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Michel Bénézech (2010) Préface du dossier « Maladie mentale et troubles de la personnalité » publié par l’IPJ

Michel Bénézech est psychiatre honoraire des hôpitaux, ancien chef de service SMPR de la maison d’arrêt de
Bordeaux-Gradignan, professeur de droit privé à l’Université de Bordeaux IV. Expert judiciaire honoraire, il a
été professeur associé des Universités en médecine légale et en droit privé. Spécialiste de renommée internationale en matière de psychiatrie criminelle, conseiller scientifique de la gendarmerie nationale, il est l’auteur de 500 publications scientifiques et coauteur d’une trentaine d’ouvrages.

La politique de l‟autruche est une spécialité bien de chez nous. Nous l‟avons déjà personnellement observée pour le SIDA et les dons de sang en milieu carcéral où il fallut attendre trois ans pour que les premiers textes réglementaires consacrés à l‟hygiène et à la prévention soient promulgués, alors que les statistiques internationales signalaient la fréquence élevée de la séropositivité VIH chez les détenus toxicomanes utilisant l‟héroïne par voie veineuse. Admettre la dangerosité de certains patients souffrant de troubles psychiatriques graves est du même ordre, celui du refus de la réalité, des connaissances scientifiques anciennes et contemporaines, des faits divers criminels impliquant comme auteurs des malades mentaux.  Faut-il rappeler que le droit romain classique cite déjà l‟exemple d‟Aelius Priscus, un furieux (furiosus), meurtrier de sa mère, vraisemblablement schizophrène, reconnu irresponsable mais devant être enfermé pour l‟empêcher de « nuire aux autres ». La longue histoire de la psychiatrie médico-légale est remplie de violences meurtrières perpétrées en tous temps et tous lieux par de malheureux « fous » et de dispositions restrictives les concernant. Le docteur Maudsley en 1874 (Le crime et la folie), le docteur Blanche en 1878 (Des homicides commis par les aliénés), le professeur Claude en 1932 (Psychiatrie médico-légale), les docteurs Porot et Bardenat en 1959 (Psychiatrie médico-légale) et 1960 (Anormaux et malades mentaux devant la justice pénale) ont tous rapporté en détail les relations complexes entre les troubles mentaux et les infractions violentes et non violentes. Mais oublions un peu le passé pour nous pencher sur la situation actuelle. N‟est-il pas extraordinaire qu‟en 2010 on pratique de manière identique les expertises psychiatriques pénales qu‟il y a trois siècles, à savoir le plus souvent un examen mental unique de quelques dizaines de minutes ! Cette « expertise » est censée dire le passé (les antécédents), le présent (l‟état mental lors des faits ou au moment de l‟examen) et le futur (la dangerosité potentielle).  Elle jouera un rôle important en cours d‟instruction, devant les assises, si la responsabilité totale ou partielle est retenue, pour l‟application des peines dans le cas où une mesure de mise en liberté est envisagée. Certes, vous me rétorquerez que la psychiatrie a beaucoup évolué dans ses concepts et ses classifications, que des contre- et des sur-expertises sont possibles, mais il n‟en est pas moins vrai que nous restons toujours dans le domaine du subjectif, des opinions philosophiques et de la formation professionnelle du ou des experts « psy » et surtout d‟un temps d‟examen forcément bref, même si dans les affaires les plus médiatisées les entretiens sont parfois répétés. Que dirait un bon père de famille si sa fille lui racontait vouloir épouser sans délai un garçon rencontré depuis seulement quelques dizaines de minutes à la terrasse d‟un café ? Il conseillerait sans aucun doute de ne pas se précipiter, de voir si leurs goûts s‟accordent, de prendre des renseignements sur le futur et sa famille, le mariage étant une chose sérieuse en dépit de la possibilité de divorcer… Et bien en cour d‟assises, il paraît normal, ordinaire, banal de juger une personne avec des expertises mentales (psychiatrique, psychologique) qui durent le temps d‟une ou deux consommations à la terrasse d‟un café !

 

Le problème d‟une évaluation sérieuse, aussi bien familiale, sociale, professionnelle, mentale, criminologique, d‟une personne mise en examen ou condamnée pour des faits criminels reste donc posé en dépit des avancées législatives actuelles. Tout individu auteur d‟une infraction majeure (homicide, violences graves, viol, acte pédophilique), complexe (amnésie des faits, usage de psychotropes, pluralité d‟auteurs ou de victimes) ou sérielle (récidivisme sur le même mode ou sur un mode différent) devrait faire l‟objet d‟une évaluation initiale approfondie de longue durée (quatre à six semaines au minimum) effectuée en milieu spécialisé par une équipe pluridisciplinaire disposant de la totalité des données judiciaires et médico-sociales le concernant. Cette évaluation scientifique et objective, utilisant obligatoirement des méthodes actuarielles, serait répétée aux moments clés de l‟évolution pénale de l‟individu, permettant, par comparaison des bilans successifs, de suivre son évolution et les résultats des mesures de traitement et de réinsertion qui lui seraient proposées ou ordonnées. En sus de la qualité des évaluations obtenues, on éviterait les cafouillages, les contradictions et les insuffisances des expertises mentales actuelles. Un autre domaine qui nécessiterait une réforme et une simplification législative est celui de la dangerosité sociale, dangerosité psychiatrique et criminologique étant en pratique totalement confondues. Rappelons qu‟environ 10 % des homicides en Europe sont commis par des patients psychotiques au moment des faits et que la grande majorité des auteurs d‟homicides tout venant souffrent d‟une ou plusieurs perturbations mentales mineures ou majeures : conduites addictives, troubles anxieux, troubles de la personnalité (psychopathie), troubles de l‟humeur (dépression), états psychotiques aigus ou chroniques (schizophrénie, paranoïa). C‟est à juste titre que la fréquence et la précocité des comportements violents ainsi que la co-morbidité psychiatrique sont considérées comme des facteurs multipliant le risque de passage à l‟acte ou de récidive criminelle. Selon notre avis personnel, il devrait exister dans notre droit une loi unique de défense et de réinsertion sociales qui concernerait le suivi régulier des mesures de sûreté et de soins ainsi que la prise en charge sociale, aussi bien dans la communauté qu‟en milieu fermé (établissements pénitentiaires, hôpitaux psychiatriques), des personnes évaluées comme dangereuses. Que ce soit en liberté, en prison ou à l‟hôpital psychiatrique, le problème de la dangerosité et de son traitement médico-socio-judiciaire est le même. Bien entendu, la dangerosité majeure ne concerne qu‟une minorité de délinquants et de malades présentant des troubles mentaux sévères, mais cette minorité active est à l‟origine d‟infractions variées souvent graves (violences parfois mortelles, incendies volontaires, agressions sexuelles). S‟il est juste que le « fou meurtrier » soit considéré comme irresponsable et non punissable, il n‟en demeure pas moins qu‟il doit rester aussi longtemps que nécessaire sous la surveillance attentive des autorités judiciaires, administratives et médicales. Il doit faire l‟objet de strictes mesures de sûreté avant son retour éventuel dans la société lorsque son état mental et son évaluation criminologique l‟autorisent et à la condition d‟un suivi obligatoire et régulier à l‟extérieur. Les mêmes principes de sécurité et de prévention de la récidive s‟imposent pour le criminel dangereux condamné, avant et après sa remise en liberté. N‟oublions jamais les victimes.

Voir le Dossier complet : Psychiatrie-IPJ-DEF.pdf

RAPPORT D’INFORMATION sur le suivi des auteurs d’infractions à caractère sexuel PRÉSENTÉ PAR M. le député Étienne BLANC (29/02/2012)

Pour la session 2011-2012, la mission d’information relative à l’exécution des décisions de justice pénale a souhaité se consacrer au suivi des auteurs d’infractions à caractère sexuel, tant dans sa composante judiciaire et pénitentiaire que dans sa dimension médicale et psychologique. Les infractions à caractère sexuel, particulièrement choquantes, appellent en effet une double réponse de la part des autorités publiques. Conscients de leurs actes et ne souffrant que pour une faible part d’entre eux de pathologies proprement psychiatriques, les auteurs d’infractions à caractère sexuel sont pénalement responsables ; mais, leurs actes révélant un comportement déviant et, bien souvent, d’importants troubles de la personnalité ou du comportement, ces individus relèvent aussi du soin. Aussi le traitement pénal de ces infractions présente-t-il certaines particularités. Depuis le début du XIXe siècle, l’institution judiciaire s’est tournée vers le monde médical pour tenter, dans un premier temps, de répondre à la question de la responsabilité de l’auteur d’un acte sexuel déviant, puis dans le but de prévenir la récidive. Un glissement s’est opéré dans la façon dont la société appréhende les violences sexuelles. D’immoraux, ces actes sont devenus pathologiques. Le recours à la science a constitué un moyen, pour la société, de se rassurer face à des atteintes aux personnes et à leur intimité de moins en moins tolérées au fur et à mesure de la « civilisation des mœurs ». Le psychiatre, en particulier, est sommé de jouer un rôle de premier plan dans la prise en charge de ces personnes perçues comme particulièrement dangereuses. Votre rapporteur s’est attaché, en premier lieu, à analyser le bien-fondé de ces représentations. Les auteurs d’infractions à caractère sexuel sont-ils des délinquants comme les autres ? Présentent-ils, comme certaines affaires particulièrement médiatisées le suggèrent, un risque de récidive plus élevé que les auteurs d’autres types d’actes délictueux ? Quelles sont les causes de leurs passages à l’acte et les facteurs susceptibles d’être maîtrisés par l’intervention de la justice ? Répondre à ces questions est un préalable indispensable à la réflexion qui anime ce rapport.

http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i4421.pdf

 INTERNATIONAL JOURNAL OF FORENSIC MENTAL HEALTH (10: 178–186, 2011) Protective Factors for Violence Risk in Forensic Psychiatric Patients: A Retrospective Validation Study of the SAPROF

Michiel de Vries Robbe, Vivienne de Vogel, and Eva de Spa ´Van der Hoeven Kliniek, Utrecht, The Netherlands

The Structured Assessment of PROtective Factors for violence risk (SAPROF) has recently been developed as a strengths-based addition to the assessment of risk for future violent behavior (de Vogel, de Ruiter, Bouman, & de Vries Robbe, 2009). Following the Structured ´Professional Judgment (SPJ) model, the positive and predominantly dynamic factors in the SAPROF were designed to counterbalance the assessment of risk as measured by risk assessment instruments, such as the HCR-20. The present retrospective study provides a first validation of the SAPROF in a Dutch sample of 126 forensic psychiatric patients. Analyses showed good interrater reliability, good predictive validity for non-recidivism of violence after clinical treatment for both the SAPROF total score and the SAPROF Final Protection Judgment and good predictive validity for violent recidivism for a combined HCR-20 – SAPROF total score. The predictive validity of the combined HCR-20 – SAPROF measure significantly outperformed the predictive validity of the HCR-20 in this study. Repeated assessments of the same patients over time demonstrated a significant improvement of SAPROF scores during treatment. Overall, the results provide evidence for the relationship between the presence of protective factors and non-recidivism of violence and for the additional value of protective factors in the assessment of risk for future violence. Moreover, the sensitivity of SAPROF scores to change provides support for the usefulness of the instrument in planning and evaluating treatment interventions.

http://www.forumeducatief.nl/

André Davidovitch. Pinatel Jean, La criminologie.Revue française de sociologie, 1962, vol. 3, n° 1, pp. 92-96.

La criminologie clinique « consiste essentiellement dans l’approche multidisciplinaire du cas individuel, à l’aide des principes et des méthodes des sciences criminologiques ou criminologies spécialisées » . Elle a pour but « par analogie avec la clinique médicale, de formuler un avis sur un délinquant, cet avis comportant un diagnostic, un pronostic et éventuellement un traitement »

Quant au déroulement du processus criminel qui débouche sur l’acte, il faut se référer à De Greef qui en a fourni une analyse psychologique très poussée, à l’occasion du processus criminogène conduisant à l’homicide utilitaire . Des trois phases qu’il discerne dans la dynamique criminelle (acquiescement mitigé, acquiescement formulé, période de crise) seule la dernière est représentative de l’état de danger (p. 165) qui se caractérise par l’imminence, par une très forte probabilité de passage à l’acte. Telle serait, en effet, la définition la plus extensive du concept d’état dangereux, dont l’examen nous fait pénétrer dans le domaine de la criminologie clinique.

 

Pour saisir le sens opérationnel exact de ce terme dans la criminologie actuelle il faut partir de la notion de témibilité forgée par Garofalo et de son complément d’adaptabilité sociale. Dans un premier moment, le savant italien a préconisé que la mesure pénale soit fondée « sur la perversité constante et agissante du délinquant et la quantité de mal qu’on peut redouter de sa part », c’est-à-dire sur sa témibilité ou capacité criminelle (pp. 130-131). Très vite il eut le sentiment que le terme temibilità qu’on a traduit en français par dangerosité avait un caractère trop négatif. Il a suggéré également la prise en considération du degré d’adaptabilité du sujet (« idonéité à la vie sociale s>). Le concept actuel d’état dangereux renferme ces deux éléments: le diagnostic d’état dangereux doit les évaluer dans chaque cas, le pronostic de rééducabilité et le type de criminosité variant en fonction de diverses combinaisons possibles de la dangerosité et de l’adaptabilité (p. 168).
L’état dangereux comporte quatre formules individuelles :
a) Capacité criminelle très forte et adaptabilité très élevée. Cette formule correspond à la forme la plus grave de l’état dangereux (p. 169). Dans cette catégorie on peut classer les sociables dénués de moralité, les criminels à col blanc étudiés par Sutherland. Parfaitement adaptés au crime, apparemment en règle avec les normes de la vie sociale, ils savent ne pas se faire prendre; on les voit rarement en prison.
b) Capacité criminelle très élevée et adaptabilité très faible. Degré inférieur mais encore grave de la dangerosité (la plupart des criminels professionnels dont « la carrière se déroule sous le double signe de l’organisation méthodique et du refus d’exercer un métier socialement défini »).
c) Capacité criminelle peu élevée et adaptabilité très faible. Formule moins dangereuse que les deux précédentes. Les inadaptés psychiques, les débiles et les caractériels, parmi lesquels se recrute la clientèle habituelle des prisons, se classent dans ce groupe.
d) Capacité criminelle très faible et adaptabilité très élevée. Forme légère de l’état dangereux (on trouve dans ce groupe les délinquants occasionnels, qui peuvent cependant commettre des crimes graves). Ces quelques éléments suffisent pour suggérer sur quelles bases doit s’établir ou s’établit le pronostic d’état dangereux et dans quelles conditions ce pronostic peut constituer un des fondements du traitement. Rappelons encore que J. Pinatel tout en préconisant leur emploi raisonné, met en garde contre la mystique des tables de pronostic. On trouvera au chapitre IV de la II* partie (pp. 172-185) un exposé détaillé et critique des principaux schémas actuellement connus, dont ceux qui ont été mis au point par E. et S. Glueck aux Etats-Unis paraissent être les plus perfectionnés.

http://www.persee.fr/article_rfsoc_0035-2969_1962_num_3_1_6857.pdf

L’exécution de la peine privative de liberté,  Problèmes de politique criminelle
Anabela Miranda Rodrigues

Professeur à la Faculté de Droit de l’Université de Coimbra, Directrice du Centre d’Etudes Judiciaires , Portugal

Colloque  de la Fondation internationale pénale et pénitentiaire « L’exécution des sanctions privatives de liberté et les impératifs de la sécurité » 2006 , Budapest, Hongrie

L’identification des individus dangereux (risk offenders) est faite par des méthodes de type actuariel – on parle d’actuarial justice – la méthode de “l’analyse des risques” (risk assessment). Ceci suppose de prendre comme base des “indicateurs”, dont la quantification est le point de départ pour établir un pronostic sur le danger de certains groupes ou classes d’individus. La punition ne dépend ni de la nature du crime, ni de la personnalité du délinquant, mais bien de l’évaluation de son profil de risque, lequel détermine la durée du contrôle: plus ou moins prolongé selon le danger (…)
Le changement est substantiel: à l’inverse de la “vieille” pénologie, qui se basait sur l’individu et se préoccupait des causes de la perpétration du crime, ayant en vue sa “correction”, la “nouvelle” pénologie s’intéresse au groupe de risque auquel est dit appartenir l’individu, pour le rendre inoffensif, le surveiller et le contrôler. De nouvelles techniques pénologiques (surveillance électronique ou techniques statistiques) surgissent, qui ont pour objectif d’établir des niveaux de risque et de prévoir le danger, pour adapter ainsi le contrôle aux niveaux de risque présentés par un certain groupe d’individus. La culpabilité ayant été substituée par le danger, il est demandé à l’État de faire de la gestion du risque (du crime), en présumant que la société, ayant sacralisé la valeur sécurité, renonce à supporter un risque, quel que soit son pourcentage. Quand la culpabilité définit la frontière absolue de distribution des risques entre l’individu et la société, c’est sur cette dernière que retombe le risque de récidive. Inversement, la gestion efficace du risque que le nouveau abordage du crime requiert, implique qu’il retombe sur l’individu, le soumettant à une intervention de sécurité et de contrôle d’intensité maximale. La récidive est un facteur d’évaluation de l’efficacité du contrôle exercé sur l’individu – c’est le système comme tel qui est sujet à évaluation et non le succès ou l’échec d’un programme de traitement, de telle sorte qu’un haut taux de récidive est un signal positif que le système a la capacité de détecter. Cela implique une nouvelle orientation des instruments traditionnels (par exemple: probation ou liberté conditionnelle), qui ne sont plus vus comme moyens de réhabilitation individuels, mais bien comme des mesures efficaces de contrôle prolongé des individus. De cette création par le système de ses propres expectatives relativement à son accomplissement découle une auto‐limitation de son exposition à des indicateurs qu’il contrôle lui‐même: les gestionnaires du système peuvent assurer que leurs problèmes ont une solution.

http://fondationinternationalepenaleetpenitentiaire.org/

si le lien est brisé:

09. Budapest – Anabela Miranda Rodrigues

Accès à l’intégralité des articles du colloque:

http://fondationinternationalepenaleetpenitentiaire.org/

 FRANCE CULTURE (23.08.2012) Emission « Le grain à moudre »: Justice pénale : la gauche est-elle « laxiste » ?

Avec:
Alexandra Onfray, présidente fondatrice du syndicat Magistrats pour la Justice, procureur-colonel du Tribunal aux armées de Paris

Xavier Lameyre, vice-président chargé de l’application des peines au tribunal de Paris et professeur de criminologie et de pénologie à l’université Paris 2. Il est l’auteur de 
Le Glaive sans la balance paru en 2012 aux éditions Grasset

Léon-Lef Forster, avocat pénal

Anne Wyvekens (2010) La rétention de sûreté en France : une défense sociale en trompe-l’œil (ou les habits neufs de l’empereur)

Anne Wyvekens, Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques (CERSA/CNRS-Université Paris 2), Facultés universitaires Saint-Louis

La loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté (et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental) a fait couler beaucoup d’encre. Juristes et psychiatres s’accordent pour y voir un basculement dans la façon dont la loi pénale française envisage les rapports entre délinquance et trouble mental, entre sanction et soin. Les premiers, qu’ils en approuvent ou en déplorent le contenu, évoquent, qui une double révolution en droit pénal français (Pradel, 2008), qui une rupture en politique criminelle (Lazerges, 2008). Les assises mêmes du droit pénal sont en cause, n’hésite pas à affirmer un troisième auteur (Mayaud, 2008). Quant aux psychiatres, ils s’inquiètent d’une confusion extrême entre le soin et la peine et du risque de détourner la psychiatrie publique de sa mission qui est bien celle de soigner les malades mentaux (Senon, Manzanera, 2008).
Punir les malades mentaux ? Soigner les délinquants? Deux professions s’interrogent, s’inquiètent. Sans refaire l’histoire des rapports entre justice (pénale) et psychiatrie, à l’intersection des deux champs, dans celui, interdisciplinaire, de la réflexion criminologique, on voudrait proposer une lecture «transversale» de la loi, en posant la question de savoir si et dans quelle mesure on peut y voir non seulement la «découverte» de la dangerosité mais également la mise en œuvre d’une logique de défense sociale. La législation pénale française n’a jusqu’ici été que modérément influencée par cette doctrine d’inspiration positiviste. Toutefois, ces évolutions récentes, culminant dans la dite loi (25 février 2008), présentent un certain nombre de traits qui y renvoient nettement (I). À l’analyse, la « rupture» évoquée, bien réelle sur le plan des principes, renvoie moins à une politique qu’à une rhétorique dissimulant mal la difficulté de répondre à la question soulevée.

http://halshs.archives-ouvertes.fr/