abus sexuel,
  • le surpassement des inhibiteurs internes,
  • le surpassement des inhibiteurs externes
  • et le surpassement des résistances de l’enfant.

Cinq ans plus tôt, les criminologues Cohen et Felson (1979, social change and crime rate trends: a routine activity approach) avaient proposé une « chimie de base du crime». De nombreuses personnes ont le potentiel de commettre des délits mais ne le font pas. Pour transformer leur potentiel criminel en actes criminels, elles doivent avoir l’occasion de rencontrer une cible appropriée en l’absence d’un tuteur compétent.

Eck a approfondi la réflexion sur la « prévention situationnelle » et le rôle préventif des tiers en proposant trois types de « contrôleurs de la criminalité ».

  • Le « gardien» (guardian) est la personne qui a la responsabilité et la capacité de protéger la victime potentielle, par exemple les parents ou les enseignants.
  • Les « tuteurs»  (handlers) sont ceux qui peuvent exercer une influence positive sur les délinquants potentiels, comme les parents, les amis et les collègues de travail.
  • Les « gestionnaires de lieux » (Place managers) sont chargés de superviser et de maintenir une bonne conduite dans des lieux physiques spécifiques où le risque peut se manifester, par exemple les écoles et les parcs.

La prévention développementale de la criminalité

Son objectif est essentiellement de réduire la propension à la criminalité en intervenant tôt pour prévenir les effets négatifs de certaines circonstances et expériences développementales (Smallbone & McKillop 2014). Les résultats sexuels problématiques ont été liés à l’impulsivité individuelle, à une mauvaise résolution des problèmes et à l’adversité familiale, y compris la violence domestique et l’abus de substances par les parents. Pour certains garçons, l’expérience de l’abus sexuel dans l’enfance commence à être reconnue comme un facteur de risque de délinquance sexuelle. Des interventions précoces visant à atténuer l’impact de ces expériences négatives dans l’enfance peuvent réduire le développement de la motivation à commettre des abus, y compris en réduisant les difficultés interpersonnelles auxquelles le jeune peut être confronté. Ces éléments commencent enfin à être pris en compte dans certains programmes d’intervention destinés aux délinquants condamnés.

Si l’on se réfère au modèle des « quatre conditions préalables » de David Finkelhor, on constate que le traitement des délinquants sexuels et les cercles de soutien et de responsabilité servent à accroître et à renforcer les inhibiteurs internes des délinquants ; mais les cercles créent également un groupe supplémentaire de personnes qui peuvent agir en tant qu’inhibiteurs externes efficaces contre la poursuite de la délinquance.

Le matériel de la campagne Stop it Now ! éduque le public, ce qui permet d’augmenter les inhibiteurs externes de manière générale ; et le service d’assistance téléphonique Stop it Now ! renforce les inhibiteurs internes des délinquants potentiels, tout comme il aide les autres appelants à être des inhibiteurs externes plus efficaces de la délinquance potentielle de ceux qu’ils connaissent ou qu’ils aiment. Les séminaires sur la sécurité sur l’internet organisés dans les écoles aident les parents à devenir des inhibiteurs externes plus efficaces de tout délinquant ciblant leurs enfants en ligne, et ceux organisés à l’intention des élèves contribuent à accroître la résistance et la résilience des victimes.

Un cadre global pour la prévention

Dans leur travail fondamental combinant des perspectives théoriques pertinentes, Smallbone, Marshall et Wortley (2008) ont articulé et illustré un cadre global pour la prévention des abus sexuels sur les enfants. Leur modèle de santé publique établit une distinction entre la prévention primaire (ou universelle), secondaire (ou ciblée) et tertiaire. Leur idée maîtresse est que les interventions peuvent viser à prévenir la violence sexuelle avant qu’elle ne se produise (prévention primaire ou secondaire) et après qu’elle s’est produite, afin d’éviter qu’elle ne se reproduise (prévention tertiaire).  Leur cadre situe les délinquants et les victimes dans leur contexte écologique naturel (leur envirronement) , où interviennent également des facteurs de risque et de protection. Le cadre qui en résulte nous invite à envisager des cibles pour les interventions qui :

  • empêchent les délinquants ou les délinquants potentiels de commettre des infractions ou de récidiver
  • empêchent la victimisation ou la revictimisation des enfants
  • empêchent une infraction ou une récidive au sein d’une famille ou d’une communauté spécifique,
  • empêchent un incident ou une récidive d’abus sexuel d’enfants dans une situation ou un lieu spécifique.
Cibles Prévention primaire Prévention secondaire

Prévention tertiaire

 

Délinquants ·   Dissuasion générale

·   Prévention développementale (dans l’enfance)

 

·  Interventions auprès des adolescents et des adultes masculins à risque ·  Détection précoce

·  Dissuasion spécifique

·  Traitement des délinquants et gestion des risques

Victimes            

 

· Formation à la résistance

· Renforcement de la résilience

·   Renforcement de la résilience et autres interventions auprès des enfants à risque ·   Amélioration des dommages

·  Prévention de la victimisation répétée

Situations          

 

·   Réduction des opportunités

·   Contrôler les facteurs précipitants

·      Tutelle élargie

·  Prévention situationnelle dans les lieux à risque

 

·  Plans de sécurité

·  Interventions organisationnelles

 

Systèmes écologiques               

 

·  Éducation parentale

·  Renforcement des capacités communautaires

 

·   Formation des témoins responsables

·   Tutelles habilitantes

·   Interventions auprès des communautés à risque

Interventions auprès des familles, des pairs, des écoles, des agences de services et des communautés « à problèmes ».

 

Donald Findlater : après une carrière dans le service de probation à gérer le travail avec les délinquants sexuels, Donald a rejoint l’organisation caritative de protection de l’enfance, The Lucy Faithfull Foundation, en 1995 pour diriger le seul centre résidentiel d’évaluation et de traitement pour les hommes ayant fait l’objet d’allégations ou de condamnations pour abus sexuels sur des enfants – Wolvercote Clinic – au Royaume-Uni. Depuis, il a été à l’origine d’un certain nombre de développements en matière de prévention des abus sexuels sur les enfants, notamment les cercles de soutien et de responsabilité, Parents Protect et Stop it Now ! Royaume-Uni et Irlande.

Séance d’information sur la maîtrise en criminologie offerte par l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval.

La criminologie est un domaine d’études multidisciplinaire qui conjugue notamment la psychologie, la sociologie et le droit pénal. Elle permet de comprendre les comportements délictueux, d’évaluer les facteurs de risque et les besoins des personnes délinquantes ainsi que d’analyser les enjeux sociaux du contrôle de la criminalité.

Baccalauréat (=Licence) avant la maitrise de criminologie

Le baccalauréat de criminologie vous permettra d’acquérir les connaissances, habiletés et compétences nécessaires pour comprendre les différents aspects de la perpétration d’un crime, y compris ses conséquences sur les victimes ou sur la société. Vous aborderez les diverses théories associées au phénomène criminel tout en bénéficiant d’une formation pratique dans le domaine de l’intervention. Vous découvrirez ainsi la profession de criminologue, soit celle d’intervenante spécialisée ou d’intervenant spécialisé dans la prise en charge de la déviance criminalisée et dans la mise en œuvre des pratiques sociales qui s’y rapportent. Vous apprendrez à évaluer une personne contrevenante, à concevoir un plan d’intervention et à intervenir auprès de celle-ci, de ses proches et des victimes.

Ward, T. and Siegert, R.J. (2002) Toward a Comprehensive Theory of Child Sexual Abuse: A Theory Knitting Perspective. Psychology, Crime and Law, 8, 319-351.

Le modèle des parcours ou des « cheminements » de Ward et Siegart  (Pathways Model)  suggère qu’un certain nombre de voies différentes peuvent conduire à un comportement sexuellement abusif. Sur la base de différents groupes de symptômes, Ward et Siegert ont identifié cinq voies causales différentes pour le développement d’un comportement sexuel délictueux :

  • déficits d’intimité
  • processus de pensée déviants,
  • dérégulation émotionnelle,
  • cognition antisociale (s’arroger un droit (entitlement) et peu de considération pour les besoins émotionnels et psychologiques d’autrui)
  • et de multiples mécanismes dysfonctionnels impliquant tous les symptômes associés aux voies précédentes.

Dans le modèle, les facteurs de stress situationnels servent de déclencheurs aux agressions sexuelles, et les déclencheurs spécifiques varient selon le profil particulier des causes sous-jacentes de chaque individu.
Les données provenant d’autres domaines de la psychologie soutiennent le modèle de parcours de Ward et Siegert, mais la théorie ne bénéficie que de peu de soutien direct dans la recherche sur les délinquants sexuels, et il existe des des preuves qui suggèrent que les individus dans les cinq parcours partagent un grand nombre de traits communs (Simon, 1997, 2002). Néanmoins, le modèle des parcours présente un certain nombre de nombreux points forts, notamment une description approfondie des facteurs impliqués dans la délinquance sexuelle et sa capacité à unifier les aspects prometteurs d’autres théories.

 

Comme les théories antérieures sur les délits sexuels, le modèle des parcours de Ward et Siegert affirme qu’un mécanisme est prédominant pour chaque auteur de délit sexuel. Cependant, il s’appuie sur les travaux de Hall et Hirschmann en identifiant les voies de la délinquance. Ce modèle a été formulé à l’aide d’une approche d’intrication théorique, en prenant les meilleurs éléments des modèles précédents et en les intégrant dans un cadre unique.

 

 

pour aller plus loin, en particulier vers l’exploration de causes neurobiologiques à l’agression sexuelle : Doucet, C. (2004). L’étiologie de l’agression sexuelle : vers l’intégration de la composante neurobiologique. Psychiatrie et violence, 4. 

Source: Levenson, J. S., & Grady, M. D. (2016). The influence of childhood trauma on sexual violence and sexual deviance in adulthood. Traumatology, 22(2), 94–103. https://doi.org/10.1037/trm0000067

Résumé: L’objectif de cette étude était de déterminer l’influence de divers types d’adversité dans l’enfance sur la déviance sexuelle ultérieure et le comportement sexuellement violent. Les données ont été recueillies auprès de plus de 700 délinquants sexuels condamnés dans le cadre de programmes de traitement ambulatoire et en milieu fermé dans l’ensemble des États-Unis. À l’aide de l’échelle ACE (Adverse Childhood Experiences) en 10 points, les participants ont été interrogés sur les mauvais traitements subis pendant l’enfance et sur les dysfonctionnements familiaux. Pour les délinquants sexuels de sexe masculin, les facteurs qui prédisent de manière significative la déviance sexuelle sont les abus sexuels pendant l’enfance, la négligence émotionnelle et le fait d’avoir des parents non mariés. Les facteurs qui prédisaient de manière significative une délinquance sexuelle violente comprenaient la violence physique dans l’enfance, l’abus de substances dans le foyer dans l’enfance, la maladie mentale dans le foyer et le fait d’avoir un membre de la famille incarcéré. Les scores ACE étaient significativement plus élevés pour les délinquants généralistes que pour ceux spécialisés dans les crimes sexuels. Les résultats soulignent la nécessité pour les cliniciens d’évaluer l’existence d’une adversité précoce, de comprendre le rôle des événements traumatiques dans le développement de la criminalité et des comportements abusifs, et d’utiliser des pratiques de conseil tenant compte des traumatismes. En termes de politique, investir dans des services de prévention pour les enfants maltraités et les familles à risque est une étape importante pour rompre le cycle de la violence interpersonnelle et de la criminalité dans nos communautés.

Comparaison des scores ACE des délinquants sexuels masculins avec la population générale (Levenson et. al., 2016)

  • Abus sexuel X 3
  • Abus physique X 2
  • Violence verbale X 13
  • Négligence émotionnelle et appartenance à un foyer brisé X 4
  • Moins de 16 % des délinquants sexuels ont déclaré zéro ACE
  • Plus de 50 % d’entre eux ont 4 ACE ou plus

Voir égalment, sur le même sujet, et l’implication pour les prises en charge: “Hurt People Hurt Other People”: The Link Between Past Trauma and Sexual Offending, Melissa D. Grady, Jill S. Levenson, Jessica Glover, Shelley Kavanagh, Katharine Carter , Sexual Offending: Theory, Research, and Prevention, 2022, Vol. 17

Les chercheurs, les cliniciens et les décideurs politiques cherchent depuis longtemps à comprendre les causes profondes de la violence sexuelle. Récemment, le traumatisme a fait l’objet d’une attention particulière en tant que facteur potentiel de développement de la délinquance sexuelle (Creeden, 2009 ; Grady et al. 2017 ; Levenson, 2020) en raison des taux élevés et bien documentés d’expériences négatives dans l’enfance (ACE) chez les personnes qui ont été victimes de violences sexuelles (Abbiati et al., 2014 ; Drury et al., 2017 ; Levenson et al., 2015 ; Levenson et al., 2016 ; Levenson, Baglivio, et al., 2017 ; Reavis et al., 2013). La recherche démontre les relations directes et indirectes entre divers ACE et le comportement criminel subséquent (Tripodi & Pettus-Davis, 2013 ; Wolff & Shi, 2012), y compris la délinquance sexuelle (Grady, Yoder, et al., 2021 ; Marotta, 2021 ; Yoder et al., 2020 ; Yoder et al., 2019). Bien que la littérature soit de plus en plus abondante, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre le rôle des traumatismes dans le développement des comportements sexuellement violents afin d’éclairer les efforts de prévention et d’intervention.

 

Par rapport à la population générale, les personnes qui ont commis des infractions sexuelles ont déclaré des taux plus élevés d’abus sexuel, de violence physique, de violence verbale et de négligence émotionnelle das l’enfance, et ils étaient plus susceptibles d’avoir été élevés par des parents célibataires dans des foyers turbulents (Drury et al., 2017 ; Levenson et al., 2016). Par rapport aux autres adolescents pris en charge par la justice juvénile, les jeunes qui ont commis des infractions sexuelles présentaient des taux de prévalence significativement plus élevés de de violence physique, d’abus sexuel, de négligence physique et de dysfonctionnement du ménage (Levenson, Baglivio, et al., 2017). En outre, les chercheurs ont constaté des corrélations entre le nombre d’événements défavorables vécus dans l’enfance et la gravité et la fréquence de la violence et des comportements délinquants (Levenson & Grady, 2016 ; Levenson & Socia, 2016 ; Marotta, 2021).
Les personnes ayant fait l’objet d’une condamnation pénale pour des délits sexuels ont tendance à présenter des taux plus élevés de traumatismes complexes, définis comme l’accumulation de traumatismes multiples qui sont souvent chroniques et incessants (Courtois, 2004 ; Drury et al., 2017 ; Levenson et al., 2016 ; Levenson & Socia, 2016 ; Stensrud et al., 2019). Les événements traumatiques sont vécus de manière unique par chaque personne, et leurs impacts varient en fonction de la signification attachée à l’expérience et des caractéristiques de résilience de chacun (SAMHSA, 2014).

Les traumatismes de l’enfance ne sont pas directement à l’origine de la délinquance, mais un niveau plus élevé d’adversité précoce est associé à un début d’activité sexuelle précoce et à des taux plus élevés de maladies sexuellement transmissibles, de délinquance sexuelle, de promiscuité et de prostitution (Dietz et al. , 1999 ; Hillis et al., 2000 ; Levenson, Willis, et al., 2017 ; Naramore et al., 2017).
Les enfants maltraités sont donc plus susceptibles d’adopter des comportements sexuels à risque et de violer les limites d’autrui.

 

Résumé de “Hurt People Hurt Other People”: The Link Between Past Trauma and Sexual Offending
Contexte : De plus en plus de recherches documentent les taux élevés de traumatismes chez les personnes qui ont commis des délits sexuels. Pourtant, la relation entre la victimisation antérieure et la délinquance sexuelle subséquente n’est toujours pas claire. Objectif : En incluant les voix et les perspectives des personnes reconnues coupables d’infractions sexuelles, nous avons cherché à renforcer la compréhension des professionnels sur le lien entre la victimisation et la délinquance.
Méthode : Cette étude qualitative a utilisé une enquête en ligne pour recueillir des données auprès d’individus condamnés pour des infractions sexuelles (n = 195) dans le but de comprendre  leurs perceptions du lien entre le traumatisme et la délinquance et ce qu’ils aimeraient que les prestataires de services de soins connaissent de ces liens.
Résultats : L’analyse des données a permis de dégager cinq grands thèmes : Relation entre le traumatisme et la délinquance (n = 91), la reconnaissance du lien (n = 57), les effets spécifiques du traumatisme (n = 48), traitement individualisé (n = 34) et reconnaissance de l’humanité (n = 26).
Conclusions : Les participants ont perçu un lien étroit entre leur propre victimisation et les infractions sexuelles subséquentes. En outre, ils ont formulé des recommandations spécifiques à l’intention des soigants, y compris l’individualisation du traitement en mettant l’accent sur l’humanité et la compassion. Les implications pour une pratique et une politique tenant compte des traumatismes sont discutées.

 

Risk for Sexual Violence Protocol  (RSVP) (Hart, Kropp, & Laws; Klaver, Logan, & Watt, 2003)

Le RSVP est un outil d’évaluation des risques de type « Jugement professionnel structuré » (JPS), développé suite à une revue systématique de la littérature sur la récidive sexuelle. Le RSVP définit la violence sexuelle comme «réelle, tentée ou menacée de contact sexuel avec une autre personne qui n’y consent pas » (Hart et al., 2003). Il a été élaboré à partir d’outils de JPS  antérieurs tels que le précurseur du RSVP, le SVR-20 et le HCR-20 (Webster, Douglas, Eaves & Hart, 1997). Le RSVP peut être utilisé avec des hommes âgés de 18 ans et plus qui ont des antécédents connus ou soupçonnés de violence sexuelle. Le RSVP est destiné à aider les évaluateurs à mener une évaluation complète du risque de violence sexuelle dans des contextes cliniques et médico-légaux. L’évaluateur doit rassembler des informations complètes sur le cas à partir de sources multiples et évaluer le délinquant par rapport à vingt-deux facteurs de risque individuels ainsi que tous les autres facteurs de risque spécifiques à chaque cas.
Les vingt-deux facteurs sont divisés en cinq sections: Histoire de la violence sexuelle, problémes psychologiques, Trouble mental, Problémes sociaux et gestion. Chaque élément est codé trois fois: pour la présence dans le passé, la présence récente et la pertinence future. Chacune de ces notes est sur une échelle de trois points: 0: non preuve, 1: preuve partielle ou 2: preuve définitive. L’évaluateur doit déterminer la pertinence des facteurs de risque individuels en ce qui concerne les futures violences sexuelles potentielles et élaborer un plan de gestion des risques, décrire les scénarios les plus plausibles de futures violences sexuelles, et recommander des stratégies pour gérer le risque de violence sexuelle à la lumière des facteurs de risques et scénarios plausibles.

Le manuel du RSVP stipule que ceux qui utilisent l’outil doivent avoir un bon niveau d’expérience, de compétence et de connaissance. Les caractéristiques importantes du manuel RSVP sont qu’il s’appuit sur des preuves pour chaque élément, avec des lignes directrices claires et opérationnelles pour le codage. Des ateliers de formation spécialisés sont fournis aux praticiens, mais ne sont pas obligatoires pour utiliser l’instrument. Une formation à l’utilisation du RSVP est néanmoins recommandée (Hart et al., 2003) et il existe des études qui démontrent que cette formation des utilisateurs améliore la fiabilité inter-juges des évaluation (Reichelt, James Blackburn, 2003; Muller & Wetzel, 1998; Sutherland et al, 2012). De même, selon Darjee et Russell (2012), il est important que ceux qui utilisent ces instruments d’évaluation connaissent leurs forces et leurs limites, et aient reçu une formation appropriée à leur utilisation et à l’interprétation : Il est important qu’ils sachent comment interpréter les résultats de n’importe quel outil afin d’arriver à des conclusions appropriées et de planifier la gestion des risques de manière appropriée. Donc, une importante caractéristique des outils JPS comme le RSVP, par opposition aux outils actuariels, est qu’ils dépendent non seulement du manuel et de la cotation des items mais aussi du praticien qui utilise l’instrument. Ils structurent les praticiens dans leur tâche, ils ne les remplacent pas.

Codage: RSVP_FR

Risk-for-Sexual-Violence-trad_fr_unofficial

Documentation:  Risk_for_Sexual_Violence_Protocol_-_RSVP

ppt :

 

Risk for Sexual Violence Protocol (RSVP):A real world study of the reliability, validity and utility of a structured professional judgement instrument in the assessment and management of sexual offenders in South East Scotland (January 2016)

Authors:Rajan Darjee,Katharine Russell, Lauren Forrest,Erica Milton,Valerie Savoie, Emily Baron, Jamie Kirkland & Stewart Stobie, NHS Lothian Sex Offender Liaison Service, Orchard Clinic, Royal Edinburgh Hospital

Résumé des conclusions

Cette étude apporte des preuves supplémentaires que le RSVP est un outil fiable.  Ceci est vrai pour les cotations individuelles, les cotations totales et les jugements sommaires. Étant donné que les cliniciens n’utilisent pas le RSVP en additionnant les totaux, cette étude devrait leur donner confiance dans le fait que les jugements sous forme de résumé sont une méthode fiable pour résumer le risque que pose un délinquant. Il y a eu des preuves de validité convergente avec le RM2000 et le PCL-R. La validité prédictive est compliquée avec un outil comme le RSVP parce que les praticiens n’utilisent pas les scores totaux ; ils doivent utiliser les trois jugements sommaires.  L’évaluation de la validité prédictive est également rendue compliquée par le niveau d’intensité que reçoivent les situations.    Par conséquent, Il est irréaliste de se demander si le RSVP a une validité prédictive en matière de délits sexuels ou d’autres délits.  La réponse à cette question doit plutôt prendre en compte la complexité de l’outil et l’influence potentielle du niveau de gestion.   Dans notre échantillon, nous avons également constaté des différences lorsque nous avons utilisé différentes approches pour analyser les données de résultats, c’est-à-dire l’analyse ROC et l’analyse de survie.  En utilisant l’analyse ROC, les scores totaux de la RSVP et certains des jugements sommaires ont prédit la violence, toute infraction grave et toute infraction sexuelle grave, mais n’ont pas prédit l’ensemble des infractions sexuelles.   En utilisant l’analyse de survie, la hiérarchisation des affaires a permis de prédire le temps nécessaire à la commission de tout délit ou infraction sexuelle.  Contrairement à d’autres études, nous avons ensuite tenté de prendre en compte le niveau de gestion des risques.  Il est à noter que les personnes qui ont été identifiées comme présentant un risque élevé à l’aide du RSVP, et qui n’ont pas fait l’objet d’une gestion des risques proportionnelle à ce risque, ont très rapidement récidivé.   L’importance du niveau de gestion des risques signifie qu’il faut faire preuve de prudence dans l’interprétation des données de validité prédictive qui ne tiennent pas compte du niveau auquel les cas sont gérés.  Lors de l’examen de nos conclusions, il faut garder à l’esprit que notre échantillon de délinquants sexuels est inhabituel, complexe et à haut risque.

Le RSVP semble être un outil utile pour évaluer le risque de préjudice grave chez les délinquants sexuels, et a donc potentiellement un rôle dans certains cas au-delà des instruments obligatoires actuels pour les délinquants sexuels (c’est-à-dire la matrice de risque 2000, Stable et Aigu 2007 et LSCMI). Pour une sous-échantillon de la présente étude, nous avons entrepris une évaluation qualitative de l’utilité des évaluations RSVP du point de vue du personnel de justice pénale de première ligne chargé de superviser les affaires (ceci est rapporté ailleurs ; Judge et al. 2013).  Il en ressort que le personnel de première ligne estime que les évaluations fondées sur la RSVP ont apporté une valeur ajoutée à l’évaluation et à la gestion de leurs suivis.  Cela renforce l’idée que la RSVP peut jouer un rôle dans la gestion de la minorité d’agresseurs sexuels qui présentent un risque de préjudice grave.

Idées reçues sur la délinquance sexuelle parentale

Source : La délinquance sexuelle parentale  , Prof Jane Goodman-Delahunty & Kate O’Brien, School of Psychology &Australian Graduate School of Policing and Security

Une étude de l’ Australian Institute of Criminology  a compilé les données des AICS pris en charge entre 1989 et 2003 au « Cedar Cottage » (N=215) : tous des abuseurs intrafamiliaux (pères ou beaux-pères), d’âge moyen de 39,7ans, la majorité avaient un emploi stable (68%), la majorité était dans une relation à long terme (64% étaient mariés, 22% comme si), sur une période de suivi de 4 à 19a (moyenne de periode de suivi=9,1a).

Les données compilées de l’étude australienne  des Prof Jane Goodman-Delahunty & Kate O’Brien, a montré que:

Idées reçues (donc fausses!):

  • La plupart des délinquants parentaux n’ont pas de liens biologiques avec les victimes
  • La plupart des victimes sont post-pubères
    • [voir l’infographie sur l’âge des victimes]
    • [Finkelhor (1986) passe en revue les facteurs de risque de maltraitance chez les filles. La vulnérabilité tend à être plus élevée chez les filles âgées de 10 à 12 ans, et les filles victimes sont plus susceptibles d’avoir vécu sans leur père naturel et avec un beau-père, d’avoir eu une mère employée à l’extérieur du foyer, ou malade ou handicapée, d’avoir été témoin de conflits parentaux et d’avoir une mauvaise relation avec l’un de leurs parents)]
    • [A noter que les femmes qui ont été violées avant l’âge de 18 ans sont deux fois plus susceptibles d’être violées adultes (Krug et al., 2002)]
  • Les garçons sont les principales victimes
    • [voir l’infographie sur la répartition des victimes]
    • [Pour les filles, l’agresseur est plus souvent un membre de la famille ou une connaissance. Les garçons sont plus nombreux que les filles à être abusés par des inconnus (Finkelhor (1986)]
  • La plupart des auteurs d’infractions ont été victimes d’abus
    • [Bien que les abus subis puissent augmenter le risque de comportements criminels, tous les délinquants n’ont pas été victimes d’abus, et tous les individus ayant subi des abus ne deviennent pas délinquants]
  • Les enfants extrafamiliaux sont à risque
    • [Une étude réalisée par l’Institut National d’Études Démographiques (INED) en France révèle que parmi les femmes ayant été victimes d’agressions sexuelles durant leur enfance, une grande partie des agresseurs étaient des membres de la famille]
    • [une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a montré que près de 80 % des violences sexuelles sont commises par des personnes connues de la victime, souvent des membres de la famille]
  • L’abus est généralement un événement isolé.
    • [voir l’infographie sur la fréquence des abus]
  • Les infractions pénétratives sont rares.
    • [voir l’infographie sur la nature des abus]
  • Les risques de récidive sont similaires aux autres délinquants sexuels d’enfants.
    • [Les agresseurs d’enfants qui ciblent uniquement des victimes à l’intérieur de leur famille (auteurs d’inceste) présentent un risque de récidive systématiquement plus faible que les autres délinquants sexuels (Hanson et Bussière, 1998)]
    • Voir également l’étude d’Hanson et Harris sur le sujet (2004)
  • Les délinquants sexuels parentaux ne commettent que des délits sexuels

Nature et fréquence des comportements infractionnels répertoriés

Délinquance sexuelle parentale

  • Effets durables et dévastateurs sur les victimes et les familles ; « coûts oppressifs substantiels » (Broadhurst & Ferrante (1992). Crime and Justice Statistics for Western Australia)
  • Sous-représentation, diminution du nombre de poursuites, peu de condamnations, courtes peines, rareté de l’incarcération
  • Recherche visant à identifier les délinquants sexuels à haut risque dans les prisons, principalement extrafamiliaux, peu intrafamiliaux
  • Le profil de risque des délinquants sexuels parentaux est peu développé
  • Besoins criminogènes, facteurs de protection et de risque mal définis
  • Outils d’évaluation du risque insensibles à ce sous-groupe
  • Les initiatives visant à gérer la délinquance parentale peu développées
              = pas de politique fondée sur des données probantes pour les délinquants à faible risque

Traitement en détention inefficace

  • Politique axée sur l’évaluation, le traitement, l’enregistrement et la détention des délinquants sexuels extrafamiliaux à haut risque (Inhibition de la divulgation, réduction du nombre de signalements, diminution des poursuites judiciaires)
  • Abuseurs sexuels parentaux évalués comme à faible risque (score 0-1 avec la STATIC-99R)
  • Les peines courtes empêchent la mise en place d’un traitement
  • Recherche d’une détention qui protège, exclusion du traitement
  • Traitement de groupe destiné aux délinquants extrafamiliaux
    • Effet négligeable sur les délinquants à faible risque (Andrews & Bonta, 2006)
    • L’exposition à des délinquants à haut risque augmente la récidive chez les délinquants à faible risque (Wakeling et al 2012)
  • Pas de preuve d’un traitement efficace en détention
    • plus de bénéfices à participer à des interventions moins intensives

Gestion du risque des abus sexuels parentaux

  • « Risque faible » mais pas “absence de risque” ; conséquences pour les victimes
  • Sous-type de délinquant sexuel infantile insuffisamment étudié
  • Déficit de politique pénale, nécessité d’évaluer les options alternatives
  • Viabilité de réponses communautaires inconnue
  • Peu de programmes de déjudiciarisation, rares évaluations formelles (Exception : NSW Pre-trial Diversion Program (1992 ; 2009)
  • Le risque dynamique est la clé de la gestion
  • Les instruments de mesure du risque sont insensibles aux facteurs dynamiques chez les délinquants sexuels parentaux: Recommandation de l’auteure d’utiliser la VRS-SO, l’Échelle de risque de violence – Version pour délinquants sexuels (VRS-SO, Wong, Olver Nicholaichuk & Gordon 2003))

 

Jane Goodman-Delahunty est professeur à la faculté de droit de l’université de Newcastle et membre du tribunal civil et administratif de Nouvelle-Galles du Sud. Formée en droit et en psychologie cognitive, elle mène des études empiriques transdisciplinaires afin de promouvoir des pratiques fondées sur des preuves pour améliorer la justice. Elle a obtenu plus de 9 millions de dollars de financement pour ses recherches et a publié plus de 200 articles et ouvrages scientifiques. Elle a été professeur invité en Chine, en Angleterre, à Hong Kong, en Inde et au Japon. Nommée membre de l’American Psychological Association en 1996, elle a été rédactrice en chef de Psychology, Public Policy, and Law. Avant d’occuper un poste universitaire en Australie, elle a pratiqué le droit pendant 20 ans dans les secteurs privé et public. Elle a été juge administratif pour la Commission américaine pour l’égalité des chances en matière d’emploi et médiatrice auprès de JAMS. Le professeur Goodman-Delahunty a dirigé des projets de recherche internationaux et formulé d’importantes recommandations pour la réforme de la justice sur des sujets tels que le harcèlement sexuel, les interrogatoires de police, les processus d’interrogation, l’interprétation juridique et l’évaluation des blessures psychologiques. Le professeur Goodman-Delahunty travaille au niveau international en tant qu’expert consultant en matière de mémoire humaine, de comportement des jurés et d’agressions sexuelles sur des enfants et des adultes.

Delinquance sexuelle parentale_goodman-delahunty

Comportement antisocial limité à l’adolescence ou persistant à l’age adulte?

Un certain nombre d’ adolescents des pays développés contemporains s’adonnent à la délinquance juvénile. Mais pourquoi la plupart des délinquants s’arrêtent-ils alors que quelques-uns deviennent des criminels de carrière violents ? La taxonomie développementale de Moffitt propose que les actes antisociaux soient commis par deux « groupes » de personnes très différents :

  • Un groupe « persistant au cours de la vie » dont le comportement antisocial apparaît tôt dans la vie et qui devient un délinquant à vie,
  • et un groupe plus important « limité à l’adolescence » qui commet des délits au cours de l’adolescence, et qui se rétracte principalement lorsqu’il devient adulte, avec un emploi et une famille.

La théorie contient de nombreuses propositions vérifiables. Elle a eu un impact considérable, contribuant à de nouvelles méthodes d’étude des données longitudinales et façonnant le discours sur la construction sociale de la criminalité, les nosologies psychiatriques, la criminalité et la punition, et les droits et responsabilités juridiques (Moffitt, 1993). La trajectoire persistante du parcours de vie se caractérise par des comportements antisociaux qui ont commencé pendant l’enfance, puis se sont intensifiés, diversifiés et ont persisté dans le temps (Moffitt, Caspi, Dickson, Silva, & Stanton, 1996 ; Moffitt, et al., 2002).

Resumé (Mofitt 1993): Une double taxonomie est présentée pour réconcilier deux faits incongrus concernant le comportement antisocial : (a) il montre une continuité impressionnante au cours de l’âge, mais (b) sa prévalence change radicalement au cours de l’âge, augmentant temporairement de près de 10 fois au cours de l’adolescence. Cet article suggère que la délinquance cache deux catégories distinctes d’individus, chacune ayant une histoire naturelle et une étiologie uniques : Un petit groupe adopte une forme ou une autre de comportement antisocial à chaque étape de la vie, tandis qu’un groupe plus important n’est antisocial qu’à l’adolescence. Selon la théorie du comportement antisocial persistant au cours de la vie, les problèmes neuropsychologiques des enfants interagissent de manière cumulative avec leurs environnements criminogènes tout au long du développement, pour aboutir à une personnalité pathologique. Selon la théorie du comportement antisocial limité à l’adolescence, un écart de maturité contemporain encourage les adolescents à imiter le comportement antisocial de manière normative et adaptative.

Moffitt, T. E. (1993). Adolescence-limited and life-course-persistent antisocial behavior: A developmental taxonomy. Psychological Review, 100(4), 674–701