Ressources en psychocriminologie, psychologie forensique et criminologie
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La réactance psychologique, théorisée par Jack W. Brehm en 1966, est un concept central pour comprendre les mécanismes de résistance chez les individus confrontés à des restrictions perçues de leur liberté. Dans le domaine de la criminologie, notamment lors de l’intervention auprès de populations difficiles comme les jeunes délinquants ou les membres de gangs, cette théorie offre des clés pour adapter les pratiques, comme l’entretien motivationnel, afin de réduire les comportements oppositionnels et favoriser l’engagement thérapeutique.

Selon Brehm, la réactance se manifeste lorsqu’un individu perçoit une menace contre sa liberté d’agir ou de penser. Cet état motivationnel déclenche une résistance active ou passive visant à restaurer le sentiment de contrôle. Par exemple, un adolescent confronté à une interdiction parentale stricte pourrait adopter un comportement contraire par rébellion.

Facteurs amplificateurs :

  • Importance de la liberté menacée : Plus la liberté est valorisée (ex. : autonomie chez les jeunes gangsters), plus la réactance est intense.
  • Légitimité perçue de la source : Une autorité jugée illégitime (ex. : un travailleur social perçu comme distant) exacerbe la résistance.
  • Caractère coercitif des demandes : Les ordres directs activent davantage la réactance que les suggestions empathiques.

L’entretien motivationnel : Une réponse à la réactance

L’EM, initialement développé en alcoologie, intègre des principes psychosociaux pour contourner la réactance. Il s’appuie notamment sur :

  • L’autonomie : En rappelant au sujet qu’il est « libre de refuser », on minimise la perception de contrainte.
  • L’empathie : Une posture non jugementale réduit les tensions et favorise l’alliance thérapeutique.
  • L’exploration des ambivalences : Aider le sujet à verbaliser ses propres motivations (ex. : « Quels avantages trouvez-vous à rester dans le gang ? ») évite les confrontations directes.

 Applications en criminologie : Dépasser la résistance

Jack W. BREHM

Dans les contextes criminologiques, la réactance est fréquente chez les populations cibles (détenus, jeunes délinquants), souvent méfiantes envers les institutions. l’EM et la théorie de Brehm s’articulent pour:

a) Réduire l’opposition lors des entretiens
Les travaux de Cyr et al. (2014) soulignent que le soutien émotionnel de l’intervieweur diminue la résistance des enfants lors d’entretiens d’enquête. Transposé aux adultes, cela implique :

  • Éviter les questions accusatoires.
  • Valider les émotions (« Je comprends que cette situation soit frustrante »).

b) Adapter les programmes de réinsertion
Les programmes de fidélisation ou de contraintes rigides (ex. : couvre-feux stricts) peuvent générer un rejet via la réactance. En revanche, des approches flexibles, centrées sur les objectifs personnels du sujet (ex. : retrouver sa famille), renforcent la coopération.

Stratégies pratiques
ex: Gestion de la réactance en milieu carcéral : Former les agents à des techniques de communication non coercitives (ex. : choix limités plutôt qu’ordres) pour réduire les incidents.

Experience de psychologie sociale illustrant la réactance: 

Une expérience réalisée en 1976 par M.E. Hellman est une autre illustration de la réactance. Cet auteur a demandé à des passants de signer une pétition en faveur du contrôle du prix de la viande et des légumes. Mais avant que les gens ne se décident à signer, il leur lisait la première, les deux premières ou l’ensemble des informations suivantes :
1. Un certain Raymond T, membre d’une association locale, s’est déclaré franchement hostile à toute idée de contrôle des prix car, selon lui, elle met en danger l’économie.
2. Raymond T a déclaré en plus qu’en aucun cas, on ne devait être autorisé à proposer ou à signer cette pétition.
3. Raymond T a jouté qu’il se proposait, en plus, de prendre des renseignements sur tous ceux qui signeraient.

Comme le montrent les résultats :

  • 50 signatures dans le premier cas,
  • 72 signatures dans le second,
  • 88 signatures dans le troisième,

Plus l’atteinte à leur liberté de choix est importante, plus les sujets concernés s’engagent dans le comportement menacé.

(Experience tirée de Dr Jean michel PIQUET (2019) Manuel Pratique d’entretien motivationnel, Inter-éditions)

La criminologie s’intéresse de près à la prédiction de la récidive, surtout chez les délinquants sexuels. Pourquoi ? Parce qu’une évaluation précise du risque permet de mieux protéger la société, d’adapter les peines et de cibler les interventions thérapeutiques. Mais *comment* prédire ce risque avec rigueur ? Une méta-analyse majeure, réalisée par le chercheur R. Karl Hanson et publiée en 2007, apporte des réponses éclairantes.

Une étude clé : Une méta-analyse de 118 recherches

L’article The Accuracy of Recidivism Risk Assessments for Sexual Offenders (Hanson, 2007) synthétise 118 études menées entre 1970 et 2006, impliquant plus de 45 000 délinquants sexuels.

Objectif : évaluer la fiabilité des outils utilisés pour prédire la récidive.

Les méthodes d’évaluation comparées:
1. L’approche clinique : Basée sur le jugement subjectif des professionnels (médecins, psychologues).
2. Les outils actuariels : Des échelles statistiques objectivées (ex : Static-99, RRASOR) croisant des facteurs de risque (âge, antécédents, type d’infraction…).

Résultats marquants
1. La supériorité des outils actuariels :
– Ils prédisent la récidive avec une précision modérée mais significative (AUC ≈ 0,67 à 0,75).
– Les échelles comme la Static-99 sont plus fiables que le jugement clinique seul, car elles éliminent les biais cognitifs.

2. Les limites du jugement clinique :
– Les évaluations subjectives (jugement professionnel non structuré) sont moins précises (AUC ≈ 0,58), souvent influencées par des stéréotypes ou l’expérience individuelle du clinicien.

Implications pratiques

Pour la justice :
Les outils actuariels aident à prioriser les ressources (surveillance renforcée, thérapies) pour les individus à **haut risque**, évitant la sur-surveillance des profils à faible risque.

Pour la réinsertion :
Combiner outils actuariels et évaluations dynamiques (comportement en détention, progrès thérapeutiques) offre une vision plus complète.

Pour les cliniciens :
Hanson souligne la nécessité de former les professionnels à l’usage des échelles validées, sans négliger le contexte individuel.

Les défis persistants
1. Le risque de stigmatisation :
Un score élevé ne doit pas conduire à une exclusion définitive. L’étude rappelle que la majorité des délinquants sexuels ne récidivent pas (taux moyen de récidive à 5 ans : 10-15%).

2. L’évolution des outils :
Les recherches récentes intègrent désormais des facteurs de protection (soutien social, emploi) pour affiner les prédictions (ex : outils STABLE-2007).

La méta-analyse de Hanson confirme que la science a progressé dans l’évaluation du risque de récidive, mais elle rappelle une évidence : aucun outil n’est infaillible. L’avenir ? Allier la rigueur des données à une approche humaine, où l’évaluation sert avant tout la prévention et la réinsertion.

Hanson, R. K. (2009). The accuracy of recidivism risk assessments for sexual offenders: a meta-analysis of 118 prediction studies. Psychological Assessment, 21(1), 1–21.

 

Présentation du formulaire « ONE Interview Worksheet »

Le trés productif département des services penitentiaires de Washington a publié un « formulaire d’entretien« , a savoir une sorte de  « fiche arrivant » destinée à relever un maximum d’informations et de commencer à structurer l’évaluation (traduction FR en bas de l’article).

Outre la liste des items à explorer, il est proposé aux utlisateurs une stratégie de questionnement à travers des exemples de questions à poser.

Le formulaire « Washington ONE Interview Worksheet » est un guide structuré développé par le Washington State Department of Corrections pour mener des entretiens de gestion de cas auprès de personnes placées en détention ou sous supervision ; il s’appuie sur les principes du modèle Risk-Need-Responsivity (RNR) afin d’identifier efficacement les facteurs de risque et de besoin criminogènes, et d’adapter la prise en charge aux caractéristiques individuelles de chaque personne.

Le formulaire s’inscrit dans une logique d’évaluation actuarielle combinée à une dimension clinique : il structure l’entretien pour recueillir des informations sur le parcours de vie, l’environnement social, la santé mentale, les comportements à risque et les ressources prosociales de l’interviewé.

Structure générale

  1. Introduction de l’entretien : explication du cadre, consignes de neutralité et de clarté de langage pour instaurer un climat de confiance.

  2. Sections thématiques :

    • Historique résidentiel et familial : lieux de vie, soutien social, conditions de logement avant l’infraction

    • Éducation et emploi : parcours scolaire, qualifications, expériences professionnelles récentes

    • Influences sociales et pairs : cercles d’influence, fréquentations, soutiens prosociaux ou délinquants

    • Usage d’alcool et de drogues : fréquences, contextes, antécédents de traitement

    • Santé mentale et troubles associés : repérage de symptômes, antécédents psychiatriques, besoins de suivi

    • Aggression, attitudes et comportements : manifestations de violence, croyances délinquantes, motivation au changement

Le document recommande une posture neutre, l’utilisation d’un langage simple, et l’évitement de questions suggestives. Il souligne l’importance de pauses possibles, compte tenu du caractère émotionnellement exigeant de l’entretien doc.wa.gov.

Utilisation en pratique criminologique

Ce formulaire est conçu pour :

  • Structurer l’évaluation des besoins et mieux planifier les interventions psychosociales et réhabilitatives, conformément aux évidences issues du modèle RBR

  • Faciliter la consignation systématique des informations, favorisant la comparabilité entre dossiers et le suivi longitudinal des progrès individuels

  • Optimiser la coordination entre professionnels (probation, psychologues, travailleurs sociaux) en fournissant un référentiel commun

Le « Washington ONE Interview Worksheet » constitue un outil précieux pour les praticiens en criminologie et en justice pénale souhaitant structurer leurs évaluations de manière rigoureuse et fondée sur la recherche. En intégrant pleinement les principes RBR, il contribue à planifier des interventions personnalisées visant à réduire la récidive et à favoriser la réinsertion sociale.

Formulaire arrivant washington_case-mgmt-wa-one-interview-worksheet

En version originale: case-mgmt-wa-one-interview-worksheet 

Construire une relation collaborative : Modèle EPICS ( Effective Practices in Community Supervision)

Importance d’une APPROCHE ÉQUILIBRÉE
– Les agents de probation formés à l’EPICS qui ont une grande fidélité au modèle (EPICS & CCP) étaient beaucoup plus susceptibles d’être perçus comme fiables par les délinquants dont ils s’occupaient.
– L’étude a montré que plus la confiance entre le délinquant et l’agent augmente, plus les chances d’être arrêté à nouveau diminuent (Labrecque et al. 2013).

IMPORTANCE DE LA CLARIFICATION DES RÔLES
« La recherche suggère qu’un travail efficace avec des clients involontaires se caractérise par des discussions claires, honnêtes et fréquentes sur le rôle de l’intervenant et le rôle du client dans le processus de pratique directe ». (Trotter, 2006)
La clarification des rôles doit être considérée comme l’une des compétences clés dans le travail avec les clients involontaires et a été liée à de meilleurs résultats avec les probationnaires (Andrews et Bonta , 2010).

COMPOSANTES DE LA CLARIFICATION DES RÔLES
– Le double rôle de l’agent de probation
– Éléments flexibles ou inflexibles
– Attentes du délinquant

Exemple: 

« J’ai mentionné qu’une partie de mon travail consisterait à vous aider à travailler sur les pensées et les comportements qui ont pu jouer un rôle dans le fait que vous vous retrouviez en probation. Pendant le temps que vous passerez avec moi, nous utiliserons des outils tels que la chaîne délictuelle, le renforcement des compétences et la résolution de problèmes afin de vous aider à mieux gérer les situations à risque à l’avenir. ».

RÔLE D’AIDANT: Expliquer au PPSMJ que le rôle du personnel est également de l’aider à résoudre les problèmes qu’il rencontre pendant la période de suivi :

  • Aider à fournir des conseils, un soutien et des interventions
  • Identifier les objectifs à atteindre
  • Être ouvert sur les stratégies (interventions) qui seront utilisées au cours des entretiens
  • Aider la personne à reconnaître les situations à risque
  • Travailler avec la personne  pour développer des stratégies à utiliser dans les situations à risque identifiées

 «Une partie de mon travail consiste aussi à m’assurer que vous respectiez les conditions de vos décisions de justice. Cela va impliquer un certain contrôle de ma part. Nous nous rencontrerons régulièrement, je pourrai effectuer des visites à domicile. S’il arrive que vous ne respectiez pas les décisions de justice, je pourrais avoir à en subir les conséquences. Les conséquences possibles d’un non-respect des ordonnances du tribunal sont une révocation de la probation, des peines de prison ou de détention, une augmentation de la fréquence des entretien dans le cadre de votre probation ».

RÔLE DE RESPONSABILISATION è

  • Aider le délinquant à comprendre la nature du travail du personnel
  • Tenir le délinquant pour responsable
  • Contrôler le respect des conditions
  • Il est important d’expliquer clairement au délinquant les conséquences possibles d’un non-respect des attentes.
  • Être clair avec le délinquant sur les attentes en matière de comportement – être direct
  • Préciser les conséquences possibles

 « De même, au cours de nos rencontres il y aura certaines choses qui seront flexibles et d’autres qui ne le seront pas. Par exemple, le fait que nous nous rencontrions chaque mois n’est pas flexible. Cependant, je suis prêt à m’adapter à votre emploi du temps ou à l’horaire du bus pour m’assurer que vous êtes en mesure de vous rendre aux rendez-vous. Par conséquent, l’heure et les jours où nous nous rencontrons sont flexibles. D’autres éléments sont également flexibles, notamment ce sur quoi vous voulez travailler et vous concentrer en premier lieu, ainsi que l’endroit où effectuer votre travail d’intérêt général ».

DOMAINES FLEXIBLES (négociables) ET INFLEXIBLES (non négociables)  :

  • Le personnel doit être clair sur les domaines négociables (heure et jour des réunions de supervision) et les domaines non négociables (fréquence des réunions de supervision, obligation de se présenter).
  • Il est important de comprendre si les exigences non négociables sont basées sur :
    • un mandat légal
    • les attentes de l’organisation
    • les attentes du professionnel

Probationnaire : « Mon dernier CPIP ne semblait pas très intéressé par mes problèmes. Tout ce qui l’intéressait, c’était de savoir si je me présentais à mes rendez-vous et si je payais mes amendes. »

CPIP « Je pense également qu’il est important que vous vous présentiez à vos rendez-vous. Cependant, je me préoccupe des autres choses que vous faites également. En fait, j’espère que nous pourrons travailler sur d’autres problèmes qui semblent avoir conduit à votre sursis probatoire. Quelles sont les autres expériences que vous avez eues en matière de probation ? » (Source= Modèle EPICS : Effective Practices in Community Supervision)

ATTENTES DES PPSMJ :

  • Aider à :
    • Clarifier la nature du rôle du personnel en explorant les idées fausses
    • Clarifier la nature de l’expérience attendue pendant la période de suivi
  • Discuter avec le délinquant de ses expériences antérieures en matière de suivi SPIP
  • Discuter avec le délinquant de ce qu’il attend de son suivi probatoire
  • Discuter avec le délinquant de ce qu’il attend de son CPIP

Sources:

ccp-overview

epics_booster_-_congruent_supervision

Le programme Catch22 de lutte contre les gangs au Royaume-Uni est une initiative multidimensionnelle combinant interventions en milieu carcéral et communautaire, avec une approche centrée sur la réduction des risques, la réhabilitation et la prévention.

Interventions en milieu carcéral

  • Identification précoce et gestion des risques : Les équipes de Catch22 rencontrent les nouveaux détenus dans les 48 heures suivant leur arrivée en prison pour évaluer leur affiliation aux gangs, identifier les tensions communautaires et recommander des mesures préventives (comme des restrictions de mouvement). Cette phase inclut une collaboration avec la police, les services de probation et d’autres agences pour gérer les détenus à haut risque.
  • Programme R.O.A.D. (Rehabilitation Offering Another Direction) : Un programme phare sur 5 jours, conçu pour réduire les attitudes pro-criminelles. Il utilise une approche trauma-informed et restaurative pour aider les participants à réfléchir à leurs choix passés, améliorer leurs compétences communicationnelles et fixer des objectifs prosociaux. En 2023, 80 % des participants ont montré une amélioration de leur comportement en détention et une réduction des attitudes criminelles .
  • Résolution de conflits et médiation : Catch22 facilite des médiations entre détenus impliqués dans des incidents violents, avec un taux de résolution positif de 100 % en 2023. Cela inclut la gestion de rivalités entre gangs et la prévention des récidives .
  • Gestion de cas complexes : Un suivi individualisé pour les détenus à haut risque (comme ceux sous surveillance pour automutilation ou pour violence), avec 100 % d’amélioration des attitudes prosociales chez les participants en 2023 .
  • Formation du personnel pénitentiaire : Des modules sur la culture des gangs, la violence juvénile et les stratégies de désengagement, augmentant de 63 % la confiance des participants à signaler des activités liées aux gangs .

 Interventions communautaires

  • Prévention et désengagement : Travail avec les jeunes à risque (jusqu’à 25 ans) pour éviter leur entrée dans les gangs, via des programmes sur les relations saines, les conséquences des choix, ou la santé sexuelle. Par exemple, le service Kent County Lines and Gangs cible l’exploitation criminelle et les « county lines » (réseaux de trafic de drogues) avec des interventions sur mesure .
  • Soutien aux familles et aux écoles : Implication des proches et des institutions éducatives pour créer un environnement stable, en utilisant des outils comme l’**Outcome Star** pour mesurer les progrès des jeunes .
  • Réinsertion post-carcérale : Collaboration avec les services de probation et les employeurs pour offrir des opportunités d’éducation, de formation et d’emploi. Le programme **Straight Up** à Birmingham, financé par le gouvernement, propose des plans personnalisés incluant des activités de diversion (musique, sport) .

Approche holistique et partenariats

  • Modèle « 3P » (Place, Purpose, People) : Catch22 vise à garantir à chacun un logement stable, un but (éducation/emploi) et un réseau relationnel positif, considérés comme essentiels pour rompre avec les gangs .
  • Collaboration académique : Partenariats avec des universités (ex. Cambridge) pour évaluer l’efficacité des interventions. Par exemple, une recherche menée à HMP Leeds a confirmé l’impact positif des services Catch22 sur la réduction des violences .
  • Formation des professionnels: Des sessions pour les travailleurs sociaux, enseignants et policiers sur la culture des gangs et les stratégies de désengagement, avec 99 % des participants rapportant une meilleure compréhension post-formation .

Résultats et reconnaissance

  • Réduction de la violence : À HMP Thameside, les incidents violents mensuels sont passés de 86 à 26 après l’intervention de Catch22, évitant 60 victimes potentielles par mois .
  • Récompenses : Prix Butler Trust en 2015 pour les services à HMP Thameside; Certificat d’excellence en 2018 pour le modèle jeunesse à HMYOI Feltham, avec des changements comportementaux positifs chez plus de la moitié des participants .

Financeurs : Soutien du Ministère de la Justice, des Commissaires de police (ex. Kent VRU), et de donateurs privés. Le programme Kent County Lines est cofinancé par le PCC (Police and Crime Commissioner) .

Catch22 se distingue par son modèle intégré, alliant suppression des risques immédiats et travail sur les causes profondes de l’adhésion aux gangs, avec des résultats quantifiables en termes de réduction de la violence et de réinsertion sociale.

Patrick Lussier (2018) La delinquance sexuelle

Dans La délinquance sexuelle (2018), Patrick Lussier propose une analyse criminologique exhaustive du phénomène, déconstruisant mythes et présupposés et réorientant le débat vers une approche fondée sur la gestion du risque et des preuves empiriques .

L’un des apports de l’ouvrage est l’examen critique des instruments actuariels et structurés d’évaluation du risque de récidive sexuelle, combinant facteurs statiques (antécédents criminels, caractéristiques démographiques) et dynamiques (intérêts sexuels, compétences relationnelles, soutiens sociaux). Les chapitres « Moneyball et la stratégie correctionnelle » et « Risque, probabilités et récidive sexuelle démystifiés » s’intéressent notamment aux modalités de construction de ces échelles et aux facteurs de risque qu’elles retiennent.

Qui est patrick Lussier?

Patrick Lussier, professeur titulaire de criminologie à l’Université Laval, publie sous la direction de Marc Le Blanc un volume de 408 pages structuré en 18 chapitres, depuis une mise en perspective historique jusqu’aux enjeux contemporains de la « nouvelle pénologie ». L’ouvrage se divise en trois grandes parties :

  1. Fondements criminologiques et sociolégaux (chap. 1–4), où l’auteur défend l’urgence d’une analyse globale et rigoureuse du délinquant sexuel, distincte des visions purement psychiatrique ou sexologique .

  2. Instruments et gestion du risque (chap. 12–15), comprenant un panorama des registres publics, des outils actuariells (Statique-99, RRASOR, SORAG…) et structurés (SVR-20), et une démystification des notions de probabilité et de récidive .

  3. Trajectoires de vie et désistance (chap. 16–17), explorant les facteurs conduisant à l’abandon de la criminalité et les défis éthiques liés aux politiques de registre et de notification.

Principaux instruments d’évaluation du risque

1. Instruments actuariels statiques

  • RRASOR (Rapid Risk Assessment for Sex Offense Recidivism) :
    4 items simples fondés sur les données de dossier : antécédents d’infractions sexuelles, victime(s) non apparentée(s), victime(s) masculine(s) et âge de l’auteur (< 25 ans). Cet outil, développé par Hanson (1997), révèle un AUC oscillant entre 0,62 et 0,77 selon les études .

  • Statique-99 (Hanson & Thornton, 2000) :
    Échelle à 10 facteurs statiques, incluant :

    1. Âge à la condamnation (≥ 25 ans)

    2. Jamais cohabité durablement

    3. Condamnation pour violence non sexuelle (actuelle et antérieure)

    4. ≥ 4 prononcés de peine antérieurs

    5. Antécédents d’infractions sexuelles

    6. Infractions sexuelles sans contact

    7. Au moins une victime de sexe masculin

    8. Au moins une victime sans lien de parenté

    9. Au moins une victime inconnue

    10. Autres condamnations

  • Statique-99R : version révisée (2016) avec codage affiné et pondération améliorée de l’âge, permettant une calibration empirique plus précise des probabilités de récidive sur 5 et 10 ans .

  • SORAG (Sex Offender Risk Appraisal Guide, Quinsey et al., 1998) :
    Actuariel à 14 items, dérivé du VRAG, intégrant antécédents criminels, échec de libération conditionnelle, psychopathie (PCL-R), alcoolisme, statut conjugal, âge lors de l’infraction et caractéristiques des victimes. Principalement orienté vers la prédiction de la récidive violente (incluant la récidive sexuelle) .

    • A vécu avec ses deux parents biologiques jusqu’à l’âge de 16 ans
    • Inadaptation à l’école primaire
    • Antécédents de problèmes d’alcool/drogue
    • Situation matrimoniale
    • Antécédents criminels en cas de condamnation ou d’inculpation pour des délits non violents avant l’infraction de référence
    • Antécédents criminels en cas de condamnations ou d’inculpations pour des infractions violentes avant l’infraction de référence
    • Nombre de condamnations pour des délits sexuels antérieurs
    • Antécédents d’infractions sexuelles à l’encontre de filles de moins de 14 ans uniquement
    • Échec de la libération conditionnelle
    • Âge au moment de l’infraction
    • Répond aux critères du DSM-III pour tout trouble de la personnalité
    • Répond aux critères du DSM-III pour la schizophrénie
    • Résultats du test phallométrique
    • Nombre de points sur la liste de contrôle de la psychopathie – révisée
  • VRAG (Violence Risk Appraisal Guide, Quinsey et al., 1998) :
    Similaire au SORAG mais centré sur la récidive générale violente. Quelques versions révisées (VRAG-R) ont montré une AUC≈ 0,63–0,75 pour la récidive sexuelle et non sexuelle .

  • MnSOST-R (Minnesota Sex Offender Screening Tool–Revised) et RM2000 (Risk Matrix 2000) : Instruments britanniques combinant multiples facteurs statiques (nombre de victimes, type d’infraction, victimes masculines, antécédents de violence non sexuelle, etc.) .

2. Instruments structurés à composantes dynamiques

  • SVR-20 (Sexual Violence Risk – 20, Boer et al., 1997) :
    20 items codés en vulnérabilités ou forces, répartis en : facteurs sexuels (intérêts déviants, paraphilies), dynamiques relationnelles (congruence émotionnelle avec la victime, empathie), maîtrise de soi, gestion des émotions, soutien social, vécu psychosocial (stress, abus de substances, santé mentale) .

  • STABLE-2007 et Acute-2007 : composantes de l’RSVP (Risk for Sexual Violence Protocol), évaluant respectivement les facteurs de risque « stables » (pulsions, déviance sexuelle, intimacy deficits) et « aigus » (état émotionnel, proéminence de fantasmes, accès à des victimes).

Facteurs de risque récurrents

Catégorie Facteurs statiques Facteurs dynamiques
Antécédents criminels Infractions sexuelles antérieures, violences non sexuelles, nombre de peines antérieures
Victimes Victime masculine, victime non apparentée, victime étrangère Préférences sexuelles déviantes, paraphilies ciblées (enfants, viol)
Démographie et relations Âge (< 25 ans/R), célibat, jamais cohabité durablement Compétences sociales, empathie, relations intimes (stabilité, conflits)
Psychopathologie et traits Psychopathie (PCL-R), personnalité antisociale, échec libération Maîtrise de soi, impulsivité, régulation émotionnelle, alcool/drogue
Soutien et environnement Soutien communautaire/familial, stress de vie, intégration sociale

Perspective de Patrick Lussier

Lussier plaide pour une « nouvelle pénologie » axée sur la prédiction et la gestion du risque plutôt que sur l’idéologie punitive ou la psychothérapie standardisée . Il souligne toutefois les limites des outils purement statiques (absence de prise en compte des besoins criminogènes modifiables) et préconise l’intégration de facteurs dynamiques pour orienter la prise en charge et la prévention. L’ouvrage de Patrick Lussier offre un cadre rigoureux pour comprendre le phénomène des infractions sexuelles et la récidive. En décrivant et comparant les principaux instruments d’évaluation — de RRASOR à SVR-20 — il met en évidence les facteurs de risque (criminels, démographiques, relationnels, psychologiques) et insiste sur la nécessité d’allier rigueur empirique et prise en compte des dimensions dynamiques pour améliorer la prédiction et la prévention de la récidive sexuelle.

Et si le changement climatique avait une incidence sur les taux de criminalité? 

“Crime, Weather and Climate Change in Australia” (Awaworyi Churchill, Smyth & Trinh, 2023)

Cette recherche établit un lien robuste entre la température et la criminalité en Australie sur la période 2001–2019, montrant qu’une augmentation d’un écart-type de la température moyenne entraîne une hausse de 0,008 à 0,011 écart-type du taux de criminalité, soit environ 72 000 crimes supplémentaires par an sous l’effet de la chaleur ; et, sous un scénario « business as usual», le changement climatique pourrait générer 1 640 000 crimes additionnels d’ici à 2100.

Contexte

La littérature internationale documente depuis longtemps l’« effet chaleur » sur l’agressivité et la violence (p. ex. Hsiang et al., 2013), mais les études australiennes étaient jusqu’ici rares et fragmentaires. Ce travail s’inscrit dans la veine des recherches économiques sur la météo et la criminalité, en mobilisant un jeu de données couvrant plus de 3 000 codes postaux australiens, complétés par des données socio-démographiques .


Méthodologie

  • Période : 2001–2019, données mensuelles.

  • Unité d’analyse : code postal (N > 3 000), corrélé aux relevés météorologiques locaux .

  • Spécifications de robustesse : variations de la source et interpolation des données de recensement confirment l’effet positif de la température, avec des coefficients compris entre 0,001 et 0,015 selon le modèle .


Résultats principaux

  1. Effet immédiat :

    • +1 écart-type de température → +0,008–0,011 écart-type de taux de criminalité mensuel news.

    • Soit 72 000 crimes en plus chaque année en Australie .

  2. Projection à long terme :

    • Sous un scénario de changement climatique non atténué, on anticipe 1 640 000 crimes supplémentaires d’ici 2100 .

    • Cette estimation intègre les tendances de réchauffement prévues et les relations empiriques établies.


Implications

  • Politiques de prévention : nécessité d’adapter les effectifs et stratégies policières aux vagues de chaleur (estimées à ~ 8 000 policiers supplémentaires par an) .

  • Inégalités sociales : les communautés à faible revenu, moins équipées pour faire face aux fortes chaleurs, seront sur-exposées à la hausse de la violence .

  • Urgence climatique : ces résultats renforcent l’argument pour des politiques d’atténuation et d’adaptation afin de limiter l’impact du changement climatique sur la sécurité publique .


Conclusion

Cette étude pionnière pour l’Australie souligne qu’au-delà des effets environnementaux, le changement climatique agit comme facteur criminogène : la chaleur extrême accroît significativement la violence, et, à terme, des millions de crimes pourraient être attribués au réchauffement planétaire. Elle invite à penser l’action publique de manière intégrée, combinant transitions énergétiques, renforcement des services de sécurité et soutien aux populations vulnérables